J-06-153
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT DE CREANCE – OPPOSITIONaUNE ORDONNANCE D’ INJONCTION DE PAYER.
MOYEN DU DEBITEUR FONDE SUR LEcaRACTERE USURAIRE DU PRET – EXCEPTION RELEVANT DES JURIDCTIONS PENALES – EXCEPTION DE NULLITE IRRECEVABLE.
Le débiteur qui forme une opposition à l’ordonnance d’injonction de payer délivrée contre lui ne peut la fonder sur la nullité du prêt qui lui a été consenti, cette exception relevant des juridictions pénales qui n’ont pas été saisies.
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1re CHAMBRE CIVILE MODERNE. JUGEMENT N 28 / 03. 1ère CCIV du 07 MAI 2003, Monsieur ATI Moïse c/ Société ECOPENG Et un autre.
LE TRIBUNAL.
Vu les pièces du dossier.
Ouï le demandeur en ses déclarations.
Ouï le Ministère Public en son réquisitoire.
Nul pour le défendeur.
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date à Cotonou du 13 octobre 1999 de Maître Claudine HOUNNOU-MOUGNI, huissier de justice à Cotonou, Monsieur ATI Moïse, ayant pour conseils Maîtres Cosme AMOUSSOU, avocat à la Cour d’Appel a attrait devant le Tribunal de céans la société ECOPEING-SARL, ayant pour conseil Maître Claret BEDIE, avocat à la Cour pour :
entendre déclarer recevable son opposition à ordonnance d’injonction de payer n 650 /99 rendue le 21 septembre 1999 par le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou et de déclarer la société ECOPEING SARL non recevable.
voir annuler ladite ordonnance.
voir déclarer la société ECOPEING. SARL mal fondée en sa demande.
A l’appui de son assignation, il expose par l’organe de son conseil qu’il avait soumissionné à un marché public.
Que pour ce faire, il a sollicité l’aide de son cousin AGOSSA SOSSOUVI Léon.
Que celui-ci l’a orienté vers la société ECOPEING SARL qui exerce des prestations dont notamment des prêts d’argent.
Que ladite société lui a consenti un prêt de six cent mille francs (600 000) CFA le 29 décembre 1997.
Qu’il a signé avec ECOPEING, un engagement valant contrat, lequel a été co signé par AGOSSA SOSSOUVI Léon.
Qu’aux termes de cet engagement, il était tenu de rembourser dans un délai d’un mois le montant du prêt assorti d’un intérêt de 30% soit au total une somme de 780 000 francs CFA.
Qu’il a déposé auprès de la société en garantie de ce prêt, une moto de marque HONDA Type C G 125.
Qu’à l’expiration du délai d’un mois, soit le 28 janvier 1999 et face à sa défaillance, une sommation de payer en date du 09 avril 1999 lui a été délaissée, lui réclamant la somme de 702. 960 francs CFA représentant le montant de son solde dans les livres de ECOPËING.
Que suite à cette sommation, son cousin AGOSSA Léon a adressé une correspondance à Maître WAKILI LAGUIDE, huissier instrumentaire, retraçant les conditions dans lesquelles le contrat de prêta été signé.
Qu’après avoir versé une somme de cent mille (100 000) francs en l’étude dudit huissier, il s’est engagé à payer le solde par échéance mensuelle de 30 000 F jusqu’à épuisement de la dette.
Que la panne difficile qui l’a conduit au nom de respect de son dernier engagement n’ayant pas disparu, il n’a pu régler qu’une seule échéance de 30 000 F.
Que c’est dans ces conditions qu’une ordonnance d’injonction de payer lui a été signifiée par exploit le 30 septembre 1999.
Qu’ainsi contraint, il a dû constituer conseil et opposition à injonction avec assignation a été servie à la société ECOPEING SARL le 13 octobre 1999.
Qu’en réalité, il s’agit en l’espèce d’un prêt d’usure lequel mérite d’être constaté par le tribunal.
Que celui-ci constatera également que ce prêt d’usure contrevient gravement aux dispositions de l’ordonnance du 24 août 1973 portant réglementation de l’usure.
Qu’il y a lieu :
– de déclarer nul ledit prêt et nulles les garanties qui l’accompagnent;
– d’ordonner en conséquence la restitution de la moto tenant lieu de garantie;
– de dire et juger qu’il ne doit en tout et pour tout que la somme de 666 000 francs à la société ECOPEING conformément à l’article 5 de l’ordonnance réglementant l’usure;
– de constater qu’il a remboursé sur cette somme 130 000 francs et « l’inviter » à rembourser le solde.
En réplique, la société ECOPEING explique que monsieur ATI Moïse a sollicité et obtenu d’elle un prêt d’un montant de sept cent quatre vingt mille (780 000) francs.
Que cet engagement pris volontairement sans aucune contrainte tient lieu de contrat.
Que pour manifester sa bonne foi, il amis en garantie une motocyclette de marque HONDA CG 125.
Que contre toute attente, il n’a pas daigné honorer son engagement.
Que suite à une sommation, il s’est dépêché de payer 100 000 francs.
Qu’il a pris un engagement de solder le reste par échéance mensuelle de 30 000 F.
Qu’il est inconcevable qu’il se rebiffe aujourd’hui et remette en cause sa dette.
Qu’elle conclut qu’il a lieu de :
constater que ATI Moïse a pris un prêt chez elle.
constater qu’il a signé un engagement de remboursement et a mis en garantie une moto C G 125.
déclarer ledit engagement valable et fondé.
dire et juger qu’il lui doit 780 000 francs; le condamner à payer ladite somme.
donner force exécutoire à l’ordonnance d’injonction de payer.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que le recours ordinaire contre une décision d’injonction de payer est l’opposition.
Que celle-ci doit être formée par acte extra-judiciaire dans les quinze (15) jours qui suivent la signification de ladite décision.
Que l’opposant est tenu, à peine de déchéance et dans le même acte que celui portant l’opposition de signifier son recours à toutes les parties et au Greffe de la juridiction qui a rendu l’ordonnance d’injonction de payer et d’assigner à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder trente (30) jours à compter de l’opposition.
Attendu que toutes ces formalités exigées par l’Acte Uniforme OHADA du 10 avril 1998 portant l’organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ont été respectées par monsieur ATI Moïse.
Qu’il échet en conséquence de déclarer son opposition recevable.
Sur l’annulation du prêt et de sa garantie
Attendu que Moïse ATI sollicite de la juridiction de céans, l’annulation du prêt à lui consenti par la société ECOPEING de même que de la garantie qu’il a constituée à cet effet, motif pris de ce que ce prêta été consenti sur la base d’un taux usuraire.
Attendu que l’usure est une infraction pénale.
Que l’appréciation des faits entrant dans les qualifications d’une infraction relève de la compétence d’une juridiction pénale.
Qu’il ne figure au dossier aucun élément prouvant qu’une telle juridiction a été saisie, encore moins qu’une décision de justice ait été rendue.
Attendu qu’il ressort du dossier que Moïse ATI s’est engagé à rembourser à la société ECOPEING, la somme de 780 000 F CFA.
Attendu que les conventions légalement formées entre les parties leur tiennent lieu de loi.
Que Moïse ATI n’a pas soulevé ses prétentions au moment de la conclusion du prêt.
Que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
Qu’ainsi, le prêt consenti par la société ECOPEING est valable de même que la garantie constituée à cet effet.
Qu’il y a lieu de le débouter de sa demande d’annulation du prêt et de la garantie consentie à cet effet.
Sur les mérites de l’opposition
Attendu qu’il est constant au dossier que Moïse ATIa, le 29 décembre 1997, fait un emprunt auprès de la société ECOPEING. SARL d’un montant de 780 000 F CFA.
Qu’à la date du 13 octobre 1999, date de l’opposition à injonction de payer, il a remboursé la somme de 130 000 F CFA.
Qu’il s’induit que le solde de la créance de la société ECOPEING –SARL sur Moïse ATI est de F CFA 650 000.
Qu’il échet en conséquence de condamner Moïse ATI à payer à la société ECOPEING, la somme de six cent cinquante mille (650 000) francs CFA.
Attendu que Moïse ATI a, pour garantir son emprunt, mis en gage sa moto de marque HONDA de type CG 125.
Qu’il y a lieu d’ordonner la réalisation du gage, le remboursement de la société ECOPEING-SARL à concurrence de la somme de francs CFA six cent cinquante mille (650 000), montant de la condamnation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile moderne et en premier ressort.
En la forme.
Reçoit Moïse ATI en son opposition à injonction de payer.
Au fond.
L’y déclare mal fondé.
Constate que Moïse ATI est débiteur de la société ECOPEING –SARL d’un montant de 780 000 F CFA en raison d’un prêt à lui consentir le 29 décembre 1997.
Constate qu’il n’existe au dossier aucune preuve de la saisine d’une juridiction correctionnelle encore moins d’une décision de cette juridiction qualifiant ce prêt d’usure.
Déclare valable le prêt consenti et la garantie constituée.
Déboute en conséquence Moïse ATI de sa demande d’annulation du prêt consenti à son profit et de la garantie constituée à cet effet.
Constate que Moïse ATIaremboursé la somme de cent trente mille (130 000) francs CFA à la société ECOPEING-SARL.
– Dit qu’il reste devoir à la société ECOPEING-SARL, la somme de six cent cinquante mille (650 000) francs CFA.
Condamne en conséquence Moïse ATI à payer à la société ECOPEING-SARL ce montant.
Condamne monsieur Moïse ATI aux entiers dépens.
Le Président.
Le Greffier.
Observations de Joseph ISSA –SAYEGH, Professeur
S’il est exact de dire que le prêt à taux usuraire est constitutif du délit pénal qui, à ce titre, doit être poursuivi devant les juridictions pénales, il n’est pas exact de dire que la nullité d’un tel prêt ne peut être excipé que devant les juridictions pénales. Elle peut l’être également devant les juridictions civiles. Le juge de l’opposition se devait donc de la recevoir en la forme quitte à la rejeter au fond s’il estimait que l’usure n’était pas constituée en l’espèce. Et on ne voit pas en quoi il y a fraude du débiteur ni en quoi, une telle fraude, si elle était avérée pouvait rendre son exception irrecevable.