J-06-117
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – INJONCTION DE PAYER – INEXISTENCE DE LA CREANCE – CREANCE RESULTANT D’EFFETS DE COMMERCE NON caUSES ET DE FACTURES NON SIGNEES PAR LE DEBITEUR POURSUIVI – INAPPLICABILITE DE LA PROCEUDRE D’INJONCTION DE PAYER.
Une société de transit soutient avoir régulièrement fourni des services à un établissement commercial qui les aurait commandés tant pour lui-même que pour d’autres personnes et sociétés. Elle obtient contre l’établissement d’une ordonnance d’injonction de payer délivrée sur la base de factures et d’effets de commerce signés par un tiers et de factures établies au nom d’autres sociétés. L’établissement commercial conteste être en relation d’affaires avec le créancier. Après avoir fait opposition à l’ordonnance et s’être vu refuser la mainlevée, il a fait appel du jugement qui l’a débouté.
1) Pour lui donner gain de cause, la Cour d’appel a considéré qu’il s’agit d’une entreprise individuelle, qui se confond avec la personne du commerçant et qu’il appartenait au créancier de vérifier si celui qui a signé les effets de commerce et factures pouvait valablement engager le commerçant, surtout que le créancier n’a jamais eu de relation directe avec ce dernier. De même, pour ce qui est des factures établies au nom d’autres sociétés et personnes, la preuve d’un ordre émanant du commerçant n’est pas rapportée, pas plus que celle d’un lien juridique avec ceux au nom de qui les factures ont été établies. La Cour conclut donc à l’absence de tout lien contractuel entre les parties.
2) Pour ce qui de la créance résultant des effets de commerce signés, la Cour considère que l’engagement contractuel imputé au commerçant, donc le rapport fondamental ayant donné lieu à l’établissement des effets de commerce, étant remis en cause, lesdits effets apparaissent sans cause, de sorte que l’article 2 de l’Acte Uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement ne peut recevoir application.
La Cour prononce donc la rétractation de l’ordonnance d’injonction de payer.
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 542 du 28 avril 2000 AFFAIRE : BIL AL RAMEZ 1ÉTABLISSEMENT BIL AL RAMEZ (Mes VIEIRA et BILE AKA) C/ LA SOCIETE AFRICAINE DE MANUTENTION ET DE TRANSIT (SAMATRANS).
LA COUR
AUDIENCE DU VENDREDI 28 AVRIL 2000.
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi 28 avril deux mille, à laquelle siégeaient :
Monsieur CHAUDRON MAURICE, Président de Chambre, Président.
Mme BLE SAKI IRENE et Mme ATTOKPA K. GRAH EMMA, CONSEILLERS à la cour, MEMBRES.
En présence de Monsieur ANOMA JEROME, Avocat Général.
Avec l’assistance de Maître FAN JEAN PIERRE, Greffier a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause; ENTRE :
1) Mr. BIL AL RAMEZ, né en 1944 à Zrarieh (Liban) de nationalité libanaise, domicilié a Adjamé quartier face Mairie, commerçant exerçant sous la dénomination Établissement BIL AL RAMEZ, sis à Abidjan, 03 BP 907 ABIDJAN 03.
2) Et l’établissement BIL AL RAMEZ sis à Abidjan, 03 BP 907 ABIDJAN 03.
lesquels élisent domicile au siège de la Société Civile Professionnelle d’Avocats VIEIRA et BILE AKA.
APPELANTS.
Représentés et concluant par Maîtres VIEIRA et BILE AKA, Avocats à la Cour, ses conseils.
D’UNE PART.
Et.
La Société Africaine de Manutention et de Transit par abréviation l’AMATRANS SARL au capital de 100 000 000 FCFA, RCX N 19 05 59, dont le siège social est à Abidjan zone 4 rue du Docteur Blanchard, 16 BP 242 ABIDJAN 16 agissant aux poursuites et diligences de son Gérant Monsieur CISSE OUSMANE, de nationalité ivoirienne, demeurant à Abidjan Koumassi SICOGI, lot 246 laquelle élit domicile en l’étude de Maîtres BOURGOIN et Associés, Avocats à la Cour d’Appel d’Abidjan.
INTIME.
Représentée et concluant par Maîtres BOURGOIN et Associés, Avocats à /a Cour, ses conseils.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS : Le tribunal de première instance d’Abidjan statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 21 juin 1999 un jugement civil contradictoire n 234 enregistré à Abidjan le 22 janvier 2000 (reçu dix-huit mille francs) aux qualités duquel il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du 15 juillet 1999 de Maître N’GUESSAN HYKPO LYDIA, huissier de justice à Abidjan, le sieur BIL AL RAMEZ et l’Établissement BIL AL RAMEZ ont déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et ont, par le même exploit assigné la Société Africaine de Manutention et de Transit par abréviation l’AMANTRANS à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 30 juillet 1999 pour entendre, annuler ou infirmer ledit jugement.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le n 768 de l’an 99.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 31 mars 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 28 avril 2000.
Advenue l’audience de ce jour, 28 avril 2000, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ensemble, l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
EXPOSE DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort sur l’appel de Monsieur BIL AL RAMEZ et les établissements BIL AL RAMEZ ayant pour conseil Maître VIEIRA et BILE AKA, Avocats à la Cour relevé par exploit du 15 juillet 1999 du jugement civil n 233 rendu, le 21 juin 1999 par le tribunal d’Abidjan, qui a restitué à l’ordonnance de condamnation n 958/99 du 10 février 1999 son plein et entier effet.
Considérant qu’aux termes de son acte d’appel, valant conclusions, BIL AL RAMEZ, par le canal de ses conseils déjà cités, conclut à l’infirmation du jugement attaqué.
Qu’à cet effet, il fait valoir par ses conseils, que l’Établissement BIL AL n’a jamais entretenu de relations commerciales avec le Transitaire AMATRANS.
Qu’il est le seul représentant dudit établissement.
Qu’après compulsion des documents produits, il s’avère que le transitaire a versé pour obtenir la condamnation des factures portant les noms suivants :
Établissements BIL AL P/C RADWAN KAWAR.
Établissements BIL AL P/C ETACOM 06 BP 2205 ABIDJAN 06 Établissements ETARAK.
Que d’une part il n’a jamais passé commande de marchandises.
Que d’autre part, il ne connaît la Société ETACOM et ETARAK non plus.
Que Mr. KAWAR n’est pas le représentant de Établissements BIL AL dont il n’avait que procuration banCAIRE.
Qu’il a été produit au premier juge des Traités tirés sur :
– BIL AL (sans précision).
– BIL AL ETARAK.
Que ces traites ont été acceptées par Mr. KAWAR qui n’est ni représentant de l’Etblissements BIL AL, ni non fondé de pouvoir.
Qu’il est produit des chèques de Banque signés tous de KAWAR d’un montant de 4.165.853 et 4.165.856.
Que ces chèques ne sont pas causés, l’Établissement BIL AL n’ayant nullement commandé ses Services du Transitaire AMATRANS.
Qu’en définitive la Société AMATRANSasans doute commencé le sieur KAWAR, les Sociétés ETARAK et ETACOM, ce à son insu et il n’a jamais visé de traite ni accepté de facture.
Considérant que poursuivant l’appelant soutient qu’en l’espèce aucun contrat ne lie Etblissements BIL AL à AMATRANS.
Que les traites produites au nom d’un certain BIL AL ne comportent aucun cachet de l’Établissement et ne sont pas acceptées par le commerçant mais un certain KAWAR.
Qu’aux termes de l’article 1815 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit le prouver.
Que la Sté AMATRANS ne détient aucune créance à l’égard de l’Établissement BIL AL.
Qu’au bénéfice de toutes ces observations, l’appelant demande à la Cour de rétracter l’ordonnance de condamnation n 958/99.
Il produit des pièces.
Considérant que pour sa part, la Sté AMATRANS, intimée, par le canal de ses conseils, Maîtres BOURGOIN et Associés, Avocats à la Cour, conclut à la confirmation du jugement attaqué.
Qu’à cet effet elle fait valoir que les divers connaissements, déclarations en douanes, factures fournisseurs et bordereaux de livraisons démontrent clairement qu’elle a fourni régulièrement des prestations pour le compte de l’appelant.
Que l’appelant que bénéficiait de son crédit, a souvent usé de ses services non seulement pour son propre compte, mais pour le compte d’autres personnes tels que la quincaillerie VITAL, Monsieur KODEISSI.
Qu’elle relève que la procédure pour le compte de est un usage commercial tout à fait régulier.
Qu’il ressort des pièces versées aux débats que non seulement BIL AL a passé commande pour son propre compte, mais aussi pour le compte d’autres personnes.
Qu’il a effectué des règlements.
Que cela démontre à suffisance qu’il a existé entre les parties des relations commerciales qui ne peuvent s’analyser qu’en un contrat au sens de l’article 2 de l’acte OHADA, la nécessité d’un écrit n’étant pas obligatoire.
Qu’elle estime que la créance a bien une cause contractuelle.
Elle produit des pièces.
EN LA FORME
Considérant que l’appel relevé dans les forme et délais est recevable.
AU FOND
Considérant qu’il est constant que les Établissements BIL AL RAMEZ NEHORE est le nom commercial sous lequel BIL AL RAMEZ NOHORE exerce sa profession de commerçant.
Qu’il s’agit donc d’une entreprise individuelle qui se confond avec la personne même de BIL AL RAMEZ et n’a pas d’autre personnalité juridique que celle de BIL AL RAMEZ.
Qu’aussi il appartenait à la Société AMATRANS de vérifier si la personne de Mr. KAWAZ, qui n’est pas BIL AL RAMEZ, pouvait valablement engager celui-ci.
Que ne l’ayant pas fait, alors que surtout elle n’a jamais eu de relations directes avec BIL AL RAMEZ, la Sté AMATRANS ne peut pas se prévaloir de relations contractuelles avec celui-ci et ce au sens de l’article 33 du traité OHADA relatif aux procédures modifiées et aux voies d’exécution.
Conséquemment pour ce 1ef motif, les dispositions précitées ne peuvent recevoir application en l’espèce.
Considérant qu’en outre plusieurs factures ont été établies au nom des Sociétés ETACOM, ETARAK et du sieur RADWAN KAWAR.
Que cependant la preuve d’un ordre émanant de BIL AL RAMEZ n’est pas rapportée, étant entendu qu’il ne résulte pas des productions de la Sté AMATRANS, qu’un lien juridique quelconque existe entre BIL AL RAMEZ d’une part et les Sociétés ETACOM, ETARAK et le sieur KAWAR d’autre part.
Conséquemment là encore la Sté AMATRANS ne peut se prévaloir d’un lien contractuel avec BIL AL RAMEZ au titre de ces factures.
Considérant qu’enfin l’engagement contractuel imputé à BIL AL RAMEZ, donc le rapport fondamental ayant donné lieu à l’Établissement des effets de commerce, étant remis en cause, lesdits effets apparaissent dès lors non causé, de sorte qu’également les dispositions du traité OHADA précitées ne peuvent recevoir application.
Considérant qu’au total, toutes ces observations remettent en cause la liquidité, la certitude et l’exigibilité de la créance à l’égard de BIL AL RAMEZ de sorte qu’il convient de rétracter purement et simplement l’ordonnance de condamnation n 958/99 du 10 février 1999.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME.
Déclare BIL AL RAMEZ recevable en son appel relevé du jugement N 233 rendu le 21 juin 1999 par le Tribunal d’Abidjan.
Au fond.
L’y dit bien fondé.
Infirme ledit jugement.
Statuant à nouveau.
Retrace l’ordonnance de condamnation n 958/99 du 10 février 1999.
Condamne AMATRANS aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêta été prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan (Côte-d’Ivoire), les jour, mois et an que dessus.
Et sont signé le Président et le Greffier.