J-06-120
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE-VENTE – VENTE D’UN BIEN OBJET D’UNE ACTION EN DISTRACTION – NULLITE DE LA VENTE – JURIDICTION COMPETENTE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (NON).
Les biens d’une société en nom collectif sont saisis et vendus aux enchères publiques, en exécution d’une ordonnance d’injonction de payer devenue exécutoire. Subit le même sort un véhicule appartenant à l’un des associés. Celui-ci assigne l’huissier instrumentaire et le commissaire priseur devant le juge des référés, avant la vente, pour obtenir la restitution du véhicule saisi, parce qu’il lui appartient en propre et a été saisi sans titre. Le juge des référés prononce la nullité de la vente intervenue et ordonne la restitution des biens vendus.
L’ordonnance de référé est infirmée par la Cour d’appel au motif qu’en annulant la procédure de saisie qui a conduit à la vente, la juridiction saisie d’une action en distraction d’objets saisis a méconnu l’article 142 qui dispose que « l’action en distraction cesse d’être recevable après la vente des biens saisis »; qu’ainsi le premier juge n’avait plus le pouvoir d’ordonner une quelconque restitution dès lors qu’il avait constaté la vente aux enchères publiques des biens litigieux; le même texte précise d’ailleurs que seule une action en revendication peut être exercée, ce qui ne relève plus de la compétence du juge des référés.
Article 142 AUPSRVE
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE ARRET N 829 du 11 juillet 2000 AFFAIRE : COULIBALY KHADY TOURE, GUIBADO G. GUILLAUME (Me VIEIRA GEORGES) C/ YOROKPA AGBODO SERAPHIN (Mes SONTE-BLEOUE-KOFFI).
LA COUR
AUDIENCE DU VENDREDI 11 JUILLET 2000.
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi onze juillet deux mille, à laquelle siégeaient :
Monsieur AGNINI YOUSSOUF, Président de Chambre, Président.
Mr GBAYORO MATHIEU et Mr. DJAMA EDMOND, CONSEILLERS à la cour, MEMBRES.
Avec l’assistance de Maître SOILIO TOURE, Greffier a rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause; ENTRE :
COULIBALY KHADY TOURE, de nationalité ivoirienne, huissier de justice à Abidjan, y demeurant, Adjamé Indenié, Avenue 13, 20 BP 1224 ABIDJAN.
GUIBADO G. GUILLAUME, de nationalité ivoirienne, commaissaire-priseur.
APPELANTS.
Représentés et concluant par Maître VIEIRA GEORGES PATRICK, Avocat à la Cour, leur conseil.
D’UNE PART.
Et.
YOROKPA AGBODO SERAPHIN, de nationalité ivoirienne, Directeur de société, demeurant à Abidjan Cité Fairmont, 04 BP 1073 ABIDJAN 04.
INTIME.
Représenté et concluant par la SCPA SONTE-BLEOUE¬KOFFI, avocat à la Cour, ses conseils.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS : La Juridiction Présidentielle du tribunal d’Abidjan statuant en la cause, en matière de référé a rendu le 30 mars 2000 une ordonnance de référé N 1103 non enregistrée aux qualités de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du vingt sept avril deux mille de Maître HYKPO LYDIA, huissier de justice à Abidjan, dame COULIBALY KHADY TOURE et GUIBADO GUILLAUME déclarent interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et ont, par le même exploit assigné YOROKPA AGBODO SERAPHIN à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 09 mai 2000 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le N 462 de l’an 2000.
Par arrêt avant dire droit N 693 du 30 mai 2000, la Cour d’Appel de céans a déclaré l’appel recevable; cette mesure close, l’affaire a été renvoyée à l’audience publique du 16 juin 2000.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 04 juillet 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 11 juillet 2000.
Advenue à l’audience de ce jour, 11 juillet 2000, la Cour vidant son délibéré conformément à lai loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétention des parties et motifs ci-après.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES
Par un exploit d’huissier dit acte d’appel en date du 13 avril 2000 comportant ajournement d’audience au 25 avril 2000, suppléé par une réassignation datée du 27 avril 2000 et fixant en définitive l’audience d’appel au 9 mai 2000, Maître COULIBALY KHADY TOURE, huissier de justice et Maître GUIBADO GUILLAUME, commissaire-priseur à Abidjan déclarent relever appel de l’ordonnance n 1103 du 30 mars 2000 rendue par la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan, laquelle saisie par YOROKPA AGBODO SERAPHIN, Directeur de Société, a prononcé la nullité de la procédure de vente du véhicule de marque Jeep Cherokee immatriculé 2227 CV01et ordonné la restitution dudit véhicule sous astreinte de 50 000 francs par jour de retard à compter de la signification de la décision.
Les appelants exposent que la SCI « les jardins d’Eden » a été condamnée suivant une ordonnance d’injonction de payer n 1593 du 17 mars 2000 à payer à Monsieur N’GORAN KOUASSI la somme de 1.372 290 francs représentant son apport versé pour l’acquisition d’une ville qui n’a pu lui être livrée.
Que cette ordonnance a été signifiée par Maître COULIBALY KHADY, huissier de justice le 15 mars 1999.
Qu’un certificat de non-opposition a été délivré le 22 avril 1999.
Qu’en exécution de l’ordonnance, un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été notifié le 19 avril 1999 et un procès-verbal de saisie-vente a été notifié le 11mai 1999 énumérant l’ensemble des objets saisis dont le véhicule Jeep Cherokee immatriculé 2227 CV01, saisi au siège de la SCI Les jardins d’Eden entre les mains de Monsieur GORE, responsable du service contentieux de la société.
Maîtres COULIBALY KHADY et GUIBADO GUILLAUME font remarquer que YOROKPA AGBODO Didier Séraphin les a assignés par exploit du 2 mars 2000 pour voir déclarer nulle la procédure de vente et ordonner la restitution du véhicule irrégulièrement saisi; que cette procédure fut radiée à la demande de YOROKPA SERAPHIN à l’audience du 3 mars 2000.
Que la vente a eu lieu le 8 mars 2000 et le véhicule a été adjugé à 2.500 000 francs à Monsieur KONAN KOFFI, demeurant au Plateau.
Que cependant Yorokpa Agbodo initiait encore une procédure le 7 mars 2000 visant les mêmes fins que celle qu’il a fait radier et le juge des référés a fait droit à ses demandes, à savoir annulation de la vente et restitution.
Les appelants estiment que YOROKPA AGBODOamanifestement violé l’article 140 et suivant du traité OHADA relatif aux voies d’exécution.
Ils soutiennent en outre que YOROKPA AGBODO étant associé dans cette société en nom collectif dont les associés sont solidairement tenus sur leurs biens propres, la dette de la société atteint nécessairement son patrimoine.
Qu’en outre YOROKPA AGBODO ne pouvait qu’agir que dans le cadre de l’article 142 du traité OHADA.
Que le juge des référés était incompétent en application des dispositions sus-visées.
Qu’il ne pouvait notamment prononcer la nullité de la vente et ordonner la restitution des produits vendus.
En réplique YOROKPA AGBODO SERAPHIN fait remarquer qu’à la suite de la condamnation de la SCI les Jardins d’Eden, une saisie a été pratiquée au siège de la société.
Que cette saisie comportait quatre bureaux à l’exception du véhicule de marque CHEROKEE immatriculé 2227 CV01suivant le procès-verbal de saisie-vente du 11mai 1999.
Que le 25 février 2000, l’huissier instrumentaire s’est rendu à son domicile sis à la cité Fairmont où, aidé d’un remorque, assisté de la force publique elle a déplacé le véhicule susvisé appartenant à Yorokpa Agbodo pour le déposer chez un commissaire priseur.
Que sur le procès-verbal de recollement suivi de sommation d’assister à la vente, l’huissier a bien mentionné que la partie saisie était la SCI les Jardins d’Eden mais n’a pas précisé dans cet ordre les lieu et heure de la vente.
Monsieur YOROKPA AGBODO SERAPHIN révèle que pour obtenir la restitution des biens saisis qui lui appartiennent en propre, il a assigné après autorisation par ordonnance du 1er mars 2000, les huissier et commissaire priseur à comparaître à l’audience du 3 mars 2000.
Que la procédure ayant été évoquée avant l’heure fixée dans l’assignation et en son absence, fut radiée à la demande de ses adversaires et non de son propre chef.
Qu’il présenta alors le même jour une autre requête qui fut sanctionnée par une ordonnance d’autorisation à assigner du 6 mars 2000 pour une audience fixée au 9 mars 2000.
Qu’au cours de cette audience du 9 mars 2000, il apprendra que son véhicule a été vendu sans que le commissaire priseur puisse justifier ladite vente.
Que la cause fut renvoyée au 16 mars 2000 puis au 23 mars 2000 en raison de la Tabaski et pour permettre de justifier de la propriété du véhicule, ce qu’il fit à cette audience; que le juge des référés n’a fait que constater la nullité de la vente du véhicule effectué sans titre ni droit et a ordonné la restitution de ce bien à son propriétaire; qu’il sollicite la confirmation de l’ordonnance attaquée.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la forme de l’arrêt
Les deux parties ayant conclu par leurs conseils respectifs, il convient de statuer par un arrêt contradictoire conformément à l’article 144 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de l’appel.
L’ordonnance de référé qui fait l’objet de la présente procédure d’appela été rendue le 30 mars 2000 et signifiée à COULIBALY KHADY Touré et à Guillaume GUIBADO le 6 avril 2000; l’appel des ordonnances de référé étant soumis à un délai de recevabilité de huit jours conformément à l’article 228 du code de procédure civile, il s’impose de constater que l’appel de COULIBALY KHADY TOURE et GUILLAUME GUIBADO est intervenu dans le délai prescrit et qu’il est par conséquent recevable.
SUR LE FOND
Par ordonnance n 1103 du 30 mars 2000, la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan a déclaré nulle la procédure de vente aux enchères publiques du véhicule de marque Jeep Cherokee immatriculé 2227 CU 01à l’égard de Yorokpa Agbodo Séraphin et ordonné la restitution dudit véhicule sous astreinte comminatoire de cinquante mille francs par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance.
Pour statuer comme elle l’a fait, la juridiction saisie a fait observer que « l’huissier instrumentaire a procédé par procès-verbal de saisie-vente en date du 11mai 1999 à la saisie de divers objets appartenant à la débitrice à l’exclusion du véhicule de marque Jeep Cherokee immatriculé 2227 CU 01 ».
Qu’en procédant ultérieurement à la saisie dudit véhicule pour le vendre sans titre exécutoire alors même qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier que le véhicule est la propriété de la SCI « les jardins d’Eden », l’huissier a commis une irrégularité telle que la procédure qui a conduit à ladite vente est nulle.
Que conséquemment il convient d’ordonner la restitution du véhicule, objet du présent litige à Yorokpa Agbodo Didier qui, jusqu’à preuve du contraire en demeure propriétaire.
A l’analyse, le premier juge constate que le véhicule de marque Jeep Cherokee immatriculé 2227 CU 01ne figure pas parmi les biens saisis suivant procès-verbal du 11mai 1999 sur la société Civile immobilière les jardins d’Eden.
Qu’ensuite le véhiculea fait l’objet d’une capture non justifiée par un titre exécutoire.
Qu’enfin ce véhicule a été vendu aux enchères publiques alors que la preuve n’est pas faite que ce véhicule appartient à la débitrice, la SCI les jardins d’Eden.
Le juge estime alors que cette manière de procéder constitue une irrégularité qui entache de nullité la procédure et justifie la décision de restitution qu’il a prise.
Mais en annulant la procédure irrégulière de saisie qui a conduit à la vente, la juridiction saisie d’une action en distraction d’objets saisis a méconnu les dispositions de l’article 142 du traité OHADA relatif aux procédures simplifiées et des voies d’exécution qui dispose que « l’action en distraction cesse d’être recevable après la vente des biens saisis ».
Qu’ainsi le premier juge n’avait plus le pouvoir d’ordonner une quelconque restitution dès lors qu’il a constaté que les biens litigieux ont été vendus aux enchères publiques.
Le même texte de l’article 142 précise d’ailleurs que seule une action en revendication peut dans une telle hypothèse être exercée, ce qui ne relève plus de la compétence du juge des référés.
En définitive, lorsque les biens litigieux ont été vendus, le juge de l’urgence cesse d’être compétent pour ordonner la restitution.
Sur les dépens.
Yorokpa Agbodo Séraphin ayant succombé, il s’impose de le condamner en outre aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME.
Reçoit COULIBALY KHADY TOURE et GUIBADO GUILLAUME en leur appel conjoint de l’ordonnance de référé n 1103 du 30 mars 2000 rendue par la juridiction présidentielle du tribunal d’Abidjan.
AU FOND.
Dit COULIBALY KHADY TOURE et GUIBADO GUILLAUME bien fondés en leur appel.
Infirme l’ordonnance querellée.
Statuant à nouveau :
Dit que le juge des référés incompétent pour prononcer la nullité de la vente des objets saisis.
Condamne YOROKPA AGBODO SERAPHIN aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêta été prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan (Côte-d’Ivoire) les jours, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.