J-06-124
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – SAISIE CONSECUTIVE AU NON-PAIEMENT D’UNE LETTRE DE CHANGE – NECESSITE DE JUSTIFIER DE CIRCONSTANCES DE NATUREaMENACER LE RECOUVREMENT DE LA CREANCE (NON).
Une société, liée à une autre par un contrat d’usinage de produits de café-cacao, lui remet une traite prétendument à titre de garantie. La traite est endossée au profit d’un tiers, mais revient impayée. Le porteur fait dresser protêt et pratique une saisie conservatoire de créances appartenant au tireur. Le juge des référés déboute le saisi de son action en contestation.
La Cour d’appel confirme la décision querellée. Elle énonce que dès lors que le porteur d’une lettre de changea été confronté à un problème d’impayé, le saisi n’avait plus, dans sa requête adressée à la juridiction présidentielle, à justifier de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance. De plus, se plaçant sous l’empire de l’article 55 AUPSRVE, il lui était loisible de passer outre l’autorisation de la juridiction compétente.
Article 54 AUPSRVE
Article 55 AUPSRVE
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 1116 du 12 décembre 2000 AFFAIRE : STE CORECA-CI (Me VIEIRA) C/ FIDES, CI USICAF (Me VAFFI CHERIF).
LA COUR
AUDIENCE DU MARDI 12 DECEMBRE 2000.
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi douze décembre deux mille, à laquelle siégeaient :
Monsieur SEKA ADON JEAN-BAPTISTE, Président de Chambre Président.
Mr DIALLO MAHAMMADOU et Mme KONAN LAURENCE, CONSEILLERS à la cour, MEMBRES.
Avec l’assistance de Maître IRIE ALAIN, Greffier.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause; ENTRE :
La Société CORECA S.A. sise à Abidjan Vridi 17 BP 289 Abidjan 17 prise en la personne de son Directeur Général Monsieur VINCENT KOUADIO, de nationalité Ivoirienne, y demeurant.
APPELANTE.
Représentée et concluant par Maître VIEIRA GEORGES PATRICK, Avocat à la Cour, son conseil.
D’UNE PART.
Et.
Le Fonds Ivoiro-Suisse de Développement Économique et Social dit FIDES, sise à Abidjan Immeuble de France, 01BP 1914 Abidjan pris en la personne de Mr N’GUEYEN HUN KHIEM, son Secrétaire exécutif à Abidjan.
La Société USICAF, SA, sise à Abidjan Rue des Pétroliers Vridi 15 BP 762 Abidjan 15 Téléphone : 21-27-00-40, prise en la personne de son Directeur Général Me ALEXANDRE SELAZMANN, y demeurant représentée et concluant par Mes KASSI ABEL et Associés, Avocats à la Cour, ses conseils.
INTIMES.
Représentés et concluant par Maître VAFFI CHERIF, Avocat à la Cour, leur conseil.
D’AUTRE PART• Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS : La juridiction présidentielle du tribunal d’Abidjan statuant en la cause, en matière civilea rendu le 2 octobre 2000 une ordonnance N 3784 non enregistrée aux qualités de laquelle il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en dates du 06 octobre 2000 de maître N’GUESSAN HYKPO, Huissier de justice à Abidjan, la société CORECA SA a déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncée et a, par le même exploit assigné le FIDES-CI et USICAF à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du mardi 17 octobre 2000 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le N 1092 de l’an 2000.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 14 novembre 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La Cour amis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 05 décembre 2000, délibéré qui a été prorogé jusqu’au 12 décembre 2000.
Advenue l’audience de ce jour, 12 décembre 2000, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
EXPOSE DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit en date du 6 octobre 2000, comportant ajournement au 17 octobre 2000, la Société CORECA SA, ayant pour conseil Me VIEIRA GEORGES, avocat à la Cour d’Appel d’Abidjan, a relevé appel de l’ordonnance de référé N 3784 du 2/10/2000, rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a.
Déclaré la société CORECA mal fondée en sa demande et l’en a débouté.
Au soutien de son action à travers l’acte d’appel, la Société CORECA explique qu’elle est liée à la société USICAF par un contrat d’usinage de produits de café-cacao, au terme duquel elle a fourni une caution dégressive auprès de la SIB à hauteur de 225 000 000 francs et c’est eu égard à la bonne exécution du contrat, que USICAFaaccepté de substituer à cette caution dégressive un effet de 100 millions de francs.
Mais confronté à des difficultés de trésorerie, USICAFaendossé la traite remise en garantie, au profit d’un tiers, contrevenant ainsi au contrat.
L’appelante précise que les circonstances décrites à l’article 54 du traité OHADA, doivent être énoncées par le saisissant dans la requête adressée à la Juridiction Présidentielle; et ces circonstances de nature à menacer le recouvrement ne doivent être recherchées dans le comportement présumé du saisi, postérieurement à la saisie pratiquée, mais plutôt dans les données objectives préfigurant une menace réelle appuyée de pièces justificatives antérieurement à la saisie; telle n’a pas été la.
démarche de la société FIDES qui a cherché à discréditer la concluante dont le capital social de 200 millions de francs, gage des créanciers sociaux, garantit le recouvrement d’éventuelles créances.
Pour sa part, le FIDES, par voie de conclusion de son conseil Me VAFFI CHERIF, Avocat à la Cour, en date du 16/10/2000, soulève in limine litis l’irrecevabilité de l’appel, pour violation de l’article 228 alinéa 2 du code de procédure civile, plus de 15 jours séparant les dates d’appel et d’ajournement.
Sur le fond, le FIDES relève qu’il est porteur d’une lettre de change d’une valeur de 100 000 000 francs tirée et acceptée par la société CORECA que cette traite remise à l’encaissement le 26 juillet 2000, revenue impayé a été protestée par le FIDES. Dès lors, poursuit-il, en application de l’article 55 du traité OHADA, le concluant n’avait nul besoin d’une autorisation de la juridiction compétente pour pratiquer une saisie conservatoire, ni justifier de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance.
Il demande à la cour de statuer dans ce sens; par voie de conclusion en date du 13 octobre 2000 de son conseil, la société CORECA soulève la nullité de l’exploit de saisie-conservatoire de créance et dénonciation du 20 septembre 2000 parce que ne répondant pas aux prescriptions des articles 79 alinéa 1du traité OHADA.
De même la société USICAF, représenté par la SCPA ABEL KASSI et associés, soulève aussi la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire et de dénonciation du 20 septembre 2000, d’une part pour omission de la forme de la personne morale que constitue le FIDES, article 77 OHADA.
Elle relève aussi que contrairement aux dispositions de l’article 77 alinéa 5 OHADA, la défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur, n’est pas mentionnée.
Poursuivant, elle précise que, de la combinaison des articles 77 et 79, le procès-verbal de saisie et l’exploit de dénonciation ne sauraient être confondus en un seul et même acte.
Répliquant à son tour, le FIDES, par voie de conclusion de son conseil en date du 23/10/2000, articule que les arguments de pure forme soulevés par les parties adverses n’étant pas d’ordre public, ceux-ci seront par application des dispositions de l’article 125 du code de procédure civile déclarés irrecevables.
Subsidiairement, il fait valoir que l’exploit de saisie conservatoire du 20 septembre 2000, contrairement aux allégations de la société CORECA, comportait non seulement mention du titre en vertu duquel la saisie était pratiquée, mais aussi, ce titre a été délaissé aussi biens aux banques, tiers saisi, qu’au débiteur.
Visant la société USICAF, le FIDES conclut à l’irrecevabilité de ses moyens, parce que citée devant le Premier Juge, elle n’a ni comparu, ni déposé d’écritures.
Et n’ayant donc pas la qualité de débiteur, saisi, tiers saisi, propriétaire de bien saisi, elle ne peut intervenir dans la présente procédure, les moyens par elle soulevés ne concernant du reste pas l’exploit du 20 septembre 2000.
Par un autre jeu de conclusion en date du 10 novembre 2000, la société CORECAarepris ses arguments précédemment développés et demandé à la cour d’y faire droit.
DES MOTIFS
DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 54 DU TRAITE OHADA
Il ressort de productions que le FIDES, porteur d’une lettre de change tirée et acceptée par la société CORECAa été confronté à un problème d’impayé lorsqu’il a présenté l’effet à l’encaissement.
Dès lors, contrairement à ce que soutient la société CORECA, le FIDES n’avait plus à justifier dans sa requête, de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance. Et que se plaçant sous l’empire de l’article 55 dudit traité, il lui était loisible de passer outre l’autorisation de la Juridiction compétente.
Il y a lieu de rejeter ce moyen mal fondé.
DE L’IRRECEVABILITE DE L’APPEL.
L’examen de l’exploit d’appel du 6 octobre 2000, ne permet pas de s’attarder sur ce moyen, car plus de 15 jours n’ont pu s’écouler entre ces deux dates et par conséquent, l’article 22 alinéa 2 du code de procédure civile n’a pu être violé.
DE LA NULLITE DE L’EXPLOIT DE SAISIE
POUR VIOLATION DE L’ARTICLE 77 ALINEA 1DU TRAITE OHADA
Reproche est fait au FIDES d’avoir omis d’indiquer sa forme juridique dans ledit exploit.
Sur ce point, il convient de relever que la mention : institution de financement créée suivant accord entre le gouvernement de la Confédération Suisse et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, satisfait amplement les exigences du texte de loi susvisé et qu’il convient de rejeter cet autre moyen.
POUR VIOLATION DE L’ARTICLE 77 ALINEA 5.
Ce texte dispose que l’exploit de saisie doit à peine de nullité contenir « la défense faite aux tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ».
Cette mention figurant bien en page 3 du procès-verbal de saisie, il échet de n’accorder la moindre importance à ce moyen.
DE L’OBLIGATION DE SEPARER LE PROCES-VERBAL DE SAISIE DE L’EXPLOIT DE RENONCIATION.
Cette exigence n’étant pas énoncée par les articles 77 et 79 du traité OHADA, il échet de rejeter ce moyen et confirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée.
L’appelante succombe ainsi en la cause, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME.
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Reçoit la Société CORECA-S.A. en son appel interjeté de l’ordonnance de référé N 3784 du 2/10/2000, rendue par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
AU FOND.
L’y déclare mal fondée.
L’en déboute.
Confirme en toutes ses dispositions la décision querellée.
Condamne la société CORECA S.A. aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement, en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d’Appel d’Abidjan, (5ème chambre civile B)a été signé par le PRESIDENT et le GREFFIER.