J-06-60
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – DIFFICULTES D’EXECUTION – CONSIGNATION – DELAI DE GRACE – JURIDICTION COMPETENTE.
Une banque, condamnée au paiement d’une créance par un arrêt infirmatif, se pourvoit en cassation et est autorisée, par le Président du Tribunal statuant en référé, à consigner le montant de la condamnation dans un compte spécial de la Banque Centrale, en attendant la décision de la Cour Suprême. La société créancière défère l’ordonnance de référé devant la Cour d’appel.
1) Celle-ci déclare le premier juge incompétent pour connaître de l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel en vertu de la règle selon laquelle les difficultés d’exécution sont soumises à l’appréciation du Président de la Juridiction qui a rendu la décision. Seul le Président de la Cour d’appel peut connaître des difficultés d’exécution d’un arrêt ayant infirmé en totalité un jugement.
2) L’article 40 invoqué ne peut recevoir application que si le délai de grâce prévu par l’article 39 est accepté; dès lors que la Cour ayant rendu la décision dont l’exécution est en cause a rejeté la demande de délai de grâce sur le fondement de l’article 39, la mesure accessoire que constitue la consignation ne peut être accueillie.
(COUR D’APPEL DE N’DJAMENA, REPERTOIRE N 441/99 DU 7 octobre 1999, AUDIENCE CIVILE ET COMMERCIALE DE REFERE DU 7/10/99, AFFAIRE : SGCE/PP (Mes MAHAMAT 0. MADANI et DJAÏBE) C/ FINANCIAL BANK TCHAD (Me MAHAMAT HASSANE ABAKAR).
LA COUR
Appel de l’Ordonnance N 542/PT/99 du 3 septembre 1999 du Président du Tribunal de Première Instance de N’Djaména.
L’audience Civile et Commerciale de référé du 07/10/99 tenue à la Salle ordinaire des audiences au Palais de Justice de N’Djaména par Messieurs :
– MAHAMAT SALEH BEN BIANG, Président;
– WADANA Paul, Conseiller;
– NGUENELOUM TERKAM, Conseiller;
– En présence de Mr. HAMID ABDALLAH, Procureur Général tenant le siège du Ministère Public;
– Et avec l’assistance de Maître ANDIGUE WEYENGDI, Greffier.
A été rendu l’arrêt suivant :
Entre :
La SGCE/PP ayant pour Conseils Maîtres MAHAMAT OUMAR MADANI et ALLAÏSSEM K. DJAÏBE, Avocats Défenseurs à N’Djaména.
Appelant d’une part :
Et.
FINANCIAL BANK représentée à l’audience par Me MAHAMAT HASSANE ABAKAR, Avocat Défenseur à N’Djaména.
Intimé d’autre part :
Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties en cause mais au contraire sous les expresses réserves de fait et de droit.
En son audience de référé en date du 03/09/99 le président du Tribunal de Première Instance de Ndjaména rendait une Ordonnance de consignation ainsi conçue en son dispositif : ORDONNONS la consignation de la somme de quatre vingt trois millions trois cent cinquante mille francs.
(83 350 000) F CFA dans un compte spécial de la Banque Centrale en attendant le verdict de la Cour Suprême.
CHARGEONS Me MANAMA Pierre, huissier de justice du Tribunal de Première Instance de Ndjaména pour l’exécution de la présente Ordonnance.
Disons qu’il nous en sera référé encas de difficultés.
Le 07/09/99, SGCE/PP relevait appel de l’Ordonnance précitée.a la suite de cet appel le dossier parvenait en état au greffe de la Cour d’Appel de Ndjaména sous le N 446/99.
Suivant acte en date à Ndjaména Mr le Président de la Cour d’Appel ordonnait que l’affaire serait appelée à l’audience de référé du 16/09/99 à 8 heures du matin.
Advenue l’audience du 16/09/99 le dossier était renvoyé au 23/03/99 pour répliques Financial Bank et au 30/09/99 pour plaidoiries.
Advenu l’audience du 30/9/99 le dossier était mis en délibéré au 07/10/99, date à laquelle la Cour a rendu son arrêt en ces termes :
LA COUR
Vu l’ordonnance du Président du Tribunal de N’Djaména du 03/09/99.
Vu l’appel de SGCE/PP en date du 07/09/99.
Vu les pièces du dossier.
Ouï Maîtres MAHAMAT OUMAR MADANI et DJAÏBE, Conseils de SBCE/PP en leurs observations et plaidoiries.
Ouï Me MAHAMAT HASSANE ABAKAR, Conseil de Financial Bank Tchad en ses observations et plaidoiries.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Par décision au Greffe du Tribunal en date du 07/09/99, Maître NGADJAGOUM, Avocat Stagiaire au cabinet MADANI et DJAÏBE relevait appel de l’Ordonnance de référé du 03/09/99 qui a ordonné la consignation de la somme de 83 350 000 francs dans un compte spécial de la Banque Centrale en attendant le verdict de la Cour Suprême l’appel de SGCE/PP étant fait dans les forme et délai légaux, il convient de le recevoir.
A l’audience du 30/09/99 date de mise en délibéré de l’affaire, les parties étaient représentées par leurs Conseils respectifs de sorte qu’il convient de statuer par arrêt contradictoire à leur égard.
Au fond
Par requête du 1er septembre 1999, Maître MAHAMAT HASSANE ABAKAR, Conseil de Financial Bank Tchad sollicitait du Tribunal la consignation de la somme de 83 350 000 F CFA suite à l’arrêt infirmatif de la Cour d’Appel en date du 18 juin 1999 qui l’a condamnée à verser cette somme à SGCE/PP; la requérante fait valoir que par un pourvoi en date du ter juillet 1999, elle asaisi la Cour Suprême en annulation de cette décision; la Société SGCE/PP est actuellement en cessation de paiement selon les écritures de son Conseil, autrement dit en faillite.
Il serait inopportun et fort risqué de verser une si importante somme d’argent à une Société à l’agonie;a titre de garantie, Financial Bank Tchad sollicite en application de l’article 40 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution la consignation de cette somme à la BEAC compte tenu de l’urgence et du péril en la demeure.
Maître MAHAMAT HASSANE ABAKAR soutient que la consignation demandée est une mesure conservatoire et ne modifie en rien l’arrêt incriminé; par conséquent, cette mesure ne viole pas l’article 208 du CPCcar cela relève du bon sens populaire selon lequel « mieux vaut prévenir que guérir ».
De plus, il prétend qu’il est erroné de soutenir que la consignation prévue à l’article 40 de l’Acte Uniforme ne peut être accordé qu’avec un report ou un rééchelonnement de la créance due; les parties n’ayant pas épuisé toutes les voies de recours, c’est en toute bonne foi que Financial sollicite la consignation du montant de la condamnation et concluant à la consignation de l’Ordonnance :
Dans leurs écritures en appel, Mes DJAÏDE et MADANI soutiennent que suite à l’arrêt infirmatif ayant condamné Financial à payer à leur cliente 83 350 000 F CFA tous préjudices confondus, la Banque avait sollicité de la Cour un délai de grâce en vue de paiement de la somme due; la Cour d’Appel se fondant sur l’article 39 de l’Acte Uniforme avait rejeté la demande.
Par l’effet de l’appel, le Tribunal de Première Instance est dessaisi du dossier; l’article 208 du CPC dispose que si un jugement frappé d’appel est infirmé en totalité l’exécution de l’arrêt N 182 du 18/06/99; il échet donc d’annuler purement et simplement l’Ordonnance querellée.
Les Conseils de SGCE/PP font valoir que l’article 40 de l’Acte Uniforme sur lequel se fonde l’Ordonnance ne peut s’appliquer indépendamment de l’article 39 du même acte; la Cour d’Appel ayant rejeté la demande de délai de grâce, le Tribunal ne saurait censurer la décision de la Cour d’Appel sur la base de l’article 40.
Subsidiairement, les Conseils de SGCE/PP soutiennent que le pourvoi en cassation ne peut faire obstacle à l’exécution de la décision tel que soutenu par le premier juge.
De plus le moyen tiré de ce que SGCE/PP est en cessation de paiement ne saurait prospérer car la Société n’est en liquidation judiciaire; au regard de ce qui précède, SGCE/PP sollicite l’annulation de l’Ordonnance déférée.
Sur quoi
Considérant que les difficultés d’exécution sont soumises à l’appréciation du Président de la Juridiction qui a rendu la décision.
Considérant qu’aux termes die l’article 208 al 2 du CPC si le jugement est infirmé en totalité, l’exécution appartient à la Cour; qu’en l’espèce, l’Arrêt de la Cour du 18/06/99a infirmé en totalité le jugement du Tribunal; que seule la Cour d’Appel peut connaître des difficultés d’exécution relatives à cet arrêt.
Considérant qu’en droit, les Actes faits par un Juge incompétent sont nuls; qu’en conséquence il convient d’annuler l’Ordonnance déférée et d’évoquer.
Considérant que Financial Bank Tchad se fondant sur l’article 40 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution sollicite la consignation de la somme de 83 350 000 F CFA.
Considérant qu’il n’est pas superflu de rappeler que la Cour se fondant sur l’article 39 de l’Acte Uniforme a rejeté la demande de délai de grâce de Financial car les dettes cambiaires sont exclues du champ de cet article; que l’article 40 invoqué ne peut recevoir application que si le délai de grâce est accepté; que l’obligation principale étant exclue du champ de l’article 39, la mesure accessoire que constitue la consignation ne saurait être accueillie; qu’il convient de rejeter cette demande.
Considérant que Financial soutient que s’étant pourvue en cassation, l’Arrêt incriminé serait annulé; que pour prévenir l’insolvabilité de la SGCE/PP qui serait en cessation de paiement selon ses Conseils, elle sollicite conservatoirement et à titre de garantie la consignation.
Considérant que le pourvoi devant la Cour Suprême est une voie de recours exceptionnelle; qu’il ne suspend par l’exécution de la décision de la Cour d’Appel; qu’en conséquence, il convient de rejeter la demande de Financial Bank Tchad et de le condamner aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi Statuant publiquement, contradictoirement, en matière.
Civile et Commerciale, en référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel de SGCE/PP; Au fond : Annule l’Ordonnance querellée.
Dit que le premier Juge n’est pas compétent.
Déboute Financial Bank Tchad de sa demande en consignation.
La condamne aux dépens liquidés à vingt six mille quatre cent soixante quinze (26.475) francs.
Ainsi fait les jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi le présent arrêta été signé par Monsieur le président et le greffier.