J-06-82
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – EXISTENCE DE LA CREANCE (NON) – ABUS DE DROIT (OUI).
Une saisie conservatoire est pratiquée sur les camions citernes d’une entreprise à laquelle le saisissant avait fourni une importante quantité de carburant à destination du Mali. L’existence de la créance est contestée par le saisi qui dit n’être intervenu qu’en qualité de transporteur alors que le fournisseur le tient pour son cocontractant et le débiteur principal, solidaire de la société malienne.
Sur demande du saisi, le juge des référés ordonne la rétractation de l’ordonnance de saisie, mais sa décision est frappée de sursis par le Président de la Cour d’appel. Pendant que l’instance en validation de la saisie est pendante, le saisissant se fait autoriser par le Président du Tribunal à vendre le matériel saisi. Sur ce, une autre société, propriétaire du contenu des camions-citernes obtient la distraction de ce contenu et la mise sous main de justice des camions. Ceux-ci sont néanmoins introduits au Bénin.
Au fond, les premiers juges déboutent le saisissant pour inexistence du contrat de vente invoqué.
1) La Cour d’appel, retenant que, sur aucune pièce du dossier, il n’est fait mention du saisi comme acheteur et donc comme débiteur du saisissant pour que l’on puisse retenir la qualité de débiteur solidaire comme tente de le faire croire le saisissant, affirme que c’est à bon droit que le Tribunal de Première Instance a décidé qu’il n’existe pas de contrat de vente de carburant entre le saisissant et le saisi et que la saisie pratiquée est nulle.
2) La Cour infirme en revanche le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts du saisi, car il ressort des motivations mêmes du premier juge, note-t-elle, qu’il y a eu acharnement de la part du saisissant. Cet acharnement qui a consisté à faire pratiquer une saisie conservatoire sur les véhicules des Ets B. alors qu’aucune corrélation commerciale ne les lie est un abus de droit car cette saisie ne repose sur aucune base juridique. L’indemnisation du saisi se justifie du fait du manque à gagner résultant pour lui de l’immobilisation des véhicules et de la paralysie de ses activités.
(COUR D’APPEL DE LOME, N 62/01du 30 avril 2001AFFAIRE Yaya SANNY représenté par Jacques ELIAS (Me MOUKE) C/ Adama TRAORE, Les Établissements SOYA BATHILY (Me AQUEREBURU).
PRESENTS :
– M. M.ABDOULAYE : Président;
– WOAY A. ADOMAY AKPOR : Membres;
– MISSITE : M.P;
– OURO-DJOW : Greffier.
ARRET CONTRADICTOIRE.
La cour d’appel de Lomé, statuant en matière civile, en son audience publique ordinaire du jeudi trente avril deux mil un, tenue au Palais de Justice de ladite ville, à laquelle siégeaient :
Messieurs :
– Yaya Bawa ABDOULAYE, Président de la Cour d’Appel de Lomé, PRESIDENT;
– Kodjovi WOAYI et Komlan ADOMAY AKPOR, tous deux Conseillers à ladite Cour, MEMBRES;
– En présence de Komlan MISSITE, Premier Substitut Général;
– Avec l’assistance de Christian Tchawissi OURODJOW, Greffier.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause pendante.
entre :
Yaya SANNI, représenté par le sieur Jacques ELIAS commerçant et gérant de la Société SONACOP, dont le siège est à Cotonou (République du Bénin), demeurant et domicilié à Parakou, assisté de Me MOUKE, Avocat à la Cour d’Appel de Lomé, son conseil.
Appelant d’une part et intimé d’autre part.
Et :
Le sieur Adama TRAORE : Commerçant transporteur, demeurant et domicilié à Mpoti (République du MALI).
Les Établissements SOYA BATHILY, dont le siège est à Mopti (République du MALI) pris en la personne de son gérant, lequel a élu domicile en l’Étude de ses Conseils Me Alexis AQUEREBURU, Avocat à la Cour à Lomé.
Intimés d’autre part et appelant incident d’une part.
Sans que les présents qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties en cause mais au contraire sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
POINT DE FAIT :
Suivant exploit en date du 17 janvier 2001de Me Adenleté K. ADJAHO, huissier de justice à Lomé, le sieur Jacques ELIAS représentant Monsieur Yaya SANNI déclare interjeter appel du jugement N 78/01du 16 janvier 2001rendu par le tribunal de Lomé dont la disposition est ainsi libellée :
– « EN LA FORMEReçoit le sieur Yaya SANNI en son action principale et les demandeurs en leur action reconventionnelle régulière.
Au fondDéclare l’action du requérant injustifiée.
Dit qu’il n’existe de contrat de vente entre le demandeur et les établissements SOYA BATHILY.
Dit en conséquence que le sieur SOYA BATHILY ne peut être déclaré débiteur solidaire du nommé Adama TRAORE.
En conséquence, déclare mal fondée, nulle, la saisie conservatoire pratiquée par le sieur Yaya SANNI sur les camion-citernes appartenant aux Établissements SOYA BATHILY.
Ordonne la main-levée de la ladite saisie.
Déboute le requérant de sa demande en dommages et intérêts et celle tendant à déférer au sieur SOYA BATHILY le serment d’office.
Rejette la demande reconventionnelle du requis pour défaut de justificatif.
Dit n’y avoir lieu exécution provisoire.
Met les dépens à la charge du demandeur.
Par le même exploit, l’appelant a fait donner assignation aux intimés d’avoir à comparaître le jeudi 22 février 2001à huit heures du matin et les jours suivant s’il y a lieu, à l’audience et par-devant la Cour d’Appel de Lomé, séant au Palais de Justice de ladite ville.
L’objet de l’appel est de demander à la cour d’adjuger les motifs exposer devant le premier juge que ceux à exposer ultérieurement.
Par ces motifsen la forme : voir recevoir l’appelant du jugement pour avoir interjeté appel dans les forme et délai de la loi; Au fond : voir mettre à néant le jugement et émendant, voir décharger l’appelant de par ledit jugement; Statuant à nouveau et faisant ce que le premier Juge aurait dû faire. voire adjuger à l’appelant l’entier bénéfice des conclusions prises par lui devant le premier juge et celles qu’il croira devoir y ajouter devant la Cour; voir condamner les intimés aux entiers dépens dont distraction au profit de Me MOUKE.
La cause à la suite de cette assignation fut inscrite au rôle général sous le N 73/01, et, appelée à l’audience précitée.
A l’audience du 22 février 2001, l’affaire fut renvoyée à l’audience du 05 avril 2001puis au 11avril 2001.
Me MOUKE, Avocat à la cour à Lomé a pour le compte de son client le sieur Yaya SANNI représenté par Jacques ELIAS, sollicite qu’il plaise à la Cour annuler le jugement querellé et statuant à nouveau adjuger les conclusions de l’exposant.
Les intimés par l’organe de leur conseil Me Alexis AQUEREBURU, Avocat à la Cour, a par requête déclaré interjeter appel pour le compte de ses clients; par ses conclusions en réplique demande à la Cour la confirmation du jugement déféré.
Le Ministère publique qui a eu la parole pour ses réquisitions, a déclaré s’en rapporter à justice.
POINT DE DROIT : La cause en cet état présentait à juger les différentes questions résultant des conclusions et débats des conseils des parties.
Sur quoi, la Cour amis l’affaire en délibéré pour l’arrêt à la loi, a statué en ces termes :
LA COUR
Oui les conseils des parties en leurs écritures respectives.
Le Ministère Public entendu.
Vu le jugement N 78/01du 16 janvier 2001rendu par le Tribunal de Premier Classe de Lomé.
Vu les appels interjetés ensemble les pièces du dossier de la procédure.
Et après en avoir délibéré.
EN LA FORME
Attendu que par exploit en date du 17 janvier 2001et 24 janvier de la même année, les nommés Yaya SANNI, Adama TRAORE et les Établissements SOYA BATHILY ont relevé appel du jugement N 078/01rendu par le Tribunal de Première Instance de Lomé.
Que ces appels relevés dans les forme et délai de la loi sont réguliers; qu’il échet de les recevoir.
Au fond
Attendu que Me MOUKE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de l’appelant Yaya SANNI fait grief au jugement entrepris d’avoir ordonné la main-levée de la saisie pratiquée au motif que l’action du concluant est injustifiée; qu’il sollicite l’annulation du jugement entrepris pour défaut de base légale.
Attendu que Me AQUEREBURU, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte des Établissements SOYA BATHILY fait grief au jugement déféré d’avoir rejeté les demandes de dommages-intérêts et l’exécution provisoire sollicitée; qu’il sollicite que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu’il a ordonné la main-levée des saisies pratiquées sur les camions-citernes reconventionnelles et condamner le sieur Yaya SANNI à payer aux requérants diverses sommes à titre de dommages-intérêts et prononcer l’exécution provisoire de décisions à intervenir.
Attendu que Me MOUKE au soutien de son appel expose que courant mois de novembre 1999, le sieur SOYA BATHILY.
a pris attache par voie téléphonique avec l’exposant en vue de la fourniture de 500 000 litres d’essence ordinaire et 500 000 litres de gasoil à BAMAKO (R /MALI); qu’à la suite de diverses négociations sur le prix et le moyen de transport, le sieur SOYA BATHILY envoya quelques jours plus tard à Cotonou huit (08)camions lui appartenant en vue de la prise en possession de la marchandise sus-désignée; que lesdits camions étaient convoyés par le nommé Mamba BATHILY, frère du sieur SOYA BATHILY; qu’au moment de la livraison, il s’est avéré que les camions envoyés ne pouvaient pas contenir les 500 000 litres d’essence ordinaire; que c’est alors que le sieur SOYA BATHILY a demandé toujours par voie téléphonique à l’exposant de lui trouver 3 autres véhicules, ce qui fut fait; qu’il expliqua en outre au concluant que ne disposant pas d’agrément aux fins d’importation de produits pétroliers au Mali, il souhaiterait qu’il soit mis dans le cadre réservé au client sur le bordereau de livraison les références de la société carburant ET GAZ DU MALI (C.G.M. SA) laquelle appartient à son cousin le nommé Adama TRAORE et qui est titulaire d’un agrément; que sachant que ces pratiques sont Courantes, l’exposant n’a trouvé aucun inconvénient à cette stratégie; qu’ainsi les bordereaux furent établis selon les voeux du sieur SOYA BATHILY; que lorsque le convoi arriva à la frontière Burkina-Faso. Mali, l’exposant fut surpris par le changement de destination de la marchandise sur Mopti au lieu de Bamako précédemment convenu; qu’il exigea alors le paiement immédiat du prix soit la somme de 76.248.344 F CFA; que pour lever son inquiétude, le Chef du Bureau des Douanes le rassura en lui expliquant qu’il connaît bien le sieur SOYA BATHILY qui se sert d’habitude de l’agrément de C.G.M. SA pour importer les produits pétroliers au Mali et qu’il est bon payeur; que rassuré, l’exposant poursuivit le voyage sur Mopti où le sieur SOYA BATHILY a fait dépoter neuf (09)camions dans ses propres stations d’essence, les deux (02) autres furent dépotés à GAO dans des stations d’essence lui appartenant; que c’est à la suite de cela que commença le cauchemar de l’exposant; que pendant vingt cinq jours d’attente, il n’a pu rentrer en possession de ses fonds; que ne disposant plus d’argent pour poursuivre son séjour au Mali, il a dû se contenter d’un engagement signé hors sa présence et aux termes duquel le sieur Adama TRAORE se portait garant de la dette de 76.248.344 F CFA et retourna au Bénin; que jusqu’à ce jour aucun centime n’a été payé à l’exposant; que c’est dans ces conditions qu’il a cru devoir pratiquer en vertu de l’ordonnance N 630/00 du 13 juin 2000 de Monsieur le Président du Tribunal de Première Classe de Lomé, saisie conservatoire sur les biens corporels du sieur SOYA BATHILY.
Que pour ordonner la main levée de la saisie querellée, le premier Juge a estimé qu’il n’y a pas eu de contrat de vente entre le concluant et les Établissements SOYA BATHILY représentés par le sieur SOYA BATHILY et que le contrat de vente évoqué par les concluants ne peut être conclu avec une légèreté sans garantie par un homme d’affaires avisé; que ce faisant le premier Juge a infesté sa décision d’un vice susceptible de l’annuler pour simple raison qu’il n’a pas bien apprécié les faits de la cause et surtout la pratique commerciale; qu’il est constant et qu’il découle clairement de la relation des faits que le contrat de vente de 500 000 litres d’essence ordinaire est intervenu entre le concluant et le sieur SOYA BATHILY que les négociations préalables à la vente ont eu lieu entre ces deux personnes et qu’en aucun moment le sieur SOYA BATHILY n’a laissé entendre au concluant qu’il agissait au nom et pour le compte du sieur Adama TRAORE, Président Directeur Général de la Société C.G.M. SA; qu’il est également constant que la marchandise a été réceptionnée par le sieur SOYA BATHILY qui, au demeurant l’a déchargée dans ses propres stations d’essences situées à Mopti et Gao.
Que par ailleurs, en matière commerciale où la preuve est libre, il est de principe ancien que de jurisprudence concordante que le bordereau de livraison constitue un titre de créance aux termes duquel le réceptionnaire de la marchandise est tenu au paiement du prix; qu’en l’espèce, le sieur SOYA BATHILY, réceptionnaire de 501 000 litres d’essence ordinaire est débiteur principal de la somme de 76.248.344 F CFA à l’égard du concluant; que c’est de mauvaise foi que le sieur SOYA BATHILY soutient qu’il n’est intervenu qu’en réalité de transporteur et surtout qu’il ne rapporte pas de preuve du prétendu contrat qui aurait existé entre le sieur Adama TRAORE et lui; qu’en outre, c’est vainement qu’il prétend que la vente est intervenue entre le sieur Adama TRAORE et le concluant alors qu’il ne rapporte guère la preuve que des discussions et négociations ont eu lieu entre ces deux personnes; que cela est d’autant plus évident que la marchandise n’a pas été déchargée dans les stations d’essence de la Société C.G.M. SA mais plutôt dans celles du sieur SOYA BATHILY; qu’en tout état de cause, il est de principe ancien et constant ainsi que de jurisprudence concordante qu’en matière commerciale la solidarité des débiteurs se présume en raison de la dominance des usages pratiques commerciaux; que cette dominance résulte également en vigueur du Code de Commerce et qui n’a abrogé les anciens usages du Commerce; que le principe commun du créancier, qu’il incite à contracter et des débiteurs sont il augmente le crédit; qu’il contribue donc à faciliter l’obtention du crédit en diminuant les risques d’insolvabilité du débiteur; qu’en l’espèce, eu égard aux bordereaux de livraison dûment déchargés par les Établissements SOYA BATHILY et à l’engagement signé le 4 décembre 1999 par le sieur Adama TRAORE prouvent que ces deux personnes sont des débitrices solidaires du concluant et que celui-ci est en droit de poursuivre l’un contre l’autre; que cela est d’autant plus évident que dans la combinaison des faits, les Établissements SOYA BATHILY ont entamé les pourparlers et obtenu le marché et le sieur Adama TRAORE lui s’est porté garant pour paiement de la somme de 76.248.344 F CFA représentant la valeur des 501 000 litres d’essence ordinaire; qu’il appert ainsi de ce qui précède que la saisie conservatoire pratiquée par le concluant étant justifiée, c’est à tort que le premier Juge en avait ordonné sa main levée sans avoir procédé à une enquête alors qu’en matière commerciale la preuve peut être rapportée par tous moyens et que la vente est un contrat consensuel qu’il convient alors de valider la saisie pratiquée le 13 juin 2000 sur les camions appartenant aux Établissements SOYA BATHILY et de les condamner solidairement avec le sieur Adama TRAORE au paiement de la somme de 50 000 000 F CFA à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et trouble commercial.
Attendu que Me AQUEREBURU agissant au nom et pour le compte de l’appelant Établissements SOYA BATHILY dans son exposition des faits déclare que les Établissements SOYA BATHILY sont une société de transport et de commerce général installés à Mopti au Mali; qu’en cette qualité, ils ont été requis pour la première fois par le sieur Adama TRAORE, Président Directeur Général de la Société C.G.M. pour transporter plus de 501 000 litres de carburant pour son compte du Bénin au Mali; que les concluants ont mis à la disposition du sieur Adama TRAORE cinq de leurs camions-citernes qui ont servi à acheminer le carburant convoyé par le sieur Yaya SANNI d’abord jusqu’à Bamako puis à Mopti; qu’à l’arrivée du carburant sur le territoire Malien, le sieur Adama TRAORE est intervenu pour payer les frais de la douane et tous les autres frais nécessaires à l’entrée du carburant sur le territoire malien; qu’après les formalités de dédouanement, le sieur Adama TRAORE qui est agréé pour l’importation des produits pétroliers, a accepté de vendre une partie du carburant aux concluants et lui ont payé l’ensemble des livraisons; que l’intervention des concluants s’est arrêté à ce niveau; que devant les difficultés du sieur Yaya SANNI de se faire payer par Adama TRAORE, il s’adresse au comptable des concluants pour savoir si le carburant acheté à ce dernier a été payé, ce qui lui fut confirmé; que c’est ainsi que Yaya SANNI par son représentant obtint de Adama TRAORE une reconnaissance de dette et un engagement de payer dans un bref délai; que curieusement les concluants auront la surprise de se voir saisie leurs véhicules réquisitionnés pour acheminer du carburant pour le compte d’un autre importateur Malien six mois après; que pour obtenir une telle ordonnance, sieur Yaya SANNI brandit comme pièce une attestation de reconnaissance de dette signée de Adama TRAORE et un ensemble de bordereaux de livraison carburant au profit de la Société C.G.M. du Mali dont le directeur est le sieur Adama TRAORE; que muni de cette ordonnance, Yaya SANNI par l’entremise de Me ADJAHO, huissier de Justice opéra une saisie-conservatoire sur cinq (05)camions-citernes contenant des produits pétroliers appartenant à la Société DOUL-OIL BAMAKO qui a chargé les concluants de convoyer les produits de Lomé à Bamako; que face à cette saisie, les concluants ont saisi par procédure d’heure en heure, le Juge des référés pour obtenir la rétractation de l’ordonnance et la main-levée des saisies; que l’extrait de ladite ordonnance fut signifié à Yaya SANNI; que l’huissier ADJAHO refuse de s’exécuter mais signifie à son tour une ordonnance de référé sus-visée; que cette ordonnance signée du Président de la Cour d’Appela été obtenue en violation d’une jurisprudence de la Cour Suprême du Togo qui pose le principe du non-sursis à l’exécution d’une ordonnance de référé par essence exécutoire par provision; que les concluants ont introduit une procédure de référé devant le Président de la Cour d’Appel pour voir rétracter l’ordonnance de sursis à exécuter N 148/00; qu’il rejeta la demande de rétractation; que les parties sont alors retournées devant le Tribunal de Première Instance dans la procédure de validation; qu’alors que l’affaire fut mise en délibéré, elle devait disparaître du rôle pendant un mois; qu’à la faveur de cette anomalie, Yaya SANNI au mépris des règles de l’Acte Uniforme de l’OHADA obtint du Président du Tribunal une curieuse ordonnance N 1193/00 du 13 octobre 2000 pour procéder à la vente du matériel risque de se détériorer sous l’effet des intempéries; que l’ordonnance a été signifiée aux concluants et les invite à assister à la vente le 21octobre 2000; que la Société DOUL OIL BAMAKO, Société distincte et propriétaire du contenu des camions des Établissements SOYA BATHILY saisit le Président qui l’autorise à récupérer les carburants pour déverser dans les cuves du TOGO & SHELL et les véhicules gardés sous main de justice jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond du dossier; que cette ordonnance a été signifiée à Yaya SANNI et à son huissier;.
Que malgré toutes les décisions de justice les véhicules vidés de leur contenance ont été frauduleusement introduits au Bénin puisque les ventes desdits véhicules n’ont jamais eu lieu; que c’est dans cet imbroglio juridique et factuel que le Premier Juge a finalement rendu le jugement querellé; que sur les dommages-intérêts au sens des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code Civil, tout préjudice emporte pour la victime réparation; qu’il est de jurisprudence que l’exercice d’un droit peut constituer une faute lorsque le titulaire de ce droit en fait à dessein de nuire un usage préjudiciable à autrui; Civ. 2, 26 Nov.1D. 1956, 154 note Fridel; que la jurisprudence estime que l’exercice d’un droit peut donner lieu à dommages lorsqu’on constate à la charge due à une faute commise par intention malicieuse, mauvaise foi ou erreur grossière équivalente à la Requête.du 11 juin 1890 D. P. 91 1.193, Civ. 30 juillet 1930, D.17.M 30.539.
Que dans le cas d’espèce, l’intention malicieuse et erreur grossière de Yaya SANNI équivalent au dol; qu’il est inconcevable que le sieur Yaya SANNI ait une reconnaissance de dette signée d’un autre et qu’il ait choisi de poursuivre les Établissements SOYA BATHILY; que d’ailleurs le jugement entrepris a lui-même reconnu cette évidente erreur et a sanctionné l’action de Yaya SANNI; que la conséquence de cette sanction aurait dû être la condamnation à des dommages-intérêts sans avoir besoin de chercher la preuve d’un quelconque préjudice; qu’en refusant de rester dans cette logique le jugement entrepris mérite l’annulation.
Que sur les dommages-intérêts fondés sur la demande reconventionnelle il est de jurisprudence que les dommages-intérêts peuvent être introduits par la demande reconventionnelle que la doctrine définit comme la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire que si les juges ont un souverain pouvoir d’appréciation, il n’en demeure pas moins que les demandes de dommages-intérêts sur la nullité d’action ou de saisie sont accueillies favorablement par les Tribunaux; que dans le cas d’espèce, le premier Juge a occulté sans raison la demande reconventionnelle; qu’il échet de réformer le jugement entrepris sur ce point et allouer les dommages-intérêts au regard de l’état joint en annexe aux présentes.
Qu’en rejetant également la demande de l’exécution provisoire formulée par les concluants, le premier Juge a fait un raisonnement erroné; qu’en effet le même juge ne peut ordonner la vente des camions-citernes pour des raisons urgentes et en même temps occulter cette urgence pendant que les camions-citernes sont acheminés au Bénin sans aucun titre; que l’urgence et la nécessité étaient manifestes pour le premier juge à ordonner l’exécution provisoire; qu’au regard des éléments de fait et compte tenu du fait que les véhicules sont immobilisés depuis juin 2000 à Lomé puis à Cotonou, il est nécessaire que le jugement qui annule la saisie qui immobilise les véhicules puisse ordonner l’exécution provisoire permettant aux concluants de procéder à l’exécution rapide du jugement et mettre fin ainsi à cette immobilisation injustifiée; qu’il ne faut pas perdre de vue que les camions appartiennent à une société commerciale qui pâtit de cette paralysie; qu’en rejetant la demande d’exécution provisoire, le jugement querellé n’a pas apprécié la dimension réelle et concrète de cette vérité; que la loi permet à la Cour d’Appel de consigner ce manquement en prononçant l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Que dans ses notes en cours de délibéré le conseil des Établissements SOYA BATHILY est revenu sur les contradictions qui ont émaillé les déclarations de Yaya SANNI et sollicite que Yaya SANNI soit condamné à payer aux concluants la somme de 250 000 000 F CFA à titre de dommages-intérêts.
Attendu que la cause étant ainsi résumée, il convient d’apprécier les griefs relevés contre le jugement.
Attendu que l’appelant Yaya SANNI soutient que la vente des 501 000 litres d’essence ordinaire est intervenue entre lui et le sieur SOYA BATHILY, Directeur des Établissements SOYA BATHILY a été déchargée dans ses propres stations d’essence; que les bordereaux de livraison dûment déchargés par les Établissements SOYA BATHILY et l’engagement signé des 4 décembre 1999 par le sieur Adama TRAORE prouvent que ces deux personnes sont des débiteurs solidaires.
Attendu que les Établissements SOYA BATHILY ne reconnaissent pas avoir contracté un quelconque contrat avec le sieur Yaya SANNY.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier aucun élément en faveur de la vente qui serait intervenue entre ces deux parties.
Attendu en effet que de l’analyse des diverses pièces versées au dossier, notamment les correspondances en date des 22, 26 et 28 octobre 1999 échangées entre les sieurs Adama TRAORE et Félicien KPETEHOTO, Président-Directeur Général de ABH-OIL International, Société Anonyme et les photocopies des factures et bordereaux de livraison, il ressort que les Établissements SOYA BATHILY, Société de transport, ont été sollicités par le sieur Adama TRAORE, Président Directeur Général de la Société C.G.M. SA en vue de transporter le carburant qu’il a acheté auprès de la Société ABH OIL International du Bénin au Mali; qu’ainsi les allégations de Yaya SANNI ne sont pas fondées; que le vrai acheteur du carburant en cause est le sieur Adama TRAORE et non les Établissements SOYA BATHILY; que s’il est vrai que le sieur SOYA BATHILY a eu à acheter le même carburant, il l’a fait auprès de Adama TRAORE et que le prix lui a été intégralement payé comme témoignent les copies des chèques de règlement versées au dossier.
Attendu que par ailleurs, la preuve de l’existence de cette vente est l’attestation d’engagement signée par Adama TRAORE en date du 4 décembre 1999 aux termes de laquelle il « reconnaît devoir la somme de 76.248.344 F CFA à monsieur Yaya SANNI pour la fourniture de 501 000 litres d’essence ordinaire livrée à C.G.M. SA à Mopti »; que sur aucune pièce du dossier et sur l’attestation du 4 décembre 1999, il n’est fait mention des Établissements SOYA BATHILY comme acheteurs et donc débiteurs de Yaya SANNI pou qu’on puisse retenir la qualité de débiteur solidaire comme tente de le faire croire l’appelant Yaya SANNI.
Attendu qu’il résulte ainsi de tout ce qui précède que c’est à bon droit que le Tribunal de Première Instance a déclaré qu’il n’existe pas de contrat de vente de carburant entre Yaya SANNI et les Établissements SOYA BATHILY et a donc dit que la saisie pratiquée sur les véhicules desdits Établissements est nulle et en a ordonné la main-levée; qu’il y adonc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ses deux points.
Attendu qu’il est constant tel qu’il ressort des motivations même du premier juge qu’il a eu acharnement de la part du sieur Yaya SANNI sur la personne de SOYA BATHILY; que dès lors qu’il s’est rendu compte qu’il avait des difficultés pour rentrer en possession de ses fonds auprès de Adama TRAORE, il s’en est pris au transporteur qu’est SOYA BATHILY parce que dit-on qu’il serait un bon payeur; que cet acharnement qui a consisté à faire pratiquer une saisie conservatoire sur les véhicules des Établissements SOYA BATHILY alors qu’aucune corrélation commerciale ne les lie est un abus de droit, car cette saisie ne repose sur aucune base juridique; que la demande reconventionnelle se justifie du fait de la saisie arbitraire qui a immobilisé des camions-citernes jusqu’à ce jour, ce qui cause un manque à gagner auxdits Établissements; que toutefois, eu égard aux éléments d’appréciation de la Cour, la somme réclamée est exagérée; qu’il y a lieu de la ramener à cinq millions de francs.
Attendu que par ailleurs, l’exécution provisoire de la décision à intervenir s’impose par la nature même des faits; qu’en effet, c’est de manière frauduleuse que les camions-citernes ont été acheminés au Bénin parce que sans aucun titre; que lesdits camions sont immobilisés depuis juin 2000 à Lomé puis à Cotonou paralysant ainsi les activités des Établissements SOYA BATHILY; que la saisie conservatoire étant déclarée nulle et que le Tribunal en a ordonné la main¬levée, l’exécution provisoire doit être ordonnée afin de permettre aux Établissements SOYA BATHILY victime d’un abus de droit de récupérer dans les meilleurs délais leurs véhicules.
Attendu que le sieur Yaya SANNI pour avoir initié une procédure inappropriée contre les Établissements SOYA BATHILY et leur avoir aussi fait subir d’énormes préjudices doit être condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en appel.
EN LA FORME
Reçoit les appels.
Au fond
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il adit qu’il n’existe de contrat de vente entre le sieur Yaya SANNY et les Établissements SOYA BATHILY et a en conséquence déclaré mal fondée, nulle, la saisie conservatoire pratiquée par le sieur Yaya SANNI sur les camions-citernes appartenant auxdits Établissements et ordonné la main-levée de ladite saisie.
Toutefois, l’infirme en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle des Établissements SOYA BATHILY tendant à la condamnation de Yaya SANNI au paiement des dommages-intérêts et adit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Statuant à nouveau
Déclare fondée la demande en dommages-intérêts des Établissements SOYA BATHILY.
Condamne le sieur Yaya SANNI à payer aux Établissements SOYA BATHILY la somme de cinq millions (5 000 000) francs CFA à titre de dommages-intérêts.
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
Condamne le sieur Yaya SANNY aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Lomé, Chambre Civile, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.