J-06-101
SOCIETES COMMERCIALES – PROCEDURE D’ALERTE – ALERTE PAR LES ASSOCIES – EXPERTISE DE GESTION – DESIGNATION D’UN EXPERT – JURIDICTION COMPETENTE – URGENCE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (OUI) – NOMBRE DES EXPERTS – ALERTE DU COMMISSAIRE AUX COMPTES – DESIGNATION D’UN ADMINISTRATEUR PROVISOIRE (NON).
Arguant de mouvements de fonds suspects, un associé saisit le juge des référés aux fins de voir désigner un expert chargé d’élucider des opérations de gestion, ainsi qu’un administrateur provisoire pour la période de l’expertise. Le juge des référés nomme deux experts pour vérifier certains actes de gestion, et un administrateur provisoire pour assurer le fonctionnement et la gestion comptable de la société pendant la durée de l’expertise.
Pour le juge d’appel :
1) la procédure d’expertise de gestion n’est pas en soi une procédure d’urgence; il y a néanmoins urgence et la compétence du juge des référés est acquise s’il apparaît qu’un retard dans la décision à intervenir au fond pourrait mettre en péril les intérêts d’une des parties;
2) toutefois, c’est à tort que le juge des référés a statué ultra petita en désignant sans justification deux experts au lieu d’un seul sollicité par le demandeur;
3) la nomination d’un administrateur provisoire par le juge des référés doit être infirmée dès lors que n’a pas préalablement été constatée l’existence, entre les associés, de dissensions entraînant la paralysie de la société.
(COUR D’APPEL DE COTONOU, ARRET N 256/2000 du 17 août 2000 AFFAIRE Société Continentale des Pétroles et d’Investissements, Monsieur Séfou FAGBOHOUN, SONACOP ,Monsieur Cyr KOTY, Monsieur Mounirou OMICHESSAN C/ Etat béninois).
LA COUR
FAITS ET PROCEDURE
En vertu de l’ordonnance n 578/2000 en date du 21 juillet 2000 rendue à pied de requête, l’Etat béninois, agissant aux poursuites et diligences de l’Agent Judiciaire du Trésor, ayant pour Conseils Maîtres Ahamed AKOBI et Léopold OLORY-TOGBE, Avocats à la Cour, a assigné pour l’audience du 24 juillet 2000 à 15 heures 30 mn devant le juge des référés du Tribunal de céans :
La Continentale des Pétroles et d’Investissements S.A. (C.P.I.-SA) prise en la personne de son représentant légal assistée de Maîtres Alfred POGNON, Sévérin HOUNNOU et Simplice DATO.
Monsieur Cyr KO1Y ès qualités de Directeur Général de la Société Nationale de Commercialisation des Produits Pétroliers (SONACOP-SA), assisté de Maître Dorothée SOSSA.
La SONACOP S.A. ayant son siège social face à l’Ambassade d’Allemagne et près de la Direction Générale et s’il y lieu son Président du Conseil d’Administration par intérim demeurant et domicilié audit siège, assistée de Maître Lise HENRY.
Monsieur Séfou FAGBOHOUN ès qualité Président Directeur Général de la C.P.I.-SA demeurant et domicilié au siège de ladite société sis au carrefour des trois Banques, immeuble SONACOP, Avenue Jean-Paul Il Cotonou, ayant pour Conseils Maîtres Alfred POGNON et Luc Martin HOUNKANRIN.
L’Etat béninois a demandé au juge des référés de prendre les mesures suivantes par provision et en raison de l’urgence :
– nommer un Expert avec pour mission de vérifier la régularité des transactions qui ont entouré le rachat des actions de la SONACOP-A par la Continentale des Pétroles et d’Investissements S.A. et celle des mouvements de fonds entre la SONACOP S.A. et la Continentale des Pétroles et d’Investissements S.A. (CPI-SA) depuis mars 1999;
– dire que toutes les institutions banCAIREs ou sociétés qui seront sollicitées par ledit Expert devront lui prêter assistance et lui permettre d’avoir accès à tout document relatif à la gestion du patrimoine de la Société Nationale de Commercialisation des Produits Pétroliers S.A. (SONACOP¬SA);
– nommer un Administrateur Provisoire chargé d’assurer le fonctionnement de la SONACOP-SA durant la période de l’expertise.
En raison de l’extrême urgence, ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de la décision à intervenir.
Par ordonnance de référé n 019/Référé commercial rendue le 28 juillet 2000, le Juge a statué comme ci-après.
« Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence :
Recevons l’Etat béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor en son action et les défendeurs en leurs exceptions et Monsieur Liamidi SOUMANOU en sa demande en intervention volontaire.
Déclarons Monsieur Liamidi SOUMANOU irrecevable en sa demande en intervention volontaire.
Déclarons irrecevable le moyen tendant à voir récuser le Juge de céans.
Disons que l’Agent Judiciaire du Trésorabien qualité pour représenter l’Etat béninois.
Déclarons valable l’assignation du 24 juillet 2000; Nous déclarons compétent :
Disons qu’en l’espèce, une expertise s’impose.
Ordonnons subséquemment l’expertise des actes de gestion relatifs aux résiliations des dépôts à terme et des transferts de fonds entre la SONACOP-SA et la Continentale des Pétroles et d’investissements (CPI-SA).
Nommons à cet effet :
– Monsieur PIERRE BRUN Lucien, 04 BP 1191Cotonou. TéIéphone. B : 30-17-26 D : 33 30.55;
– Monsieur Armand FANDOHAN 01BP 3148 Cotonou -Téléphone. 33.13.91.
Experts Agréés par la Cour d’Appel de Cotonou pour notamment.
Donner les conditions de résiliation des dépôts à terme.
Dire la destination des fonds provenant desdites résiliations et dire au profit de qui ces fonds ont été utilisés en 1999 et 2000.
Donner toutes précisions utiles sur les transferts de fonds ayant existé des comptes banCAIREs de la SONACOP¬SA au profit de la C.P.I.-SA.
Vérifier la régularité des engagements financiers pris au nom de la SONACOP-SA au profit d’actionnaires, de dirigeants sociaux et de toutes personnes morales et physiques.
Interroger toutes personnes physiques ou morales concernées par la résiliation des dépôts à terme aux fins de recueillir toutes informations sur la régularité desdites opérations et préciser si les instructions données par le Directeur Général et le Directeur Général Adjoint de la SONACOP-SA au sujet des dépôts à terme sont des initiatives personnelles ou l’exécution d’instructions données par des supérieurs hiérarchiques.
Disons que toutes les institutions banCAIREs, toutes les personnes morales ou physiques qui seront sollicitées par les Experts devront leur prêter assistance et leur permettre d’avoir accès à tout document relatif à la gestion de la SONACOP-SA.
Disons que les Experts nommés doivent déposer leur rapport dans les soixante (60) jours à compter de la notification qui leur sera faite de la présente ordonnance.
Mettons les frais d’expertise à la charge de la SONACOP¬SA.
Nommons Monsieur René KPOMALEGNI, 01BP 3148 Cotonou, Tél. 33.16.12, Expert agréé par la Cour d’Appel de Cotonou, Administrateur provisoire, chargé d’assurer le fonctionnement et la gestion comptable de la SONACOP-SA.
Disons que sa mission s’achèvera dans le délai de deux (02) mois imparti aux Experts ci-dessus nommés pour déposer leur rapport.
Disons que la nomination d’un Administrateur provisoire suspend d,e fait et à titre provisoire les fonctions de Directeur Général et de Directeur Général Adjoint de la SONACOP-SA.
Condamnons toute partie défenderesse qui s’opposerait à l’exécution de la présente ordonnance à une astreinte comminatoire de cinq millions (5 000 000) de francs CFA par jour de résistance pour compter de la présente décision.
Disons que notre ordonnance sera exécutoire sur minute et avant enregistrement, nonobstant toutes voies de recours.
Condamnons les défendeurs aux dépens ».
Suivant exploit avec signification d’ordonnance et de pièces en date du 7 août 2000, appela été relevé de cette décision par :
– Monsieur Séfou FAGBOHOUN ès qualité de Président du Conseil d’Administration de la CPI-SA ayant pour Conseils Maîtres Alfred POGNON, Sévérin A. HOUNNOU, Simplice DATO et Luc Martin HOUNKANRIN;
– Monsieur Cyr KOTY, Directeur Général de la SONACOP-SA ayant pour Conseil Maître Dorothée SOSSA;
– Monsieur Mounirou OMICHESSAN, Directeur Général Adjoint de la SONACOP-SA, ayant pour Conseils Maîtres Gabriel et Romain DOSSOU.
MOTIFS DE DECISION
En la forme
Attendu que l’intimé conclut à la nullité de l’acte d’appel au motif que la SONACOP-SA n’est pas représentée par une personne physique.
Attendu que la SONACOP-SA a, par ses dirigeants sociaux, constitué Avocat pour la défense de ses intérêts.
Qu’il y a lieu de rejeter ce moyen de l’Etat béninois qui, au demeurant, ne justifie d’aucun préjudice par rapport à cette question et déclarer les appelants recevables en leur appel intervenu dans les forme et délai de la loi.
Attendu que l’appel incident de l’Etat Béninois étant survenu dans les formes légales prescrites, il échet de le déclarer également recevable.
Attendu que l’intervention volontaire du collectif des Salariés de la SONACOP-SA étant faite dans le respect de la loi, doit être déclarée recevable.
Au fond
Sur l’annulation de l’ordonnance querellée
Attendu que les appelants sollicitent l’annulation de l’ordonnance entreprise motifs pris de ce que le premier Juge a violé les article 46 et 47 du Code de Procédure Civile d’une part et l’ordonnance n 28/PR/MJL/MFAEP relative à la nomination et aux attributions de l’Agent Judiciaire du Trésor en son article 8 d’autre part.
Sur la violation des articles 46 et 47 du Code de Procédure Civile
Attendu que les appelants exposent que par acte de récusation en date du 27 juillet 2000 signifié au greffe du Tribunal de Cotonou, la Continentale des Pétroles et d’Investissements a récusé Madame Michèle FASSINOU, juge des référés devant connaître du litige opposant l’Etat Béninois à la CPI et consorts.
Que cette récusation a été renouvelée oralement par devant le juge qui dès lors a eu entière et complète connaissance de la récusation portée contre sa personne ainsi que les moyens qui la motivent.
Que le premier juge ainsi récusé a fait observer une suspension et sans qu’aucune des dispositions de la loi relative à la récusation n’aient été respectées, s’est représenté à l’audience, a sollicité en délibéré et a rendu l’ordonnance entreprise.
Attendu que pour résister à ce moyen, l’Etat Béninois soutient qu’il est de jurisprudence constante que la demande de récusation doit être déposée avant toutes défenses au fond et que celui qui veut récuser doit le faire avant le commencement des plaidoiries.
Que le fait que le Magistrat aurait déjà rendu des décisions contraires aux prétentions d’un plaideur ne constitue pas un cas de récusation.
Attendu cependant que les articles 46 et 47 du Code de Procédure Civile relative à la récusation des juges des Tribunaux d’instance disposent.
Article 46
Le juge sera tenu de donner au bas de cet acte, dans le délai de deux jours sa déclaration par écrit portant ou son acquiescement à la récusation ou son refus de s’abstenir avec ses réponses aux moyens de récusation.
Article 47
Dans les trois jours, la réponse du juge qui refuse de s’abstenir ou faute par lui de répondre, l’expédition de l’acte de récusation et, le cas échéant, de la déclaration du juge, sera envoyée par le greffier, sur réquisition de la partie la plus diligente, au Procureur Général près la Cour d’Appel dans le ressort de laquelle le Tribunal d’instance est situé; la récusation y sera jugée en dernier ressort dans la huitaine, sur les conclusions du Procureur Général, sans qu’il soit besoin d’appeler les parties.
Qu’il résulte des dispositions précitées que la récusation d’un juge par une partie au procès donne lieu à une instance distincte de celle dont ledit juge avait été saisi avant la récusation.
Que l’instance relative à la récusation est connue d’un juge autre que celui qui est récusé.
Que dans le cas d’espèce, le premier juge récusé n’a point procédé conformément à la loi.
Qu’en effet, refusant de s’abstenir, le premier Juge a estimé pouvoir apprécier par lui-même la régularité de la récusation dont il a été objet.
Que l’on peut ainsi lire dans les motifs de l’ordonnance querellée sur la récusation du juge de céans :» Attendu qu’aux termes des dispositions du code de procédure civile, la récusation est faite in limine litis ».
Qu’en l’espèce, plusieurs autres avocats avaient déjà plaidé le fond du dossier en demande et en défense avant que Maître Alfred POGNON ne fasse en fin des plaidoiries sa prétendue récusation qui n’est point conforme aux conditions qu’exige la loi.
Qu’au demeurant l’allusion faite à l’ordonnance de référé n 15/C Com du 08 avril 1999 est inopportune dans la mesure où la Cour d’Appel, par arrêt n 24/2000 du 27 janvier 2000a fait sien le dispositif de ladite ordonnance rendue par le juge de référé de céans en déboutant Monsieur Michel d’ALMEIDA de son appel.
Que le moyen de récusation invoqué par Maître Alfred POGNON manque totalement de base juridique et est dilatoire.
Qu’il échet de déclarer irrecevable ledit moyen.
Que motivant ainsi qu’il l’a fait, le premier Juge a perdu de vue que dès lors qu’il est récusé, devient partie au même titre que la récusation dans la procédure relative à la récusation.
Que ne pouvant être juge et partie, le juge objet de récusation n’a pas qualité pour apprécier la recevabilité ou encore le bien fondé de sa récusation et pour trancher l’incident que constitue sa propre récusation.
Qu’au demeurant, il a été jugé que le juge récusé est tenu, à peine de nullité de la sentence qu’il rendrait, de s’abstenir de connaître de l’affaire depuis la communication qui lui a été faite de la déclaration du récusant jusqu’au jugement du Tribunal civil sur la récusation.
27 avril 1910.D.P. 1911 1. 61; 11 juin 1912. D. P. 1913. 1.55.
Qu’il s’induit de tout ce qui précède que c’est en violation de dispositions des articles 46 et 47 du Code de Procédure Civile que le premier juge, bien qu’ayant été informé de sa récusation par la Continentale des Pétroles et d’Investissement, a rendu l’ordonnance entreprise.
Qu’il y adonc lieu annuler ladite ordonnance pour violation de la loi.
a) Sur la violation de l’article 8 de l’ordonnance n 28/PR/MJL/MFAEP
Attendu que les appelants sollicitent l’annulation de l’ordonnance querellée également pour violation de l’article 8 de l’ordonnance 28/PR/MJL/MFAEP du 28 août 1967 organisant l’Agence Judiciaire du Trésor.
Attendu en effet que ledit article dispose :» Les procédures suivies par ou contre l’Agent Judiciaire du Trésor sont obligatoirement communiquées au Ministère Public qui est entendu à peine de nullité » ;Que si l’article 8 précité.
n’indique pas la forme que devra revêtir la communication obligatoire au Ministère Public qu’il prescrit, il sanctionne cependant de nullité, de façon non équivoque, le non respect de la communication au Ministère Public des procédures suivies par ou contre l’Agent Judiciaire du Trésor.
Que dans le cas d’espèce, le premier Juge a été saisi du litige opposant l’Etat Béninois à la Continentale des Pétroles et d’Investissements par l’Agent Judiciaire.
Que l’intimé, arguant de ce qu’il est énoncé dans l’ordonnance « Ouï le Ministère Public en ses réquisitions », soutient que la formalité prescrite par l’article 8 précité est respectée.
Que le jugement ayant, en outre, force probante d’un acte authentique, les mentions du jugement font preuve jusqu’à inscription de faux conformément aux dispositions de l’article 457 du nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que cette législation n’est pas applicable en République du Bénin.
Qu’en admettant cependant cette disposition comme raison écrite, il ressort des dispositions de l’article 459 qui la complète « qu’encas d’omission d’une mention et surtout d’inexactitude, le législateur accorde la possibilité de recourir à d’autres procédés de preuve qui ne sont pas tous des actes authentiques et qui permettent de contester un acte authentique par des moyens dont la valeur probante est inférieure ».
Que dans le cas d’espèce, les appelants, pour contester la force probante qui pourrait être attachée à l’énonciation « Ouï le Ministère Public en ses réquisitions » contenue dans l’ordonnance querellée, ont produit au dossier une sommation interpellative en date du 10 août 2000, Maître Marcien KASSA, Greffier au Tribunal de Première Instance de Cotonou qui a siégé à l’audience du 27 juillet 2000arépondu : » En matière civile et commerciale, le Ministère Public est considéré comme étant présent à l’audience.
Le Ministère Public n’était pas représenté et n’avait fait aucune réquisition à l’audience du 27 juillet 2000.
Que de même, le procès-verbal de compulsion du plumitif conclut que le dossier dont s’agit n’a pas été communiqué au Ministère Public, que ce dernier n’a pas été représenté et n’a pu prendre aucune réquisition.
Attendu que le problème de l’absence du Ministère Public aux débat ayant été soulevé, il appartient au premier juge de s’organiser pour ne laisser planer aucun doute sur la communication qu’il aurait éventuellement faite au dossier au Procureur de la République, en indiquant par exemple le mode ou les références de ladite communication.
Qu’il suit de ce qui précède que la procédure Etat Béninois contre la C.P.I. et consorts n’a pas été communiquée aux dispositions de l’article 8 précité.
Attendu en outre que c’est à tort que l’Etat Béninois soutient que seul celui dans l’intérêt de qui la prescription de l’article 8 sus-cité a été édicté peut s’en prévaloir.
Qu’en effet, d’une part l’Etat Béninois ne rapporte pas la preuve que c’est à son seul profit que les dispositions de l’article 8 sont édictées.
Que d’autre part, le Ministère Public est réputé représenter l’intérêt de toute la société.
Qu’ainsi dans un procès opposant l’Etat béninois à un particulier, le rôle du Ministère Public ne saurait être limité à la défense des intérêts du seul Etat béninois.
Que c’est donc à bon droit que, invoquant les dispositions de l’article 8 précité, les appelants sollicitent l’annulation de l’ordonnance entreprise.
Qu’il échet d’annuler ladite ordonnance encore une fois pour violation de la loi.
Sur la décision rendue ultra petita
Attendu par ailleurs que les appelants ont aussi demandé l’annulation de la décision entreprise motif pris de ce que le premier Juge a statué ultra petita en nommant deux experts alors que l’Etat béninois ne lui a demandé que la nomination d’un seul expert.
Attendu en effet qu’aux termes de dispositions de l’article 159 de l’Acte Uniforme de l’OHADA du 17 avril 1997 relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêt économique, « un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au Président de la Juridiction compétente du siège social, la désignation d’un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ».
Que dans le cas d’espèce, l’Etat béninois qui détient 35% des actions de la SONACOP-SAasaisi le juge des référés aux fins de la nomination d’un expert.
Qu’en nommant, sans aucune justification, deux experts le premier Juge a statué au-delà de la demande qui lui est présentée.
Que sa décision encourt une fois encore annulation, sans qu’il ne soit plus nécessaire de statuer davantage sur les autres chefs d’annulation présentés par les appelants.
Sur l’incompétence du juge étatique
Attendu que la CPI par l’intermédiaire de Maître Luc M. HOUNKANRIN soutient que les actionnaires ont, dans la convention de cession et en son article 10 décidé de tenter d’abord un règlement amiable de tout litige qui souviendrait entre eux avant toute action en justice.
Que le juge saisi aurait dû se déclarer incompétent en raison de ce que le préalable de règlement amiable n’a pas été respecté.
Attendu qu’il a lieu de relever la confusion entretenue lors des débats par certains Conseils qui ne distinguent pas la convention de règlement amiable du compromis d’arbitrage.
Attendu que bien que les conventions librement consenties tiennent lieu de loi entre les parties qui les ont conclues, elles restent caractérisées par leur nature privée et ne peuvent faire échec aux lois de la République.
Que dans le cas d’espèce les Tribunaux sont les institutions auxquelles sont normalement et à titre principal dévolues par la constitution et les lois la mission de règlement des litiges.
Que l’article 10 précité ne peut, par conséquent, avoir pour but de faire échec à la loi de la République surtout lorsque l’une des parties évoque ladite loi et renonce ainsi au préalable de règlement amiable.
Qu’il y adonc lieu de rejeter cette exception et se déclarer compétent.
Sur la non assignation des représentants légaux de la SONACOP SA
Attendu que Maître Claire Lise Henry fait grief à l’Etat béninois de n’avoir pas régulièrement assigné la SONACOP SA en n’attrayant pas ses représentants légaux.
Attendu cependant qu’aux termes des articles 70 et 173 alinéa ter du Code de Procédure Civile, les exploits ou actes de procédure ne peuvent être frappés de nullité que si les griefs qui leur sont portés nuisent aux intérêts de la partie adverse.
Que dans le cas d’espèce, les organes dirigeants de la SONACOP-SA ès qualité, ont constitué Maire Claire Lise Henry qui, en tant que Conseil, a assuré leur représentant et présenté leurs moyens de défense, comme ont eu à le faire pour le compte de leurs clients respectifs les neuf (09) autres avocats intervenus dans la présente cause.
Qu’il y a lieu de rejeter ce moyen comme non fondé;Sur la suspension de toutes autres procédures.
Attendu que Maître Gabriel DOSSOU demande à la Cour qu’aucune nouvelle procédure ne saurait être enclenchée tant que la Cour Constitutionnelle saisie par Monsieur Liamidi SOUMANOU n’aura pas statué sur l’exception à elle soumise.
Mais attendu que Monsieur Liamidi SOUMANOU n’est point partie en la présente instance.
Qu’il y a lieu de rejeter ce moyen comme non fondé.
Sur l’intervention volontaire
Attendu que l’intimé a conclu à l’irrecevabilité, en appel, du collectif des employés actionnaires de la SONACOP-SA en sa demande en intervention volontaire au motif qu’il a été partie en première instance étant entendu que le premier juge, a dans la décision entreprise, constaté le défaut de mandat de représentation de Monsieur Liamidi SOUMANOU;Mais attendu que la Cour de Céans n’est pas, dans la présente procédure, saisie d’une demande en intervention volontaire de Monsieur Liamidi SOUMANOU.
Que c’est Monsieur Dieudonné LOKOSSOU, représentant du collectif des salariés au sein du Conseil d’Administration de la SONACOP-SA qui, par une requête en date du 9 août 2000,asollicité de la Cour de céans à être reçu en intervention volontaire dans la procédure qui oppose l’Etat Béninois à la CPI et consorts.
Que ce collectif ainsi représenté n’a pas été partie au procès en première instance.
Qu’aux termes des dispositions de l’article 339 du Code de Procédure Civile : l’intervention sera formée par requête qui contiendra ses moyens et conclusions, dont il sera donné copie, ainsi que des pièces justificatives.
Que c’est en application des dispositions de l’article précité que le collectif a, par son Conseil, développé dans les moyens et conclusions l’intérêt qu’il a à intervenir dans la procédure.
Qu’il y a lieu, au regard de ce qui précède, de déclarer recevable le collectif des salariés actionnaires de la SONACOP-SA, représentés par Monsieur Dieudonné LOKOSSOU, en sa demande en intervention volontaire.
Sur l’expertise de gestion
Sur l’opportunité de la mesure sollicitée.
Attendu que les appelants s’opposent à la meure d’expertise de gestion sollicitée par l’Etat béninois aux motifs entre autres que :
le juge des référés est incompétent pour l’ordonner tant que l’Etat béninois ne rapporte pas la preuve qu’il a utilisé en vain les moyens d’information sociaux mis à sa disposition parla loi.
L’Etat béninois n’invoque aucun fait précis de nature à justifier l’opportunité de ladite mesure.
Les experts désignés par le premier juge n’offrent aucune garantie d’impartialité et d’indépendance.
Qu’ils demandent, « au cas improbable » où la Cour de céans voudrait néanmoins en nommer, que cet expert devra se limiter uniquement à la vérification de l’utilisation effective des dépôts à terme de FCFA 7 000 000 000 et 2.100 000 000 dans le–cadre des opérations d’investissements entreprises par la CPI pour le compte de la SONACOP SA.
Attendu qu’aux termes des dispositions des articles 806 et 809 du Code de Procédure Civile, « le juge des référés est compétent toutes les fois qu’il y a urgence et péril en la demeure. sauf à préjudicier au principal ».
Qu’il y a urgence toutes les fois qu’un retard dans la décision à intervenir risque de mettre en péril les intérêts d’une des parties.
Que s’agissant de la demande de nomination d’expert qui doit être tout spécialement commandée par l’urgence, le juge des référés devra s’assurer, entre autres conditions de ce qu’elle se rattache à un litige, sinon né et actuel, tout au moins possible et sérieux.
Attendu qu’en l’espèce, l’Etat béninois allègue des faits de mauvaise gestion de la SONACOP-SA dont il est actionnaire, faits qui, selon lui, constituent un grave péril pour la société, en raison de la spoliation du patrimoine social par un seul actionnaire.
Qu’à cet égard, il invoque les opérations de gestion constituées par la résiliation des dépôts à termes et le transfert de leur contenu qui « ont été effectuées par la seule CPI-SA dans des circonstances douteuses faisant peser sur la SONACOP-SA un risque de dysfonctionnement ».
Qu’aux termes des dispositions de l’article 159 de l’Acte Uniforme de l’OHADA du 17 avril 1997 relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêt économique, » Un ou plusieurs associés représentant le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au Président de la Juridiction compétente du siège social, la désignation d’un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ».
Qu’au regard de ces dispositions, l’expertise de gestion est la possibilité offerte aux associés, même minoritaires, qui représentent une fraction raisonnable du capital social de faire ouvrir une enquête sur une ou plusieurs opérations de gestion, enquête destinée à renforcer le droit des associés de contrôler la gestion d’une société.
Qu’en l’espèce l’expertise de gestion sollicitée par l’Etat béninois qui détient 35% du capital social, porte sur la résiliation des dépôts à terme de F CFA 7 milliards et 2.100 millions de la SONACOP-SA et le transfert de leur contenu dans les comptes de la CPI-SA.
Attendu que de tout ce qui précède, il résulte que c’est à bon droit que l’Etat béninois demande la nomination d’un expert pour vérifier la régularité des transferts de fonds relatifs aux opérations de rachat de la SONACOP-SA par la CPI-SA, en l’occurrence les opérations de gestion constituées par la résiliation des dépôts à terme et le transfert de leur contenu.
Qu’il échet d’y faire droit.
b) Sur le nombre d’experts à nommer
Attendu que les appelants font grief au premier juge d’avoir nommé deux experts au lieu d’un seul comme demandé par l’Agent Judiciaire du Trésor dans son exploit introductif d’instance.
Qu’au regard des termes de l’exploit introductif d’instance et au silence des conseils de l’Etat béninois lors des débats et dans leurs notes de plaidoirie par rapport à cette question, il y a lieu de considérer le grief comme fondé et ne nommer qu’un seul expert.
Sur la mission de l’expert
Attendu que lors des débats le problème de la mission exacte de l’expert de gestion a été soulevée par les appelants qui ont estimé qu’osas où la Cour le désignerait, qu’elle devrait cantonner sa mission à « la vérification de l’utilisation effective des dépôts à termes de francs CFA 7 000 000 000 et 2.1000 000 dans le cadre des opérations d’investissement entrepris par le CPI pour le compte de la SONACOP-SA.
Attendu que dans ses notes de plaidoiries signées de Maître Léopold OLORY-TOGBE à Cotonou le 9 août 2000 page 17, l’Agent Judiciaire du Trésor demande qu’il soit déclaré comme bien fondée la décision par laquelle le juge des référés a» nommé des experts pour apporter des éclaircissements sur les opérations de gestion constituées par la résiliation des Dépôts a Terme et le transfert de leur contenu ».
Attendu que la Cour de céans, en se déclarant compétente comme juge des référés pour connaître de la présente procédure, a estimé qu’il y avait urgence à vérifier l’information parvenue au Ministère des Finances suivant laquelle l’un des actionnaires avait utilisé deux dépôts à termes respectivement de francs CFA 7 000 000 000 et 2.100 000 000 pour libérer partie de ses actions.
Qu’il y a lieu de constater que les préoccupations aussi bien de l’Etat béninois que des autres parties sont ainsi bien prises en compte.
Qu’il échet de circonscrire la mission de l’expert rigoureusement dans ce cadre.
Sur l’administration provisoire
Attendu que les appelants rejettent également la nomination d’un administrateur provisoire à la SONACOP-SA en faisant valoir que :
– aucune mésintelligence paralysant le fonctionnement normal de la société n’existe entre les associés;
– l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif aux Sociétés Commerciales ne prévoit aucun cas de suspension ou de dessaisissement du Conseil d’Administration;
– il n’y a a ucun péril pour les intérêts de la SONACOP-SA;
– l’administrateur provisoire nommé par le premier juge n’a aucune connaissance en matière de commercialisation d’hydrocarbures.
Attendu que l’administrateur provisoire est la personne qui, encas d’urgence et au cas où les organes de gestion et d’administration d’une société ne fonctionnent plus normalement est désigné par l’autorité judiciaire à l’effet d’assurer temporairement la gestion de ladite société et remédier à la carence.
Que le pouvoir de désigner un administrateur provisoire a été également reconnu au juge des référés dès lors que, d’une part il y a urgence et, d’autre part, la décision ne préjudicie pas au principal.
Que la nomination d’un administrateur provisoire ne s’impose au juge que lorsqu’il existe entre les actionnaire une mésintelligence entraînant le blocage des activités de la Société.
Que le juge des référés intervient donc en vue de cette nomination pour éviter à la société un péril certain.
Que le juge des référés apprécie les faits qui lui sont soumis au jour où il rend sa décision.
Que dans le cas d’espèce, la preuve n’est pas rapportée qu’une dissension existant entre les actionnaires de la SONACOP-SA fait encourir à ladite société la paralysie de ses activités.
Qu’il a été jugé que « ne sont pas suffisants de graves dissentiments entre le Président de la Société et les administrateurs, même si des plaintes en faux et en abus de confiance ont été déposées, alors qu’il n’est pas prouvé que la mésentente grave entre les actionnaires faisait obstacle au fonctionnement normal de la Société et la mettait en péril ».
(Com 3 juillet 1984, revue Société 1985; p. 628, Didier).
qu’il y a dès lors lieu de dire que la demande de nomination d’un administrateur provisoire n’est pas fondée dans le cas d’espèce et la rejeter.
Sur le montant de l’astreinte comminatoire
Attendu que l’Etat béninois, relevant appel incident, sollicite que le montant de l’astreinte comminatoire de F CFA 5 000 000 par jour de retard fixé par le premier juge soit porté à francs CFA 20 000 000 par jour de retard.
Attendu que la Cour de céans dispose cependant d’éléments suffisants d’appréciation pour fixer les quantum de ladite astreinte à la somme de francs CFA 5 000 000 par jour de résistance.
Qu’il y a lieu de retenir ledit montant au titre des astreintes auxquelles seront tenus les appelants s’ils résistent à l’exécution du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial, en appel et en dernier ressort;.
En la forme
Déclare les parties recevables en leurs appels principal et incident.
Reçoit le collectif des salariés SONACOP-SA en son intervention volontaire.
Au fond
Annule en toutes ses dispositions l’ordonnance n 019/Réf. Com. Rendue le 28 juillet 2000 par le Tribunal de céans.
Évoquant et statuant à nouveau.
Se déclare compétente.
Donne acte à Madame le Procureur Général de ses réquisitions.
Rejette les fins de non recevoir et moyens d’irrecevabilité soulevés par les parties.
Dit qu’en l’espèce une expertise de gestion s’impose; Constate que l’Agent Judiciaire du Trésor a sollicité la nomination d’un seul expert de gestion.
Nomme Monsieur Armand FANDOHAN 01BP 3148 Cotonou Téléphone : 33-18-91, expert agréé à la Cour d’Appel pour notamment :
Donner toute informations et précisions sur les conditions de résiliation courant 1999 des dépôts à termes de la SONACOP-SA de montants 7 000 000 000 F CFA et 2 100 000 000FCFA.
Dire la destination et l’utilisation des fonds provenant desdites résiliations.
Procéder à toutes investigations nécessaires à l’accomplissement correct de sa mission.
Dit que l’expert nommé doit déposer son rapport dans les 60 jours qui suivent le prononcé du présent arrêt.
Met les frais d’expertise à la charge de la SONACOP-SA.
Condamne les appelants à une astreinte comminatoire de francs CFA 5 000 000 par jour de résistance pour compter de la présente décision.
Rejette toutes les demandes plus amples ou contraires des parties.
Condamne les appelants aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Cotonou les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le PRESIDENT et le GREFFIER.
COMPOSITION DE LA COUR :
– PRESIDENT : Monsieur ArsènecaPO-CHICHI;
– CONSEILLERS : Madame Ginette AFANWOUBO épouse;
– HOUNSA, Messieurs Francis HODE et Modeste KIKI;
– MINISTERE PUBLIC : Madame Bernadette;
– HOUNDEKANDJI épouse CODJOVI;
– GREFFIER : Madame Reine TSAWLASSOU.