J-06-113
RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – TENTATIVE DE CONCILIATION.
A la suite d’une vaine tentative de se faire payer par un Office d’Etat ses honoraires relatifs à la réalisation d’un audit fiscal de TVA, un cabinet d’Expertise Comptable a obtenu une ordonnance de payer du juge des référés qui avait au préalable constaté l’échec de la tentative de conciliation prescrite par l’article 12 de l’A.U. sur les recouvrements. Cette décision a été déférée à la juridiction d’appel par ledit Office qui, au principal, y soulève l’incompétence du juge judiciaire et, en subsidiaire, demande la révision à la baisse de la note d’honoraires.
La juridiction du second degré s’étant essentiellement appuyée sur le droit national à statué que l’Office d’Etat qui n’a pas respecté la procédure de mise en concurrence prévue par les textes en vigueur et s’est engagé dans un contrat à caractère privé ne peut se prévaloir de sa propre turpitude; les juridictions judiciaires sont par conséquent compétentes.
Elle a réformé le jugement querellé en procédant à la révision à la baisse des honoraires que l’Office d’Etat doit payer au cabinet d’Expertise Comptable.
Article 12 AUPSRVE
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE, ARRET N 115 du 3 décembre 1999 AFFAIRE : O.N.A.T.E.L. Contre F.E.A.
LA COUR
AUDIENCE DU 03 DECEMBRE 1999.
LA CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE DE LA COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU (Burkina Faso) statuant en matière commerciale en son audience Publique ordinaire, tenue au Palais de Justice de ladite ville, le VENDREDI 3 DECEMBRE 1999 à laquelle siégeaient :
Madame OUEGRAOGO Marguerite Présidente de Chambre à la Cour d’Appel.
PRESIDENT.
Messieurs PODA Gnéblessier et COMPAORE Christophe tous deux Conseillers à la Cour.
MEMBRES.
Assistée de Maître TRAORE Karidiatou, Greffier en chef de ladite Cour.
GREFFIER.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
entre :
Office National des Télécommunications (ONATEL) ayant pour conseil Maître Sogotéré Serge SANOU, Avocat à la cour, 01BP 2268 Ouagadougou 01.
D’UNE PART.
Et : Fiduciaire Europe Afrique (F.E.A.) 01BP 4896 Ouagadougou 01ayant pour conseil Maître Mamadou TRAORE, Avocat à la cour, 01BP 6225 Ouagadougou 01.
D’AUTRE PART.
LA COUR.
FAITS ET PROCEDURE
Par acte d’huissier du 11février 1999, l’Office National des Postes et Télécommunications (ONATEL) élisant domicile en l’étude de Maître Sanou Sogotéré Serge, Avocat à la cour déclarant au cabinet d’expertise et d’audit comptable et fiscal en abrégé (FEA), et à Madame le greffier en chef du tribunal de Grande Instance de Ouagadougou qu’il s’oppose à l’ordonnance d’injonction de payer la somme de 104 020.995 rendue le 26/01/99 par le président du tribunal et donnait assignation à FEA à comparaître le mercredi 3/03/99 pour s’entendre :
in limine titis.
Voir le tribunal se déclarer incompétent et ordonner la rétraction de l’ordonnance d’injonction de payer n 043/99 du 26/01/99 s’entendre le tribunal déclarer irrecevable l’action de FEA pour défaut de qualité.
Par extraordinaire au fond.
En principal voir annuler purement et simplement l’ordonnance d’injonction de payer.
Subsidiairement réduire la note d’honoraire à la somme de 18.684.987 FCFA.
Condamner FEA aux entiers dépens.
Le tribunal de Grande Instance par jugement n 398 du 12 mai 1999a rendu dans la cause la décision dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
– Vu l’échec de la tentative de conciliation prescrite par l’article 12 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement se déclare compétent :
En la forme.
Reçoit l’action du cabinet Fiduciaire Europe Afrique.
(FEA).
Déclare l’opposition régulière parce qu’ayant été faite dans les formes et délais prescrits par loi.
Au fond.
Condamne l’ONATEL à payer à Fiduciaire Europe Afrique (FEA) la somme principale de quatre vingt neuf millions cinq cent vingt et un mille deux cent vingt cinq (89.521.225 F CFA).
Déboute le cabinet Fiduciaire Europe Afrique du surplus de sa demande.
Condamne l’ONATEL aux dépens ».
Contre cette décision l’ONATEL relevait appel le 20 mai 1999.
FEA relevait appel incident par voie de conclusions.
L’affaire inscrite au rôle d’audience du 4 juin 1999, sera renvoyée au rôle général pour mise en état.
La mise en état a pris fin par l’ordonnance de clôture du conseiller de la mise en état en date du 19 août 1999.
Le dossier réinscrit au rôle d’audience du 17 septembre 1999 fut mis en délibéré pour le 4 novembre 1999 le délibéré sera successivement prorogé au 19 novembre et puis au 3 décembre 1999.
Advenue cette date, la cour vidant son délibéré a rendu la décision dont la teneur suit :
EN LA FORME
Attendu que l’appel principal de l’ONATEL, et l’appel incident de FEA introduit en application des articles 530 et 554 du code de procédure civile respectent les délais et formes prescrits.
Qu’il échet de les déclarer recevables.
AU FOND.
ARGUMENTS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Attendu que l’ONATEL conclut in liminé litis à l’incompétence des tribunaux de l’ordre judiciaire.
Qu’il soutient que la convention n 255/97/DG-ONATEL/DIL A/DAFCO du 10 novembre 1997 portant réglementation générale des marchés publics.
Que c’est à tort que le 1erJuge a affirmé que les critères définis par la loi ne sont pas réunis pour conférer à la convention le caractère de marché public.
Attendu que l’ONATEL soutient que même si les conditions prévues par la loi n’étaient réunies pour permettre de qualifier la convention entre les parties de marché public, les critères jurisprudentiels permettent de lui infirmer son caractère administratif.
Qu’en effet, la jurisprudence reconnaît un contrat administratif si ledit contrat est conclu par une personne publique et qu’il contient des clauses exorbitantes de droit commun.
Que l’article 4 alinéa 1de la convention et une clause exorbitante de droit commun en ce qu’elle dispose que le marché peut faire l’objet de résiliation dans les conditions prévues aux articles 93 à 97 du décret 96-059/PRESS du 7 mars 1996.
Qu’il échet par conséquent d’annuler le jugement et statuant par évocation dire les juridictions judiciaires incompétentes.
Attendu que l’ONATEL conclut subsidiairement sur le fond à la révision en baisse de la note d’honoraires qui s’élève à 18.684.967 F CFA et au débouté du cabiner FEA de ses moyens et conclusions comme étant mal fondés.
Attendu que le cabinet FEA en réplique allègue que l’exception d’incompétence ne peut prospérer parce que le marché public obéit à des règles et procédures biens définies par le décret sus-mentionné.
Que l’administration rédige un cahier de charge, lance un appel d’offre ou une consultation restreinte ou encore procède de gré à gré dans des conditions très strictes.
Que dans le cas d’espèce, c’est le cabinet FEA qui a démarché l’ONATEL pour lui proposer ses services pour un audit de TVA.
Qu’il s’agit d’un contrat de droit privé dans lequel c’est l’offreur qui fait une offre de service bien déterminée dans son domaine de compétence avec son prix déterminable dans des conditions normales de droit commun.
Qu’il conclut à la confirmation du jugement sur la compétence.
Attendu que le cabinet FEA demande l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas condamné l’ONATEL à payer la somme de 104 020.995 F au titre de ses frais d’honoraires et 15 000 000 F pour dommages et intérêts.
Qu’il soutient que sa note d’honoraire est calculée en application de l’article 51de la convention qui dispose que « le montant des honoraires est fixé à 8% du montant total des redressements admis et autorisés par la direction générale des impôts ».
Attendu que FEA expliquait qu’il a réalisé l’étude sans avance ce qui est contraire au marché public et cela pendant six mois d’affilé : que l’ONATEL n’a pas remis en cause la qualité du travail. Que la Direction Générale des Impôts a accédé à sa requête principale et à la requête complémentaire.
Que le total des redressements admis et autorisés par la Direction Générale des Impôts est de 1.300.215 000 F CFA; que les 8% doivent être appliqués sur ce montant.
Attendu que le cabinet FEA soutient que la résistance abusive de l’ONATEL qui refuse de s’exécuter et multiplie les procédures à des fins dilatoires lui cause un préjudice qu’il évalue à 15 000 000 francs.
MOTIVATIONS.
DE LA COMPETENCE
Attendu que l’article 2 du décret suscité définit les marchés publics comme de contrats écrits passés entre l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, les sociétés d’Etats et les sociétés d’économies mixtes à participation publique majoritaire ainsi que par les personnes physiques ou morales de droit privé agissant pour le compte d’une collectivité publique d’une part, et une personne de droit privé ou de droit public d’autre part, qui s’engage à exécuter des travaux ou faire des biens ou des services contre rémunération.
Que l’article 3 mentionne que tout marché public est obligatoirement passé selon les procédures décrites par le présent décret et énumère les différents modes de passation des marchés publics dont les cahiers de charge sont les éléments constitutifs.
Attendu que l’ONATEL ne peut se prévaloir de sa propre turpitude; que n’ayant respecté la procédure de mise en concurrence prévue aux articles 42 et 43 du décret s’agissant des marchés d’études, elle a entendu se comporter vis à vis de son cocontractant comme un simple particulier et confère de ce fait au contrat un caractère privé.
que l’article 4 de la l’ONATEL pour soutenir qu’elle est une clause exorbitante de droit commun n’est pas déterminante et suffisante pour faire de la convention un marché public.
Qu’il s’ensuit que les juridictions judiciaires sont compétentes.
DES RECLAMATIONS DU caBINET FEA
Attendu que l’ONATEL avance que les éléments pris en compte pour le calcul des honoraires du cabinet FEA ne sont pas fondés.
Que la lettre adressée par la Direction Générale des Impôts démontre que le montant total des redressements admis et autorisés est de 848.458.439 F et non 1 119 015.916 F comme le laisse croire le cabinet FEA.
Que la somme de 441.809 004 F CFA représentant la TVA admise en compensation sur les bénéfices industriels et commerciaux et les 78 853.457 F ne sont pas issus des travaux du cabinet FEA. Que ce faisant, le montant des redressements TVA opérés par le FISC à l’encontre de l’ONATEL est de 624.891.345 F CFA.
Que le crédit en avoir fiscal dégagé par les tribunaux du cabinet FEA est de 858.458.439. 624.891.344 F = 233.562 094 FCFA.
Que par conséquent c’est sur la somme de 233.562 094 FCFA que doit s’appliquer les 8% pour déterminer les honoraires qui sont de 18.684.967 F.
Attendu que l’ONATEL produit à l’appui de ses allégations un rapport d’un tiers au contrat qui doit être purement et simplement écarté.
Attendu qu’au terme de la convention signée le 10 novembre 1997 entre les parties, l’ONATEL chargeait le cabinet FEA d’effectuer un audit fiscal de TVA sur la base des documents comptables existants à l’ONATEL et tenant compte des dispositions en vigueur au Burkina Faso.
Attendu qu’après le dépôt de son rapport qui fut transmis au Directeur Général des Impôts, celui-ci par lettre en date du 29 juillet 1998 réservait l’acceptation de la demande de bénéfice du droit à récupération du montant de 762.633.177 F CFA représentant l’avoir fiscal déterminé par FEA à l’examen préalable de la situation fiscale et accepta la requête complémentaire de 703.119.141F CFA concernant la TVA à restituer pour double paiement.
Attendu que le 10 septembre 1998, le cabinet FEA toutes diligences déterminées adressait à l’ONATEL une lettre synthèse de ses travaux et quantifiait provisoirement le montant des redressements à 1 119 015.916 F CFA.
Attendu que le 17 novembre 1998, le Directeur Général des Impôts répondant à la requête de l’ONATEL marquant son accord pour un montant des redressements admis et autorisés de 1.300.215 000 F CFA.
Attendu que le 1ef juge s’est fondé à tort sur l’estimation provisoire du cabinet FEA pour fixer les honoraires à 89.521.225 F CFA.
Attendu que la loi de parties donne comme base de calcul des honoraires le montant total admis et autorisé par la Direction Générale des Impôts.
Attendu qu’en vertu de l’article 1134 du code civil « les conventions légalement formées tiennent lien de loi à ceux qui les ont fait ».
Qu’il n’est pas permis aux juges lorsque les termes de ces conventions sont claires et précises de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu’elles renferment.
Qu’il échet de reformer le jugement querellé et condamner l’ONATEL à payer la somme de 104 020.995 F CFA outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande.
Attendu que la demande de dommage et intérêt n’est pas fondée qu’il convient de confirmer le jugement sur ce point.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort.
EN LA FORME.
Déclare les appels recevables.
AU FOND.
Reforme le jugement querellé.
Condamne l’ONATEL à payer à Fiduciaire Europe Afrique (FEA) la somme de 104 020.995 FCFA outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande.
Confirme les autres dispositions du jugement.
Condamne l’ONATEL aux dépens.
Ainsi fait jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an susdits.
Et ont signé le Président et le Greffier.