J-06-155
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITIONaINJONCTION DE PAYER – RETRACTATION DE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER.
La créance sur laquelle se fonde une procédure d’injonction de payer doit être certaine, liquide et exigible. Il n’en est pas ainsi lorsque le créancier produit, pour preuve de sa créance une lettre de son débiteur déplorant que ses propres débiteurs qu’il avait chargé de s’acquitter de leur dette auprès de on créancier n’aient pas déféré à sa demande.
Article 1 AUPSRVE
Article 4 AUPSRVE
Article 9 AUPSRVE
Article 10 AUPSRVE
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1re CHAMBRE CIVILE MODERNE, JUGEMENT N 85 / 03. 1ère CCIV du 17 septembre 2003, AGBOGBA Virgile c/ AMOUSSOU BESSANH Victor.
LE TRIBUNAL.
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs déclarations.
Ouï le Ministère Public en son réquisitoire.
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date à Cotonou du 19 décembre 2001de Maître Monique KOTCHOFA FAÏHUN, Huissier de justice à Cotonou, monsieur AGBOGBA Virgile assisté de Maître ESSOU Bonaventure, Avocat à la Cour a attrait devant le Tribunal de céans monsieur AMOUSSOU BESSANH Victor, assisté de Maître Gustave ANANIcaSSA, Avocat, en opposition à injonction de payer avec assignation pour :
– s’entendre déclarer recevable en son opposition;
– voir procéder à la conciliation préalable;
– voir constater encas d’échec de la conciliation que sans justifier d’aucune créance sur lui, monsieur AMOUSSOU Victor lui a fait délaisser le 11 décembre 2001une ordonnance d’injonction de payer;
– s’entendre dire et juger que la correspondance versée au dossier ne saurait constituer un titre de créance;
– s’entendre dire en tout cas qu’elle ne peut servir de fondement à la procédure d’injonction de payer;
– voir rétracter purement et simplement l’ordonnance n 993 / 2001du 05 décembre 2001;
– s’entendre condamner monsieur AMOUSSOU B. Victor à lui payer la somme de 3.750 000 F;
– s’entendre en outre le condamner à 2 000 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues;
Au soutien de son action, il expose :
Que monsieur AMOUSSOU B. Victor lui a fait délaisser une ordonnance portant injonction de payer la somme de 1.500 000 F en date du 11 décembre 2001.
Que pour toute preuve de sa créance, il n’a produit qu’une lettre dont les termes sont ambigus.
Qu’une telle lettre ne peut servir de fondement à une procédure d’injonction de payer.
Qu’il ne se reconnaît pas débiteur de ladite somme.
Qu’au contraire, c’est monsieur AMOUSSOU B. Victor et ses beaux parents monsieur et madame COMBE qu’il lui doivent la somme de 3.750 000 F au titre de diverses livraisons de boisson alcoolisée dite SODABI qu’il leur a faites.
A l’audience du 07 mai 2003, Maître Bonaventure ESSOU plaidant aux intérêts de monsieur AGBOGBA Virgile soutient la nullité de la procédure en ce que les conditions de l’injonction de payer ne sont pas réunies; Il ajoute :
Que si on peut penser que la créance est fondée en son principe, son montant par contre n’est pas déterminé.
Que l’article 4 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution fait obligation au demandeur à l’injonction de payer d’indiquer le décompte des éléments de sa créance.
Qu’à défaut, l’ordonnance doit être déclarée nulle.
En réplique aux moyens ainsi soulevés, monsieur AMOUSSOU Victor par l’organe de son Conseil, développe :
– que la créance résulte d’un prêt d’un million ( 1. 000 000) francs qu’il a consenti à monsieur AGBOGBA pour les besoins de son commerce alors que les affaires de celui-ci étaient en pleine déconfiture.
– que monsieur AGBOGBA Virgile est son bel oncle avec qui il entretenait de bons rapports.
– que la lettre versée au dossier porte reconnaissance de dette.
– que c’est donc à bon droit qu’il a obtenu l’ordonnance d’injonction de payer n 993 / 2001en date du 05 décembre 2001.
– que l’existence de la créance de un million ( 1 000 000) de francs en principe est justifiée.
– qu’il y a lieu de condamner monsieur AGBOGBA Virgile au paiement de cette somme et à celle de 500 000 F au titre des frais et accessoires.
Il sollicite en outre l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours, sur minute et avant enregistrement sous astreinte comminatoire de 20 000 F par jour de résistance.
A l’audience du 07 mai 2003, le Tribunal n’a pu concilier les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que les conditions de forme et de délais prévues aux articles 9 et 10 de l’Acte Uniforme ci-dessus visé pour la recevabilité de l’opposition ont été respectées par monsieur AGBOGBA Virgile.
Qu’il échet en conséquence de le déclarer recevable en son opposition.
Sur les mérites de l’opposition
Attendu que monsieur Virgile AGBOGBA soulève la nullité de la procédure d’injonction de payer en raison de l’absence des conditions de sa mise en oeuvre.
Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution : » le recouvrement d’une créance, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer ».
Attendu qu’à l’examen de l’unique pièce produite par monsieur Victor AMOUSSOU BESSANH pour obtenir l’ordonnance d’injonction de payer à savoir, la lettre en date du 02 septembre 2001que lui a adressée monsieur Virgile AGBOGBA, la créance dont s’agit ne paraît pas certaine, liquide et exigible.
Que ladite lettre porte en effet, pour l’essentiel :
« Pour ce qui concerne notre affaire, j’ai été surpris que ta belle-mère, Dada Foovi et son mari ne t’ont pas remis l’argent jusqu’à présent. Ils me doivent 3.750 000 F (Trois millions sept cent cinquante mille francs) Dès mon passage à Port Gentil, ils m’ont promis (de) te rembourser ton argent, de ne plus en parler. Mais présentement, moi-même je suis complètement à plat. Toutes mes affaires sont tombées. C’est Fofo Paul qui s’occupe de ma famille et de moi-même ».
Attendu que la créance poursuivie n’y est pas mentionnée.
Que les termes de ladite lettre ne permettent pas de conclure que Virgile AGBOGBA est redevable de la somme de 1 000 000 F CFA que Victor AMOUSSOU BESSANH lui réclame.
Attendu, par ailleurs, que l’article 4 du même acte uniforme fait obligation au requérant, à peine d’irrecevabilité de sa requête, d’indiquer précisément le montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.
Attendu que ces conditions, en cause, ne sont pas remplies.
Attendu qu’eu égard à ce qui précède, il y a lieu de déclarer monsieur Virgile AGBOGBA fondé en son opposition et de rétracter purement et simplement l’ordonnance n 993 / 2001du 05 décembre 2001.
Sur la demande de condamnation de Victor AMOUSSOU BESSANH à payer 3.750 000 F CFA
Attendu que monsieur Virgile AGBOGBA sollicite la condamnation de Victor AMOUSSOU BESSANH au paiement de 3.750 000 F CFA, somme dont il serait redevable à son égard.
Attendu que dans la lettre qu’il a adressée à celui-ci le 02 septembre 2001, il écrit « j’ai été surpris que ta belle-mère Dada Foovi ne t’ont pas remis l’argent jusqu’à présent. Ils me doivent 3.750 000 F CFA (trois millions sept cent cinquante mille francs ».
Attendu qu’au soutien de son opposition, il expose qu’il ne se reconnaît pas débiteur.
Que c’est plutôt Victor AMOUSSOU BESSANH et ses beaux-parents, monsieur et madame COMBE qui lui doivent la somme de 3.750 000 F CFA au titre de diverses boissons alcoolisées communément appelées Sodabi.
Attendu par ailleurs qu’il ne produit aucune pièce justifiant la créance dont il s’agit.
Qu’il échet de le débouter de sa demande.
Sur les dommages intérêts
Attendu que monsieur Virgile AGBOGBA sollicite la condamnation de Victor AMOUSSSOU BESSANH à lui payer la somme de 2 000 000 F CFA au titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues.
Attendu que la preuve des préjudices qu’il aurait subis du fait de Victor AMOUSSOU BESSAN n’est pas rapportée au dossier.
Qu’il convient de la débouter également de cette demande.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile moderne et en premier ressort :
En la forme.
Déclare recevable monsieur Virgile AGBOGBA recevable en son opposition.
Au fond.
L’y déclare mal fondé.
Constate que les conditions requises par les articles 1er et 4 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ne sont pas remplies en la cause.
-Rétracte l’ordonnance d’injonction de payer n 993 / 2001du 05 décembre 2001.
Déboute monsieur Virgile AGBOGBA du surplus de ses demandes.
-Condamne monsieur Victor AMOUSSOU BESSSAH aux entiers dépens.
– le Président;
– le Greffier.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur
– Cette décision n’est que partiellement fondée ou mal motivée. La lettre du débiteur adressée à son créancier est un aveu de la part de son auteur :
– il reconnaît être débiteur, puisqu’il avait demandé à la belle-mère de son créancier de faire le règlement de sa dette pour son compte, par cession de créance; la créance est donc certaine.
il s’étonne que son créancier n’ait pas encore été payé; la créance est donc exigible.
– mais il n’est pas d’accord sur le montant, celui de 3 750 000 F mentionné dans sa lettre concernant sa propre créance contre les beaux-parents de son créancier et non celle de ce dernier; la créance n’est donc pas liquide.
C’est ce dernier caractère qui manquait à la créance pour justifier la procédure d’injonction de payer et le tribunal en a fait une application stricte.