J-06-160
BAILCOMMERCIAL – PROCEDURE D’EXPULSION – ABSENCE DE MISE EN DEMEURE PREALABLE – ARTICLE 101AUDCG –caRACTERE D’ORDRE PUBLIC – VIOLATION – INFIRMATION DE LA DECISION DU PREMIER JUGE ORDONNANT L’EXPULSION.
Faits : Monsieur Mohamad Aref HARIRIa interjeté appel contre l’ordonnance rendue le 10 décembre 2001dans le litige qui l’opposait au sieur FONKA.
Sieur Mohamad Aref HARIRI évoque au soutien de son appel, la violation de l’article 101de l’Acte uniforme portant droit commercial général. En effet, sieur Mohamad Aref HARIRI allègue que sieur FONKAarésilié le contrat de bail qui les liait et a obtenu son expulsion sans respecter la condition de mise en demeure prévue par l’article sus-évoqué. Il demande donc l’infirmation de l’ordonnance suscitée, ce d’autant plus qu’aux termes de l’article 102 de l’Acte uniforme précité, les dispositions de l’article 101sont d’ordre public.
A ces allégations, sieur FONKA répond en soutenant qu’une mise en demeure ayant abouti à une expulsion a été servie à Monsieur Mohamad Aref HARIRI le 15 mai 2001, et que les arguments avancés par ce dernier sont basés sur le mensonge.
Solution des juges : Les juges d’appel ont fait droit à la demande de Monsieur Mohamad Aref HARIRI. Ils ont constaté qu’il y avait effectivement violation de l’article 101de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, en ce que la procédure d’expulsion de Monsieur FONKA n’a pas été précédée d’une mise en demeure et que les dispositions de l’article 101sont d’ordre public. Ils ont infirmé la décision d’instance.
Cour d’Appel du Littoral à Douala Arrêt n 58/REF du 21avril 2003, Mohamed AREF HARIRI contre FONKA Louis.
République du Cameroun.
Paix. Travail. Patrie.
2002 2003.
Audience du 21avril 2003.
La Cour d’Appel du Littoral à Douala, siégeant en matière civile et commerciale en son audience publique tenue au Palais de Justice de ladite ville, le vingt et un avril deux mille trois à huit heures trente du matin, et en laquelle siégeait Monsieur MAMA TSALA François, Chevalier de l’Ordre de la Valeur, Vice Président de la Cour d’Appel du Littoral à Douala, Président.
Avec l’assistance de Madame Marguerite MEFANTE, Greffier.
A rendu l’arrêt suivant dans la cause.
ENTRE :
– Monsieur Mohamad AREF HARIRI, demeurant à Douala, lequel fait élection de domicile au cabinet NYEMB Jacques, Avocat au Barreau du Cameroun.
Appelant, comparant et plaidant par ledit Conseil.
d’une part.
ET.
– Monsieur FONKA Louis, lequel fait élection de domicile au cabinet de Maître TCHAMO MAFETGO Clémence, Avocat au Barreau du Cameroun.
Intimé, comparant et plaidant par ledit Conseil.
d’autre part.
POINT DE FAIT :
Le 10 décembre 2001, intervenait dans la cause pendante entre les parties, une ordonnance n 323 rendue par le Tribunal de Première Instance de Douala, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé, en premier ressort, et après avoir délibéré conformément à la loi.
AU PRINCIPAL :
– Renvoyons les parties à se pourvoir, ainsi qu’elles en aviseront.
Mais dès à présent, vu l’urgence :
– Constatons que le contrat liant FONKA Louis à Mohamad Aref HARIRI,a été enregistré.
– Constatons la résiliation de plein droit de ce contrat, pour défaut de paiement de plusieurs termes de loyer et d’inexécution d’autres clauses du contrat.
– Ordonnons en conséquence, l’expulsion du défendeur des lieux loués, tant de corps, de biens, que de tous occupants de son chef.
– Disons notre ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement.
– Condamnons le défendeur aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les mêmes jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le Juge qui l’a rendue et le Greffier.
Par requête en date du 21janvier 2002 adressée à Monsieur le Président de la Cour d’Appel du Littoral à Douala et enregistrée au Greffe de ladite Cour le 22 janvier 2002 sous le n 616, le sieur Mohamad Aref HARIRI, demeurant à Douala, lequel fait élection de domicile au cabinet NYEMB, Avocat à Douala, BP 4163.
A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER, MONSIEUR LE PRESIDENT :
Qu’il entend par les présentes, interjeter appel contre l’ordonnance de référé de Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala, rendue le 10 décembre 2001, dans la cause l’opposant à Monsieur FONKA Louis, et dont le dispositif est conçu ainsi qu’il suit :
PAR CES MOTIFS
– Constatons la résiliation de plein droit de ce contrat, pour défaut de paiement de plusieurs termes de loyer et d’inexécution d’autres clauses du contrat.
– Ordonnons en conséquence, l’expulsion du défendeur, des lieux loués, tant de corps, de biens, que de tout occupant de son chef.
– Disons notre ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement.
Que le présent appel est fait des les forme et délai de la loi, l’ordonnance dont s’agit n’ayant pas été signifiée à ce jour.
Qu’au fond, ladite ordonnance encourt nécessairement infirmation, l’expulsion ordonnée par le premier Juge l’ayant été en violation des articles 101et 102 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général.
Attendu en effet qu’aux termes des dispositions de l’article 101de l’Acte uniforme susvisé de l’OHADA :
« Le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail ».
A défaut de paiement du loyer ou encas d’inexécution d’un clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente, la résiliation du bail et l’expulsion du preneur, et de tout occupant de son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail.
Cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article, et informer le preneur qu’à défaut de paiement ou de respect des clauses et conditions du bail dans un délai d’un mois, la résiliation sera poursuivie.
Le bailleur qui entend poursuivre la résiliation du bail dans lequel est exploité un fonds de commerce doit notifier sa demande aux créanciers inscrits.
Le jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits.
Qu’il en découle explicitement que la résiliation du bail et l’expulsion subséquente du locataire est subordonnée à la notification à ce dernier, d’une mise en demeure reproduisant, à peine de nullité, les dispositions susvisées de l’Acte uniforme n 1de l’OHADA.
Que tel n’est pas le cas en l’espèce, la procédure d’expulsion précipitamment engagée par sieur FONKA Louis n’ayant été précédée d’aucune mise en demeure au sens des dispositions de l’article 101de l’Acte uniforme n 1de l’OHADA.
Qu’il y adonc lieu d’infirmer l’ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions, alors surtout qu’aux termes de l’article 102 de l’Acte uniforme n 1de l’OHADA, les dispositions de l’article 101sus-évoqué sont d’ordre public.
Qu’évoquant et statuant à nouveau, il écherra de déclarer l’action de sieur FONKA Louis irrecevable, conformément à une jurisprudence constante; (cf. Aff. Dame RUSTICO c/ BENGYELLA Vincent FEH, ordonnance de référé du 28 juin 2000).
PAR CES MOTIFS.
– Recevoir le requérant en son appel comme fait dans les forme et délai de la loi.
– L’y dire fondé.
– Infirmer par conséquent, l’ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions.
Evoquant et statuant à nouveau :
– Voir constater que la procédure d’expulsion entreprise n’a pas été précédée d’une notification, tel que prévu par les dispositions d’ordre public de l’article 101de l’Acte uniforme n 1de l’OHADA.
– Déclarer par conséquent, l’action de sieur FONKA Louis irrecevable, conformément à une jurisprudence constante.
– Condamner sieur FONKA Louis aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jacques NYEMB, Avocat aux offres de droit.
Sous toutes réserves.
Par ordonnance de fixation de date n 213/RG/01-02 en date du 14 février 2002, le Président de la juridiction saisie donnait acte à Mohamad Aref HARIRI, de la présentation de sa requête d’appel; disait qu’avis desdites requête et ordonnance sera donné aux parties par le Greffier en Chef de la Cour; fixait au 11/02/2002 la date limite de production des défenses, et au 18/0/2002, celle de l’audience à laquelle la cause sera appelée.
La cause, sur cette notification régulièrement inscrite au rôle de la Chambre Civile sous le n 238/RG/02-03, fut appelée à l’audience fixée, et après renvois utiles.
Monsieur le Président a fait le rapport.
Le Conseil de l’appelant a sollicité de la Cour, l’adjudication de ses conclusions, dont les dispositifs suivent :
PAR CES MOTIFS
(conclusions du 14 juin 2002)
– Voir constater que la « sommation de payer et de quitter » du 15 mai 2001constitue manifestement un faux.
– Voir constater que les mentions d’enregistrement apposées sur le contrat de location gérance litigieux sont également fausses.
– Voir constater que compte tenu de tout ce qui précède, Monsieur Mohamad Aref HARIRIasaisi le Procureur de la République d’une plainte avec constitution de partie civile, à l’encontre de sieur FONKA Louis, pour faux, usage de faux et fabrication de preuve.
– Voir constater en outre, que la descente invoquée par le Premier Juge est nécessairement fictive, en l’absence d’un quelconque procès-verbal de descente indiquant les date et heure de ladite descente.
– Adjuger au concluant, l’entier bénéfice de ses précédentes et présentes écritures.
Sous toutes réserves.
(conclusions du 26 septembre 2002).
– Voir constater que sieur FONKA Louis ne méconnaît pas la procédure aux fins de fixation d’indemnité préalable d’éviction actuellement pendante devant le Tribunal de Grande Instance de Douala, pas plus que ce dernier n’en conteste les effets.
– Voir constater en outre, qu’il est pour le moins curieux, que la descente sur le terrain alléguée ait été effectuée par le Juge ONANA, alors pourtant que tous les débats se sont déroulés devant Madame OGOLONG, laquelle a, du reste, rendu la décision dont appel.
– Voir constater surabondamment, que suivant arrêt en date du 11 septembre 2002, Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de céans a ordonné les défenses à exécution de l’ordonnance attaquée, en constatant que ladite ordonnance ne repose sur aucune base légale.
– Adjuger au concluant, l’entier bénéfice de ses précédentes et présentes écritures.
Sous toutes réserves.
(conclusions du 15 février 2003).
Le Conseil de l’intimé a également sollicité de la Cour, l’adjudication de ses conclusions, dont les dispositifs suivent :
PAR CES MOTIFS
(conclusions du 18 mars 2002).
– Constater qu’une mise en demeure a été servie en bonne et due forme le 15 mai 2001(pièce n 12).
– Constater que depuis le début de cette procédure, fondée entre autres sur le défaut du paiement du loyer, c’est-à-dire depuis le 15 mai 2001, date de la mise en demeure, ce locataire n’a jamais versé un seul franc à son bailleur; qu’il préfère multiplier les procédures dilatoires et changer de Conseil, à qui il dissimule les actes posés en instance.
– Constater une fois de plus, la mauvaise foi caractérisée du sieur Mohamad Aref HARIRI, qui veut se maintenir illégalement sur les lieux, pour non seulement accumuler le maximum d’arriérés de loyer, mais aussi détruire et dilapider tout le matériel du sieur FONKA.
– Dire et juger que la Cour d’Appel ne saurait accéder aux prétentions malveillantes d’un locataire, non seulement indélicat, mais aussi de très mauvaise foi.
EN CONSEQUENCE.
– Confirmer l’ordonnance de référé dont s’agit, en toutes ses dispositions.
– Condamner sieur Mohamad Aref HARIRI aux dépens dont distraction au profit de Maître TCHAMO MAFETGO Clémence, Avocat aux offres de droit.
Sous toutes réserves.
(conclusions du 19 août 2002).
– Constater qu’il ressort de l’assignation ayant abouti à l’expulsion du sieur Mohamad, le 10 décembre 2001, qu’une mise en demeure a été servie le 15 mai 2001.
– Constater qu’une descente a été effectuée au Centre des Impôts de Douala, en présence du Juge ONANA, du Greffier en la personne de Madame SOMcatherine, du Chef de Centre des Impôts, du premier Conseil du sieur Mohamad, des Conseils du sieur FONKA Louis.
– Dire et juger que les moyens avancés par sieur Mohamad pour solliciter la mesure de défense à exécution, sont fondés sur du mensonge.
– Dire et juger que la fraude corrompt tout.
EN CONSEQUENCE.
– Adjuger au concluant, le bénéfice de ses précédentes écritures.
Sous toutes réserves.
(conclusions du 20/01/2003).
Sur quoi, les débats ont été déclarés clos et l’affaire mise en délibéré, pour arrêt être rendu le 21avril 2003.
Advenue ladite audience, la Cour, vidant son délibéré a rendu à haute voix, par l’organe de son Président, l’arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Considérant que par requête en date du 22 janvier 2002 enregistrée au Greffe de la Cour d’Appel de céans, le même jour, sous le n 616, Mohamad Aref HARIRI, demeurant à Douala, ayant élu domicile au cabinet NYEMB, Avocats, BP 4163 Douala, a interjeté appel contre l’ordonnance de référé de Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala, rendue le 10 décembre 2001, et dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
– Constatons la résiliation de plein droit de ce contrat, pour défaut de paiement de plusieurs termes de loyer et d’inexécution d’autres clauses du contrat.
– Ordonnons en conséquence, l’expulsion du défendeur, des lieux loués, tant de corps, de biens, que de tout occupant de son chef.
– Disons notre ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement.
Considérant qu’au soutien de son appel, le requérant évoque les violations des dispositions des articles 101et 102 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général, desquelles il découle explicitement que la résiliation du bail et l’expulsion subséquente du locataire est subordonnée à la notification à ce dernier, d’une mise en demeure reproduisant, à peine de nullité, les dispositions susvisées de l’Acte uniforme n 1de l’OHADA.
EN LA FORME
Considérant que le présent appela été interjeté avant signification de l’ordonnance querellée; qu’il échet de le déclarer recevable.
Au fond
Considérant qu’il résulte de l’article 101susvisé de l’Acte uniforme de l’OHADA, que l’expulsion d’un locataire qui ne paie pas ses loyers et ne respecte pas les clauses et conditions du bail, ne peut intervenir qu’à l’issue d’un mois après une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail.
Mais, considérant dans le cas d’espèce, que la procédure d’expulsion précipitamment engagée par sieur FONKA Louis n’a pas été précédée d’une mise en demeure au sens des dispositions susvisées, qui sont d’ordre public.
Qu’il échet donc de déclarer MOHAMAD AREF HARIRI fondé en son appel et d’infirmer l’ordonnance entreprise.
Considérant qu’il échet de statuer après évocation de déclarer irrecevable l’action engagée par FONKA Louis et de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale et en dernier ressort.
EN LA FORME
– Déclare recevable l’appel interjeté.
– L’y dit fondé.
– Infirme l’ordonnance critiquée.
Evoquant et statuant à nouveau :
– Déclare irrecevable l’action engagée par FONKA Louis.
– Le condamne aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi le présent arrêta été signé par le Président et le Greffier approuvant.