J-06-78
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – VEHICULES TERRESTRESaMOTEUR – JURIDICTION COMPETENTE – JUGE DES REFERES.
Un créancier fait pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles de son débiteur dont trois véhicules terrestres à moteur. Il fait ordonner par le juge des référés l’immobilisation de ceux-ci jusqu’à leur enlèvement en vue de la vente. Le débiteur soulève devant la Cour d’appel l’incompétence du juge des référés et l’inopportunité de la mesure au motif qu’une action en contestation est pendante devant le juge du fond.
1) Pour la Cour d’appel, le juge des référés ne fait qu’appliquer l’article 103 AUPSRVE. Cette disposition vise à préserver le véhicule de toute avarie qui pourrait résulter de son utilisation. Par son caractère provisoire et conservatoire, cette mesure, qui ne vise pas à consolider la saisie et qui a besoin d’être prise rapidement, relève du pouvoir du juge des référés.
2) Par ailleurs, la Cour affirme que la mesure prise en référé n’entame en rien la question de la validité de la saisie; la désignation d’un séquestre ne porte pas préjudice au principal. La décision de référé fondée sur l’article 103 est par conséquent opportune et doit être confirmée.
Article 103 AUPSRVE
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 835 DU 11 juillet 2000 AUDIENCE DU MARDI 1 JUILLET 2000, AFFAIRE ETS RICHARD ET CIE C/STE HERMES AFRIQUE (Me AGNES OUANGUI).
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique et ordinaire du mardi onze juillet deux mille, à laquelle siégeaient :
– Monsieur AGNINI YOUSSOUF, Président de Chambre, PRESIDENT;
– Mr GBAYORO MATHIEU et Mr DJAMA EDMOND, CONSEILLERS à la Cour, MEMBRES;
– Avec l’assistance de Maître SOILIO TOURE, Greffier;a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE.
Établissements RICHARD et COMPAGNIE, entreprise personnelle dont le siège social est sis à Abidjan, Zone 3, Rue des Selliers, concession SAMELA, 18 BP 1287 Abidjan 18.
APPELANTS.
Comparant et concluant en personne.
D’une part.
ET.
La Société HERMES AFRIQUE, SARL, au capital de 25 000 000 francs CFA, R.0 203 980 Abidjan, dont le siège est à Abidjan Vridi derrière BLOHORN, 15 BP. 423 Abidjan 15.
INTIMEES.
Représenter et concluant par Maître AGN7S OUANI, Avocat à la cour, son conseil.
D’autre part.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
La Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, statuant en la cause, en matière de référé a rendu le 20 Octobre 1999 une ordonnance de référé N 4625 aux qualités de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du Mardi Dix. neuf octobre 1999, de Maître KIMOU KOUTOU NICOLAS, huissier de justice à Abidjan, la Société RICHARD et COMPAGNIES ont déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et a par le même exploit assigné la société HERMES AFRIQUE à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du mardi 02 novembre 1999 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le numéro 1056 de l’an 1999.
Appelée à l’audience sus indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 11 juillet 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 11 juillet 2000.
Advenue l’audience de ce jour, 11 juillet 2000, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après.
DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTION ET MOYENS DES PARTI ES
Par exploit d’Huissier dit acte d’appel en date du 19 Octobre 1999, Les Établissements RICHARD et Compagnies entreprise personnelle dont le siège social est à Abidjan Zone 3, Rue des Selliers, représentés par RICHARD CHARLY, de nationalité française, demeurant à Rue des pétroliers; Zone industrielle de Vridi, lequel fait élection de domicile en son adresse déclare relever appel de l’ordonnance de référé n 4625 du 11Octobre 1999 rendue par la juridiction Présidentielle du Tribunal d’Abidjan, laquelle saisie par la société HERMES AFRIQUEa ordonné l’immobilisation jusqu’à leur enlèvement en vue de leur vente des véhicules terrestres à moteur saisis sur les établissements RICHARD.
Au soutien de son recours, les établissements RICHARD soulèvent l’incompétence du Juge des référés, la nullité de l’acte de saisie du 26 mars 1999 et l’inopportunité de la désignation d’un séquestre.
Sur le premier point RICHARD CHARLY qui représente les établissements RICHARD et Compagnie révèle que le juge de fonda été déjà saisie d’une assignation en contestation de la saisie pratiquée le 26 mars 1999; que la contestation est pendante devant le Juge de fond en raison de l’assignation du 17 septembre 1999 et que de ce fait le juge des référés était incompétent pour apprécier la demande qui lui a été présentée.
Sur le second point, l’appelant RICHARD CHARLY soutient que la saisie du 26 mars 1999a été faite en violation de l’article 55 et suivants du 4ème traité OHADA.
Que du fait de cette violation la saisie est nulle et dès lors les actes subséquents seront sans effet et les biens saisis retrouveront leurs disponibilité.
En dernier point RICHARD CHARLY déclare que la désignation d’un séquestre est inopportune en ce sens que le débiteur est de bonne foi et a commencé à faire des versements pour éponger sa dette; qu’en outre les véhicules saisis sont en sécurité chez le débiteur.
Pour toutes ces raisons Monsieur RICHARD CHARLY demande l’infirmation de l’ordonnance N 4625 du 11Octobre 1999 pour incompétence du Juge des référés.
En réplique, la société HERMES AFRIQUE concluant par son conseil Maître OUANGUI AGNES, Avocat à la cour, explique créancière des Établissements RICHARD et Compagnies, elle a obtenu la condamnation du débiteur à lui payer la somme de 14 405.337 F CFA suivant une ordonnance d’injonction de payer rendue le 30 mars 1999, régulièrement signifiée le 24 Avril 1999, non frappée d’opposition et devenue définitive.
Qu’en exécution de cette ordonnance la société HERMESa fait pratiquer le 26 mars 1999 une saisie conservatoire sur les biens meubles corporels du débiteur et cette saisie a été régulièrement dénoncée par le même exploit; qu’un commandement le 06 juillet 1999 à été servi, suivi d’une sommation d’assister à la vente le 30 septembre 1999.
Que pour éviter la détérioration et donc la perte de valeur des trois véhicules figurant parmi les biens saisis, la société HERMES AFRIQUEasollicité et obtenu la mise sous séquestre des véhicules conformément à l’article 103 alinéa 2 et 3 du traité OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution par ordonnance de référé N 4625 du 11Octobre 1999 dont appel.
La société HERMES AFRIQUE déclare que le traité OHADA sus-visé ou d’immobilisation peut être formulée à tout à tout moment et même avant les opérations de saisie et ce, par requête.
Que c’est bien la juridiction compétente qui a été saisie par voie d’assignation en référé; que le Juge des référés, dont la décision n’est que provisoire, n’a nullement outrepassé sa compétence, ni porté préjudice au principal; que d’ailleurs, la décision querellée est conforme à l’article 97 du même traité qui stipule que les biens saisis sont indisponibles.
Qu’en outre, le Juge des référés n’a point apprécié la validité de la saisie et que les établissements RICHARD et Compagnie doivent être déboutés.
L’appelant réplique aux écritures de l’intimée en relevant que pour avoir omis de reproduire intégralement les articles 62 et 64 du traité OHADA sur l’acte de saisie conservatoire, la saisie est nulle de nullité absolue; que cette nullité soulevée devant le Juge du fond rendait le juge des référés incompétent à statuer.
La société HERMES AFRIQUE quant elle soutient que la saisie conservatoire du 2 mars 1999 n’est entachée d’aucune nullité et répond aux dispositions de l’article 64 du traité visé.
MOTIF DE L’ARRET
SUR LA FORME DE L’ARRET
La société HERMES AFRIQUE, intimée, dans la présente procédure a été représentée par son conseil, Maître AGNES OUANGUI, laquelle a régulièrement conclu pour soigner les intérêts de sa cliente, suivant des écritures des 21Octobre 1999 et 28 Avril 2000, il convient par conséquent de statuer par arrêt contradictoire à l’égard de la société HERMES AFRIQUE.
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Par une ordonnance de référé N 4625 rendu le 11Octobre 1999, la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan a ordonné l’immobilisation de trois véhicules terrestres à moteur saisis sur les établissements RICHARD et Compagnie et ce jusqu’à leur enlèvement en vue de leurs vente.
Cette ordonnance de référé du 11Octobre 1999 n’avait pas encore été signifiée au débiteur dont les biens ont été saisis lors que celui-ci a interjeté appel de l’ordonnance par exploit du 19 Octobre 1999.
Le délai de l’appel prenant son point de départ qu’à compter de la signification de la décision, conformément à l’article 228 du code de procédure civile, les Établissements RICHARD et Compagnie sont donc recevables en leur appel intervenu avant signification de l’ordonnance.
AU FOND
SUR L’INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES
Les Établissements RICHARD et Compagnie soulèvent l’incompétence du Juge des référés au motif qu’ils ont saisi le Juge du fond en contestation de la saisie pratiquée sur leurs biens dont trois véhicules.
Cependant, force est de constater que la mesure qui est demandée au Juge des référés ne vise pas à consolider la saisie pratiquée; il est en effet demandé au Juge des référés de prendre des mesures provisoires pour préserver les biens saisis; en l’espèce les trois véhicules de toute détérioration pour éviter leur perte de valeur et c’est ce qu’il a fait en prenant la décision critiquée.
Au demeurant, si le Juge du fond accédait à la demande des Établissements RICHARD et Compagnie la mesure provisoire.
Il suit de cette explication que la mesure sollicitée relève bien de la compétence du juge des référés.
SUR LA NULLITE DE LA SAISIE DU 26 mars 2000
Les Établissements RICHARD et Compagnie font valoir l’action en contestation initiée par eux devant le juge du fond sur la nullité de l’acte de saisie du 26 mars 2000 pour violation des articles 55 et suivant du 4ème acte uniforme de l’OHADA.
Que l’acte de saisie étant l’élément sur lequel se fonde la société HERMES AFRIQUE pour demander un séquestre, la désignation d’un séquestre est inopportune étant donné que le Juge du fond n’a pas encore statué sur la validité de la saisie; que le juge des référés a porté préjudice au principal en rendant sa décision.
En l’espèce, le Juge des référés ne fait qu’appliquer les dispositions de l’article 103 du traité de l’OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Ce texte qui dispose notamment dans le paragraphe 3 que « Si, parmi les biens saisis, se trouve un véhicule terrestre à moteur, la juridiction compétence peut, après avoir entendu les parties ou celle-ci dûment appelées, ordonner son immobilisation jusqu’à son enlèvement en vue de la vente par tout moyen n’entraînant aucune détérioration du véhicule ».
Cette disposition vise essentiellement à préserver le véhicule de toute avarie qui pourrait résulter de son utilisation; en cela, elle est provisoire et profitable pour les deux parties, le saisissant et le saisi; par son caractère provisoire et conservatoire, cette mesure qui a besoin d’être prise rapidement relève du pouvoir du juge des référés.
Par ailleurs, l’action en nullité de la saisie étant portée devant le juge du fond, celui des référés ne peut plus se prononcer sur la nullité de cette saisie; au demeurant la mesure prise en référé n’entame en rien la question de la validité de la saisie; la décision de référé fondée sur l’article 103 précité est par conséquent opportune et doit être confirmée.
SUR LES DEPENS
Les Établissements RICHARD et Compagnie succombent il convient de les condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit les Établissements RICHARD et Compagnie en leur appel régulier relevé le 19 octobre 1999 de l’ordonnance de référé N 4625 rendue le 11octobre 1999 par la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan.
AU FOND
Dit les Établissements RICHARD et Compagnie mal fondés.
Les en déboute.
Confirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions.
Condamne les Établissements RICHARD et Compagnie aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan, (5ème chambre civile A),a été signé par le Président et le Greffier.