J-06-80
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – INJONCTION DE PAYER – SIGNIFICATION – OMISISON DE MENTIONS.
Un débiteur défère devant la Cour d’appel un jugement sur opposition à ordonnance d’injonction de payer ayant rendu à celle-ci son plein effet.
Les seconds juges, retenant que l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer ne comporte pas toutes les mentions prescrites par l’article 8 à peine de nullité, déclarent nul l’exploit litigieux et en tirent comme conséquence le défaut de signification de l’ordonnance. Ils jugent en outre cette dernière caduque aux termes de l’article 7 qui la dit non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date.
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 850 DU 14 juillet 2000 AUDIENCE DU VENDREDI 14 JUILLET 2000 AFFAIRE SOCIETE TOTAL COTE D’IVOIRE (SCPA PARIS VILLAGE) C/ AGUELI Y AO GILBERT).
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palis de Justice de ladite ville, en son audience publique et ordinaire du vendredi quatorze juillet deux mille, à laquelle siégeaient :
– Monsieur KANGA PENOND Y AO MATHURIN, Président de Chambre, PRESIDENT;
– Mr KOBON ABE HUBERT et Mr KIBAHIRI KONE, CONSEILLERS à la Cour, MEMBRES;
– Avec l’assistance de Maître FAN JEAN-PIERRE, Greffier;a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE.
La Société TOTAL-COTE D’IVOIRE S.A. société anonyme au capital de 1.859 945 000 F CFA sise à Abidjan-Plateau Immeuble NOUR AL-HAY AT, 01BP 336 Abidjan 01, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal Monsieur CHRISTOPHE GIRADO, son Directeur Général de nationalité Française lequel demeurant audit siège élit pour les présentes domicile, au cabinet de son conseil la SCPA d’Avocat ‘PARIS VILLAGE’.
APPELANTE.
Représentée et concluant par la SCPA PARIS VILLAGE, Avocats à la cour, ses conseils.
D’une part.
ET.
Mr AGUELI Y AO GILBERT, né le 03 juin 1963 à Bouaké, de nationalité Ivoirienne demeurant à Adzopé.
INTIME.
Comparant en personne.
D’autre part.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS :
Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, statuant en la cause, en matière civile a rendu le 06 mars 2000 un jugement civil contradictoire N 238 enregistré à Abidjan le 12/04/2000 (reçu : dix-huit mille francs), aux qualités duquel il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du 29 mars 2000 de Maître M’BOLO EKISSI DONATIEN, Huissier de Justice à Abidjan, la Société.
TOTAL-COTE D’IVOIREa déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a par le même exploit assigné le sieur AGUELI Y AO GILBERT à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 12 mai 2000 pour entendre, annuler ou infirmer ledit jugement.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la cour sous le numéro 477 de l’an 2000.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause a été utilement retenue le 30 juin 2000 sur les pièces, conclusions écrite et orales des parties.
DROIT
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 07 juillet 2000, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 4 juillet 2000.
Advenue l’audience de ce jour, 14 juillet 2000, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant.
LA COUR
Ouï le Ministère Public.
Vu les pièces du dossier.
Ensemble l’exposé des faits, de la procédure, des prétentions des parties et motifs ci-après.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 27 mars 2000 comportant ajournement au 12 mai 2000, la Société TOTAL-COTE D’IVOIREarelevé appel du jugement N 238 rendu le 06 mars 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
– statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
– déboute TOTAL COTE D’IVOIRE en l’état;
– restitue à l’ordonnance son plein et entier effet; La condamne aux dépens.
Il résulte des énonciations dudit jugement que par exploit en date du 117 janvier 2000, la Société TOTAL COTE D’IVOIREa assigné en opposition Mr AGUELI Y AO GILBERT devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour voir ordonner la rétractation de l’ordonnance N 7610/99 du 02 décembre 1999 qui l’a condamnée à payer la somme principale de 7 061 122 F.
La demanderesse à l’opposition n’a pas produit devant le Tribunal ni l’ordonnance incriminée ni l’exploit de signification de celle-ci.
Le défendeur à l’opposition n’a pas non plus comparu ni conclu devant le Premier Juge. Ce dernier, tirant les conséquences de cette situation, a estimé ne pas être à mesure d’apprécier la recevabilité et le bien fondé de la demande en rétractation et a restitué à l’ordonnance querellée son plein et entier effet.
Au soutien de son appel, la Société TOTAL COTE D’IVOIRE sollicite l’infirmation du jugement entrepris.
A cet effet, elle conclut in limine litis à la nullité de l’exploit de signification de l’ordonnance querellée et à sa caducité subséquente au motif que ledit exploit ne contient pas les mentions exigées par l’article 8 de l’acte uniforme OHADA à peine de nullité de la signification.
Elle précise que ledit article dispose en son dernier alinéa que le débiteur doit être averti de ce qu’il peut prendre connaissance au Greffe de la juridiction compétente dont le Président a rendu la décision d’injonction de payer, des documents produits par le créancier.
Or, l’exploit de signification de l’intimé ne contient pas une telle mention de sorte que celui-ci est nul.
Ainsi donc, selon la société TOTAL COTE D’IVOIRE, l’ordonnance querellée est réputée n’avoir jamais été signifiée et est devenue caduque après les 03 mois de sa date de signature au sens de l’article 7 de l’acte uniforme sus-visé de sorte que le Premier Juge aurait dû en ordonner la rétractation.
Faute de l’avoir fait, conclut l’appelante, sa décision encourt l’infirmation; subsidiairement sur le fond, la Société TOTAL COTE D’IVOIRE fait valoir que dans le cadre de l’exécution du contrat de gérance d’une station Total la liant à Mr AGUELI Y AO GILBERT, ce dernier recevait des produits pétroliers à charge de les revendre.
Elle ajoute que la somme de 7 061 122 F que réclame l’intimé, représente le reliquat de la somme de 14.567.122 F qu’il devait percevoir à la fin de sa gérance.
Cependant, dit-elle, l’inventaire des stocks réalisés au terme du contrat, a fait ressortir des crédits d’un montant de 11.29.690 F que le gérant a accordé aux clients qui n’ont pu être récupérés qu’à hauteur de 6.777.205 F; ce qui laisse un débit de 4.351.385 F.
Que le gérant étant rémunéré par une marge sur le bénéfice par lui réalisé, il ne peut prétendre avoir paiement de la marge lui revenant sur la somme non récupérée mais seulement sur celle effectivement encaissée par elle, société TOTAL-CI, sur les 14.567.122 F soit 10.215.637 F.
Or, affirme l’appelante, le gérant ne conteste pas avoir perçu la somme de 7.500 000 F. Il s’ensuit, selon la société TOTAL-CI, qu’elle ne reste à payer à l’intimé que la somme de 2.715.637 F et non 7 061 122 F comme il le prétend.
En réplique Mr AGUELI Y AO GILBERT concluant sur l’exception de nullité de l’exploit de signification de l’ordonnance querellée, fait remarquer qu’il s’agit d’une simple omission de dactylographie qui est à l’origine du défaut de la mention de dispositions de l’article 8 du traité OHADA.
Qu’une contestation sérieuse existe sur le fond de l’affaire et que c’est dans un but purement dilatoire que l’appelante soulève ladite exception et sollicite que celle-ci soit rejetée.
Sur le fond, Mr AGUELI Y AO GILBERT sollicite la confirmation du jugement entrepris en expliquant que les crédits par lui accordés à certains de ses clients sont une pratique dans la gestion des Stations Total autorisée par la direction générale de la société dans le but d’attirer la clientèle.
Il ajoute que suite à sa démission de ses fonctions de gérant, son successeur Mr KONATE FATIGUIaprocédé sur demande de la société TOTAL-CI, au recouvrement de la totalité des crédits par lui consentis sur la somme de 11 128.690 F comme l’atteste les reçus de versements qu’il produit au dossier.
Qu’il ne reste donc plus devoir à la société TOTAL-CI de sorte que c’est à bon droit que le Premier Juge a restitué à l’ordonnance querellée son plein et entier effet car après qu’il ait perçu la somme de 7.500 000 F, l’appelante reste lui devoir la somme de 7 061 122 F au titre de sa gérance.
La société TOTAL-CI ne varie pas dans ses prétentions et moyens contenus dans ses conclusions datées du 28 juin 2000.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel relevé par la société TOTAL COTE D’IVOIRE du jugement N 238 rendu le 06 mars 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan est intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi.
Il y adonc lieu de le déclarer recevable.
AU FOND
Il est constant comme résultant des éléments du dossier que l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer en date du 29 décembre 1999 ne comporte pas les mentions de l’article 8 de l’acte uniforme OHADA portant réglementation des procédures de recouvrement simplifié des créances.
Le défaut de cette mention n’est pas contesté par l’intimé.
Or, l’article 8 sus-visé prescrit à peine de nullité de l’exploit la mention de ses dispositions dans ledit exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que la société TOTAL-CI soulève la nullité de cet exploit de signification de l’ordonnance querellée.
Il convient de déclarer en conséquence nul l’exploit de signification litigieux; ce qui implique le défaut de signification de l’ordonnance d’injonction de payer N 7610/99 du 2 décembre 1999.
Or, aux termes de l’article 7 de l’acte uniforme précité, la décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les trois mois de sa date.
Il convient donc de déclarer bien fondé l’appel de la société TOTAL COTE D’IVOIRE, d’infirmer le jugement entrepris et, la Cour statuant à nouveau, de déclarer caduque l’ordonnance d’injonction de payer litigieuse.
L’intimé qui succombe en cause d’appel, doit être condamné aux dépens en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare la société TOTAL COTE D’IVOIRE recevable en son appel relevé du jugement N 239 rendu le 06 mars 2000 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND
L’y dit bien fondé.
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; STATUANTaNOUVEAU :
Constate la nullité de l’exploit de signification de l’ordonnance querellée.
Dit et juge en conséquence que celle-ci est devenues caduque et en ordonne la rétractation.
Condamne l’intimé aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (4ème Chambre civile),a été signé par le Président et le Greffier.