J-06-86
DROIT COMMERCIAL GENERAL – CESSION DE FONDS DE COMMERCE – OPPOSITION – FORMALITES DE L’OPPOSITION – JURIDICTION COMPETENTE – JUGE DES REFERES (NON).
Une banque, propriétaire de l’immeuble qui abrite un fonds, a formé opposition sur le prix de cession dudit fonds en arguant de ce que l’ancien exploitant du fonds lui était redevable de nombreux loyers.
Saisi par le cédant pour ordonner mainlevée de cette opposition, le juge des référés s’est déclaré incompétent.
Pour confirmer la décision entreprise, la juridiction d’appel a d’abord rejeté comme non fondé le moyen de l’appelant selon lequel l’intimé n’a pas respecté les formalités de l’opposition telles quelles sont prescrites par les articles 128 et 129 de l’A.U. sur le Droit Commercial Général. La Cour d’appel a ensuite statué que le juge des référés ne pouvait ordonner la mainlevée sans se prononcer sur l’existence et l’effectivité de la créance dont se prévaut la société de banque, ce qui préjudicierait au principal déjà pendant devant le juge du fond.
Article 128 AUDCG
Article 129 AUDCG
(COUR D’APPEL DE DAKAR, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE 1, ARRÊT N 237 DU 13 avril 2001CIVIL, RÉFÉRÉ, Samba BA (Me Guédel Ndiaye et Associés) C/ La S.G.B.S. La Cie BYSANCE et Me Papa Sambaré Diop (Me Sadel NDIAYE).
LA COUR
PRESENTS.
– Mouhamadou DIAWARA, Président;
– Mamadou DEME; Abdoulaye NDIAYE, Conseillers El Hadji Ayé Boun Malick DIOP, Greffier.
ENTRE :
Samba BA, demeurant à Dakar Fann Résidence, faisant élection de domicile en l’étude de Me Guédel Ndiaye, avocat à la Cour.
Appelant comparant et concluant à l’audience par ledit avocat.
D’une part.
Et :
1) La Société Générale de Banques au Sénégal, faisant élection de domicile en l’étude de Me Sadel Ndiaye, avocat à la Cour.
Intimée.
Comparant et concluant à l’audience par ledit avocat.
2) Le Gie BYSANCE prise en la personne de son représentant légal, ayant ses bureaux au 28 Rue Amadou Assane Ndoye à Dakar.
3) Me Papa Sambaré Diop, Notoire à Dakar, en son Étude sise au 125 Ruecarnot à Dakar.
D’autre part.
AUTRES INTIMES.
Comparant en personne.
LES FAITS
Suivant exploit de Me Aloyse Ndong, Huissier de justice à Dakar en date des 12 et 16 mai 2000, le sieur Samba BAa déclaré interjeter appel contre l’ordonnance rendue par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar en son audience du 08/05/2000 et à laquelle siégeaient Monsieur Mbacké Fall, Président et avec l’assistance de Mme DIENG, Greffier, enregistrée au mois de juin 2000 suivant bordereau n 540/1, Vol XXIV, F 138,case 2159 au coût de 6 000 (six mille) francs.
Et par l’exploit susvisé, le sieur Samba BA a fait servir assignation à la S.G.B.S. au GIE BYSANCE et à Me Papa Sambaré Diop d’avoir à comparaître et se trouver par devant la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du vendredi 26/05/2000 pour y venir voir et entendre statuer sur les mérites de son recours.
Sur cette assignation, l’affaire inscrite au rôle de la Cour sous le numéro 435 de l’an 2000a été appelée à la date pour laquelle ladite assignation avait été servie.
A cette date, l’affaire mise au rôle particulier de l’audiencea été renvoyée plusieurs fois et au 16 mars 2001, date à laquelle elle a été utilement retenue.
A cette date, Me Guédel Ndiaye et Associés ont déposé des conclusions écrites tendant à ce qu’il plaise à la Cour.
Conclusions du 09 novembre 2000
– « Déclarer l’appel recevable et bien fondé.
Infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, ordonner la mainlevée de l’opposition formée par la SGBS.
Condamner la SGBS aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction selon l’usage ».
Conclusions du 04 janvier 2001
– « Adjuger aux concluants l’entier bénéfice de leurs écritures précédentes et présentes ».
A son tour Me Sadel Ndiaye a déposé des conclusions écrites tendant à ce qu’il plaise à la Cour.
Conclusions du 23 novembre 2000
– « Confirmer l’ordonnance entreprise.
Condamner l’appelant aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction comme d’usage.
Au subsidiaire.
Débouter Samba Bâ de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Condamner aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction comme d’usage ».
Les débats ont été clos.
Sur quoi Monsieur le Président a ordonné le dépôt des pièces du dossier sur le bureau de la Cour qui amis l’affaire en délibéré pour l’arrêt à intervenir à la date du 04/05/2001.
DROIT
La cause en cet état présentait à juger les différents points de droit résultant du dossier et des conclusions prises par les parties en cause.
QUID DES DEPENS?
A cette date, le délibéré a été prorogé au 11mai 2001.
Advenue l’audience publique et ordinaire de ce jour 11mai 2001, la Cour vidant son délibéré a statué ainsi qu’il suit :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en toutes leurs demandes.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Statuant sur l’appel formé les 12 et 13 mai 2000 par Samba BA de l’ordonnance n 496 rendue le 8 mai 2000, par laquelle le juge des référés du Tribunal Régional de Dakar s’est déclaré incompétent dans la cause l’opposant à la Société Générale de Banques au Sénégal, le G.I.E. Byzance et Papa Sambaré Diop notaire à Dakar et l’a condamné aux dépens.
Considérant qu’il échet de déclarer tel appel recevable en la forme.
AU FOND
Sur les faits, les prétentions et les moyens des parties
Considérant qu’il résulte des écritures des parties et des pièces qu’elles produisent que Samba BAacédé au GIE BYZANCE le fonds de commerce exploité à Dakar sous l’enseigne « PLAY-CLUB »; que la SGBS ayant formé opposition sur le prix, il a saisi le juge des référés pour entendre en ordonner la mainlevée.
Que c’est de l’ordonnance par laquelle le juge des référés s’est déclaré incompétent pour ordonner la mesure sollicitée que la Cour se trouve saisie.
Considérant qu’en critique de la décision querellée, Samba BA rappelle que le.juge des référés est le juge de l’urgence en application des dispositions de l’article 127 du Code de Procédure Civile et soutient qu’une procédure tendant à la mainlevée d’une opposition est par essence urgente, surtout lorsque l’opposition est manifestement irrégulière.
Qu’argumentant, il soutient que dans son exploit d’opposition, la SGBS n’a pas assigné le greffier en chef du Tribunal, ni énoncé le montant et les causes de sa prétendue créance conformément aux prescriptions de l’article 127 de l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général, alors que l’omission de ces formalités est sanctionnée par la nullité de l’opposition par les dispositions in fine du même article; que l’opposant aurait par ailleurs méconnu le délai assigné en paiement que par exploit en date du 17 avril 2000, soit plus de 2 mois et demi après l’opposition.
Que sans préjuger du bien ou mal fondé de la créance alléguée, le juge des référés aurait le pouvoir de procéder au simple constat de ces irrégularités et d’en tirer toutes les conséquences de droit, en l’occurrence la nullité de l’opposition et par suite, d’en ordonner la mainlevée.
Considérant que la SGBS expose quant à elle qu’elle est devenue propriétaire de l’ensemble immobilier abritant le « Play Club » quitte à une adjudication; que depuis cette acquisition, elle n’a perçu aucun loyer de ses exploitants; qu’elle serait dès lors fondée à revendiquer une partie du prix de vente du fonds de commerce.
Qu’elle soutient que les moyens développés par l’appelant relativement aux articles 127, 128 et 129 de l’Acte Uniforme sont sans aucun fondement; qu’après avoir signifié son opposition, elle a servi une assignation à comparaître devant le juge du fond par acte du 2 février 2000.
Que concluant à la confirmation de l’ordonnance, elle affirme que la « juridiction compétente » visée à l’article 129 de l’Acte Uniforme sur le droit commercial général pour prononcer la mainlevée de l’opposition et autoriser le vendeur à percevoir le prix de vente ne peut pas être le juge des référés, mais le seul juge du fond, auquel l’article 128 du même acte donne également compétence pour constater la créance de l’opposant et en ordonner le paiement; que la similitude de rédaction entre les articles 128 et 129 de l’Acte Uniforme traduit la volonté du législateur d’attribuer compétence au même juge pour connaître de tout le contentieux sur les oppositions; que l’interprétation inverse reviendrait à attribuer compétence pour ledit contentieux à deux juridictions différentes, selon que l’action a été introduite par l’opposant ou par le vendeur.
Que par ailleurs, ordonner la main levée reviendrait en l’espèce à autoriser le vendeur à percevoir le prix de vente, ce qui rendrait sans objet la procédure d’opposition pendante devant le juge du fond et préjudicierait ainsi au principal ainsi que justement relevé parle premier juge.
Considérant qu’en réplique Samba B fait remarquer que le Droit Communautaire ne réglemente pas les questions de compétence juridictionnelle, qu’il laisse aux lois nationales des Etats.
Qu’en droit sénégalais, si le juge visé à l’article 128 précité ne peut être que le juge du fond puisque s’agissant d’une action visant la consécration d’une créance, donc une action en paiement, la procédure de l’article 129 ne peut être que de la compétence du juge des référés, puisque visant la main levée d’une opposition par essence urgente.
SUR CE
Considérant que l’opposition a bien été signifiée au Greffier en Chef du Tribunal Régional de Dakar, qu’elle comporte énonciation du montant et des causes de la créance dont se prévaut la SGBS, qu’ainsi qu’assignation à comparaître devant le Tribunal Régional de Dakar aux fins visés par l’article 128 de l’Acte Uniforme, comme il résulte des mentions de l’exploit en date du 2 février 2000 de Ndèye Tègue Fall L0, huissier de justice à Dakar, régulièrement versé aux débats et non contesté.
Qu’ainsi, contrairement au allégations de l’appelant, aucune violation des articles 128 et 129 de l’Acte Uniforme ne saurait être invoquée de ces chefs; que le simple constat d’irrégularités purement formelles auquel invite l’appelant apparaît sans aucun fondement.
Qu’il échet par suite d’examiner la compétence du juge des référés pour apprécier la pertinence des moyens développés quant au fond par les parties.
Considérant sous ce rapport, ainsi que le relève Samba BA, que la détermination de la compétence juridictionnelle est laissée par le législateur communautaire à la discrétion du droit interne des Etats membres.
Considérant cela étant, qu’il ne peut être péremptoirement affirmé ainsi que le fait l’intimée, que le contentieux de l’opposition est de la compétence exclusive du juge du fond, l’article 247 du code de procédure civile donnant compétence générale au juge des référés pour ordonner toutes mesures, sous la double limite de la constatation de l’urgence et de l’interdiction qui lui est faite de préjudicier au principal.
Que si en l’espèce il y en a lieu de convenir avec Samba AB du caractère urgent de la mesure qu’il a sollicitée, il échet de constater que pour faire droit à sa demande ou la rejeter, le juge des référés doit préalablement statuer sur l’existence et l’effectivité de la créance dont se prévaut la SGBS.
Qu’une telle recherche, dont il n’est pas discuté que le juge du fond est au demeurant déjà saisi, outrepasse la compétence du juge des référés.
Qu’il échet de confirmer le jugement entrepris.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en référés et en dernier ressort.
Déclare l’appel de Samba AB recevable en la forme; Au fond.
Le déclarant mal fondé.
Le rejette.
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Condamne l’appelant aux dépens.
Qu’il ne le peut être affirmé péremptoirement, ainsi que le fait l’intimée, que le contentieux de l’opposition est de la compétence exclusive du juge du fond.
AINSI fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de DAKAR, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 11MAI 2001séant au Palais de justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Abdoulaye NDIAYE, Conseillers et avec l’assistance de Maître El Hadji Ayé Boun Malick DIOP, Greffier.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.