J-06-145
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – EXAMEN DU BIEN FONDE DE LA CREANCE MOTIVANT LA SAISIE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (OUI).
Le Juge des référés peut, sans violer sa compétence, apprécier si la créance servant de base à une saisie conservatoire apparaît comme fondée en son principe.
Article 54 AUPSRVE
Cour d’appel de Cotonou, ARRET N 220/99 du 25 novembre 1999, AFFAIRE Société « a » CONTRE Monsieur « B ».
LA COUR
FAITS ET PROCEDURE
Par exploit en date à Cotonou du 29 septembre 1999, la Société « a » a assigné en référé d’heure à heure Monsieur « B » pour voir :
– Constater que la Société « a » n’est pas une succursale de la Société « C ».
– Constater que la Société « a » est une personne morale distincte de la Société « C ».
– Constater que la Société « a » est propriétaire des marchandises saisies.
– Prononcer la rétractation de l’Ordonnance n 648/99 en date du 22 septembre 1999 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou.
– Ordonner la main levée subséquente de la saisie conservatoire pratiquée sur les marchandises de la Société « a ».
– Ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de l’Ordonnance à intervenir sous astreinte comminatoire de 5 000 000 F par jour de retard.
Vidant son délibéré le 06 octobre 1999, le juge saisi a rendu l’Ordonnance n 80/99/3e C.C. dont la teneur suit :
Constatons qu’en l’espèce, il existe une véritable énigme quant à la nature véritable des liens juridiques existant entre les deux sociétés « a » et « C ».
– Disons qu’en l’état, le juge des référés ne peut examiner les demandes soumises à son appréciation sans outrepasser les limites de sa compétence.
– Nous déclarons subséquemment incompétent.
– Condamnons la Société « a » aux dépens ».
Par exploit d’huissier en date du 15 octobre 1999, la Société « a » a relevé appel de la décision sus-citée après avoir obtenu par Ordonnance n 76/99 du 06 octobre 1999 du Premier Président de la Cour d’Appel, l’autorisation d’assigner à jour et heure fixes.
MOTIFS DE LA DECISION
A EN LA FORME
Attendu que l’appel de la Société « a » a été interjeté dans les et forme délai prévus par la loi.
Qu’il échet de le déclarer recevable.
B AU FOND
1) Sur l’incompétence du juge des référés
Attendu que par assignation en date à Cotonou du 29. septembre 1999 il a été demandé au juge des référés de :
Constater que Monsieur « B » a trompé la religion du juge en obtenant l’ordonnance n 648/99 du 22 septembre 1999.
Constater que la Société « a » n’est pas une succursale de la Société « C ».
– Constater que le défendeur a commis une voie de fait en pratiquant saisie conservatoire sur les biens de « a ».
– Constater que la Société « a » est une personne morale distincte de la Société « C ».
– Constater que « a » est propriétaire des marchandises saisies en ce que le patrimoine social est distinct de ceux des associés.
Que le juge saisi s’est déclaré incompétent au motif qu’en l’état, il ne peut examiner les demandes soumises à son appréciation sans outrepasser les limites de sa compétence Mais attendu que, si pour dire que « a » est la Succursale ou non de la Société « C », le juge des référés est effectivement obligé d’analyser et d’interpréter les statuts des deux sociétés, toute chose qui relève de la compétence du juge du fond, il reste néanmoins que le juge des référés ne viole point sa compétence lorsqu’il s’agit d’apprécier si la créance servant de base à une ordonnance de saisie conservatoire est fondée en son principe.
Que c’est donc à tort que le premier juge s’est déclaré incompétent sans distinguer entre les chefs de demande qui lui sont soumis.
Qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise sur ce point pour évoquer et statuer a nouveau.
2) Sur la créance de Monsieur « B » sur la Société « C »
Attendu qu’aux termes de l’article 54 de l’Acte Uniforme portant organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution, « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels, ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement”.
Qu’il résulte de l’article précité que la première condition pour solliciter à bon droit une ordonnance de saisie-conservatoire est que la créance du requérant paraisse fondée en son principe.
Que le juge des référés, qui ne doit pas interpréter ou apprécier au fond les actes à lui soumis, peut néanmoins, par une analyse sommaire, constater le caractère apparemment fondé ou non d’une créance aux fins de saisie conservatoire.
Que dans le cas d’espèce, Monsieur « B » a produit à l’appui de sa requête aux fins de saisie conservatoire un acte duquel il ressort qu’il a cédé à la société « D » ses parts sociales dans la société « a » au prix de 1.800 000 000 de francs CFA.
Que Monsieur « B » pense tirer le principe de sa créance sur la Société « C » du fait que cette dernière qui a racheté lesdites parts sociales à la Société « E » (ancienne société « D » ) ne lui ait payé que la somme de francs CFA 400 000 000, restant ainsi lui devoir 1.400 000 000 de francs CFA.
Attendu cependant qu’à la lecture de la pièce dénommée « Cession de parts sociales » produite par Monsieur « B » à l’appui de sa requête, la Cour constate ce qui suit :
« …La présente cession est consentie et acceptée moyennant le prix de 5.454.545 F CFA par part soit 1.800 000 000 de francs CFA que le cessionnaire a pay é par ailleurs au cédant qui le reconnaît et lui en donne bonne et valable quittance”.
– Monsieur « B » a apposé deux fois sa signature sur ladite pièce comme cédant et représentant du cessionnaire « D ».
– Monsieur « B » a donné bonne et valable quittance au cessionnaire.
Qu’il résulte de tout ce qui précède que la « E » anciennement « D », cessionnaire n’est plus débiteur à l’égard de Monsieur « B » d’aucune somme.
Qu’en conséquence aucun principe de créance ouvrant droit à une saisie conservatoire ne saurait être retenue.
qu’au demeurant, la preuve de l’abus de blanc seing alléguée n’étant pas non plus rapportée, Monsieur « B » ne peut sérieusement pas contester que le cessionnaire a fini de lui payer le prix de cession des parts sociales qu’il détenait dans la Société « a » soit la somme de francs CFA 1.800 000 000.
Que c’est donc en violation de l’article 54 de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de recouvrement et de Voies d’exécution que l’ordonnance n 648/99 du 22 septembre 1999a été rendue.
qu’en conséquence, il y a lieu de rétracte ladite ordonnance et ordonner subséquemment mainlevée des saisies pratiquées sur les marchandises de la Société « a ».
3) Sur l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de la décision à intervenir et sous astreinte comminatoire de 5 000 000 de francs CFA par jour de retard
Attendu que la Société « a » sollicite l’exécution provisoire et sous astreinte comminatoire de 5 000 000 de francs CFA par jour de retard.
Attendu d’une part que l’ordonnance du juge des référés lorsqu’elle vient à être prise est toujours assortie de l’exécution provisoire eu égard au caractère urgent qu’elle revêt, le juge qui la prend étant celui de l’évidence et de l’urgence.
Que d’autre part, le juge des référés a compétence pour prononcer l’astreinte comminatoire, mesure provisionnelle et provisoire entièrement distincte des dommages intérêts puisque seulement destinée à assurer l’exécution d’une décision de justice.
Civ; Sect Soc. 28 mars 1950, D 1950-377.
Qu’il découle de ce qui précède que la demande de la Société « a » est fondée.
Qu’il échet d’y faire droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé commercial, en appel et en dernier ressort.
EN LA FORME.
Déclare recevable l’appel interjeté par la Société « a » contre l’ordonnance n 80/99 rendue le 06 octobre 1999.
AU FOND.
Infirme l’ordonnance n 80/99 rendue le 06 octobre1999 par le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Cotonou en toutes ses dispositions.
Évoquant et statuant à nouveau.
– Se déclare compétente.
– Constate que la cessionnaire « E » a payé la somme de 1.800 000 000 de francs CFA représentant le prix de la cession des parts sociales de la Société « a » et que le cédant, Monsieur « B » lui en a donné bonne et valable quittance.
– Constate donc que la créance de Monsieur « B » sur la Société « E » ou la Société « C » ne paraît pas fondée en son principe.
-Rétracte par conséquent l’ordonnance n 648/99 délivrée à pied de requête le 22 septembre 1999.
– Ordonne subséquemment la main levée des saisies pratiquées sur les biens de la.
Société « a » en vertu de l’ordonnance rétractée.
– Dit que la présente décision sera exécutée sur minute et avant enregistrement sous astreinte comminatoire de francs CFA 5 000 000 par jour de retard.
– Condamne Monsieur « B » aux entiers dépens.
COMPOSITION DE LA COUR.
PRESIDENT Monsieur ArsènecaPO-CHICHI.
CONSEILLERS Madame Ginette AFANWOUBO épouse HOUNSA, Messieurs Francis HODE et Mathieu NOUDEVIWA.
MINISTERE PUBLIC Madame Bernadette HOUNDEKANDJI épouse CODJOVI.
GREFFIER Madame Reine TSAWLASSOU.