J-06-72
DROIT COMMERCIAL GENERAL – OBLIGATION COMMERCIALE – PRESCRIPTION – PRESCRIPTION DES OBLIGATIONS NEES ENTRE COMMERCANTS – CREANCE CONTRACTUELLE (NON) – INAPPLICATION DE L’ARTICLE 18 AUDCG – CREANCE DELICTUELLE (OUI) – PRESCRIPTION TRENTENAIRE (ARTICLE 2262 DU CODE CIVIL).
Le propriétaire et exploitant d’un camion citerne servant au transport de produits pétroliers met à la disposition d’une société pétrolière ledit camion qui, par la suite, est immobilisé pendant six mois sans motif. Le propriétaire demande réparation à la compagnie neuf ans plus tard devant le Tribunal de Grande Instance et obtient gain de cause.
La Cour d’appel déboute la société qui invoque l’inexécution d’un contrat entre commerçants et, par conséquent, la prescription quinquennale de l’article 18 AUDCG. Elle précise que l’action entreprise par le propriétaire du camion vise à obtenir la réparation du préjudice subi par lui du fait d’autrui; qu’il s’agit en fait d’une action en responsabilité civile, obéissant aux règles de procédure civile et régie par les dispositions du droit commun; que la situation des parties ne peut, en aucun cas, être analysée comme étant la résultante de la commune intention recherchée par elles et devant être entièrement exécutée comme telle. Elle en déduit que c’est à bon droit que le premier Juge a écarté l’application des dispositions de l’article 18 relatif au droit commercial général au profit de l’article 2262 du Code civil.
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU ARRET N 23 DU 21 mars 2003 AUDIENCE DU 21 MARS 2003 AFFAIRE BURKINA & SHELL C/ PARE ADAMA).
LA CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE DE LA COUR D’APEL DE OUAGADOUGOU (Burkina-Faso), statuant en son audience publique ordinaire, tenue au palais de justice de la dite ville, le Vendredi 21 mars 2003 à laquelle siégeaient :
– Monsieur ZONGO Marc, Président de Chambre à la Cour d’Appel PRESIDENT;
– OUEDRAOGO Brigitte et Y ARO Fanta, toutes deux Conseillers à la Cour, MEMBRES;
– Avec l’assistance de TRAORE Karidiatou, Greffier en chef de la dite Cour; GREFFIER.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause entre : BURKINA & SHELL, Appelant principal, représenté à l’audience par Maître Harouna SAWADOGO.
DVNEPART.
Et : PARE Adama Intimé représenté à l’audience ce la Cour par Maître TARNAGDA Hamadou, Avocat la Cour, son Conseil.
D’A LITRE.
Sans que les présentes qualités ne puissent nuire au préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit.
LA COUR
Vu le jugement n 980 du 12 décembre 2001.
Vu l’acte d’appel en date du 27 décembre 2001Vu les pièces du dossier.
Oui les parties en leurs conclusions, fins moyens et observations.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
FAITS PROCEDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
courant décembre 1999, le véhicule camion citerne, immatriculé sous le n B 1698/D 0598*B.F, appartenant à Monsieur PARE Adama, a été utilisé par la société BURKINA & SHELL pour transporter ses produits pétroliers, de l’ancien dépôt sis en zone industrielle de Goughin au nouveau dépôt, situé à Bingo.
Cependant, le dit véhicule a été immobilisé pendant six (6) mois, soit du 10 décembre 1989 au 11 juin 1990 sans aucun motif. Aussi, par lettre en date du 28 juin 1999, PARE Adama a sollicité de la société BURKINA & SHELL, un dédommagement de 4 727 040 F correspondant à son manque à gagner.
Par lettre datée du 03 août 1999, la société BURKINA & SHELL marquait son refus.
En réaction, PARE Adama lui donnait assignation par exploit d’huissier de justice d’avoir à comparaître par devant le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou.
A l’audience publique du 12 décembre 2001, le Tribunal rendait la décision contradictoire suivante :
EN LA FORME
Déclare PARE Adama recevable en action.
Au fond
Rejette l’exception de prescription soulevée par la société BURKINA & SHELL.
Déclare l’action en responsabilité contractuelle et en paiement de dommages et intérêts de PARE Adama bien fondée.
Condamne la société BURKINA & SHELL à payer à Adama PARE la somme de 4 727 040 F à titre principal outre la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts.
Déboute PARE Adama du surplus de sa demande.
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours.
Condamne BURKINA & SHELL aux dépens.
Contre cette décision, la société BURKINA & SHELL relevait appel le 27 décembre 2001pour voir infirmer le jugement querellé au motif que le cas d’espèce est relatif à l’inexécution de contrat entre commerçants et que de ce fait il se prescrit par cinq (5) ans conformément aux dispositions de l’article 18 de l’acte uniforme relatif au droit commercial général.
La société BURKINA & SHELL conclut donc à l’irrecevabilité de l’action de PARE Adama.
En réplique, PARE Adama soutient que le cas déferré à la juridiction relève de la matière de la responsabilité civile, obéissant aux règles de la procédure civile et soumis au délai de prescription de droit commun qui est de trente (30) ans.
Attendu que l’affaire a été enrôlée pour l’audience publique ordinaire de la Cour d’appel du 1ef février 2002 et renvoyée au rôle général pour la mise en état.
Qu’à l’intervention de l’ordonnance de clôture survenue le 07 janvier 2003, l’affaire était ré-enrôlée pour l’audience publique du 17 janvier 2003, date à laquelle elle fut retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 21 mars 2003.
Qu’advenue cette date, la Cour vidant son délibéré a statué en ces termes.
En la forme
Attendu que la société BURKINA & SHELLarelevé appel le 27 décembre 2001d’une décision rendue contradictoirement le 12 décembre 2001; que cet appel est conforme aux dispositions prévues aux articles 536, 550 et 551du code de procédure civile quant aux conditions de formes et de délais et q’il y a lieu de le déclarer recevable.
Au fond
De l’exception d’irrecevabilité
Attendu qu’aux termes de l’article 2262 du code civil, « toutes les actions tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre, ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ».
Attendu que dans le cas d’espèce, un dommage est indubitablement né du fait personnel de la société BURKINA & SHELL, notamment par l’immobilisation du véhicule camion citerne de PARE Adama pendant six (6) mois.
Que l’action entreprise par celui-ci donc vise à obtenir réparation du préjudice subi par lui du fait d’autrui; qu’il s’agit en fait d’une action en responsabilité civile, obéissant aux règles de procédure civile et régie par les dispositions du droit commun.
Que la situation actuelle des parties ne peut en aucun cas être analysée comme étant la résultante de la commune intention recherchée par elles et devant être entièrement exécutée comme telle.
Que c’est donc à bon droit que le premier Juge a écarté l’application des dispositions de l’article 18 de l’acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général au profit de l’article 2262 du code civil.
De la responsabilité de la société BURKINA & SHELL
Attendu qu’il est constant que PARE Adama utilise le véhicule camion citerne pour le transport des produits pétroliers sur l’axe Ouaga-Lomé.
Qu’il est également constant que ledit véhicule a été immobilisé par BURKINA & SHELL du 10 décembre 1989 au 11 juin 1990, empêchant ainsi PARE Adama d’effectuer ses voyages.
Attendu que cette immobilisation a entraîné un manque à gagner certain pour le propriétaire du véhicule d’environ.
787 840 F par mois en bénéfice net; d’où un total de 4 727 000 F pour les six (6) mois d’inactivité.
Qu’il convient de condamner BURKINA & SHELL, auteur de cette perte, à le réparer conformément aux dispositions des articles 1382 et 1383 alinéa 4 du code civil.
Attendu par ailleurs que les bénéfice pouvaient produire en outre des intérêts au profit de l’intimé et que c’est à juste titre qu’il demande réparation de ce poste de préjudice.
Attendu que le premier Juge a ccordé de 500 000 F à PARE Adama en réparation du préjudice subi de ce chef.
Que celui-ci n’ayant pas relever appel pour solliciter la révision à la hausse du montant de ce préjudice, il convient de le confirmer en l’état.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare l’appel de la société BURKINA & SHELL recevable pour avoir été interjeté dans les formes et délais prévus par la loi.
AU FOND
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions. Condamne BURKINA & SHELL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Chambre civile et commerciale de la Cour d’Appel de Ouagadougou les jour, moi et an que dessus.
Et ont signé, le Président et le Greffier.