J-06-69
RECOUVREMENT ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE-VENTE DE BIENS MEUBLES – DEMANDE EN DISTRACTION D’OBJETS SAISIS – CESSIONS DE PARTS SOCIALES – FORMALITES LEGALES – DEFAUT DE PUBLICITE – INOPPOSABILITE AUX TIERS.
Ayant obtenu contre son débiteur une ordonnance d’injonction de payer, une société procède à la saisie-vente de ses biens mobiliers. Mais un tiers se disant propriétaire de certains de ces biens en demande la distraction. L’ordonnance rendue à cet effet n’a pas pris en compte les exceptions soulevées in limine litis par la société créancière qui sollicitait le rejet de la distraction réclamée, au motif que :
– ladite demande en distraction n’avait pas été signifiée préalablement au débiteur saisi comme le prescrit l’article 14I de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution;
– la cession des parts qui fonderait cette demande serait intervenue en violation des articles 121et 125 de l’A.U. relatif au Droit commercial général et de l’article 3I7 de l’A.U. sur les Sociétés commerciales et GIE, relatifs aux formalités de publicité des cessions de fonds de commerce.
En admettant les mêmes moyens, la Cour d’appel ajoute que le premier juge avait ordonné la distraction des huit objets saisis alors que quatre seulement étaient revendiqués. L’ordonnance querellée a été annulée par la juridiction d’appel au motif qu’il y a été statué au-delà de la demande.
(COUR D’APPEL DE BOUAKE, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 61/2000 du 04 avril 2001AFFAIRE : FORRIAR MICHEL LA STIB (SCPA KONATE et Associés) C/ SANGA PROSPER LEVY MARCEL.
LA COUR
La Cour d’Appel de Bouaké, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mercredi quatre avril deux mil un, à laquelle siégeaient Messieurs :
– SEKA ADIKO FIRMIN, Président de Chambre, Président (Rapporteur);
– LEBE GABAKA, Conseiller-Rapporteur;
– LASME MELEDJE, CONSEILLER, MEMBRE;
– Avec l’assistance de Maître TIANGBE MAMADOU, Greffier a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause entre.
1) FORRIAR MICHEL, Directeur de société, 01BP 120 Bouaké 01.
2) La société Technique et Industrielle de Bouaké dite STIB dont le siège social est à Bouaké 01BP 120 Bouaké.
Appelants représentés et concluant par l’organe de la SCPA KONATE et Associés, Avocats à la Cour, son conseil.
D’une part.
Et.
1) SANGA PROSPER, domicilié à Bouaké, 01BP 602 Bouaké 01.
2) LEVY MARCEL, demeurant à Bouaké Intimés non comparant.
D’autre part.
Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS :
Le Tribunal de Première Instance de Bouaké, statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 28 novembre 2000 une ordonnance n 97 ne portant aucune mention d’enregistrement aux qualités de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.–
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort.
Vu les articles 141du code OHADA portant voie de recours, 121et 125 du code OHADA portant droit commercial général, 52 et 106 du Code de Procédure Civile commerciale et administrative.
Ordonnons la distraction des biens suivants de la saisie :
– 1Incubateur Bretagne 26 n 2646;
– 1Eclosoir Bretagne 1444 n 2647;
– 1Bac de refroidissement et accessoires;
– 2 climatiseurs;
– 1micro ordinateur + accessoires;
– 2 moteurs réserves incubateur et éclosoir;
– 1table de mirage et transfert d’œufs;
– fax photocopieurs de marque SHARP UX 500.
Mettons les dépens à la charge des défendeurs ».
Par exploit en date du 05 novembre 2000 de Me JUSTINE AYEKPO, Huissier de Justice à Bouaké, FORRIAR MICHEL et la STIB ont déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et ont par le même exploit, assigné SANGA PROSPER et LEVY MARCEL à comparaître par devant la Cour de ce siège à l’audience du mercredi 20 décembre 2000 pour s’entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du greffe de la Cour sous le N 118 de l’année 2000.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause a été renvoyée pour divers motifs à plusieurs reprises jusqu’au 12 mars 2000 où elle fut utilement retenue sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
Le Ministère Public a déposé des conclusions écrites.
DROIT
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 4/04/2001.
Advenue l’audience de ce jour 4/04/2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Le Ministère public entendu.
Après en avoir délibéré conformément à la loi; EN LA FORME.
Vu l’arrêt avant-dire droit de la Cour d’Appel de céans en date du 14 février 2001ayant déclaré recevable l’appel interjeté par FORRIAR MICHEL et la STIB.
AU FOND
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que la Société Technique et Industrielle de Bouaké, dite STIB, SARL au capital de 1 000 000 de francs, dont le siège social est à Bouaké et ayant pour Directeur Général le sieur FORRIAR MICHEL, créancière de LEVY MARCEL de la somme de 7 734.641francs en principal, a obtenu contre celui-ci une ordonnance d’injonction de payer n 735/99 rendue par le Président du Tribunal de Bouaké le 31 août 1999; qu’en exécution de cette décision, la STIBaprocédé le 9 mars 2000 à une saisie-vente de biens mobiliers de LEVY MARCEL.
Que par exploit d’huissier en date du 13 avril 2000, le sieur SANGA PROSPER, se disant propriétaire de certains biens compris dans la saisie a initié devant le juge des référés une action en distraction d’objets saisie; qu’il a fait valoir que LEVY MARCEL avec qui il était sociétaire d’une SARL lui a cédé ses parts sociales à concurrence de 35 000 000 francs comprenant une machine Incubateur + Accessoires de marque National; une machine Eclosoir + Accessoire de marque National; un fax de marque Sharp et un climatiseur; qu’il sollicite en conséquence leur distraction; que pour sa part, la STIBarelevé in limine titis que la demande en distraction n’ayant pas été signifiée préalablement au débiteur saisi doit, d’une part être déclarée irrecevable en vertu des dispositions de l’article 141du Traité OHADA sur les voies d’exécution; que d’autre part la cession des parts sociales intervenue n’a pas respecté les formalités légales de publicité relatives à la cession des fonds de commerce; qu’ainsi elle est inopposable aux tiers.
Considérant que par ordonnance n 97 rendue le 22 novembre 2000, le Président du Tribunal de Bouaké a décidé la distraction d’un incubateur Bretagne 26 n 2646; un éclosoir Bretagne 144 n 2647; un bac de refroidissement et accessoires; deux climatiseurs; un micro ordinateur EMC + accessoires; deux moteurs réserves incubateur et éclosoir; une table de mirage et transfert d’œufs; un Fax photocopieur de marque Sharp UX500.
Considérant que la STIB et FORRIAR MICHEL, appelants aux termes des écritures de leur conseil, la SCPA KONATE-BAZIE et KOYO, concluent d’une part à l’irrecevabilité de la demande de distraction en ce qu’elle est initiée selon eux, sans signification au débiteur saisi LEVY MARCEL et au mépris de dispositions de l’article 141du Code OHADA sur les voies d’exécution; que d’autre part, en vertu des articles 121et 125 du Code OHADA portant Droit Commercial Général, tout acte de cession d’un fonds de commerce doit, dans un délai de 15 jours, à compter de sa date, faire l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales, à la diligence de l’acquéreur, lequel a l’obligation de payer le prix entre les mains d’un Notaire ou d’un établissement bancaire.
Que le défaut de ces formalité rend selon eux la vente intervenue inopposable aux tiers; qu’enfin le premier juge ayant ordonné la distraction de huit (8) objets saisis, alors que le prétendu propriétaire en avait revendiqué seulement quatre (4),a statué au delà de chose demandée; qu’ainsi sa décision doit être infirmée.
Considérant que SANGA PROSPER et LEVY MARCEL ont été assignés à Mairie; qu’en l’état, il n’est pas absolument certain qu’ils aient eu connaissance de l’instance initiée contre eux; que faut pour eux d’avoir conclu dans ces conditions, il y a lieu de statuer par défaut à leur égard.
Considérant que le Ministère Public, dans ses conclusions écrites en date du 15 mars 2001relève que si la cession a été constatée par écrit, elle n’a en revanche pas fait l’objet de publication au registre de commerce.
Que le défaut de cette formalité impérative en vertu de l’article 317 du Code OHADA portant Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêts économique rend la cession inopposable aux tiers, en l’occurrence les créanciers poursuivants; que c’est donc à tort que le premier Juge a ordonné la restitution de biens saisis.
DES MOTIFS
Considérant qu’il ressort de la requête du demandeur en distraction d’objets saisis présentée le 11avril 2000 à la juridiction statuant en matière d’urgence qu’il a des accessoires de marque National; une machine Eclosoir + accessoires, de même marque; un Fax de marque Sharp et un climatiseur; qu’au delà de cette prétention, la juridiction susvisée a ordonné la restitution de dix (10) objets non compris du reste dans la saisie-vente litigieuse et dont l’énumération, aux termes mêmes de la décision attaquée, paraît étrangère aux indications de l’acte d’assignation qui a saisi la juridiction; qu’il y a lieu de constater que le premier Juge a statué au-delà de chose demandée et que sa décision doit être annulée, sans qu’il soit besoins d’examiner les autres moyens des appelants tirés de l’irrecevabilité de la demande en distraction et de l’inopposabilité de la cession.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la société Technique et Industrielle de Bouaké dite STIB et de FORRIAR MICHEL et par défaut à l’égard de SANGA PROSPER et LEVY MARCEL, en matière civile et en dernier ressort.
Vu l’arrêt avant-dire droit de la Cour d’Appel de céans en date du 14 février 2001.
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date du 15 mars 2001.
Déclare les appelants bien fondés en leur action.
Annule l’ordonnance n 97 rendue le 22 novembre 2000 par le Président du Tribunal de Bouaké.
Condamne les intimés, SANGA PROSPER et LEVY MARCEL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Bouaké, les jour, mois et an que dessus; Et ont signé le Président et le Greffier.