J-06-116
RECOUVREMENT ET VOIES D’EXECUTION – INJONCTION DE PAYER – SIGNIFICATION DE L’ORDONNANCE INDIQUANT UNE AUTRE JURIDICTION QUE CELLE COMPETENTE – NULLITE DE LA SIGNIFICATION.
Une ordonnance d’injonction de payer est signifiée au débiteur par un exploit l’invitant à porter son opposition devant la juridiction présidentielle du Tribunal, au lieu de la formation collégiale. Le jugement sur opposition ayant confirmé l’ordonnance, le débiteur en relève appel.
Ayant décidé qu’est nulle aux termes de l’article 8 la signification de l’ordonnance d’injonction de payer qui indique une juridiction autre que celle compétente pour connaître de l’opposition, la Cour d’appel retient que la conséquence à tirer de cette nullité n’est pas la caducité de l’ordonnance, mais que le délai de quinze jours dans lequel l’opposition doit être formée n’a pas pu courir et que, par voie de conséquence, l’opposition est recevable. C’est donc à juste titre que le premier Juge a refusé de déclarer caduque l’ordonnance entreprise et a déclaré recevable l’opposition formée à son exécution.
Article 7 AUPSRVE
Article 8 AUPSRVE
Article 9 AUPSRVE
(COUR D’APPEL DE BOUAKE N 13/2001du 24 janvier 2001AFFAIRE BOU CHEBEL MALECK (Mes DOGUE et ASSOCIES) C/ LA STATION MOBIL DE YAMOUSSOUKRO. (Me KIGNIMA CHARLES).
LA COUR
La Cour d’Appel de Bouaké, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mercredi vingt et quatre janvier deux mil un, à laquelle siégeaient Messieurs :
– N’GNAORE KOUADIO ANTOINE, Premier Président de Chambre, Président; (Rapporteur).
– TOURE ISSA, Mme MOUSSO, CONSEILLERS à la cour, MEMBRES.
Avec l’assistance de Maître TIANGBE MAMADOU, Greffier a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause entre; BOU CHEBEL MALECK, Transporteur demeurant à.
Abidjan 18 B.P. 2276 Abidjan 18.
APPELANT.
Représenté et concluant par l’organe de Me DOGUE et Associés, Avocats à la Cour, ses conseils.
D’UNE PART.
Et.
La STATION MOBIL de Yamoussoukro, prise en la personne de son propriétaire Monsieur ATTARALI demeurant à Yamoussoukro BP. 2484.
INTIME.
Représenté et concluant par le canal de Me KIGNIMA CHARLES, Avocat à la Cour, son conseil.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS : Le Président de la Section du Tribunal de Toumodi statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 22 juin 2000 un jugement n 102 ne portant aucune mention d’enregistrement aux qualités duquel il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort.
Déclare BOU CHEBEL MALECK recevable en son opposition.
L’y dit cependant mal fondé.
Le condamne en conséquence à payer à la STATION MOBIL, la somme de 2.735 019 francs.
Le condamne à payer également à la STATION MOBIL, la somme de 500 000 francs à titre de dommages et intérêts, soit la somme totale de 3.235 019 francs.
Met les frais de la procédure à la charge de BOU CHEBEL; ».
Par exploit en date du 17/7/2000 de Me JUSTINE AYEPO, Huissier de justice à Bouaké, le sieur BOUCHEBEL MALECKa déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a par le même exploit, assigné la STATION MOBIL de Yamoussoukro à comparaître par-devant la Cour de ce siège, à l’audience du mercredi 10 octobre 2001pour s’entendre, annuler ou infirmer ledit jugement.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du greffe de la Cour sous le N 78 de l’année 2000.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause a été renvoyée pour production du dossier de première instance au 15/11/2000 et au 6/12/2000;a cette dernière audience, elle fut utilement retenue sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 27/12/2000, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 24/1/2001.
Advenue l’audience de ce jour 24/1/2001, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
– Ouï le Ministère Public.
– Vu les pièces du dossier de la procédure.
– Ensemble l’exposé des faits, procédure des parties et motifs suivants.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Suivant exploit en date du 17 juillet 2000 de Me JUSTINE AYEKPO, Huissier de Justice à Bouaké, Monsieur BOU CHEBEL MALECKarégulièrement interjeté appel du jugement civil contradictoire n 102 du 22 juin 2000 rendu par la Section de Tribunal de Toumodi qui, en son opposition formée à l’exécution de l’ordonnance d’injonction de payer n 15/2000 du 4 février 2000; l’y adit cependant mal fondé et l’a condamné à payer à la STATION MOBIL de Yamoussoukro les sommes de 2.735 019 francs et de 500 000 francs respectivement en paiement du montant des factures et à titre de dommages-intérêts.
Au soutien de son appel, le sieur BOU CHEBEL MALECK concluant par l’organe de Maîtres DOGUE ABBE Y AO et Associés fait grief au jugement déféré de n’avoir pas prononcé la caducité de l’ordonnance d’injonction de payer n 15 du 4 février 2000.
Il explique en effet que cette ordonnance n’a pas été régulièrement signifiée; qu’alors que l’article 8 de l’acte uniforme du Traité OHADA relatif aux procédures de recouvrement simplifié et des voies d’exécution énonce que l’exploit de signification de l’ordonnance.
d’injonction de payer doit à peine de nullité indiquer la juridiction devant laquelle l’opposition doit être formée et que l’article 9 dudit acte uniforme énonce par ailleurs que la juridiction compétente est celle dont le Président a rendu la décision d’injonction de payer, la STATION MOBIL de Yamoussoukro a, dans l’exploit de signification, invité l’adversaire à porter son opposition devant la juridiction présidentielle de Toumodi plutôt que devant la Section du tribunal dans sa formation collégiale.
Que l’exploit de signification étant ainsi frappée de nullité, l’ordonnance d’injonction de payer apparaît comme n’avoir jamais été signifiée.
Que dès lors, conformément à l’article 7 alinéa 2 de l’acte uniforme susvisé qui dit que la décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans le délai de trois mois à compter de sa date, l’ordonnance attaquée était devenue caduque puis du 4 février 2000 à la date de signification il s’est écoulé plus de trois mois.
Aussi demande t-il à la Cour de déclarer l’ordonnance caduque.
Concluant à titre subsidiaire, il demande à la Cour de censurer également le jugement déféré en déclarant irrecevable la requête aux fins d’injonction de payer pour violation de l’article 4 de l’acte uniforme du Traité OHADA susvisé.
Il explique à cet égard qu’aux termes de cet article 4 seule une personne morale ou physique peut présenter une requête aux fins de condamnation en paiement.
Or, soutient-il, dans le cas d’espèce, la requête a été présenté par la STATION MOBIL de Yamoussoukro qui n’est ni une personne physique ni une personne morale.
Il précise à cet égard que quand bien même on considérait la STATION MOBIL DE Yamoussoukro comme une personne morale force serait de reconnaître que sa forme sociale, sa dénomination et son siège social n’ont pas été indiqué.
L’appelant fait valoir en outre, pour que la procédure d’injonction de payer puisse être utilisée il faut que la créance soit certaine, liquide et exigible.
Il allègue qu’en l’espèce, il ne reconnaît pas le montant qui lui est réclamé par la STATION MOBIL de Yamoussoukro; que le seul fait que la créance est contestée dans son quantum invalide la procédure d’injonction de payer.
Il dit ignorer l’existence des 8 factures sur lesquelles la STATION MOBIL de Yamoussoukro fonde sa créance de 2.734.965 francs.
Il dit ne reconnaître que 23 bons d’un montant total de 328.930 francs sur lequel il a payé 200 000 francs en sorte qu’il ne reste devoir que la somme de 128.930 francs.
Il sollicite donc la Cour d’infirmer le jugement entrepris, tant en ce qu’il l’a condamné à payer à la STATION MOBIL de Yamoussoukro la somme de 2.734.965 francs qu’en ce qu’il l’a en outre condamné à payer à ladite STATION MOBIL la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts.
Pour sa part, la STATION MOBIL de Yamoussoukro concluant par le truchement de KIGNIMA K. CHARLES, Avocat à la Cour, son conseil, sollicite la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a« restitué à l’ordonnance d’injonction de payer son plein et entier effet » mais de l’infirmer en ce qu’il ne lui a alloué à titre de dommages-intérêts que la somme de 500 000 francs au lieu de 2 000 000 francs qu’elle avait réclamée.
Il explique en effet que le sieur BOU CHEBEL MALECK l’avait approché à l’effet de bénéficier de facilités en fournitures de produits pétroliers; qu’ainsi il s’est fait servir toutes sortes de produits et payait plus tard avec un différé de 1à 3 mois.
Qu’à la clôture du compte ayant existé entre eux, un solde s’étant présenté en sa faveur et que BOU CHEBEL MALECK, malgré les promesses par lui faites, n’a pas réglé, elle a initié à son encontre par le truchement de Maître KALEUKEU DELACLE, Huissier de justice à Toumodi, la procédure d’injonction de payer qui a été sanctionnée par l’ordonnance de condamnation n 15 du 4 février 2000 critiquée par l’appelant.
Elle allègue que c’est à tort que BOU CHEBEL MALECK invoque la caducité de l’ordonnance au motif que l’exploit de signification de ladite ordonnance serait nul parce que l’huissier instrumentaire ne l’y aurait pas invité à porter son opposition devant le tribunal de Toumodi mais plutôt devant le Président de la Section de Tribunal.
Elle fait remarquer à cet égard que la mention « Président du Tribunal » portée dans l’exploit de signification de l’ordonnance relève d’une erreur de frappe puis que malgré cette mention critiquée l’appelant n’a pas moins porté son opposition devant la section de Tribunal de juridiction normalement compétente.
Elle demande donc à la Cour de rejeter ce moyen alors surtout que le sieur BOU CHEBEL ne démontre pas avoir subi un préjudice de ce fait.
Quant au moyen tiré de l’irrecevabilité de la requête aux fins d’ordonnance d’injonction de payer, la STATION MOBIL de Yamoussoukro explique qu’elle est une entreprise individuelle et que par conséquent sa personnalité juridique se confond avec celle de son propriétaire dont le nom apparaît dans l’acte critiqué.
Aussi, prie-t-elle la Cour de rejeter ce moyen également.
Quant au caractère certain de la créance, la STATION MOBIL de Yamoussoukro indique que sa créance résulte de factures qu’elle a produites et qui ont été signées par BOU CHEBEL.
Au titre des dommages-intérêts par elle demandée, la STATION MOBIL fait valoir que BOU CHEBEL est un débiteur de mauvaise foi qui, pour refuser de payer sa dette use de procédures; que ce comportement qui, non seulement l’empêche de recouvrer sa créance, l’expose à faire des frais de procédure; Que le préjudice qu’il subit ainsi ne sera réparé qu’avec la somme de 2 000 000 francs; Que c’est pourquoi il sollicite la réformation du jugement déféré sur ce point.
DES MOTIFS
EN LA FORME
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL
Il s’agit en l’espèce d’une décision rendue sur opposition; aux termes de l’article 15 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA portant organisation des procédures de recouvrement simplifié et des voies d’exécution, le délai d’appel est de 30 jours à compter de la date de la décision.
Ainsi donc, l’appel relevé le 17 juillet 2000 de la décision entreprise rendue le 22 juin 2000 soit moins de 30 jours à compter de sa date est intervenue dans les forme et délai prévu par la loi.
Le dit jugement est donc recevable.
AU FOND
SUR LE MOYEN TITRE DE LA caDUCITE DE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER
Il est vrai que l’exploit de signification de l’ordonnance attaquée indique comme juridiction devant laquelle l’opposition doit être portée la juridiction présidentielle de Toumodi en violation de l’article 9 de l’acte uniforme susvisé du Traité OHADA qui dit que c’est la juridiction dont le Président a rendu la décision d’injonction de payer qui est compétente.
L’article 8 précédent sanctionnant de nullité le non-respect de cette formalité, la signification de l’ordonnance qui indique une juridiction autre celle compétente pour connaître de l’opposition est nulle.
Toutefois, la conséquence à tirer de cette nullité n’est pas la caducité de l’ordonnance, mais que le délai de 15 jours dans lequel l’opposition doit être formée n’a pu courir et que par voie de conséquence l’opposition formée à l’exécution de l’ordonnance est recevable.
C’est donc à juste titre que le premier Juge a refusé de déclarer caduque l’ordonnance entreprise et a déclaré recevable l’opposition formée à son exécution.
Aussi convient-il de confirmer sur ce point le jugement déféré.
SUR LE MOYEN TIRE DE L’IRRECEVABILITE DE LA REQUETE AUX FINS D’INJONCTION DE PAYER
Le premier juge, pour rejeter ce moyen a, à bon droit, relevé que la STATION MOBIL de Yamoussoukro est une société unipersonnelle et que sa personnalité juridique se confondait avec celle de son propriétaire dont le nom a été indiquée en sorte qu’il n’y a pas eu violation de l’article 4 de l’Acte Uniforme susvisé du Traité OHADA.
Le jugement déféré mérite confirmation sur ce point également.
SUR LE CARACTERE CERTAIN, LIQUIDE ET EXIGIBLE DE LA CREANCE.
La STATION MOBIL de Yamoussoukro a produit au dossier les 8 factures signées du sieur BOU CHEBEL et dont résulte la créance de 2.734.965 francs à laquelle il a été condamné.
C’est donc de mauvaise foi qu’il conteste le montant à lui réclamé.
En le condamnant à payer le montant de ces 8 factures le premier Juge a fait une saine et bonne appréciation des circonstances de la cause.
Il convient également de confirmer sur ce point le jugement déféré.
SUR LE MONTANT DES DOMMAGES-INTERETS
Tenant compte des éléments objectifs tirés du dossier le premier Juge a souverainement chiffré le préjudice subi par STATION MOBIL de Yamoussoukro à 500 000 francs.
Il convient de confirmer le jugement sur ce point alors surtout que la STATION MOBIL ne fournit aucun critère d’appréciation de son préjudice somme toute certaine.
CONSEQUEMMENT.
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort.
Déclare BOU CHEBEL MALECK recevable mais mal fondé en son appel et l’en déboute.
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré; Condamne BOU CHEBEL MALECK aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Bouaké, les jour, mois et an que dessus; Et ont signé le Président et le Greffier.