J-06-70
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONTRAT DE BAIL AVEC PROMESSE DE VENTE – TRANSFERT DE LOCATAIRE – NON PAIEMENT DE LOYERS – COMPENSATION – EXPULSION (OUI) – MISE EN ETAT.
La cessionnaire d’un bail avec promesse de vente portant sur un terrain urbain, assigna en référé expulsion le preneur qui avait décidé de ne pas honorer ses engagements, prétextant d’une compensation en raison de travaux qu’il aurait effectués sur les lieux avec l’accord du précédent bailleur.
Le juge des référés a ordonné l’expulsion du locataire, mais il a débouté la cessionnaire de ses réclamations de loyers échus et impayés au motif qu’elle n’apporte pas la preuve de l’existence d’un bail entre elle et la locataire.
Faisant grief au premier juge d’avoir ainsi statué, elle a interjeté appel de la décision. L’intimé a, quant à lui, demandé qu’une compensation soit réalisée entre ses réclamations au titre des impenses et les dommages et intérêts que l’appelante a été précédemment condamnée à lui payer.
La Cour a ordonné, avant dire droit, une mise en état à l’effet de permettre à l’intimé de faire la preuve qu’il a réalisé des impenses et leur évaluation.
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN. COTE D’IVOIRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 235 du 18 février 2000, AFFAIRE : Madame CAMARA ADAMA (Me Marie Pascale KOUASSI ADEH) C/ Monsieur OUATARA MORY (Maître Y AO EMMANUEL).
LA COUR
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi dix mars deux mille, à laquelle siégeaient :
– Monsieur CHAUDRON MAURICE, Président de Chambre, Président;
– Mesdames BLE SAKI IRENE et GRAH EMMA, CONSEILLERS à la cour, MEMBRES;
– En présence de monsieur ANOMA JEROME, Avocat Général;
– Avec l’assistance de Maître DIARRA MAMADOU, Greffier a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE :
Madame CAMARA ADAMA, née en 1933 à Bouaké de nationalité Ivoirienne, ménagère domiciliée à Treichville 22 rue 42 lot n 525 Tel : 26-96-33.
APPELANTE Représentée et concluant par Maître MARIE PASCALE KOUASSI ADEH, Avocat à la Cour, son conseil; D’UNE PART.
Et.
Monsieur OUATTARA MORY, né le 4 avril à Koffikro S/P d’Aboisso de nationalité Ivoirienne, mécanicien domicilié à Koumassi KANKANKOURA 10 BP 139 Abidjan 10.
INTIME.
Représenté et concluant par maître Y AO EMMANUEL, avocat à la Cour, son conseil.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS :
Le tribunal de première instance d’Abidjan statuant en la cause, en matière civile a rendu le 24 mars 1997 un jugement N 144 enregistré à Abidjan le 12 juin 1997 reçu dix-huit (18 000) mille francs aux qualités duquel il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du quatre mai mil neuf cent quatre vingt dix neuf, huissier de justice à Abidjan, dame CAMARA ADAMA déclare interjeter appel du jugement sus énoncé et a, par le même exploit assigné OUATTARA MORY à comparaître par devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 2 juillet 1999 pour entendre, annuler ou infirmer ledit jugement.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du greffe de la Cour sous le N 504 de l’an 1999.
Appelée à l’audience sus indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 7 janvier 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 18 février 2000.
Advenue à l’audience de ce jour, 18 février 2000, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du procès.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ensemble l’exposé des faits, procédure et prétentions des parties ci-après.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, sur l’appel régulièrement relevé le 04 mai 1999 par dame CAMARA ADAMA ayant pour conseil maître MARIE PASCALE KOUASSI ADEH, du jugement civil contradictoire numéro 144/CIV/4a rendu le 24/03/1997 par le tribunal de première instance d’Abidjan non encore signifié qui l’a débouté de sa demande en paiement de la somme de 14.106.400 francs à titre de dommages intérêts pour toutes causes de préjudice confondues et l’a demandée aux dépens.
Considérant que dame CAMARA ADAMA expose par son acte d’appel valant premières conclusions que le 24/06/86, OUPOT ANDRE et elle ont conclu un contrat de bail avec promesse de vente portant sur un terrain urbain sis à Abidjan Marcory complémentaire extension, formant le lot n 109.
Que forte de sa qualité de cessionnaire du bail, elle décida d’augmenter le loyer mensuel de l’immeuble qui passait de 30 000 francs CFA à 40 000 francs CFA.
Qu’à cet effet, elle adressa le 18/12/1986 une lettre aux différents locataires de l’immeuble dont OUATTARA MORY qui acceptèrent.
Qu’en dépit de son acceptation, OUATTARA MORY décida contre toute attente, de ne pas honorer ses engagements locatifs, prétextant une compensation entre les travaux de construction et d’aménagement qu’il aurait effectués sur les lieux à hauteur de 3.460 000 francs ce, avec l’accord du cédant et les loyers mensuels à lui réclamés parla bailleresse.
Que la situation est restée invariable jusqu’à ce qu’elle devienne propriétaire de l’immeuble en cause par acte de cession conclu devant notaire le 23/05/95.
Qu’elle assigna OUATTARA MORY en référé-expulsion.
Que par ordonnance n 2762 du 12/07/95, le tribunal de 1ère Instance d’Abidjan ordonna l’expulsion du locataire qui n’a consenti à libérer les lieux que le 04/ 10/95.
Que cependant si elle a pu entrer en possession de son immeuble, il n’en a pas été de même pour les loyers échus et impayés qui s’élèvent à 3.560 000 F CFA.
Que pour recouvrir son dû et obtenir la réparation du préjudice par elle subi du fait de la résistance abusive du locataire, elle a assigné OUATTARA MORY en paiement de diverses sommes d’argent.
Que le tribunal par la décision querellée l’a débouté de toutes ses demandes au motif qu’elle ne fait pas la preuve de l’existence d’un contrat de locataire portant sur l’immeuble litigieux et existant entre elle et le locataire.
Qu’elle fait grief au premier juge d’avoir statué ainsi.
Qu’elle soutient que monsieur OUPOT lui ayant cédé la propriété de l’immeuble, elle est devenue cessionnaire du droit de bail ainsi qu’il en résulte de l’article 1743 du code civil.
Qu’elle précise que l’article 78 du traité OHADA relatif au droit commercial général dispose que « le bail ne prend pas fin par la vente des locaux donnés à bail ».
Que sur la base des textes précités, il y a un contrat entre elle et l’intimé, lequel contrat résulte de la cession de l’immeuble à son profit.
Qu’elle évalue les loyers du 24/06/1986 au 04/10/1985 à la somme de 3.560 000 FCFA qu’elle réclame.
Qu’elle demande également la somme de 546 000 FCFA au titres des intérêts de retard.
Qu’enfin, elle sollicite la somme de 10 millions à titre de dommages et intérêts.
Qu’elle soutient que le refus par le locataire de s’acquitter des loyers pendant treize ans a entraîné pour elle un manque à gagner.
Qu’elle conclut à l’infirmation du jugement querellé.
Considérant que le sieur OUATARA MORY, intimé comparant par maître Y AO EMMANUEL, son conseil; explique que depuis 1982 OUPOT ANDRE lui loue pour la construction de son garage son lot non bâti n 109.
Que fort de ce bail et en accord avec le bailleur, il entreprend des travaux sur le lot à hauteur de 3.460 000 FCFA.
Que le 24 juin 1986, OUPOT ANDRE et dame CAMARA ADAMA ont conclu un contrat de bail avec promesse de vente portant sur un terrain urbain sis à Abidjan-Marcory complémentaire Extension, formant le lot n 109.
Que dame CAMARA décida d’augmenter le loyer mensuel de l’immeuble qui passait désormais de 25 000 FCFA à 40 000 FCFA.
Qu’il opposa alors une compensation entre les travaux de son expulsion par ordonnance n 2762 du 12 juillet 1995 rendue par le tribunal d’Abidjan.
Que dame CAMARA ADAMA l’assigna par la suite en paiement et le jugement entrepris est intervenu.
Considérant qu’après cet exposé des faits, l’intimé soutient qu’il résulte des articles 6, 7, 8 et 11de la loi 77¬995 du 18 décembre 1977, réglementant les rapports des bailleurs et des locataires des locaux d’habitation et à usage professionnel que la révision du montant du loyer doit être acceptée par les parties.
Qu’à défaut d’accord entre les parties, il revient à la juridiction compétente saisie de fixer le nouveau montant du loyer en fonction des considérations prévues à l’article 6 de la loi du 02 octobre 1979 fixant les modalités d’application de la loi n 77-995 du 18 septembre 1977.
Que cette procédure étant d’ordre public, toute violation encourt nullité absolue.
Qu’il fait valoir que dame CAMARA se fonde sur un simple contrat de bail avec promesse de vente pour décider unilatéralement de l’augmentation du loyer mensuel de l’immeuble allant de 25 000 francs à 40 000 francs.
Que selon lui cette augmentation ne se justifie pas et n’a pas reçu son acceptation.
Que de surcroît dame CAMARA n’a pas cru bon de saisir la juridiction compétente.
Qu’il fait également valoir qu’il a entreprise avec l’autorisation du sieur OUPOT ANDRE, premier bailleur des travaux évalués par expertise dont il demande le remboursement.
Qu’il oppose la compensation entre la somme de 3.460 000 francs CFA représentant les frais et la somme de 125 000 francs au titre de cinq mois de loyers dus par lui et allant du 23 mai 1995 au 04 octobre 1995.
Que par ailleurs, il fait savoir que l’appelante a été condamnée par jugement n 3457/97 par le tribunal de première instance d’Abidjan à lui payer la somme de 1.500 000 F CFA à titre de dommages et intérêts.
Considérant que l’appelante répond à cela que la Cour n’accordera aucune valeur à l’estimation abusive de l’intimé de ses impenses.
Qu’elle soutient par ailleurs que la compensation ne peut s’opérer en vertu de l’article 1295 du code civil qui dispose que « le débiteur qui a accepté purement et simplement la cession qu’un créancier a faite de ses droits à un tiers, ne peut plus opposer au cessionnaire la compensation qu’il eût pu, avant l’acceptation opposer au cédant ».
Qu’enfin elle fait savoir s’agissant de sa condamnation au paiement de la somme de 1.500 000 F CFA à titre de dommages-intérêts que les deux procédures sont totalement différentes.
Qu’elle soutient que l’intimé ne saurait, sans porter atteinte aux règles procédurales réclamer et obtenir par la présente instance, le paiement de la somme sus-invoquée, d’autant que cette question n’a nullement été soumise au Tribunal de 1ère instance.
Considérant que l’intimé répond que dame CAMARA ADAMA n’a jamais remplis les conditions d’accession à la propriété de l’immeuble le contrat de bail est expiré le 30 juin 1989.
Que c’est alors à tort qu’elle réclame le paiement de quinze mois de loyers.
Que par ailleurs il dément l’affirmation de l’appelante tendant à affirmer qu’il a accepté la majorité de loyer.
Qu’enfin il fait savoir que l’article 175 du code de procédure civile dispose qu’il ne peut être formé en cause d’appel aucune demande nouvelle à moins qu’il s’agisse de compensation ou que la demande ne soit une défense à l’action principale.
Qu’il estime en conséquence fondée sa demande de paiement de la somme de 1.500 000 francs à titre de dommages-intérêts.
Considérant que les parties ont conclu, il échet de statuer contradictoirement.
DES MOTIFS
De la recevabilité
Considérant que l’appel conforme à I aloi est recevable; DES DEMANDES INCIDENTS EN PAIEMENT D’IMPENSES ET DE DOMMAGES-INTERETS.
Considérant que ces demandes incidentes sont des compensations, elles sont recevables, en vertu de l’article 175 du code de procédure civile commerciale et Administrative.
DE LA MISE EN ETAT DU DOSSIER
Considérant que pour demander à la Cour d’opérer une compensation entre les sommes d’argent qui lui sont réclamées et celles qui lui sont dues, l’intimé soutient d’une part avoir réalisé des impenses.
Que d’autre part, il fait valoir que dame CAMARA ADAMAa été condamnée à lui payer la somme de 1.500 000 francs à titre de dommages-intérêts.
Qu’il importe en conséquence d’ordonner une mise en état à l’effet de permettre à l’intimé de faire la preuve qu’il a réalisé des impenses qu’il devra évaluer.
Qu’il faut donc surseoir quant au fond et réserver les dépens.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Déclare dame CAMARA ADAMA recevable en son appel relevé du jugement civil contradictoire n 144/CIV/4 rendu le 24/03/1997 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
Sursoit à statuer.
Avant-dire droit.
Ordonne la mise en état du dossier.
Commet pour y procéder Madame BLE SAKI IRENE, Conseiller chargé des mises en état à la 3ème chambre civile de la Cour d’Appel de céans.
Renvoie la cause et les parties à l’audience du 24/03/2000.
Réserve les dépens.
En foi de quoi, le présent arrêta été prononcé publiquement par la Cour d’appel d’Abidjan (Côte d’Ivoire), les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.