J-06-127
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION, ART – 8 – INJONCTION DE PAYER – OMISSION DE MENTIONS PRESCRITES PAR L’ARTICLE 8 AUPSRVE DANS L’ACTE DE SIGNIFICATION – NULLITE DE LA SIGNIFICATION (OUI) – RECEVABILITE DE L’OPPOSITION (OUI).
INJONCTION DE PAYER – EXISTENCE DE LA CREANCE – CREANCE RECONNUE PAR LE DEBITEUR – CREANCE CERTAINE (OUI).
Pour avoir paiement du solde du prix de vente d’un immeuble, un créancier fait condamner l’acquéreur par ordonnance d’injonction de payer. L’opposition du débiteur ayant été déclarée irrecevable pour forclusion, celui-ci attaque le jugement devant la Cour d’appel.
Cette dernière reproche au premier juge d’avoir ainsi décidé sans avoir statué sur l’exception de nullité de l’exploit de signification soulevée par le débiteur. Elle souligne que l’exploit ne mentionne aucune des prescriptions de l’article 8 de l’Acte Uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement, de sorte qu’il est nul au regard dudit article. Or, du fait de la nullité de la signification, le délai d’opposition n’a pas pu valablement courir.
Le débiteur conteste la créance. Son opposition à l’injonction de payer ayant été déclarée irrecevable par décision du premier juge, le débiteur fait appel du jugement.
Pour la Cour d’appel, c’est à tort que le débiteur conteste la condamnation alors même que l’ordonnance de condamnation porte sur le montant reconnu par lui dans une reconnaissance de dette et une mise en demeure qui lui avait été adressée.
Article 8 AUPSRVE
COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE N 710 du 02 juin 2000 AFFAIRE DAIPO LEOPOLD STANISLAS CLAUDE ROGER (Me WACOUBOUE & BARROAN) C/ NGOUA KOFFI (Me FLAN GOUEU LAMBERT).
LA COUR
AUDIENCE DU VENDREDI 2 juin 2000.
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi 2 juin deux mille, à laquelle siégeaient :
Mr KANGA PENOND Y AO MATHURIN, Président de Chambre, Président.
Mr KOBON ABE HUBERT & TOURE ABOUBAKAR, CONSEILLERS à la cour, MEMBRES.
Avec l’assistance de Maître DOUFFI KOUAKOU ROGER, Greffier.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause; ENTRE :
Mr. DAIPO LEOPOLD STANISLAS CLAUDE ROGER, né le 06/4/1952 à Abidjan, de nationalité ivoirienne, Directeur de société, demeurant à Abidjan Il Plateaux, 7ème tranche 06 BP 6184 Abidjan 06.
APPELANTE.
Représenté et concluant par Maîtres Wacoubouré & Baron, Avocats à la Cour, ses conseils.
D’UNE PART.
Et.
Mr. ANGOUA KOFFI, né le 25 novembre 1936, de nationalité ivoirienne, Directeur de société demeurant à Abidjan Aghien route du zoo, lot N 250, 01BP 1787 Abidjan 17.
INTIME.
Représenté et concluant par Me FLAN Goueu Gonnet Lambert, Avocat à la Cour, son conseil.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
FAITS : Le tribunal de première instance d’Abidjan.
Statuant en la cause, en matière civile,a rendu le 21 juin 1999 un jugement N 237/CIV/8 enregistré à Abidjan le 27 janvier 2000 (reçu dix-huit mille francs) aux qualités duquel il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous résumé.
Par exploit en date du 21 juillet 1999 de Maître DAHI TAMA, huissier de justice à Abidjan, le sieur Daïpo Léopold Claude Rogera déclaré interjeter appel du jugement sus-énoncé et a, par le même exploit assigné Mr Angoua Koffi à comparaître par-devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 30 juillet 1999 pour entendre annuler ou infirmer ledit jugement.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du greffe de la Cour sous le N 760 de l’an 1999.
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 26 mai 2000 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause, présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
La cours a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 02 juin 2000.
Advenue de l’audience de ce jour 02 juin 2000, la Cour a délibéré en raison de sa nouvelle composition et rendu sur siège, conformément à la loi l’arrêt suivant.
LA COUR
Ouï le Ministère Public.
Vu les pièces du dossier.
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant exploit daté du 21 juillet 1999 comportant ajournement au 30 juillet 1999, Monsieur DAIPO LEOPOLD STANISLAS CLAUDE ROGERarelevé appel du jugement n 237 rendu le 21 juin 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en cette cause, a statué ainsi qu’il suit.–
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort.
Déclare DAIPO LEOPOLD STANISLAS CLAUDE ROGER irrecevable.
Restitue à l’ordonnance querellée son plein et entier effet.
Le condamne aux dépens ».
Il ressort des énonciations du jugement ainsi déféré à l’appréciation de la Cour que par exploit en date du 22 février 1999 DAIPO LEOPOLD STANISLAS CLAUDE ROGERa fait servir assignation à Mr. ANGOUA KOFFI aux fins d’opposition à l’ordonnance N 307/99 du 20 janvier 1999 portant sa condamnation au paiement de la somme de 15 000 000 francs.
Au soutien de son opposition Mr. DAIPO, par le canal de ses conseils, Maîtres WACOUBOUE-BAROAN, Avocats à la Cour, a expliqué que Mr. ANGOU AKOFFI lui a vendu un immeuble sis à Cocody II Plateaux 7e tranche, lot n 2840 îlot 236 d’une superficie de 1320 m2 au prix de 70 000 000 FCFA.
C’est pour le paiement du reliquat de cette somme, estimé à 15 000 000 F par Monsieur KOFFI que ce dernier a obtenu l’ordonnance d’injonction de payer litigieuse.
En la forme, Mr. DAIPOasoulevé la nullité de l’exploit de signification, en relevant que contrairement aux mentions contenues dans ledit exploit la signification n’a pas été faite à personne; il adonc indiqué qu’il s’agit d’un faux qui peut être aisément établi conformément aux dispositions de l’article 92 du code de procédure civile.
Mr. DAIPOasoulevé par ailleurs l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer pour défaut de la mention de la profession et des différents éléments de la créance, ainsi que du fondement et des termes de la vente.
Sur la créance de Mr. ANGOUA KOFFI, Mr. DAIPOaaffirmé l’avoir intégralement acquittée.
Il sollicitait donc la rétraction de l’ordonnance querellée.
Pour sa part, Mr. ANGOUA KOFFI, par le canal de son conseil, Maître FLAN,asoulevé l’irrecevabilité de l’opposition pour être intervenue hors délai, en expliquant que l’ordonnance d’injonction de payera été signifiée le 26 janvier 1999 alors que l’opposition date du 22 février 1999, soit plus d’un mois après, contrairement aux dispositions de l’article 10 alinéa 1de l’acte uniforme.
Pour déclarer l’opposition de Mr. DAIPO irrecevable, le Tribunal a relevé qu’elle est intervenue plus de quinze jours après la signification à personne de l’ordonnance d’injonction de payer.
Mr. DAIPO fait grief au Tribunal d’avoir ainsi statué et articule que si le délai d’opposition court à compter de la signification, c’est à la condition que ladite signification soit régulière.
Or, déclare t-il, l’acte de signification dont se prévaut l’intimé est irrégulier pour avoir contrevenu aux dispositions de l’article 8 du Traité OHADA relatif aux procédures de recouvrement simplifié.
Ainsi, affirme l’appelant, l’acte de signification étant nul, ladite signification est réputée n’avoir jamais été faite, ce qui rend son opposition recevable.
Sur le fond, Mr. DAIPO déclare qu’il n’est pas débiteur de Monsieur ANGOUA.
Mr. ANGOUA soutient pour sa part, que l’opposition de Mr. DAIPO est irrecevable d’autant que Mr. DAIPO qui invoque la nullité de l’exploit de signification ne justifie d’aucun grief.
Il conclut donc à la confirmation du jugement entrepris.
Subsidiairement au fond, il affirme que sa créance est certaine et exigible, ainsi que cela ressort de l’exploit de sommation interpellative servi au débiteur le 21 décembre 1998; lequel a déclaré :
« Je ne dois pas dix-huit millions de francs CFA (18 000 000 FCFA); je dois 15 000 000 F ».
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel relevé par Mr. DAIPO LEOPOLD STANISLAS CLAUDE ROGER est régulier en la forme, en ce qu’il obéit aux prescriptions légales.
Il convient donc de le déclarer recevable.
AU FOND
Il ressort des énonciations du jugement querellé que Mr. DAIPO, devant le Tribunal, a soulevé la nullité de l’exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer daté du 26 janvier 1999 pour violation des prescriptions de l’article 8 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement.
Or, le premier juge, sans avoir statué sur cette exception a déclaré l’opposition de Mr. DAIPO irrecevable.
En effet, aux termes des dispositions de l’article 8 susvisé, « à peine de nullité la signification de la décision portant injonction de payer contient sommation d’avoir :
– soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi que les intérêts et frais de Greffe dont le montant est précisé.
– soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour objet de saisir la juridiction de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige.
Sous la même sanction, la signification :
– indique le délai dans lequel l’opposition doit être formée, la juridiction devant laquelle elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite.
– avertit le débiteur qu’il peut prendre connaissance, au Greffe de la juridiction compétente dont le président a rendu la décision d’injonction de payer, des documents produits par le créancier et qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué, il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit à payer les sommes réclamées ».
L’exploit de signification-commandement du 26 janvier 1999 du Ministère de Maître ADJO PIERRE, huissier de justice à Abidjan ne mentionne aucune des prescriptions de cet article 8 de sorte que ledit exploit est nul au regard dudit article.
En raison de cette nullité de l’exploit de signification-commandement, le délai d’opposition n’a pu valablement courir à l’égard de Mr. DAIPO.
Dès lors, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’opposition de Mr. DAIPO pour avoir été formée hors délai et, la Cour statuant à nouveau déclarera ladite opposition recevable.
SUR LA CREANCE LITIGIEUSE
Mr. DAIPO ne saurait valablement contester la créance de Mr. ANGOUA KOFFI.
En effet, certes l’acte notarié établi suite à la vente de l’immeuble indique que la totalité du prix dudit immeuble a été acquitté.
Cependant, il ressort des productions que Mr. ANGOUA KOFFI se prévaut de la reconnaissance de dette du 27 mars 1996 à lui délivrée par Mr. DAIPO qui, à cette date reconnaissait lui devoir la somme de vingt deux millions de francs CFA (22 000 000 F); ainsi que de la mise en demeure servie le 21 décembre 1998 à Monsieur DAIPO qui, sommé de payer 18 000 000 FCFA outre les intérêts et frais divers, a déclaré :
« J’étais absent d’Abidjan jusqu’au 22 décembre 1998.amon retour, j’ai pris connaissance de cette mise en demeure et je déclare ce qui suit :
– Je ne dois pas dix-huit millions de francs CFA (18 000 000 FCFA); je dois 15 000 000 F.
– J’ai fait des versements substantiels.
– Il y acompte à faire entre nous.
Ainsi, l’ordonnance de condamnation portant sur le montant de 15 000 000 F reconnu par Mr. DAIPO lui-même, c’est à tort qu’il conteste ladite condamnation.
11convient, en conséquence, de rejeter son opposition non fondée et de restituer à l’ordonnance de condamnation son plein et entier effet.
Mr. DAIPO qui succombe ainsi, doit être condamné aux dépens, en application des dispositions de l’article 142 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
EN LA FORME.
Déclare recevable l’appel relevé par Mr. DAIPO STANISLAS ROGER du jugement n 237 rendu le 21 juin 1999 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
Infirme ledit jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’opposition formée par Mr. DAIPO STANISLAS ROGER.
Statuant à nouveau.
Déclare nul et de nul effet l’exploit de signification commandement du 26 janvier 1999.
Déclare en conséquence l’opposition de Mr. DAIPO recevable.
Dit cependant qu’elle n’est nullement fondée.
L’en déboute.
Restitue à l’ordonnance de condamnation querellée son plein et entier effet.
Condamne Mr. DAIPO STANISLAS ROGER aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêta été prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan (Côte-d’Ivoire), les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.