J-06-119
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – VALIDITE DE LA SAISIE – CREANCE MATERIALISEE PAR UNE TRAITE ET PROCES-VERBAUX DE SAISIE CONFORMES AUX DISPOSITIONS LEGALES – SAISIE VALABLE (OUI).
Le bénéficiaire de trois lettres de change revenues impayées fait pratiquer une saisie conservatoire de meubles corporels et une saisie conservatoire de créances du tireur. Pour le saisissant, les traites ont été émises en paiement du prix de meubles vendus au tireur alors que celui-ci soutient que les traites étaient plutôt destinées à garantir les meubles placés en dépôt-vente chez lui et qu’en outre, les procès-verbaux de saisie ont été dressés en violation des dispositions d’ordre public en la matière.
La Cour d’appel confirme l’ordonnance de référé ayant refusé la mainlevée des saisies au motif qu’il est constant que les traites ont été émises par l’appelante au profit de l’intimée, que l’appelante ne peut prétendre que ces effets avaient pour but de garantir les marchandises reçues alors même qu’elle n’en rapporte pas la preuve; qu’il résulte par ailleurs des différents procès-verbaux de saisie qu’ils ont été dressés conformément aux dispositions légales.
Article 55 AUPSRVE
Article 62 AUPSRVE
Article 79 AUPSRVE
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 1037 du 24 novembre 2000 AFFAIRE SOCIETE ARTIS (Me N’GUETTA GERARD) C/ SOCIETE EL NASR (Me AGNES OUANGUI).
LA COUR
AUDIENCE DU VENDREDI 24 novembre 2000.
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi vingt quatre novembre deux mille, à laquelle siégeaient :
Monsieur CHAUDRON MAURICE, Président de Chambre, Président.
Mme. TAMIMOU HONORINE et Mme. AUOKPA K. GRAH EMMA, CONSEILLERS à la cour, MEMBRES.
En présence de monsieur ANOMA JEROME, Avocat général.
Avec l’assistance de Maître FAN JEAN-PIERRE, Greffier a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause; ENTRE :
La Société d’Architecture et de Décoration dite ARTIS, SARL de droit ivoirien au capital de 1 000 000 francs CFA dont le siège social est sis Boulevard VALERY GISCARD D’ESTAING,carrefour de Marcory, 18 BP. 1670 Abidjan 18, agissant aux poursuites et diligences de sa gérante, Madame KALOT pour laquelle élection de domicile est faite au cabinet de Maître N’GUETTA N. J. GERARD, Avocat à la Cour.
APPELANTE.
Représentée et concluant par Maître N’GUEITA N. J. GERARD, Avocat à la Cour, son conseil.
D’UNE PART.
Et.
La Société NASR EXPORT-IMPORT, Société d’Etat de droit Égyptien, représentant commercial de la République Arabe d’Égypte, dont le siège se trouve au 28 BIS Rue CALAAT HARB au CAIRE, prise en la personne de son Directeur Général Monsieur GALAL HASSAN de nationalité Égyptienne demeurant à Abidjan 01, ayant élu domicile en l’étude de Maître AGNES OUANGUI, Avocat à la Cour.
INTIMEE.
Représentée et concluant par Maître AGNES OUANGUI, avocat à la Cour, son conseil.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS : La Juridiction Présidentielle du tribunal d’Abidjan statuant en la cause, en matière de référé a rendu le 15 mai 2000 une ordonnance N 1870 aux qualités de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du vingt huit juillet deux mille de Maître Lambert K. TIACOH, huissier de justice à Abidjan, de la société ARTISa déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit assigné la société EL NASR à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 11 août 2000 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du greffe de la Cour sous le N 882 de l’an 2000.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 13 octobre 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit -résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 17 novembre 2000, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 24 novembre 2000.
Advenue à l’audience de ce jour, 24 novembre 2000, la Cour a rabattu pour nouvelle composition et a rendu l’arrêt suivant sur le siège.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, sur l’appel de la société d’ARCHITECTURE et de DECORATION dite ARTIS ayant pour conseil Maître N’GUETTA GERARD, Avocat à la Cour, relevé de l’ordonnance de référé N 1870 rendue le 15 mai 2000 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui l’a débouté de sa demande d’annulation d’une saisie conservatoire.
Considérant qu’aux termes de son appel, la Société ARTIS expose qu’elle était en relation d’affaires avec la société EL NASR de laquelle elle avait reçu aux fins de distribution et de commercialisation divers meubles importés d’Égypte.
Que les meubles reçus demeuraient la propriété de la société EL NASR jusqu’à leur vente par l’appelante, laquelle s’obligeant aux termes de la convention des parties à rétrocéder à la société EL NASR le produit de la vente moyennant la perception d’une commission que la société ARTIS soutient.
Que pour garantie de la marchandise qu’elle avait reçu en dépôt la société EL NASRaexigé qu’elle lui remette trois traites d’une valeur totale de 8.250 000 correspondant aux prix de cession de ces meubles.
Qu’éprouvant d’énormes difficultés à faire écouler les articles reçus en dépôt, elle a à plusieurs reprises approché la société EL NASR aux fins de venir récupérer ses marchandises.
Que face à cette offre, la société EL NASRaprésenté les documents cambiaires à l’encaissement qui sont revenus impayés.
Que poursuivant, la société ARTIS déclare que pour avoir paiement du montant des trois effets, l’intimée a en date des 5 et 12 avril 2000 fait pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles corporels de l’appelante.
Que par un autre exploit en date du 28 mars 2000, l’intimée a fait pratiquer une saisie conservatoire de créance sur ses comptes ouverts dans les livres de la SGBCI.
Que l’appelante fait valoir que le 10 mai 2000 elle a assigné la société EL NASR en main levée de ces différentes saisies, qu’elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée au motif que le Premier Juge a violé les dispositions d’ordre public de l’acte uniforme portant recouvrement simplifié des créances et des voies d’exécution.
Que notamment les différents procès-verbaux de saisie dressés par l’Huissier Instrumentaire ont été établis en violation des dispositions d’ordre public des articles 79, 55 et 62 de l’acte uniforme portant voie d’exécution.
Considérant que pour sa part, la société EL NASR intimée, concluant par l’organe de son conseil Maître OUANGUI, Avocat à la Cour soulève in limine litis l’irrecevabilité de l’appel de la société ARTIS d’une part pour le non-respect des dispositions de l’article 246 et d’autre part pour le défaut de motivation de l’appel.
Qu’à cet effet, la société EL NASR fait observer que l’exploit d’appel dressé le 28 juillet 2000 à la requête de la société ARTIS ne contient aucune mention relativement aux prénoms, profession et domicile légal de ladite société.
Qu’il s’agit d’une mention substantielle dont le non-respect entraîne la nullité, de l’exploit et subséquemment l’irrecevabilité de l’appel.
Que par ailleurs, la société EL NASR relève que l’appel de la société ARTIS n’est nullement motivé.
Qu’un tel appel au regard de la jurisprudence de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’ivoire est irrecevable.
Que l’intimé plaide donc l’irrecevabilité de l’appel au principal.
Que subsidiairement, la société EL NASR explique qu’elle a sollicité et obtenu de la juridiction Présidentielle la condamnation de la société ARTIS par voie d’injonction de payer sur la base de 3 traites.
Que par décision N 2968 en date du 7 avril 2000 il a été fait droit à cette demande.
Que la décision portant condamnation de la société ARTIS au paiement de la somme en principal de 8.250 000 francs lui a été signifiée le 26 avril 2000.
Qu’elle formait opposition contre cette décision par exploit d’huissier le 11mai 2000.
Que le juge de l’opposition par jugement en date du 19 juin 2000arestitué à l’ordonnance d’injonction de payer critiquée son plein et entier effet.
Que l’intimée déclare que la société ARTIS n’a pas relevé appel de cette décision qui est donc devenue définitive et a acquis l’autorité de la chose jugée.
Qu’enfin, la société EL NASR plaide le mal fondé de l’appel de la société ARTIS au motif que celle-ci ne nie pas avoir émis les traites revenues impayées.
Que l’intimée soutient qu’en ce qui concerne les règles de la vente commerciale, l’on ne voit pas comment sauf à justifier d’une clause de réserve de propriété dans la.
convention des parties, un vendeur demeurerait propriétaire des marchandises dont il a reçu paiement et en a transféré la puissance et la possession à l’acquéreur.
Que mieux, le prix convenu avait même été payé par l’acheteur même si l’encaissement effectif n’en était que différé, la lettre de change demeurant avant tout un instrument de paiement.
Que l’intimée soutient que les mentions qui manqueraient à l’exploit de saisie dont la nullité est plaidée y figurent comme l’a relevé le Premier Juge.
Que l’intimée produit des pièces.
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que la société EL NASR soulève l’irrecevabilité de l’appel de la société ARTIS au motif que l’exploit d’appel ne contient aucune mention relative aux prénoms, profession et domicile du représentant légal de ladite société.
Mais considérant que la société ARTIS est suffisamment identifiée.
Qu’en tout état de cause, les dispositions de l’article 246 ne sont pas prescrites à peine de nullité.
Qu’il y a lieu de rejeter l’exception soulevée par l’intimée.
Considérant que la société EL NASR plaide également la non-motivation de l’appel de la société ARTIS.
Mais considérant qu’à la lecture de l’exploit du 28 juillet 2000, il apparaît bien que l’appel est motivé.
Que dès lors il convient de déclarer l’appel de la société ARTIS recevable.
AU FOND
Considérant qu’il est constant comme résultant des faits de la procédure, notamment des pièces produites et des déclarations même de l’appelante que la société ARTISaémis 3 traites au profit de la société EL NASR.
Que l’appelante ne peut prétendre que ces effets avaient pour but de garantir les marchandises reçues alors même qu’elle n’en rapporte pas la preuve.
Que par ailleurs, il résulte des différents procès-verbaux de saisies produits qu’ils ont été dressés conformément aux dispositions légales.
Que dès lors il y a lieu de confirmer l’ordonnance querellée.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME.
Déclare la société ARTIS recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé N 1870 rendue le 15 mai 2000 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND.
L’y dit mal fondé.
L’en déboute.
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Condamne l’appelante aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan (3ème chambre civile)a été signé par le Président et le Greffier.