J-06-79
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – INJONCTION DE PAYER – REQUETE – DEFAUT DE MENTIONS PRESCRITES – IRRECEVABILITE.
INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – DELAI – COMPUTATION.
L’opposition à une ordonnance d’injonction de payer formée le 26 août 1999 avec ajournement au 20 septembre 1999 est déclarée irrecevable par le Tribunal d’Abidjan pour cause de déchéance. La Cour d’appel sanctionne cette décision en reprochant au Tribunal d’avoir confondu ajournement et enrôlement de l’opposition; elle explique que le débiteur, ayant assigné le créancier à comparaître dans un délai ne dépassant pas trente jours à compter de la date à laquelle il a formé opposition, s’est conformé à l’article 1I.
L’opposition à une ordonnance d’injonction de payer est déclarée irrecevable par le Tribunal d’Abidjan. Le débiteur relève appel du jugement sur opposition pour irrecevabilité de la requête. La Cour d’appel fait droit au débiteur en constatant qu’à l’analyse de la requête, n’y figure ni la forme de la société requérante, ni le domicile du débiteur poursuivi, ni le décompte des éléments de la créance réclamée. Elle infirme donc le jugement et rétracte l’ordonnance.
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 843 DU 14 juillet 2000 AUDIENCE DU VENDREDI 14 JUILLET 2000 AFFAIRE ANON SEKA (Me KOFFI ANNE DOMINIQUE) C/ SOCIETE N’SIA (SCPA KONE DE MESSE ZINSOU).
LA COUR
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique et ordinaire du vendredi quatorze juillet deux mille, à laquelle siégeaient :
– Monsieur SIOBLO DOUAI JULES, Président de Chambre, PRESIDENT;
– M. DEDOH DAKOUBI, Conseiller-Rapporteur;
– M. BASTART, Conseiller à la Cour, MEMBRE;
– Avec l’assistance de Maître SOILIO TOURE, Greffier;a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE.
ANON SEKA, de nationalité Ivoirienne, Expert-comptable demeurant à Abidjan, 04 BP 1329 Abidjan 04.
APPELANT.
Représenté et concluant par Maître KOFFI ANNE DOMINIQUE, Avocat à la cour, son conseils.
D’une part.
ET.
La Nouvelle Société Africaine dite N’SIA, sise à Abidjan. Plateau 01BP 2571Abidjan 01.
INTIMEE.
Représentée et concluant par Maître KONE DE MESSE ZINSOU, Avocat à la Cour, son conseil.
D’autre part.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, statuant en la cause, en matière civile a rendu le 17 janvier 2000 un jugement civil N 42 enregistré à Abidjan le 12/04/2000 (reçu : dix-huit mille francs), aux qualités duquel il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du 10 février 2000 de Maître GODO ZAHI MARTIN, Huissier de Justice à Abidjan, le Sieur ANON SEKAa déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a par le même exploit assigné la société « La Nouvelle Société Africaine dite N’SIA » à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 14 avril 2000 pour entendre, annuler ou infirmer ledit jugement.
Sur cette assignation, la cause inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le numéro 375 de l’an 2000.
Cette mesure close, l’affaire a été renvoyée à l’audience publique du 14 avril 2000.
Appelée à l’audience sus indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 26 mai 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 30 juin 2000, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 14 juillet 2000.
Advenue l’audience de ce jour, 14 juillet 2000, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï le Ministère Public.
Ensemble les faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après.
DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES.
Considérant que suivant exploit d’Huissier du 10 février 2000 comportant ajournement au 14 avril 2000, Monsieur ANON SEKA, ayant pour conseil Maître KOFFI ANNE DOMINIQUE, Avocat à la Cour, a relevé appel du jugement civil contradictoire N 42, non encore signifié, rendu le 17 janvier 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, lequel, saisi par le sus-nommé d’une opposition à l’exécution de l’ordonnance N 5394/99 du 22 juillet 1999 portant sa condamnation à payer à la Société N’SIA la somme principale de 766 648 francs, a déclaré ladite opposition irrecevable pour cause de déchéance.
Considérant que Monsieur ANON SEKA, appelant, fait grief au Tribunal d’avoir déclaré son opposition irrecevable pour cause de déchéance.
Considérant que d’une part, ANON SEKA soutient que la juridiction de Première Instance aurait dû déclarer irrecevable la requête de la société N’SIA aux fins d’injonction de payer, aux motifs que ladite requête ne contenait pas la profession et le domicile du débiteur, la forme de la Société requérante et le décompte des différents éléments de la créance poursuivie; qu’au vu d’une telle requête, articule-t-il, présentée en violation de l’article 4 alinéa ter et 2 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le Tribunal saisi de l’opposition aurait dû rétracter l’ordonnance de condamnation pour cause d’irrecevabilité de la requête.
Considérant que d’autre part, ANON SEKA estime qu’il n’était pas déchu de son droit de faire opposition, motifs pris, selon ses dires, de ce que le délai de 30 jours prévu par l’article 11alinéa 3 de l’ace uniforme sus visé n’a pu courir puisqu’à la date de l’opposition du 26 août 1999, il y avait une cessation concertée de travail qui a perturbé le fonctionnement normal du service public de la justice, de sorte qu’en application de l’article 1er alinéa 1er de la loi N 96-670 du 29 août 1996 ledit délai était suspendu et partant son opposition recevable, contrairement à ce qu’a décidé le Tribunal.
Considérant que l’appelant soutient au surplus que la créance poursuivie par la société N’SIA n’est pas exigible parce que non seulement il n’a pas signé l’avenant de renouvellement du contrat individuel accidents en date du 27 mai 1998 mais aussi du fait qu’aucune partie n’a signé l’avenant d’assurance maladie en date du 28 mai 1998.
Considérant que Monsieur ANON SEKA, au regard de ce qui précède, sollicite l’infirmation du jugement entrepris.
Considérant que la société N’SIA, intimée, a fait parvenir au Président de la deuxième chambre de la cour d’appel de céans, ses pièces et conclusions par courrier enregistré à l’arrivée sous le numéro 602 en date du 23 mai 2000.
Considérant qu’aux termes de l’article 166 du code de procédure civile, commerciale et administrative, les parties doivent, à peine de forclusion, faire parvenir au Greffe de la Cour, dans le délai de deux mois à compter de la signification de l’appel, les conclusions et pièces dont elles entendent se servir en cause d’appel.
Considérant qu’en l’espèce, ANON SEKAasignifié son appel à la société N’SIA le 10 février 2000; qu’en faisant parvenir ses conclusions et pièces le 23 mai 2000, soit plus de deux mois après la signification à elle faite, la société N’SIA doit être déclarée forclose, quoique la décision à intervenir sera contradictoire à son égard puisqu’elle a été touchée à personne et qu’elle a comparu.
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant qu’en faisant appel par exploit d’Huissier en date du 10 février 2000 dans le délai de 30 jours à compter du jugement entrepris le 17 janvier 2000, ANON SEKAasatisfait aux exigences de l’article 15 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Qu’il convient de déclarer son appel recevable.
AU FOND
SUR LA RECEVABILITE DE L’OPPOSITION
Considérant que le Tribunal a déclaré irrecevable pour cause de déchéance l’opposition formée le 26 août 1999 par ANON SEKA à l’exécution de l’ordonnance portant sa condamnation à payer à la société N’SIA la somme principale de 766 648 francs au motif que l’opposant n’a pas respecté les dispositions de l’article 11de l’acte uniforme susvisé.
Considérant qu’aux termes du texte dont s’agit, l’opposant est tenu, à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l’opposition, de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l’opposition.
Considérant qu’il en résulte que l’opposant a pour obligation d’ajourner son affaire dans un délai maximum de 30 jours à compter de la date à laquelle il a engagé son recours.
Considérant qu’en l’espèce, ANON SEKA, en formant son opposition le 26 août 1999 avec ajournement au 20 septembre 1999, soit dans le délai prévu par la loi, a fait une bonne application de l’article 11précité alors que le Tribunal, en faisant grief à l’opposant de n’avoir enrôlé son recours qu’en octobre 1999,aconfondu ajournement et enrôlement; qu’il en résulte que l’opposition de ANON SEKA doit être déclarée recevable, la déchéance n’ayant été encourue en l’espèce.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE AUX FINS D’INJONCTION DE PAYER
Considérant que ANON SEKA reproche au Tribunal de n’avoir pas déclaré irrecevable la requête aux fins d’injonction de payer présentée par la Société N’SIA pour défaut des mentions suivantes prescrites, à peine d’irrecevabilité, par l’article 4 du même Acte Uniforme; forme de la société N’SIA, profession et domicile du débiteur, décompte des différents éléments de la créance poursuivie.
Considérant qu’à l’analyse de la requête présentée par la société N’SIA, il n’y figure pas la forme de cette société requérante, tout comme le domicile du débiteur poursuivi ANON SEKA ainsi que le décompte des éléments de la créance réclamée par la société N’SIA qui s’est contentée de dire que la somme de 766 648 francs représente des primes d’assurance maladie alors qu’en fait, ladite somme représente d’une part une prime d’assurance maladie pour.
622.882 francs et d’autre part une prime d’assurance individuelle accident pour 143.766 francs.
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’effectivement, comme l’a articulé ANON SEKA, la requête de la société N’SIA est irrecevable et le Tribunal aurait dû rétracter l’ordonnance d’injonction de payer prise en violation du texte précité.
Considérant qu’il échet dès lors de déclarer bien fondé l’appel de ANON SEKA, d’infirmer le jugement entrepris et de rétracter l’ordonnance entreprise en violation de la loi.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit ANON SEKA en son appel.
AU FOND
L’y dit bien fondé.
Infirme le jugement entrepris.
Évoquant et statuant à nouveau :
Déclare recevable l’opposition de ANON SEKA.
Juge irrecevable, pour violation de l’article 4 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la requête aux fins d’injonction de payer de la société N’SIA.
En conséquence, rétracte l’ordonnance d’injonction de payer N 5394/99 rendue le 22 juillet 1999 par le Président du Tribunal d’Abidjan.
Condamne la Société N’SIA aux dépens distraits au profit de Maître KOFFI ANNE DOMINIQUE, Avocat aux offres de droit.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan, (2ème chambre civile),a été signé par le Président et le Greffier.