J-06-75
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – CONTESTATION – JURIDICTION COMPETENTE – CREANCE ETEINTE PAR PAIEMENT – NULLITE DE LA SAISIE.
A la suite d’une saisie conservatoire de marchandises pour sûreté et paiement d’une créance résultant d’une cession de parts sociales, la société saisie demande au juge des référés la rétractation de l’ordonnance ayant autorisé la saisie et la mainlevée de celle-ci. Le juge des référés estime que la demande le conduit à examiner la nature des liens juridiques existants entre les deux sociétés et se déclare incompétent.
1) La Cour d’appel reproche au premier juge de s’être déclaré incompétent sans distinguer les chefs de demande qui lui sont soumis, car, si pour dire que la société saisie est la succursale ou non de la société présumée débitrice, le juges référés est effectivement obligé d’analyser et d’interpréter les statuts des deux sociétés, toute chose qui relève de la compétence du juge du fond, il ne viole point sa compétence lorsqu’il s’agit d’apprécier si la créance servant de base à une ordonnance de saisie conservatoire est fondée en son principe.
2) Se prononçant sur l’existence de la créance, la Cour d’appel constate que la société cessionnaire de parts sociales a payé le prix de la cession des parts sociales et que le cédant-saisissant lui en a donné bonne et valable quittance; que c’est donc en violation de l’article 54 que l’ordonnance autorisant la saisie conservatoire a été rendue; qu’en conséquence il y a lieu de rétracter ladite ordonnance et ordonner subséquemment mainlevée des saisies pratiquées.
Article 54 AUPSRVE
Article 62 AUPSRVE
Article 63 AUPSRVE
(Cour d’appel de Cotonou, ARRET N 220/99 du 25 novembre 1999, AFFAIRE Société Africaine de Distribution de Vêtements « SADIV » CONTRE Monsieur SERGE CHAOUAT).
Le Juge des référés peut, sans violer sa compétence, apprécier si la créance servant de base à une saisie conservatoire est fondée en son principe.
FAITS ET PROCEDURE
Par exploit en date à Cotonou du 29 septembre 1999, la Société SADIV -Bénin SARLa assigné en référé d’heure à heure Monsieur Serge CHAOUAT pourvoir :
– constater que le Société SADIV-Bénin SARL n’est pas une succursale de la Société SARESCO AFRICA DUTY FREE HOLDINGS;
– constater que la Société SADIV-Bénin SARL est une personne morale distincte de la Société SARESCO Africa Duty Free Holdings;
– constater que SADIV SARL est propriétaire des marchandises saisies;
– prononcer la rétraction de l’Ordonnance n 684/99 en date du 22 septembre 1999 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou;
-ordonner la main levée subséquente de la saisie conservatoire pratiquée sur les marchandises de la Société SADIV Bénin SARL;
– ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de l’Ordonnance à intervenir sous astreinte comminatoire de 5 000 000 F par jour de retard.
Vidant son délibéré le 06 octobre 1999, le juge saisi a rendu l’Ordonnance n 80/99/3e C.C. dont la teneur suit :
– « Constatons qu’en l’espèce, il existe une véritable énigme quant à la nature véritable des liens juridiques existant entre les deux sociétés SARESCO.
Disons qu’en l’état, le juge des référés ne peut examiner les demandes soumises à son appréciation sans outrepasser les limites de sa compétence.
Nous déclarons subséquemment incompétent; -Condamnons la Société Africaine de Distribution de Vêtements (SADIV) aux dépens ».
Par exploit d’huissier en date du 15 octobre 1999, la Société de Distribution de Vêtements (SADIV)a relevé appel de la décision sus-citée après avoir obtenu par Ordonnance n 76/99 du 06 octobre 1999 du Premier Président de la Cour d’Appel, l’autorisation d’assigner à jour et heure fixes.
MOTIF DE LA DECISION
A EN LA FORME
Attendu que l’appel de la SADIV Bénin SARLa été interjeté dans les forme et délai prévus par la loi.
Qu’il échet de le déclarer recevable.
B AU FOND
1) Sur l’incompétence du juge des référés
Attendu que par assignation en date à Cotonou du 29 septembre 1999 il a été demandé au juge des référés de :
–constater que Monsieur Serge CHAOUATatrompé la religion du juge en obtenant l’ordonnance n 648/99 du 22 septembre 1999;
– constater que la société SADIV Bénin SARL n’est pas une succursale de SARESCO AFRICA DUTY FREE HOLDINGS SA;
–constater que la société SADIV SARL est une personne morale distincte de la société SARESCO AFRICA DUTY FREE HOLDINGS;
–constater que SADIV SARL est propriétaire des marchandises saisies en ce que le patrimoine social est distinct de ceux des associés.
Que le juge saisi s’est déclaré incompétent au motif qu’en l’état, il ne peut examiner les demandes soumises à son appréciation sans outrepasser les limites de sa compétence.
Mais attendu que, si pour dire que la SADIV Bénin SARL est la Succursale ou non de la SARESCO AFRICA DUTY FREE HOLDINGS SA, le juge des référés est effectivement obligé d’analyser et d’interpréter les statuts des deux sociétés, toute chose qui relève de la compétence du juge des référés ne viole point sa compétence lorsqu’il s’agit d’apprécier si la créance servant de base à une ordonnance de saisie conservatoire est fondée en son principe.
Que c’est donc à tort que le premier juge s’est déclaré incompétent sans distinguer entre les chefs de demande qui lui sont soumis.
Qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise sur ce point pour évoquer et statuer à nouveau.
2) Sur la créance de Monsieur Serge CHAOUAT sur la SARESCO AFRICA DUTY FREE HOLDINGS
Attendu qu’aux termes de l’article 54 de l’Acte Uniforme portant organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution, « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels, ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».
Qu’il résulte de l’article précité que la première condition pour solliciter à bon droit une ordonnance de saisie conservatoire est que la créance du requérant paraisse fondée en son principe.
Que le juge des référés, qui ne doit pas interpréter ou apprécier au fond les actes à lui soumis, peut néanmoins, par une analyse sommaire, constater le caractère apparemment fondé ou non d’une créance aux fins de saisie conservatoire.
Que dans le cas d’espèce, Monsieur Serge CHAOUATaproduit à l’appui de sa requête aux fins de saisie conservatoire un acte duquel il ressort qu’il a cédé à la société Malvinas Development INC ses parts sociales dans la société SADIV. Lomé au prix de 1.800 000 000 de francs CFA.
Que Monsieur Serge CHAOUAT pense tirer le principe de sa créance sur la SARESCO AFRICA DUTY FREE HOLDINGS SA du fait que cette dernière qui a racheté lesdites parts sociales à la SARESCO AFRICA LTD (ancienne société Malvina Development INC) ne lui ait payé que la somme de francs CFA 400 000 000, restant ainsi lui devoir 1.400 000 000 de francs CFA.
Attendu cependant qu’à la lecture de la pièce dénommée « Cession de parts sociales » produite par Monsieur Serge CHAOUAT à l’appui de sa requête, la cour constate ce qui suit :
– « La présente cession est consentie et acceptée moyennant le prix de 5.454.545 F CFA que le cessionnaire a payé par ailleurs au cédant qui le reconnaît et lui en donne bonne et valable quittance ».
Monsieur Serge CHAOUATaapposé deux fois sa signature sur la pièce comme cédant et représentant du cessionnaire Malvina Developments INC.
Monsieur CHAOUAT a donné bonne et valable quittance au cessionnaire.
Qu’il résulte de tout ce qui précède que la Malvina Developments INC, cessionnaire n’est plus débiteur à l’égard de Monsieur Serge CHAOUAT d’aucune somme.
Qu’en conséquence aucun principe de créance ouvrant droit à une saisie conservatoire ne saurait être retenue.
Qu’au demeurant, la preuve de l’abus de blanc seing allégué n’étant pas non plus rapporté, Monsieur Serge CHAOUAT ne peut sérieusement pas constater que le cessionnaire a fini de lui payer le prix de cession des parts sociales qu’il détenait dans la SADIV Lomé soit la somme de francs CFA 1.800 000 000.
Que c’est donc en violation de l’article 54 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de recouvrement et de Voies d’exécution que l’ordonnance n 648/99 du 22 septembre 1999a été rendue.
Qu’en conséquence, il y a lieu de rétracter ladite ordonnance et ordonner subséquemment mainlevée des saisies pratiquées sur les marchandises de la SADIV. Bénin SARL.
3) Sur l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de la décision à intervenir et sous astreinte comminatoire de 5 000 000 de francs CFA par jour de retard
Attendu que la SADIV Bénin SARL sollicite l’exécution provisoire et sous astreinte comminatoire de 5 000 000 de francs CFA par jour de retard.
Attendu d’une part que l’ordonnance du juge des référés lorsqu’elle vient à âtre prise est toujours assortie de l’exécution provisoire juge qui la prend étant celui de l’évidence et de l’urgence.
Que d’autre part, le juge des référés a compétence pour prononcer l’astreinte comminatoire, mesure provisionnelle et provisoire entièrement distincte des dommages-intérêts puisque seulement destinée à assurer l’exécution d’une décision de justice Civ; Sect Soc. 28 mars 1950, D 1950-377.
Qu’il découle de ce qui précède que la demande de la SADIV Bénin SARL est fondée.
Qu’il échet d’y faire droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé commercial, en appel et en dernier ressort;.
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel interjeté par SADIV Bénin SARL contre l’ordonnance n 80/99 rendu le 06 octobre 1999.
AU FOND
Infirme l’ordonnance n 80/99 rendue le 06 octobre 1999 par le juge des référés du Tribunal de Premier Instance de Cotonou en toutes ses dispositions.
Évoquant et statuant à nouveau :
– se déclare compétente;
– constate que la cessionnaire SARESCO AFRICA LTDapayé la somme de 1.800 000 000 de francs CGA représentant le prix de la cession des parts sociales de la SADIV. Lomé et que le cédant, Monsieur Serge CHAOUAT lui en a donné bonne et valable quittance;
– constate donc que la créance de Monsieur Serge CHAOUAT sur la SARESCO AFRICA LTD ou la SARESCO AFRICA DUTY FREE HOLDINGS SA ne paraît pas fondée en son principe;
– rétracte par conséquent l’ordonnance n 648/99 délivrée à pied de requête le 22 septembre 1999;
– ordonne subséquemment la main levée des saisies pratiquées sur les biens de la SADIV Bénin SARL en vertu de l’ordonnance rétractée;
–dit que la présente décision sera exécutée sur minute et avant enregistrement sous astreinte comminatoire de francs CFA 5 000 000 par jour de retard;
– condamne Monsieur Serge CHAOUAT aux entiers dépens.