J-06-114
PROCEDURES COLLECTIVES – SUSPENSION DES POURSUITES INDIVIDUELLES – TAXATION DES FRAIS DEXPERT ANTERIEURE AU JUGEMENT DE LIQUIDATION – REVISION DES BASES DE TAXATION (OUI) – CONFIRMATION PARTIELLE.
Un conseiller taxateur de la Cour d’Appela rendu une ordonnance taxant l’état des frais et émoluments d’un Expert qui avait assuré diverses diligences pour une société faisant l’objet d’une procédure collective. Les demandeurs s’y opposent en arguant que la nomination d’un liquidateur à la suite de la dissolution d’une société fait obstacle à toute poursuite individuelle, sauf production entre les mains du liquidateur. Pour l’Expert intimé, la nomination d’un liquidateur ne peut, étant postérieure à la taxation, fonder la rétractation de cette taxation.
La Cour d’appel considère que l’essentiel est de savoir comment doit être exécutée l’ordonnance de taxe autrement que par la production entre les mains du syndic. En effet, si l’ordonnance de nomination du liquidateur emportait suppression des poursuites, cette règle n’interdit pas à l’expert de rechercher un titre de créance par la taxation de ses frais et émoluments.
Article 75 AUPCAP
(COUR D’APPEL DE DAKAR, ARRET N 261DU 27 avril 2001SCI TERANGA (Me René Louis Lopy) Contre ADBOULAYE DRAME (Me Saer Lô Thiam).
LA COUR
PRESENTS.
Mouhamadou DIWARA, Président.
Mamadou DEME et Abdoulaye NDIAYE, Conseillers El Hadji Ayé Boun Malick DIOP, Greffier.
ENTRE :
Sci Teranga, poursuites et diligences de ses représentants légaux demeurant en ses bureaux au siège social de ladite société à Saly Portugal (Mbour), élisant domicile en l’étude de Me René Louis Lopy, avocat à la Cour.
Appelante.
Comparant et concluant par l’organe dudit avocat; D’une part.
Et.
Monsieur ABDOULAYE DRAME, Expert comptable demeurant à Dakar au 2 Place de l’Indépendance, Immeuble BIAO Zef étage au cabinet COOPERS & LYBRAND DIEYE, élisant domicile en l’étude de Me Saer Lô Thiam, avocat à la Cour.
Intimé.
Comparant et concluant par l’organe dudit avocat; D’autre part.
Suivant exploit de Me Malick Seye FALL, Huissier de Justice à Dakar, en date du 04/12/2000, la SCI TERANGAaformé Opposition à l’ordonnance de Taxe n 578/00 en date du 07 novembre 2000 par laquelle le conseiller Taxateur de la Cour d’Appel de Dakar a taxé l’état des frais et émoluments de Abdoulaye DRAME dans l’affaire Jacky Adam-SCI Téranga contre Kazem Moussa Sharara à la somme de 19.389 995 francs.
Et par l’exploit susvisé, la SCI TERANGAa fait servir assignation à Monsieur Abdoulaye DRAME d’avoir à comparaître et se trouver par-devant la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 22/12/2000 pour y venir voir et entendre statuer sur les mérites de son recours.
Sur cette assignation, l’affaire inscrite au rôle de la Cour sous le n 1071de l’année 2000a été appelée à la date pour laquelle ladite assignation avait été servie.
A cette date l’affaire a été mise au rôle particulier de la Cour et renvoyée jusqu’au 09/03/2001pour dépôt de dossiers, date à laquelle elle a été utilement retenue.
A cette date Maître René Louis Lopy, pour le compte de la SCI TERANGAa déposé des conclusions écrites, tendant à ce qu’il plaise à la Cour.
Conclusions du 22 janvier 2001.
a Vu l’ordonnance de désignation de Monsieur Francis PERCEPIED en qualité de liquidateur des la SCI TERANGA.
Vu l’article 75 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives et d’Apurement du Passif.
Vu les conclusions en Intervention Volontaire du sieur Francis PERCEPIED.
Recevoir la présente opposition de la SCI TERANGA et l’Intervention Volontaire de Monsieur Francis PERCEPIED agissant es qualité de liquidateur de la SCI TERANGA.
Fixer au plus à 10 000 francs le taux du tarif horaire en l’espèce.
Fixer au plus à 350 heures le temps suffisant pour réaliser la mission qui était requise.
Fixer en conséquence au plus à 3.500 000 francs les honoraires de l’expert.
Ecarter la TVA pour non-indication par l’expert de son numéro de contribuable et de???niti indispensables pour l’application de la TVA.
Ecarter en l’état les débours et frais en attendant la production par l’expert de justificatifs pour permettre d’en vérifier la réalité ainsi que l’exactitude de la dépense effectuée ».
Conclusions en date du 20 février 2001.
Adjuger du plus fort à la société concluante et à l’intervenant volontaire l’entier bénéfice de leurs écritures et demandes.
Condamner le sieur Abdoulaye DRAME aux entiers dépens.
A son tour Maître Saer Lô Thiam, pour le compte de Abdoulaye Drame a déposé des conclusions écrites, tendant à ce qu’il plaise à la Cour.
Conclusions du 08 février 2001.
« En la forme.
Déclarer l’opposition irrecevable.
Subsidiairement au fond.
Déclarer l’opposition mal fondée.
Débouter la SCI TERANGA de sa demande en rétraction ou modification de l’ordonnance n 578/00 du 07 novembre 2000.
La condamner aux dépens ».
Conclusions en date du 06 mars 2001.
Adjuger au concluant l’entier bénéfice de ses écritures principales ».
les débats ont été clos.
sur quoi Monsieur le Président a ordonné le dépôt des pièces du dossier sur le bureau de la Cour qui amis l’affaire en délibéré pour l’arrêt à intervenir à la date du 27/02/2002.
DROIT.
La cause en cet état présentait à juger les différents points de droit résultant du dossier et des conclusions prises par les parties en cause.
QUID DES DEPENS?
Advenue l’audience publique et ordinaire de ce jour 27/04/2001, la Cour vidant son délibéré a statué ainsi qu’il suit :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en toutes leurs demandes.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Statuant sur l’opposition formée le 4 décembre 2000 par la SCI TERANGA contre l’ordonnance n 578/00 du 7 novembre 2000, à elle signifiée le 16 novembre 2000, par laquelle le juge taxateur près la Cour d’Appel de céans a taxé l’état des frais et émoluments de Abdoulaye Dramé dans l’affaire Jacky Adam-SCI Teranga c/Kazem Moussa Sharara à la somme de 19.389 995 francs.
Considérant que suivant conclusions du 22 janvier 2001, Francis Percepied agissant es qualité de liquidateur de la SCI Teranga est intervenu volontairement dans la cause.
EN LA FORME
Sur la nullité de l’exploit d’opposition :
Considérant que suivant écritures du 8 février 2001, Abdoulaye Dramé conclut à la nullité de l’exploit du 4 décembre 2000, au motif qu’il comporte assignation à comparaître devant le Président de la 2ème Chambre Civile de la Cour d’Appel, une autorité judiciaire sinon incompétente, du moins différente de la juridiction effectivement saisie, la Cour d’Appel en l’occurrence.
Que l’acte serait impropre à remplir son objet.
Considérant toutefois qu’il est constant que la SCI TÉRANGA destinataire de l’acte a régulièrement comparu, constitué conseil et assuré sa défense suite à l’acte argué de nullité.
Qu’en application des dispositions de l’article 626 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, il échet de rejeter l’exception.
Sur la recevabilité de l’opposition :
Considérant que suivant même écritures, Abdoulaye Dramé oppose l’irrecevabilité de l’opposition, qui aurait été formée hors le délai réglementaire de 15 jours.
Considérant qu’en réplique, les demandeurs à l’opposition soutiennent que le délai n’est point de 15, mais de 17 jours, dès lors que s’agissant d’un délai franc, le jour de la signification et le dernier jour ne sont pas comptés.
Que le dernier jour tombant en l’espèce un jour férié, le délai est prorogé jusqu’au dernier jour ouvrable suivant, qu’ils fixent au lundi 4 décembre 2000.
Que selon eux encore, la demanderesse à l’opposition ayant ses bureaux à Mbour, dans le ressort du Tribunal de Thiès et la défenderesse demeurant à Dakar, il y aurait lieu de tenir compte des délais de distance.
Considérant qu’il est constant que le délai d’opposition à une ordonnance de taxe est de 15 jours.
Considérant qu’il n’y a lieu de tenir compte d’un quelconque délai de distance, toutes les parties étant domiciliées au Sénégal.
Considérant qu’il résulte de l’article 827 du Code de Procédure Civile que les délais prévus par ce code sont des délais francs et que lorsque le dernier jour d’un délai de procédure est un jour férié ou un samedi, ce délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Considérant cela étant, qu’il est constant que l’ordonnance entreprise ayant été signifiée le 16 novembre 2000, ce jour non compris de même que le vendredi …………décembre 2000, le délai qui a couru à compter du 17 novembre 2000 devait s’achever le samedi 2 décembre 2000; que ce jour étant férié, ainsi que le dimanche 3 février, le délai a continué à courir jusqu’au lundi 4 décembre 2000.
Or considérant qu’il n’est pas discuté que l’opposition a été formée le 4 décembre 2000.
Qu’il échet de déclarer l’exception mal fondée.
AU FOND
Sur la qualité de débiteur de la SCI-TÉRANGA :
Considérant que la Société demanderesse à l’opposition soutient que la procédure ayant donné lieu aux diligences de l’expert objets de la taxation contestée opposait Kazem Moussa Sharara au sieur Jacky Adam et non à la SCI TÉRANGA, qui ne pourrait dès lors être tenue à paiement; qu’elle invoque au soutien de cette allégation une lettre en date du 2 janvier 2000 adressée en ce sens par le sieur Sharara à l’expert.
Mais considérant qu’il résulte des documents produits que la procédure dont s’agit a concerné le sieur Jacky Adam pris en sa qualité de gérant de la SCI-TÉRANGA.
Qu’au surplus, il résulte des dispositions sans équivoque de l’arrêt n 44 du 21janvier 2000 qui a désigné Abdoulaye Dramé que les frais de sa mission ont été mis à la charge de la SCI Téranga.
Qu’il échet de déclarer le moyen mal fondé.
Sur l’application de la règle de la suspension des poursuites individuelles.
Considérant que suivant écritures du 22 janvier 2001, les demandeurs à l’opposition concluent à la rétraction de l’ordonnance par application de l’article 75 de l’Acte Uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives.
Qu’ils exposent que suivant ordonnance n 230 du 14 décembre 2000 du Président du Tribunal de Thiès, le sieur Francis Percepied a été désigné liquidateur de la SCI Téranga.
Qu’ils soutiennent que cette nomination après constat de la dissolution de la Société s’oppose à toute poursuite individuelle, sauf production entre les mains qu liquidateur désigné; considérant qu’en réponse Abdoulaye Dramé fait remarquer que l’ordonnance de désignation invoquée a été rendue postérieurement à l’ordonnance entreprise et ne pourrait dès lors en fonder la rétraction.
Qu’il soutient que l’article 75 de l’Acte Uniforme n’est pas applicable en l’espèce, puisque l’ordonnance de désignation invoquée n’est pas une décision d’ouverture d’une procédure collective, qu’elle est irrégulière et de surcroît inopposable, voire inexistante pour avoir été rendue par une autorité manifestement incompétente.
Considérant que les opposants rétorquent que l’ordonnance dont s’agit est une décision qui, en l’état.
s’impose à tous, et que la Cour qui n’est pas saisie d’un appel dirigé contre elle ne peut en apprécier la validité.
Considérant, sans entrer dans le débat instauré par les parties, qu’il échet de faire remarquer que quand bien même l’ordonnance invoquée emporterait suspension des poursuites individuelles, cette règle ne constitue pas un obstacle à la recherche par l’expert d’un titre de créance par la taxation de ses frais et émoluments, mais seulement à l’exécution forcée de l’ordonnance de taxe autrement que par la production entre les mains du syndic.
Qu’il échet dès lors de dire le moyen mal fondé; Sur le montant de la taxation.
Considérant que pour conclure à la rétraction de l’ordonnance ou à tout le moins la réduction du montant de la taxation, la SCI fait observer que l’expert ne vise aucun texte légal ou réglementaire comme base de son évaluation.
Qu’il conteste le taux horaire retenu qui serait surévalué au regard de la qualité du travail effectué et propose le tarif horaire de 7.500 à 10 000 francs.
Que le temps de 1610 heures facturées par l’expert pour lui-même et son personnel serait irréaliste, 300 à 350 heures étant suffisantes pour réaliser la mission requise.
Que les débours et frais invoqués ne seraient pas justifiés.
Que la somme réclamée au titre de la NA serait sans fondement puisqu’elle en serait exonérée et que l’expert n’a pas indiqué son numéro de contribuable et de…….qu’elle juge indispensable pour appliquer la TVA.
Considérant qu’aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe de barème applicable aux prestations exportables; qu’il convient dès lors de se référer aux usages en la matière compte tenu de la mission confiée.
Considérant cela étant que l’arrêt du 21janvier 2000adésigné Abdoulaye Dramé avec pour mission de :
« 1) contrôler la gestion de la SCI Téranga en se faisant communiquer tous documents relatifs à son fonctionnement et d’aviser, encas de besoin, les associés de tous actes irréguliers ou inopportuns pris au détriment de l’intérêt social avant ou après sa nomination.
2) de convoquer, dans un délai de trois mois après notification de sa mission, une assemblée générale pour établir le bilan de la Société ».
Considérant qu’il est précisé que la mission de l’expert mandataire prendrait fin après la tenue de l’assemblé générale et le rapport fait aux associés sur l’état de la Société.
Considérant que cette mission, consistant en un véritable audit de la Société a été conduite du 27 janvier 2000, date de la notification de sa mission à l’expert, au 11 septembre 2000 date d’établissement du rapport.
Considérant que dès lors, le temps de 1610 heures facturé apparaît amplement justifié.
Considérant que les contestations par une des parties de la méthode de travail appliqué par l’expert ne pourrait justifier la réduction de ses honoraires.
Considérant cependant que le tarif honoraire de 20 000 pour lui-même et de 7500, 4000 et 3000 francs pour les autres intervenants retenu par l’expert apparaît exagérés par rapport au taux habituel appliqué.
Qu’il échet de le réduire à la somme de 10 000 francs pour l’expert et à celle de 3000 francs pour les autres intervenants, soit la somme totale de 8.190 000 francs au titre des honoraires.
Considérant que la SCI soutient sans preuve à l’appui qu’elle est exonérée de NA; qu’ainsi que justement relevé par Dramé, les contestations élevées par la SCI relèvent exclusivement de ses rapports avec l’administration fiscale, et ne concernent nullement la collecte qu’il fait en tant que prestataire de service auprès des assujettis.de la NA à la somme de (8.190 000 francs X 10%) = 819 000 francs.
Frais d’hébergement et de restauration pour lui-même et son équipe (1 017 000), ainsi que de courrier et de greffe (32.895 francs).
Considérant que la réalité des déplacements et séjours à Sally lieu de situation de la SCI, pas plus que celle des frais de courrier et de greffe ne peuvent sérieusement être discutées, compte tenu des pièces justificatives produites.
Considérant qu’en définitive il échet, reprenant les calculs de l’expert de taxer ses frais et émoluments ainsi qu’il suit :
– honoraires : 8.190 000 francs;
– TVA 10% : 819 000 francs;
– débours et frais : 2.189.895 francs;
– soit au total à al somme de 11 198 895 francs; PAR CES MOTIFS.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare l’opposition recevable en la forme.
Au fond.
Infirmant l’ordonnance entreprise.
Taxe les frais et émoluments de Abdoulaye Dramé à la somme de 11 198 895 francs.
Condamne la SCI Téranga à lui payer cette somme; Condamne la SCI Téranga aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 27 avril 2001étant au Palais de justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Abdoulaye Ndiaye, Conseillers et avec l’assistance de Me EL Hayé Boun Malick DIOP, Greffier.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET.
LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.