J-06-156
SAISIE-ATTRIBUTION – CONTESTATION – DEMANDE DE MAINLEVEE – LITISPENDANCE.
Lorsque deux juridictions de degré différent et également compétentes sont simultanément saisies d’un litige identique, la juridiction inférieure doit se dessaisir au profit de la Cour d’Appel. Il doit en être ainsi d’une demande de saisie attribution introduite devant une juridiction de premier ressort alors que la décision sur laquelle elle est fondée a été frappée d’appel.
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1re CHAMBRE CIVILE MODERNE JUGEMENT N 59 / 03. 1ère CCIV du 18 juin 2003 La Compagnie caMAIR c/ Succession feu Roger Julien. GNIMASSOU et 4 autres.
LE TRIBUNAL.
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs déclarations.
Ouï le Ministère Public en son réquisitoire.
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date à Cotonou du 05 juillet 2002 de Maître Monique KOTCHOFA FAÏHUN, huissier de justice à Cotonou, la représentation de la Compagnie Aérienne Cameroun Airlines (caMAIR )en République du Bénin agissant en la personne de Madame Rita BELLO son représentant légal, assistée de Maître Victor Y. ADIGBLI, Avocat à la Cour ,a attrait devant le Tribunal de céans :
1) La succession de feu Roger Julien GNIMASSOU ,prise en la personne de ses représentants légaux, assistée de Maîtres Louis de caMPOS et Michel AGBINKO, Avocats à la Cour;
2) Veuve Geneviève GNIMASSOU et Veuve Rachidatou GNIMASSOU;
tous demeurant et domiciliées au carré 2240 Zogbo Cotonou;
assistées de Maître Michel AGBINKO et Séverin HOUNNOU, Avocats à la Cour.
4) La société BANK OF BENIN (BOA Bénin ) dont le siège social est à Cotonou Avenue Jean Paul II ,prise en la personne de son Directeur Général audit siège;
5) La société ECOBANK-Benin -SA, dont le siège st à Cotonou rue du Gouverneur BAYOl, prise en la personne de son Directeur demeurant audit siège;représentée à l’audience par Maître Agnès Campbell, Avocat à la Cour.
Pour :
En la forme.
S’entendre déclarer recevable en son action.
Au fond.
Voir constater que la caMAIR Bénin a entièrement libéré la somme de 45 millions à la quelle elle a été condamnée par la Cour d’Appel de Cotonou.
Voir constater que suivant exploit en date des 31mai et 03 juin 2002, saisie-attribution a cependant été opérée sur ses comptes banCAIREs.
Voir constater que ladite saisie-attribution a été pratiquée en violation des règles gouvernant la matière.
Voir constater que ladite saisie est en outre mal fondée.
En conséquence
voir annuler lesdites saisies avec toutes les conséquences de droit notamment la mainlevée immédiate sous astreinte comminatoire de 50 000 000 F par jour de résistance.
S’entendre dire et juger que le présent jugement sera commun à la BOA et ECOBANK.
Elle sollicite également l’exécution provisoire sur minute avant enregistrement nonobstant toutes voies de recours sans caution ni garantie de la présente décision.
A l’appui de son assignation, elle expose :
Que la Cour d’Appel de Cotonou par arrêt n 130 / 2001l’a condamnée solidairement avec la Compagnie d’assurances CHANAS Assurances à verser aux héritiers de feu Julien Roger GNIMASSOU la somme de.
45 000 000 F.
Qu’elle s’est déjà entièrement libéré de sa dette cependant que elle constate que ses comptes banCAIREs font encore l’objet de saisie-attribution de la part de ces héritiers.
Que cette saisie qui porte gravement atteinte à ses intérêts manque de base légale et présente un caractère frustratoire.
En réplique, la BOA-Bénin ,par l’organe de son conseil, sollicite qu’il plaise au tribunal de céans :
-Constater qu’elle est tiers saisi au regard de la saisie-attribution pratiquée.
-Constater qu’elle a agi en cette qualité conformément aux dispositions des articles 38 alinéa 1, et 2 et 161de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution.
En conséquence, la mettre hors de cause.
Elle développe au soutien de ses prétentions :
Qu’au moment de la saisie-attribution des 31mai et 03 juin 2002 elle a satisfait à ses obligations légales.
Qu’à une instance de contestation de saisie-attribution, le tiers saisi n’est appelé que pour se voir opposer la décision à intervenir.
Quant à la succession de feu Julien Roger GNIMASSOU, elle sollicite par l’organe de ses conseils qu’il plaise au tribunal de céans :
-Constater qu’il y a identité de parties, d’objet et de cause entre la procédure en date du 11 juin 2002 ayant donné lieu au jugement en date du 05 juillet 2002 et la présente.
-Constater que ce jugement a été frappé d’appel et la cause actuellement pendante devant la Cour d’Appel de Cotonou.
Dire et juger que relativement aux demandes dont la caMAIR a saisi le tribunal de céans, il y a chose jugée.
A l’appui de ses prétentions, elle soulève l’irrecevabilité de l’action de la caMAIR et développe :
Que les assignations des 11 juin 2002 et 05 juillet 2002 présentent une triple identité de parties d’objet et de cause.
Que le plaideur qui a succombé ne peut plus engager une nouvelle instance pour obtenir d’une manière directe ou indirecte ce qu’un premier jugement lui a refusé.
Que relativement aux demandes portées devant le tribunal de céans, il y a chose jugée.
Pour sa part, la veuve Rachidatou GNIMASSOU par l’organe de son conseil sollicite qu’il plaise au tribunal de céans :
En la forme
-Recevoir la caMAIR en son action.
Au fond.
-Constater que le débat sur le mal fondé de la saisie-attribution est pendant devant la Cour d’Appel de Cotonou.
-Ordonner en conséquence par jugement avant-dire droit le sursis à statuer jusqu’à la décision de ladite cour à intervenir.
Elle justifie ses prétentions en développant.
Que par l’instance introduite par exploit en date du 11 juin 20002 la caMAIR a implicitement mais nécessairement élevé une contestation sur la saisie-attribution du 31mai 2002.
Que statuant sur cette contestation, le tribunal a rendu une ordonnance de référé qui a renvoyé la caMAIR devant le juge du fond.
Qu’appel ayant été relevé de ladite ordonnance, l’entièreté du débat sur le mal fondé de la saisie-attribution est déjà soumis à la Cour d’Appel en raison de l’effet dévolutif de l’appel.
Que la juridiction ne peut statuer en l’état sans interférer sur ce débat.
Qu’au demeurant les demandes de la caMAIR, objet de la présente instance ne sont pas irrecevable.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que tant la caMAIR, la succession de feu Julien Roger GNIMASSOU que la BOA, ont versé au dossier diverses pièces par l’organe de leurs conseils respectifs.
Attendu qu’il résulte de l’exposé des faits de la présente espèce et de l’examen desdites pièces que c’est le décès de Julien Roger GNIMASSOU survenu en 1995 à la suite du crash d’un avion de la caMAIR qui est à l’origine des procédures judiciaires opposant les parties.
Que depuis lors, quatre décisions de justice ont déjà été rendues dont :
celle de la Cour d’Appel n 130 / 2001en date du 10 mai 2001.
celle n 10/ 2ème C.CIV du Tribunal de Première Instance de Cotonou en date du 23 janvier 2002 et.
celle n 043 / 3ème C.CIV / 02 du Tribunal de Première Instance de Cotonou du 05 juillet 2002.
Attendu que c’est cette dernière décision qui est à l’origine de la présente instance.
Qu’en effet, pour obtenir la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes banCAIREs en date des 31mai et 03 juin 2002, la caMAIR a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou, l’ordonnance à pied de requête n 521/ 2002 l’autorisant à assigner en abréviation de délai et à jour fixe devant ladite juridiction les mêmes défenderesses que celles figurant à la présente instance.
Qu’ainsi, assignation à jour fixe leur a été donnée par exploit en date du 11 juin 2002 d’avoir à comparaître devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou statuant en matière civile pour l’audience du vendredi 14 juin 2002 comme fixé dans l’ordonnance dont il s’agit.
Attendu qu’à l’issue de cette instance ,il a été rendu la décision n 043 / 3ème / C.CIV. / 02 laquelle a été qualifiée ‘‘ordonnance de référé ‘‘.
Attendu que cette décision qui devait se prononcer sur le mérite des demandes de la caMAIR a renvoyé celle-ci devant le juge du fond.
Que la caMAIR a dû relever appel de cette décision par exploit en date du 19 juillet 2002.
Que c’est du dossier de cette procédure que la Cour d’Appela été saisie.
Attendu que caMAIR a également cru devoir introduire la présente procédure au moyen d’une assignation en contestation de saisie-attribution en date du 05 juillet 2002 qui apparaît comme une conséquence de la décision n 043 / 3ème C.CIV. / 02 du 05 juillet 2002 laquelle a prononcé son renvoi devant le juge du fond.
Attendu qu’à l’analyse ,il ressort de tout ce qui précède qu’un litige identique est simultanément porté devant le tribunal de céans et à la Cour d’appel.
Qu’en effet :
Il y aune parfaite identité de parties dans les instances protées devant ces deux juridictions distinctes et de degré différent, mais également compétentes chacune en ce qui la concerne.
Il y aune identité d’objet en ce qui concerne les prétentions qui leur sont soumises en ce qu’elles visent notamment la mainlevée de la saisie-attribution des 31mai et 03 juin 2002.
Il y aune identité de fait générateur en ce que les deux demandes pendantes procèdent des mêmes faits et de la même cause : la caMAIR soutient que la saisie-attribution pratiquée manque de base légale puis qu’elle s’est déjà libérée de sa dette.
Il y aune identité de fondement juridique en ce que les deux demandes sont relatives à une contestation de la saisie-attribution en cause.
Attendu que cette situation présente toutes les caractéristiques de la litispendance entre deux juridictions de degré différent.
Attendu que dans pareille situation, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer.
Attendu que l’exception de chose jugée n’est pas non plus fondée en ce que la Cour d’Appela été saisie après la reddition de la décision n 043 / 3ème C.CIV / 02 du 05 juillet 2002.
Attendu que lorsque deux juridictions de degré différent et également compétentes sont simultanément saisies d’un litige identique, la juridiction inférieure doit se dessaisir au profit de la Cour d’Appel.
Attendu que cette solution est constante en doctrine et en jurisprudence et qu’elle participe d’une bonne administration de la justice.
Que donc la juridiction de céans doit se dessaisir, étant de degré inférieur.
Qu’il n’y a pas lieu par conséquent de statuer sur les autres moyens et demandes des parties.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile moderne et en premier ressort :
Constate qu’il y a litispendance.
Se dessaisit par conséquent au profit de la Cour d’Appel.
Condamne la caMAIR aux entiers dépens.
– le Président;
– le Greffier.