J-06-87
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – RESILIATION – CONDITIONS – FORMALITES PREALABLES – DEFAUT DE FORMALITES – RESPONSABILITE DU BAILLEUR (OUI).
Le requérant sollicite l’infirmation du jugement civil qui l’a débouté de sa demande en dommages et intérêts et l’a condamné à réparer le préjudice causé au défendeur pour n’avoir pas, avant son assignation en expulsion, satisfait aux formalités préalables prescrites par l’article 101AUDCG fait en outre grief au premier juge d’avoir fondé sa décision sur ce texte entré en vigueur le 1er Janvier 1998 alors qu’en vertu du principe de la non rétroactivité des lois, il ne saurait s’appliquer à la présente procédure pendante devant les tribunaux depuis le 10 septembre 1996.
La Cour a considéré que l’appelant n’a apporté aux débats aucun élément nouveau susceptible de conduire à l’infirmation de la décision attaquée et que le premier Juge a fait une saine application de la loi en exposant des motifs pertinents qu’elle a adopté pour confirmer le jugement entrepris.
Article 101 AUDCG
(COUR D’APPEL DE DOUALA, ARRET N 037/CC DU 05 MAI 2003, AFFAIRE N 096/RG/2002-2003 MONSIEUR TAMWO JUSTIN C/ MADAME KENPACK née NGUIMDO ROSE).
LA COUR
La Cour d’Appel du Littoral à Douala siégeant en matière civile et commerciale en son audience publique tenue au.
Palais de Justice de ladite ville le cinq mai deux mille trois à huit heures trente du matin et en laquelle siégeaient :
– Monsieur BIKOUE Jean-Jacques, Vice-Président de la Cour d’Appel du Littoral, PRESIDENT;
– Assisté de Maître Emilienne ALMEBE, GREFFIER.
A rendu l’arret suivant dans La cause.
ENTRE.
Monsieur TAMWO Justin, lequel fait élection de domicile en l’étude de Maître KOUAM Dieudonné, Avocat à Douala; Appelant, comparant et plaidant par ledit conseil; D’UNE PART.
Et.
Madame KENFACK née NGUIMDO Rose, laquelle fait élection de domicile en l’étude de Maître WOUKENG, Avocat à Douala.
Intimée, comparant et concluant par ledit Avocat, son conseil.
D’AUTRE PART.
POINT DE FAITS.
Le 21 mars 2001, intervenait dans la cause pendante entre les parties, un jugement civil n 103 rendu le 23 octobre 2000 par le Tribunal de Première Instance de Douala dont le dispositif est ainsi conçu :
1er Rôle
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, Contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et en premier ressort.
Reçoit TAMWO Justin en sa demande principale.
Reçoit la défenderesse en sa demande reconventionnelle.
Constater que la défenderesse a libéré l’immeuble litigieux depuis le 30 juillet 1999.
Débouter par conséquent TAMWO Justin de sa demande en expulsion comme étant désormais sans objet.
Condamne la défenderesse à lui verser la somme de 750 000 francs représentant les loyers échus et impayés.
Constate que le requérant n’a pas respecté les exigences de l’article 101de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général, s’agissant d’un bail commercial avant son assignation en expulsion.
Le condamne à payer à la défenderesse la somme de 1.500 000 francs en réparation du préjudice subi.
Dire que le présent jugement est exécutoire par provision nonobstant toute voie de recours.
Met les dépens à la charge des parties.
Ainsi jugé et prononcé les mêmes jour, mois et an que dessus spécifiés.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le Juge qui l’a rendu et le Greffier.
Par requête d’appel en date du 28 janvier 2002, le soussigné TAMWO Justin, demeurant à Douala B.P. 2957 ayant pour conseil Maître KOUAM Dieudonné, Avocat au barreau du Cameroun BP. 6096 Douala.
A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER, MONSIEUR LE PRESIDENT :
Qu’il interjette appel du jugement n 103 rendu en date du 21 mars 2001par la Chambre Civile du Tribunal de Première Instance de Douala.
Qu’il vous prie en conséquence vu les articles 179 et suivants du code de procédure civile et commerciale de lui donner acte du dépôt de sa requête et rendre une ordonnance fixant la date de production des défenses et celle à laquelle la cause sera appelée.
Venue cette dernière audience, l’exposant conclura qu’il plaise à la Cour.
EN LA FORME
Déclarer le présent appel recevable en la forme comme interjeté dans les délais légaux, le jugement attaqué lui ayant été simplifié le 23 janvier 2002.
2ème Rôle
AU FOND
Attendu que le jugement attaqué encourt infirmation; Qu’en effet, c’est contre toute logique, toute évidence et en violation de la loi qu’il a été rendu.
Qu’avant d’exposer les multiples violations de la loi perpétrés (B), il convient tout d’abord de faire un bref résumé des faits de la cause (A).
LES FAITS
Le requérant TAMWO Justin est lié à dame KENFACK née GUIMDO Rose par un contrat de bail signé à Douala le 15/11/1995 et relatif à une boutique avec mezzanine (pièce n 1).
Le 5/9/1996, constant les multiples violations de la loi des parties, le requérant manifestera son intention de ne pas renouveler le contrat liant les parties, Maître GUY EFON un préavis de deux mois conformément à l’article ter (2) du contrat. Faute par cette dernière de se conformer au préavis ainsi donné en libérant purement et simplement la boutique du requérant, ce dernier l’assignera en expulsion par-devant le juge des référés de Douala conformément à l’article 12 de leur contrat. Contre toute attente et toute logique, le juge des référés se déclare incompétent. C’est alors que par un autre exploit en date du 21 août 1998, il assignera dame KENFACK née GUIMDO Rose par-devant le Tribunal de Première Instance de Douala pour solliciter son expulsion et le paiement des loyers échus et impayés.
Réagissant à cette assignation, dame KENFACK née GUIMDO Rose déménagera en cours d’instance comme l’atteste le procès-verbal de remise de clés du 03 août 1999 à 13 heures de Maître YOSSA DJOMAKOUA (pièce n 4) et déposera des conclusions au tribunal pour solliciter reconventionnellement la somme de 3 000 000 francs de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle aurait souffert. Statuant sur les deux demandes, le premier Juge a condamné dame KENFACK née GUIMDO Rose à payer au requérant la somme de 750 000 francs à titre d’arriérés des loyers échus et impayés en même temps qu’il a condamné le requérant à payer à dame KENFACK née GUIMDO Rose la somme de 1.500 000 francs en réparation d’un préjudice qui n’existe pas.
Ce jugement (pièce n 5) est injuste et inéquitable et devra nécessairement être reformé par la Cour.
LE DROIT
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Attendu que le jugement attaqué a ordonné le paiement par dame KENFACK née GUIMDO Rose de la somme de 750 000 francs CFA représentant le montant des loyers échus et impayés.
3ème Rôle
Qu’il échet de confirmer le jugement sur ce point.
Que par contre, il devra être reformé en ce qu’il a débouté le requérant de sa demande de la somme de 1 000 000 francs CFA en réparation du préjudice souffert.
Qu’en effet, le premier Juge a estimé que ce préjudice n’était pas justifié alors qu’il est constant que pendant les cinq années qu’ont durées les deux procédures en instance, outre que dame KENFACK ne payait pas ses loyers, ce qui.
justifiait les procédures, le requérant a exposé de lourds frais de procédure (frais d’huissier, frais de consignation, frais de greffe, frais et débours autres.) et investit beaucoup de temps qu’il a utilisé à autre chose pour suivre ses affaires au Tribunal.
Que le préjudice souffert est réel et méritait d’être réparé.
Qu’il échet d’infirmer le jugement entrepris sur ce point et de faire droit à sa demande.
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE DAME KENFACK NEE GUIMDO ROSE
Attendu que le premier Juge a condamné le requérant à payer à dame KENFACK la somme de 1.500 000 francs CFA en réparation d’un préjudice qu’elle aurait souffert en libérant un local qu’elle occupait sans payer les loyers correspondants.
Qu’il a fondé sa décision sur une hypothétique violation de l’article 101de l’acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général.
Mais attendu d’entrée de jeu qu’il convient de faire observer que ledit acte uniforme OHADA adopté à Cotonou, le 17 avril 1997 ne devrait entrer en vigueur qu’après le 1er janvier 1998 alors que les parties étaient en litige devant les tribunaux depuis le 10/9/1996 (pièces n 3).
Attendu qu’aux termes de l’article 3 du code civil, « les lois ne disposent que pour l’avenir, elles n’ont pas d’effet retro actif ».
Qu’en application de ce texte, l’Acte Uniforme OHADA sur le droit commercial général ne devait régir que les situations conflictuelles nées après son entrée en vigueur, c’est-à-dire après le 1erjanvier 1998.
Que tel ne semble pas être le cas d’espèce.
Que dans ces conditions, en appliquant pour la résolution d’un litige déjà né, actuel et pendant devant les juridictions une nouvelle loi, le premier Juge a violé le sacro-saint principe de la non rétroactivité des lois et exposé son jugement à l’annulation.
Qu’il échet de le constater.
4ème Rôle
Attendu en tout état de cause qu’en application de l’article 1165 du code civil, le contrat de bail du 15/11/95 (pièce n 1) constitue la loi des parties.
Qu’il résulte des pièces produites tant en instance que devant la Cour que le requérant s’est scrupuleusement conformé à la loi des parties.
Que dans ces conditions, le jugement n 103 du 21 mars 2001qui le condamne au paiement de sommes indues d’être infirmé.
Qu’il échet de l’ordonner.
PAR CES MOTIFS
Recevoir le requérant en son appel comme intervenu dans les forme et délai légaux.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné dame GUIMDO née KENFACK Rose à payer à TAMWO Justin la somme de 750 000 francs CFA représentant les arriérés de loyers échus et impayés.
L’infirmer sur les autres points.
Évoquant et statuant à nouveau.
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Constater que pour obtenir la libération de son local par dame KENFACK née GUIMDO Rose qui ne payait pas ses loyers, le requérant a investit beaucoup de son temps et de son argent en frais de procédure (frais d’huissier, de consignation, frais de Greffe et autres débours.).
Dire et juger que le préjudice subi est réel et condamner dame GUIMDO Rose à lui payer la somme de 1 000 000 francs de ce chef.
SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
Constater que l’acte uniforme de l’OHADA sur le droit commercial général qui est entré en vigueur le ter janvier 1998 ne saurait s’appliquer à une situation juridique pendante devant les juridictions depuis 1996 en raison du sacro-saint principe de la non retro activité des lois.
Débouter en conséquence dame GUIMDO Rose épouse KENFACK de sa demande reconventionnelle comme non fondée.
Condamner la même aux dépens d’instance et d’appel avec distraction au profit de Maître KOUAM Dieudonné, Avocat aux offres de droit.
Et ce sera justice.
SOUS TOUTES RESERVES
Par notification de date d’audience n 357/RG/01-02 en date du 04/07/2002, le Président de la juridiction saisie donnait acte à Monsieur TAMWO Justin de la présentation de sa requête d’appel, disait qu’avis desdites requête et ordonnance sera donné aux parties par le Greffier en Chef de la Cour, fixait au 03 juillet 2002 la date limite de production de ses défenses par l’intimé et au 10 juillet 2002 celle de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée.
5ème Rôle
La cause sur cette notification régulièrement inscrite au rôle général de la chambre civile sous le n 096/RG/2002¬2003 fut appelée à l’audience fixée et après plusieurs renvois utiles.
Monsieur le Président a fait son rapport.
Le conseil de l’appelant, Me KOUAMasollicité de la Cour l’adjudication de ses conclusions dont le dispositif est ainsi conçu.
PAR CES MOTIFS
Adjuger au concluant l’entier bénéfice de sa requête et de ses présentes écritures.
Constater que la procédure d’expulsion initiée contre dame KENFACK née GUIMDO Rose est de son fait à cause de sa récalcitrance injustifiée à remplir ses obligations contractuelles.
Constater que Monsieur TAMWO Justin n’a causé aucun préjudice à la partie adverse qui mériterait réparation en sollicitant son expulsion.
Constater que le concluant a subi un énorme préjudice en investissant de son temps et de son argent en frais de procédure aux fins d’obtenir l’expulsion de dame KENFACK née GUIDO Rose.
EN CONSEQUENCE
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la partie adverse à payer à l’appelant la somme de 750 000 francs CFA représentant les loyers échus et impayés; L’infirmer pour ce qui est de la condamnation du concluant au paiement de la somme de 1.500 000 F CFA de dommages-intérêts comme non fondé.
Condamner dame KENFACK née GUIMDO Rose au paiement au concluant de la somme de 1 000 000 francs CFA, de dommages-intérêt pour le préjudice subi.
La condamner aux dépens distraits au profit de Maître KOUAM Dieudonné, Avocat aux offres et affirmations de droit.
Et ce sera justice.
SOUS TOUTES RESERVES
Maître VOUKENG, conseil de l’intimée a également sollicité de la Cour, l’adjudication de ses conclusions dont le dispositif est ainsi conçu.
PAR CES MOTIFS
Constater que le sieur TAMWOaengagé différentes procédures tant extrajudiciaires que judiciaires pour expulser la concluante et bénéficier de sa clientèle.
Constater que depuis 1995 et malgré ses différentes procédures, elle a continué à payer ses loyers jusqu’au refus du sieur TAMWO de les recevoir.
Constater que l’appelant a perdu toutes les procédures engagées devant 3 juges différents contre la concluante.
Constater qu’elle a subi un énorme préjudice commercial du fait de l’abus du droit d’ester en justice exercé par le sieur TAMWO.
6ème Rôle.
Constater qu’à la date d’introduction de la présente cause devant le premier juge en date du 21 août 1998, l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général était en vigueur depuis le 1er janvier 1998 et applicable au Cameroun depuis le 1er février 1998.
Dire et juger que le jugement querellé a été bien rendu et mal appelé.
PAR CONSEQUENT
Confirmer purement et simplement le jugement n 103 rendu en date du 21 août 2001.
Le condamner aux entiers dépens distraits au profit de Me VOUKENG Michel Janvier, Avocat aux offres de droit.
Advenue ladite audience, la Cour vidant son délibéré par l’organe de son Président à haute voix a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
SUR LA FORME
Vu le jugement n 103 rendu le 21 mars 2001par le Tribunal de Première Instance de Douala.
Vu la requête d’appel de TAMWO Justin reçu au Greffe de la Cour d’Appel de céans le 30 janvier 2002.
Considérant que ledit appel es recevable comme fait dans les forme et délai de la loi.
SUR LE FOND
Considérant que l’appelant expose qu’étant en litige avec dame KENFACK née NGUIMDO Rose à qui il adonné en bail un local, il a été surpris de voir la décision attaquée octroyer à celle-ci la somme de 1.500 000 au titre des dommages-intérêts qu’elle a prétendument subis en sa demande reconventionnelle, alors que lui-même, demandeur principal était débouté de sa demande de dommages-intérêts s’élevant à la somme de 1 000 000 F CFA.
Que cette prise de position relève tant d’une mauvaise appréciation des faits de la cause que d’une mauvaise compréhension de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général, appliqué à tort en l’espèce, alors que selon l’article 3 du code civil, il ne devrait pas produire effet rétroactif.
7ème Rôle
Considérant qu’il résulte tant de ce qui précède que des documents versés aux débats que l’appelant n’apporte aucun élément nouveau susceptible de conduire à l’information de la décision attaquée.
Qu’il y a lieu de confirmer celle-ci, le premier juge ayant fait une saine application de la loi en des motifs pertinents que la cour adopte.
Considérant que l’appelant qui a succombé supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commercial, en appel.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Reçoit l’appel de TAMWO Justin.
AU FOND
Déclare celui-ci mal fondé.
Confirme le jugement entrepris.
Met les dépens en sa charge avec distraction au profit de Me VOUKENG Michel, Avocat aux offres de droit.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique, les mêmes jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi le présent arrêta été signé par le Président et le Greffier approuvant.