J-06-149
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION.
DETTE PAYE a UN TIERS SANS POUVOIR DE LE RECEVOIR – PAIEMENT SANS EFFET LIBERATOIRE POUR LE DEBITEUR – CONDAMNATION DU DEBITEUR.
Le paiement prétendument fait par le débiteur à un tiers, non seulement doit être prouvé mais fait à une personne ayant pouvoir de recevoir pour le créancier sauf si celui-ci le ratifie ou en tire profit – Tel n’étant pas le cas, en l’espèce, l’opposition du débiteur doit être rejetée.
Le créancier ne rapportant pas la preuve d’un préjudice indépendant du retard apporté au paiement ne peut prétendre à des dommages-intérêts autres que les intérêts sur la somme due conformément à l’article 1153 du Code civil.
Article 1239 DU CODE CIVIL
Article 1153 DU CODE CIVIL
Tribunal de première instance de Cotonou, 1ère chambre civile moderne, jugement N 05 / 03 1ère C.CIV du 5 Février 2003, Cyr LOKOSSOU c/ Sylvestre MONTEIRO et KPEMAVO D. Lazare.
LE TRIBUNAL.
Vu les pièces du dossier.
Ouï le demandeur en ses déclarations, moyens, fins et conclusions.
Ouï le Ministère Public en son réquisitoire.
Nul pour KPEMAVO D. Lazare.
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date du 24 août 2001de Maître Yvonne DOSSOU DAGBENONBAKIN, huissier de justice à Cotonou monsieur Cyr LOKOSSOU, assisté de Maître Raymond ADJAÏ, Avocat à la Cour ,a attrait devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou, monsieur Sylvestre MONTEIRO aux fins de :
voir déclarer recevable son opposition.
voir constater qu’il n’est pas débiteur de monsieur KPEMABO D. Lazare.
voir débouter monsieur Sylvestre MONTEIRO de toutes ses prétentions, fins et conclusions.
A l’appui de ses demandes, il expose que se prétendant son créancier, monsieur Sylvestre MONTEIROasollicité et obtenu une ordonnance d’injonction de payer rendu le 02 août 2001par le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou.
Que cette ordonnance a été donnée pour une prétendue créance principale évaluée à la somme de 5.750 000 F outre les intérêts et frais.
Que s’il ne conteste pas avoir été en relation d’affaires avec monsieur Sylvestre MONTEIRO, il conteste cependant la créance alléguée contre lui puisqu’il ne doit absolument rien à monsieur Sylvestre MONTEIRO.
Par exploit en date du 1er février 2002 de Maître Georges –Marie d’ALMEIDA, huissier de Justice, monsieur Cyr LOKOSSOUaattrait en intervention forcée devant le Tribunal de céans, monsieur D. Lazare KPEMAVO pour :
s’entendre dire qu’il a payé entre ses mains pour le compte de Sylvestre MONTEIRO, la somme de 6.500 000 F.
voir constater qu’il a déjà soldé le compte de Sylvestre MONTEIRO dans ses livres.
s’entendre condamner à payer pour le compte de monsieur Sylvestre MONTEIRO, la somme de 6.500 000 F.
Au soutien de ces demandes, il développe qu ’il a bénéficié d’un crédit de 5.750 000 F de monsieur Sylvestre MONTEIRO.
Que celui-ci et lui se sont entendus pour que le remboursement s’effectue par l’intermédiaire de monsieur Lazare KPEMAVO intervenant forcé en la présente cause.
Que suivant décharge du 22 août 2000, il a ainsi versé entre les mains de Lazare KPEMAVO pour le compte de Sylvestre MONTEIRO, la somme de 6.500 000 F représentant le principal de la créance, les intérêts et les frais dans ses livres.
Que contre toute attente, monsieur Sylvestre MONTEIROa obtenu une ordonnance d’injonction de payer n 621/ 2001rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou.
Qu’il conteste la créance alléguée contre lui puisqu’il ne lui doit plus rien.
Que c’est plutôt l’intervenant forcé qui n’a pas rendu compte et qu’il est fondé à solliciter de celui-ci la répétition de l’indu.
Pour une bonne administration de la justice, il a été procédé à une jonction des procédures n 148 / 2001et 36 / 2000 le 06 mars 2002 afin qu’il soit statué en la cause par une seule et même décision.
En réplique aux prétentions de Cyr LOKOSSOU, Sylvestre MONTEIRO, par l’organe de son conseil Maître Eric BINOUYO, avocat à la Cour, explique que suivant acte sous seing privé daté du 28 avril 2000, il a consenti à Cyr LOKOSSOU un prêt de 5.750 000 F CFA; qu’en règlement de ce prêt, celui-ci lui a délivré deux chèques BIBE portant les numéros 074952 et 074953 de montants respectifs cinq millions (5 000 000) et sept cent cinquante mile ( 750 000) datés des 28 et 29 mai 2000.
Qu’à l’encaissement, lesdits chèques sont revenus impayés pour défaut de provision.
Que toutes les démarches amiables entreprises en vue d’obtenir paiement de ladite somme étant demeurées vaines, il lui a, par exploit en date du 18 juillet 2001, adressé sommation à payer; qu’il a, en réponse, prétendu avoir remboursé ladite somme à un certain Lazare KPEMAVO.
Que, dans ces conditions, il a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou, une ordonnance d’injonction de payer qu’il lui a signifiée par exploit en date du 14 août 2001.
Que plutôt de s’exécuter, Cyr LOKOSSOU, de mauvaise foi, a formé opposition.
Qu’il y a lieu par conséquent de le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Monsieur Lazare D. KPEMAVO, bien que régulièrement assigné à sa personne, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
La présente décision sera rendue par défaut à son égard.
MOTIFS DE LA DECISON
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que le recours ordinaire contre une décision d’injonction de payer est l’opposition.
Que celle-ci doit être formée par acte extra judiciaire dans les quinze (15) jours qui suivent la signification de ladite décision.
Que l’opposant est tenu, à peine de déchéance et dans le même acte que celui portant l’opposition de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction qui a rendu l’ordonnance d’injonction de payer et d’assigner à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder trente (30) jours à compter de l’opposition.
Attendu que toutes ces formalités exigées par l’Acte Uniforme OHADA du 10 avril 1998 portant organisation, des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ont été respectées en l’espèce par monsieur LOKOSSOU Cyr.
Qu’il échet en conséquence de déclarer son opposition recevable.
Sur l’intervention forcée de monsieur KPEMAVO D. Lazare.
Attendu que le demandeur a attrait monsieur KPEMAVO D. Lazare en intervention forcée aux motifs que c’est à lui que la somme de 6.500 000 francs qu’il doit à monsieur MONTEIRO Sylvestre ainsi que cela a été convenu (sic !).
Attendu que l’intervention forcée a été faite par exploit d’assignation, par l’organe de conseil avocat.
Qu’il y a lieu par conséquent de déclarer recevable en la forme l’intervention forcée de monsieur KPEMAVO D. Lazare.
Sur les mérites de l’opposition
Attendu que monsieur Cyr LOKOSSOU résiste à cette demande au motif qu’il s’est déjà libéré entre les mains de monsieur Lazare KPEMAVO par qui il a été mis en contact avec MONTEIRO Sylvestre à qui, de commun accord de .....
Attendu que monsieur Sylvestre MONTEIRO sollicite qu’il plaise au tribunal de céans constater que monsieur Cyr LOKOSSOU lui est redevable de la somme de 5.750 000 francs, montant principal de sa créance assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2001, date de la sommation de payer.
Attendu qu’aux termes de l’article 1239 du code civil « le paiement doit être fait au créancier ou à quelqu’un ayant pouvoir de lu, ou qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui ».
Qu’en l’espèce aucune preuve n’est rapportée de ce que Sylvestre MONTEIROadonné pouvoir à monsieur Lazare KPEMAVO pour recevoir cette créance, en outre il n’a pas été informé par son débiteur du paiement effectué.
Attendu que le mandat apparent dont s’agit ne peut donc exister car, aux termes des dispositions de l’article 1239 alinéa 2 « pour que le paiement fait à celui qui n’aurait pas pouvoir de recevoir pour le créancier soit valable, il faut que celui-ci le ratifie, ou qu’il en ait profité ».
Que le défendeur n’ayant ratifié ou profité dudit paiement, il convient de dire que ce paiement lui est inopposable, de déclarer monsieur Cyr LOKOSSOU mal fondé en son opposition et le condamner à payer la somme de 5.750 000 F CFA à monsieur Sylvestre MONTEIRO outre les intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2001,daté de la sommation de payer.
Sur la demande de dommages-intérêts faite par monsieur Sylvestre MONTEIRO.
Attendu que monsieur Sylvestre MONTEIRO demande la condamnation de monsieur Cyr LOKOSSOU à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondus.
Attendu qu’aux termes de l’article 1153 du code civil « Dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation au taux légal… le créancier auquel son débiteur en retarda causé par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance ».
Qu’en l’espèce, monsieur Sylvestre MONTEIRO ne rapporte la preuve d’un préjudice indépendant du retard qu’il a subi.
Qu’il y a lieu de le débouter de cette demande.
Sur la répétition de l’indû
Attendu que monsieur Cyr LOKOSSOU demande que monsieur Lazare KPEMAVO soit condamné à lui payer la somme principale de 6.500 000 F motif qu’il est fondé à répéter l’indû.
Attendu qu’aux termes de l’article 1235 alinéa 1du code civil « Tout paiement suppose une dette;ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ».
Attendu que dans le cas d’espèce, le demandeur n’a pu bénéficier d’un crédit de 5.750 000 F que grâce à Lazare KPEMAVO intervenant forcé en la présente cause.
Que le 23 août 2000, l’intervenant forcé a reconnu par décharge avoir pris des mains de monsieur HOUNGUE Salafa, envoyé du demandeur la somme de 6.500 000 F pour monsieur Sylvestre MONTEIRO à qui il n’a pas rendu compte.
Qu’il s’ensuit qu’il y a pour monsieur Lazare KPEMAVO un enrichissement sans cause; par conséquent le demandeur est fondé à répéter l’indû.
Sur les dommages-intérêts sollicités par Cyr LOKOSSOU
Attendu que monsieur Cyr LOKOSSOU demande la condamnation de l’intervenant forcé à lui payer la somme de 2000 000 F à titre de dommages-intérêts pour toutes causes de préjudices confondues.
Attendu que de l’attitude de monsieur Lazare KPEMAVO résulte de sa mauvaise foi qui a porté des préjudices non seulement financier mais surtout moral au demandeur.
Attendu que les dommages-intérêts sollicités sont fondés mais exorbitants qu’il y a lieu de les réduire à 500 000 F.
Qu’il échet de condamner monsieur Lazare KPEMAVO à payer la somme de 500 000 F au demandeur.
Sur l’exécution provisoire
Attendu que monsieur Sylvestre MONTEIRO sollicite l’exécution provisoire de la présente décision.
Attendu que les circonstances de la cause justifie l’extrême urgence à l’obtention de la mesure sollicitée.
PAR CES MOTIFS.
Statuant publiquement contradictoirement à l’égard de monsieur Sylvestre MONTEIRO, par défaut à l’égard de monsieur Lazare KPEMAVO intervenant forcé et en premier ressort.
En la forme.
Reçoit monsieur Cyr LOKOSSOU en son opposition.
Déclare recevable l’intervention forcée de monsieur KPEMAVO D. Lazare.
-Reçoit monsieur Sylvestre MONTEIRO en sa demande reconventionnelle.
Au fond.
Constate que monsieur Cyr LOKOSOU est débiteur d’une somme de 5.750 000 F matérialisée par une décharge en date du 28 avril 2000.
Constate que le paiement de la somme de 6.500 000 Fa été effectué entre les mains de monsieur Lazare KPEMAVO matérialisée par une décharge en date à Cotonou du 23 août 2000 à charge de les rendre à monsieur Sylvestre MONTEIRO.
Constater que monsieur Lazare KPEMAVO n’a pas versé ladite somme à monsieur Sylvestre MONTEIRO.
– Dit que le paiement effectué entre les mains de monsieur Lazare KPEMAVO est inopposable à monsieur Sylvestre MONTEIRO.
Condamne monsieur Cyr LOKOSSOU à payer le somme de 5.750 000 F outre les intérêts de droit et frais à monsieur Sylvestre.
Condamne monsieur Lazare KPEMAVO à payer la somme de 6.500 000 F représentant un enrichissement sans cause à monsieur Cyr LOKOSSOU.
Condamne monsieur Lazare KPEMAVO à payer la somme de 500 000 à titre de dommages-intérêts à monsieur Cyr LOKOSSOU.
Déboute messieurs Cyr LOKOSSOU et Sylvestre MONTEIRO du surplus de leurs demandes.
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.
Condamne monsieur Lazare KPEMAVO aux entiers.
dépens.
Le Président.
Le Greffier.