J-06-59
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF – SAISIE-ATTRIBUTION – CONCOURS DE SAISIES ET DE PROCEDURE COLLECTIVE DE LIQUIDATION DES BIENS – ATTRIBUTION DES SOMMES SAISIES – SUSPENSION DES POURSUITES.
Des créanciers d’une compagnie d’assurance en liquidation font pratiquer une saisie-attribution sur le compte banCAIRE de la compagnie, compte sur lequel existaient déjà des saisies-arrêts. La saisie n’ayant pas été contestée, le tiers saisi se fait autoriser par le juge des référés du Tribunal Régional de Dakar à consigner les sommes entres les mains du Receveur de l’Enregistrement pour le compte de qui il appartiendra. Le liquidateur fait grief à cette ordonnance.
Après avoir relevé que la règle de l’attribution au premier créancier est mise en échec par l’ouverture des procédures collectives, la Cour d’appel retient que l’arrêt des poursuites individuelles, suite à la liquidation de la compagnie, présente comme corollaire que les créanciers doivent produire leurs titres de créances entre les mains du liquidateur; qu’en l’espèce, les fonds objet de la saisie-attribution devenant une créance pour la masse des créanciers, il convient d’infirmer l’ordonnance et en conséquence d’ordonner la restitution des sommes consignées au liquidateur.
Article 155 AUPSRVE
Article 166 AUPSRVE
(COUR D’APPEL DE DAKAR, ARRET N 222 DU 12 avril 2001, Abdoulaye DRAME es-qualité liquidateur de la Nationale d’Assurance (Maître Boubacar WADE) C/ CBAO S.A Mamadou NDIAYE et 24 autres (Maître SARR Associés et DIAWARA).
LA COUR
PRESENTS :
– Doudou NDIAYE, Président;
– Abdoulaye NDIAYE et Assane NDIAYE, Conseillers. Marne Penda NDOYE, Greffier.
ENTRE :
Monsieur Abdoulaye DRAME es qualité de liquidateur de la nationale d’Assurances, en ses bureaux au 5, Avenue Albert Sarraut à Dakar, mais ayant élu domicile en l’étude de Me Boubacar WADE, Avocat à la Cour.
Appelant.
Comparant et concluant à l’audience par l’organe dudit avocat.
D’une part.
Et :
La Compagnie BanCAIRE de l’Afrique Occidentale dite CBAO SA, dont le siège social est à Dakar, Place de l’Indépendance, prise en la personne de son Directeur Général, en ses bureaux à la place de l’indépendance à Dakar, élisant domicile en l’étude de Maîtres François SARR et Associés S.C.P. d’Avocats à la Cour.
Intimée.
Comparant et concluant par l’organe desdits avocats; D’autre part.
LES FAITS
Suivant exploit de Maître Malick SEYE FALL, Huissier de justice à Dakar en date du 06 janvier 1999, Abdoulaye Drame a interjeté appel d’une ordonnance de référé rendue le 4 janvier 1999 par le tribunal Régional de Dakar, présidé par Mme Habibatou DIALLO GUEYE, enregistré le 17/11/1998, bordereau n 438/25, Vol XXIV, F 95,case 1485 aux droits de Six mille francs.
Et par le même exploit Abdoulaye Drame a fait servir assignation à CBAO SA d’avoir à comparaître et se trouver par-devant la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 15/01/1999 pour y venir voir et entendre statuer sur les mérites de son recours.
Sur cette assignation, l’affaire inscrite au rôle de la Cour sous le numéro 54 de l’année 99a été appelée à la date pour laquelle ladite assignation avait été servie.
A cette date, l’affaire mise au rôle particulier de l’audience a été renvoyée plusieurs fois puis au 15/15/2001, date à laquelle elle a été utilement retenue.
A cette audience Maître Boubacar WADEa déposé des conclusions écrites en date du 3 janvier 2001, tendant à ce qu’il plaise à la Cour :
Dire et juger qu’il n’y a as lieu à consignation.
Confirmer l’ordonnance pour le surplus.
Dire ce que de droit sur les dépens.
A son tour Maître François SARR et Associés ont déposé des conclusions en date du 2/01/2001, 7/02/2001tendant à ce qu’il plaise à la Cour.
Conclusions en date du 2/01/2001.
EN LA FORME
Statuer en ce que de droit sur la recevabilité de l’appel du liquidateur de Nationale d’Assurances.
AU FOND
Débouter tant Mamadou NDIAYE et autres de leurs demande, fins et conclusions que le liquidateur de Nationale d’Assurances de son appel.
Confirmer l’ordonnance des référés du 4 janvier 1999 en toutes ses dispositions.
Condamner l’appelant et Mamadou NDIAYE et autres aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit des soussignés.
Conclusions en date du 7/02/2001
Rejeter l’intégralité des demandes, fins et conclusions tant de Mamadou NDIAYE et autres que du liquidateur de la Nationale d’Assurances.
Déclarer l’appel du liquidateur de Nationale d’Assurances mal fondé.
Confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Adjuger pour le surplus à la CBAO l’entier bénéfice de ses précédentes écritures.
Maître Ibrahima DIAWARAa déposé des conclusions tendant à ce qu’il plaise à la Cour :
Conclusions en date du 15/12/2000
Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel; Infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau.
Ordonner à la CBAO le paiement des causes de la saisie-attribution du 13 août 1998 sous astreinte de 1 000 000 FCFA.
Condamner la CBAO à payer à chacun des concluants la somme de 1 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Condamner CBAO aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Conclusions en date du 9/01/2001
Qu’il échet de rejeter les moyens soulevés comme mal fondés et adjuger aux concluants l’entier bénéfice de leurs écritures.
Conclusions en date du 08/02/2001
Adjuger aux concluants l’entier bénéfice de ses écritures précédentes.
Conclusions en date du 3/03/1999
Déclare recevable l’intervention volontaire de Mamadou NDIAYE et 24 autres.
Les débats ont été clos.
Sur quoi Monsieur le Président a mis l’affaire en délibéré pour l’arrêt à intervenir à la date du 5/04/2001.
DROIT
La cause en cet état présentait à juger les différents points de droit résultant du dossier et des conclusions prises par les parties en cause.
QUID DES DEPENS?
Advenue l’audience publique et ordinaire de ce jour 12/04/2001, la Cour vidant son délibéré a statué en ces termes :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Considérant que par exploit en date du 6 janvier 1999, le liquidateur de la Nationale d’Assurances a relevé appel de l’ordonnance N 020 rendue le 4 janvier 1999 par le juge des référés du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar; que le dispositif de l’ordonnance est ainsi rédigé :
– « Au principal. :
Constatons la jonction des deux procédures.
Déclarons recevable l’action de la CBAO.
Déboutons Mamadou NDIAYE et autres de leurs demandes.
Autorisons la CBAO à consigner entre les mains du Receveur de l’Enregistrement, pour le compte de qui il appartiendra, le solde créditeur du compte de la Nationale d’Assurance ouvert sur ses livres sous le N 38000002/L; ».
Considérant que par conclusions en date du 3 mars 1999 les consorts Mamadou NDIAYE et vingt cinq autres personnes dont la liste figure dans les qualités de l’ordonnance querellée, ont déclaré intervenir volontairement en cause d’appel du fait que l’exploit d’appel ne les a pas visés alors qu’ils étaient parties au procès en première instance.
EN LA FORME
Considérant que tant l’appel que l’intervention volontaire ont été diligentés dans les forme et délai prescrits; qu’il convient de les recevoir.
AU FOND
Considérant que par exploit de saisie-attribution en date du 13 août 1999 Mamadou NDIAYE et consorts ont saisi dans les livres de la CBAO le solde créditeur du compte N 3800000/L appartenant à la Nationale d’Assurances; que des saisies-arrêts antérieures existaient sur le même compte.
Considérant que le liquidateur de la Nationale d’Assurances à qui Mamadou NDIAYE et consorts avaient dénoncé cette saisie n’avait élevé aucune contestation dans le délai d’un mois prévu par l’article 160 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution; que néanmoins la CBAO crut devoir saisir le juge des référés pour se voir autoriser à consigner les sommes, pour le compte de qui il appartiendra, entre les mains du Receveur de l’Enregistrement; que cette procédure a été jointe à celle initiée par Mamadou NDIAYE et autres pour obtenir condamnation de la Banque à libérer entre leurs mains les sommes saisies sous astreinte de 1 000 000 de francs par jour de retard.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que dans ses écritures datées du 3 janvier 2001le liquidateur de la Nationale d’Assurances reproche au premier juge de s’être contredit en opposant, à Mamadou NDIAYE et consorts, que la désignation d’un liquidateur pour la Nationale, par ordonnance du 23 juillet 1998, avait pour effet de suspendre les poursuites individuelles, en application des dispositions de l’article 325 alinéa 8 du code LIMA, puis faire droit à la demande de la CBAO; que selon lui les dispositions de l’article 166 de l’AU sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution ne s’appliquent pas du fait qu’il s’agit d’une procédure appelée à voir un tribunal sur les demandes et contestations conformément à l’article 169 du même texte; que de plus l’alinéa 3 de l’article 325 du Code LIMA, sus-visé, précise que les créanciers doivent produire leurs titres de créance dans le mois qui suit la publication de décision qui retire l’agrément et de l’ordonnance de désignation du liquidateur; qu’en raison donc de cette suspension de toutes poursuites individuelles, il échet d’infirmer l’ordonnance et de dire qu’il n’y a pas lieu à consigner.
Considérant que dans leurs diverses conclusions Mamadou NDIAYE et autres sollicitent l’infirmation de l’ordonnance au motif qu’au vu du certificat de non-contestation délivré par le greffe, les arguments développés par le premier juge apparaissent inopérants comme tardifs; que de plus les dispositions de l’article 166 ne peuvent être invoquées par le tiers-saisi que lorsque des contestations ont été formulées par le débiteur et que ses contestations soient encore pendantes; que poursuivant, ils affirment que la CBAO ne pouvait se prévaloir de la suspension des poursuites en lieu et place du liquidateur qui devait l’invoquer dans le délai de contestation et par voie d’exception; qu’ils concluent à l’infirmation de la décision entreprise pour qu’il soit fait droit à leur demande de paiement.
Considérant que par conclusions en date du 7 février 2001la CBAO, en réplique aux écritures des saisissants, fait observer qu’elle était tenue par la loi de sorte qu’elle ne pouvait payer sans violer la règle de l’interdiction des poursuites individuelles encas de liquidation; qu’elle était d’autant plus fondée à saisir le juge des référés qu’il existait des saisies antérieures sur le même compte; que par rapport à l’argumentation du liquidateur, elle fait valoir qu’il n’y a aucune contradiction entre la désignation d’un séquestre, qui est une mesure conservatoire et l’arrêt des poursuites individuelles; qu’en tout cas la liquidation de la Nationale d’Assurances ne peut lui reprocher d’avoir recours à un séquestre étant donné que celle-ci a laissé courir le délai d’un mois, après la signification de l’acte de saisie, sans élever de contestation; que pour ces motifs elle sollicite la confirmation de l’ordonnance.
SUR CE
Considérant qu’aux termes de l’article 155 de l’A.0 sus indiqué, relatif au concours de plusieurs saisies, le principe de l’attribution immédiate des sommes au créancier premier saisissant est mis en échec par les dispositions organisant les procédures collectives.
Considérant qu’il n’est pas contesté que la Nationale d’Assurances a été mise en liquidation, d’une part et qu’il existait sur le compte litigieux des saisies-arrêts initiées suivant les règles du code de procédure civile; que c’est donc à bon droit que la CBAOaintroduit la procédure de désignation de séquestre conformément à l’article 166 de l’AU.
Considérant, par contre que l’arrêt des poursuites individuelles, suite à la liquidation de la Nationale, présente comme corollaire que les créanciers doivent produire leurs titres de créance entre les mains du liquidateur; qu’en l’espèce les fonds objet de la saisie-attribution devenant une créance pour la masse des créanciers, il convient d’infirmer l’ordonnance et en conséquence d’ordonner la restitution des sommes consignées au liquidateur.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare l’appel et l’intervention volontaire recevables; AU FOND.
Infirme l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau dit que les sommes consignées seront restituées au liquidateur de la Nationale d’Assurances.
Condamne les intervenants aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de DAKAR, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 12/04/2001séant au Palais de justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Doudou NDIAYE, Président, Messieurs Abdoulaye NDIAYE et Assane NDIAYE, Conseillers et avec l’assistance de Maître Mame Penda NDOYE, Greffier.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET.
LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.