J-06-115
PROCEDURES COLLECTIVES – REGLEMENT PREVENTIF – NOMINATION D’EXPERT – SUSPENSION DES POURSUITES INDIVIDUELLES.
Suite à sa condamnation par le tribunal de première instance au remboursement de ses dettes, une société de brasserie a obtenu, sur le fondement des articles 5 à 9 de l’A.U. relatif aux Procédures Collectives, une ordonnance pour la suspension temporaire des poursuites individuelles contre elle et la désignation d’un expert pour faire un rapport sur sa situation économique et financière. Tirant argument des effets de cette ordonnance elle a, lors de son appel contre le jugement de condamnation, demandé à bénéficier du sursis à statuer et de la suppression temporaire de poursuites accordée par le juge des référés.
Mais la juridiction d’appel a confirmé l’ordonnance qui a condamné l’appelant au remboursement de ses dettes en statuant que :
1. « la suppression de poursuites individuelles ne s’applique ni aux actions cambiaires dirigées contre les signataires d’effets de commerce autres que le bénéficiaire de la suppression de la poursuite individuelle ».
2 « Si aucune exécution forcée en paiement n’est possible dans les conditions décrites par l’article 8 du même AU, tout créancier, dans le cas d’espèce, peut agir en reconnaissance de ses droits ou de sa créance contestée ».
Article 5 AUPCAP ET SUIVANTS
(COUR D’APPEL DE DAKAR, ARRET N 397 DU 08 septembre 2000, Les Nouvelles Brasseries Africaines dites NBA (Me Soulèye MBAYE C/ La Compagnie Sucrière du Sénégal dite C.S.S. (Mes Kanjo & Koïta).
LA COUR
PRESENTS.
Mouhamadou DIAWARA, Président.
Mamadou DEME et Mamadou DIAKHATE, Conseillers Papa NDIAYE, Greffier.
ENTRE :
Les Nouvelles Brasseries Africaines NBA ayant son siège social à Dakar, rue 14 prolongée X Bourguiba élisant domicile en l’étude de Me Soulèye Mbaye, avocat à la Cour à Dakar.
Appelante et intimée incidente.
Comparant et concluant à l’audience par l’organe dudit avocat.
D’une part.
Et :
La Compagnie Sucrière Sénégalaise CSS ayant son siège social à Richard Toll mais élisant domicile en l’étude de Mes Kanjo & Koïta, avocats à la Cour à Dakar.
Intimée.
Comparant et concluant à l’audience par l’organe desdits avocats.
D’autre part.
LES FAITS.
Suivant exploit de Me Aloyse Ndong, Huissier de justice à Dakar en date du 11/08/89, les NBA ont interjeté appel d’un jugement rendu le 23/09/99 par le Tribunal Régional de Dakar, présidé par Monsieur Mbaché FALL, enregistré le 07/12/99 sous le bordereau n 1005/31Vol XXIV, F 100,case 1552 aux droits de seize mille francs.
Et par le même exploit les NBA ont fait servir assignation à la CSS d’avoir à comparaître et se trouver par-devant la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du vendredi 23/09/99 pour y venir voir et entendre statuer sur les mérites de son recours.
A cette date l’affaire n’a pas été enrôlée et par acte en date du 27/01/2000 les NBA ont fait servir avenir à la CSS d’avoir à comparaître et se trouver par-devant la Cour d’Appel en son audience du 04/02/2000.
Sur cette assignation, l’affaire inscrite au rôle de la Cour sous le numéro 76 de l’année 2000a été appelée à la date pour laquelle ladite assignation avait été servie puis mise au rôle général.
Sortie du rôle général, l’affaire a été appelée par Monsieur le Secrétaire Général chargé de la mise en état.
La mise en état ainsi faire, l’affaire a été renvoyée successivement jusqu’au 30/06/2000 date à laquelle elle a été utilement retenue.
Me Soulèye MBAYEa déposé de conclusions écrites en date du 26/06/2000 tendant à ce qu’il plaise à la Cour; « Déclarer l’appel recevable.
Y faisant droit.
Ordonner le sursis à statuer.
Réserver les dépens ».
Mes Kanjo & Koïta ont déposé des conclusions écrites en date du 03/02/2000 tendant à ce qu’il plaise à la Cour :
Statuer ce que de droit sur la recevabilité en la forme de l’appel de la NBA.
Déclarer recevable l’appel incident de la société concluante.
Vu que la NBAaexpressément reconnu dans ses écritures du 05 janvier 1999 le bien fondé de la créance de la société concluante.
Vu les lettres de la NBA en date des 11 juillet, 04 novembre et 24 novembre 1998 portant expressément reconnaissance de dette et obligation de remboursement de ladite créance.
Dire et juger que c’est à bon droit que le premier Juge a condamné celle-ci aux sommes visées dans le jugement n 1099 du 09 juin 1999.
Confirmer ledit jugement sur ces points et sur les mesures de débouté de la NBA en ses demandes d’expertise et de délai de grâce et en ce qu’il a contesté la régularité de la saisie-conservatoire pratiquée.
Infirmer ledit jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société concluante et statuant à nouveau, condamner la NBA à payer à celle-ci la somme de 70 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
La condamner aux entiers dépens d’instance et d’appel ».
Les débats ont été clos.
Sur quoi Monsieur le Président a mis l’affaire en délibéré pour l’arrêt à intervenir à la date du 25/05/2000.
Advenue l’audience publique et ordinaire de ce jour 08/09/2000, la Cour mêmement composée, vidant son délibéré a statué ainsi qu’il suit :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Considérant que par acte d’huissier du 11 août 1999, les Nouvelles Brasseries Africaines dites NBA ont régulièrement interjeté appel du jugement du 09 juin 1999 du Tribunal Régional de Dakar qui, dans la cause l’opposant à la Compagnie Sucrière Sénégalaise dite CSS,a statué ainsi qu’il suit :
« En la forme.
Reçoit l’action de la CSS.
Au fond.
Donne acte à la société NBA de ce qu’elle reconnaît devoir à la CSS la somme de 12 081.997.4 de francs représentant le reliquat des chèques impayés et des intérêts légaux.
La condamne au paiement de ladite somme à la CSS.
La déboute de sa demande de délai de grâce et de sa demande tendant à la désignation d’un expert.
La condamne à, payer à la CSS la somme de 198.520.893 de francs au titre du remboursement des 400 tonnes de sucre et du paiement des frais financiers.
La déboute de sa demande de moratoire pour le paiement de cette somme.
Déboute la CSS de 4a demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Constate la régularité de la saisie conservatoire.
Dit n’y avoir lieu à validation de ladite saisie par application de l’article 69 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifies de recouvrement et des voies d’exécution.
Ordonne l’exécution provisoire du jugement jusqu’à hauteur de 12 millions de francs ».
Considérant que dans ses conclusions du 03 février 2000, la CSSa aussi régulièrement fait appel incident; Faits, prétentions et Moyens des parties.
Considérant que l’action de la CSS fait suite au prêt de 400 tonnes de sucre qu’elle avait consenti, par un acte du 19 février 1996, à la société NBA qui, outre son adhésion aux modalités relatives au remboursement de la denrée prêtée en sucre de qualité n 1par sac de 50 kg, s’est engagée au paiement des frais financiers de 10% par an à compter de la date d’enlèvement et du coût du conditionnement du sucre.
Considérant que dans ses écritures du 03 février 2000, la CSSa déclaré que la Société NBA n’a pas sérieusement contesté sa créance et que le jugement querellé doit être confirmé sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de paiement de dommages-intérêts et que la Cour réformant sur ce point, lui accorde 70 millions pour résistance abusive, le non-paiement de sa dette par la société NBA ne pouvant se justifier, à ses dires, que par un refus volontaire sous-entendu par la mauvaise foi.
Considérant que pour sa part, les Nouvelles Brasseries Africaines ont demandé que soit ordonné le sursis à statuer du fait que le Président du Tribunal Régional de Dakar, saisi d’une requête aux fins de règlement préventif, a, dans une ordonnance du 17 mai 2000, désigné M. Abdoulaye Dramé en qualité d’expert et ordonné une suspension des poursuites pour une durée de trois mois; que cependant, répliquant sur ce point, la Compagnie Sucrière Sénégalaise a soutenu, sur le fondement de l’article 9 sur l’organisation des procédures collectives, que la suspension des poursuites individuelles ne vise pas son action dès lors que celle-ci vise la reconnaissance de sa créance qui est contestée.
SUR CE
Considérant que par ordonnance n 593 du 17 mai 2000, le Président du Tribunal Régional de Dakar, saisi par les Nouvelles Brasseries Africaines (ci-après les NBA) d’une requête aux fins de règlement préventif et d’offre de concordat, a, sur le fondement des articles 5, 6, 7, 8 et 9 du Code de l’OHADA portant organisation des procédures collectives, ordonné la suspension des poursuites individuelles dirigées contre les NBA « pour une durée de trois mois à compter de ce jour » et désigné Abdoulaye Dramé en qualité d’expert avec pour mission de faire un rapport sur la situation économique et financière, les perspectives de redressement de cette entreprise compte tenu du délai de suspension accordé.
Considérant que si l’article 9 alinéa 1de l’Acte Uniforme précité décide que les dispositions de l’article 8 sur la suspension des poursuites individuelles suspend ou interdit toutes les poursuites tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision, l’alinéa 4 du même article 9 dispose que « la suspension des poursuites individuelles ne s’applique ni aux actions cambiaires dirigées contre les signataires d’effets de commerce autres que le bénéficiaire de la suspension individuelle »; qu’il s’ensuit que si aucune exécution forcée en paiement n’est possible dans les conditions décrites par l’article 8, tout créancier, dans le cas de l’espèce, peut agir en reconnaissance de ses droits ou de sa créance contestée d’autant que, dans la présente procédure, le délai de suspension de trois mois accordé par le premier juge depuis le 17 mai 2000 est présentement expiré sans que les parties aient porté à la connaissance de la Cour la suite réservée à la mission de l’expert si celui-ci a effectué son travail dans les délais prévus par la loi communautaire.
Considérant, cela étant, que le premier juge, après avoir donné acte aux NBA de ce qu’elles reconnaissent devoir à la CSS la somme de 12 081.997,47 francs représentant le reliquat de chèques impayés et des intérêts légaux, a pu valablement, rejetant les arguments relatifs à l’exonération fiscale et se fondant sur les factures produites au débat sur le prix de 400 tonnes de sucre et sur les frais financiers calculés avec le taux conventionnel de 10% par an à compter de la date d’enlèvement, évaluer la créance de la CSS à la somme de 198.520.893.6 francs CFA.
Considérant, cependant, que la mauvaise foi des NBA n’a pas été démontrée; qu’il y a lieu, confirmant encore le jugement querellé, de débouter la CSS de sa demande en paiement de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en appel et en dernier ressort :
Déclare recevable l’appel des NBA et celui incident de la CSS.
Les déclare mal fondés.
Dit que la CSSaune créance de 198.520.893.6 francs sur les NBA.
Confirme le jugement querellé pour le surplus.
Met les dépens à la charge des NBA.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 08/09/2000 séant au Palais de justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Mamadou DIAKHATE, Conseillers et avec l’assistance de Me Papa NDIAYE, Greffier.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET.
LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.