J-06-162
VOIES D’EXECUTION – CREANCE ETEINTE PAR PAIEMENT NON CONTESTE – MAINLEVEE DE LA SAISIE.
Faits : La société SOCARETa interjeté appel pour obtenir réformation du jugement du 04 novembre 1999 rendu par le Tribunal de Première Instance de Yaoundé, dans la cause l’opposant à Dame FOUDA; jugement qui l’a déboutée de son opposition formée contre le jugement du 10 octobre 1996 rendu par le même Tribunal.
Au soutien de son action, la SOCARET prétendait que le premier juge avait statué ultra petita en prononçant des condamnations à son encontre, ainsi que la restitution des biens saisis en exécution de l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 12 août 1992 et revêtue de la formule exécutoire; que par ailleurs, selon la loi n 89/021du 29 décembre 1989 modifiée par celle du 05 août 1996, la seule voie de recours contre cette ordonnance d’injonction de payer était le contredit.
En réponse à ces allégations, dame FOUDA soutenait que l’ordonnance d’injonction de payer ne lui avait jamais été signifiée et que c’était à cause de cela qu’elle en avait demandé nullité. Qu’en outre, le juge n’avait pas statué ultra petita, car la créance consacrée dans l’ordonnance d’injonction de payer était éteinte et ne pouvait donner lieu à aucune exécution forcée.
Solution des juges : Les juges d’appel ayant constaté la contrariété entre les motifs et le dispositif du jugement rendu le 10 octobre 1996 en faveur de dame FOUDA, l’ont annulé. Ils ont évoqué et statué de nouveau. Considérant le fait que la SOCARET n’a pas contesté le paiement par dame FOUDA de sa dette en recouvrement de laquelle la saisie querellée a été pratiquée, ils ont ordonné la mainlevée de la saisie exécution faite au préjudicie de dame FOUDA, ordonné la restitution du véhicule saisi et condamné la SOCARET à lui payer 200 000 francs en réparation du préjudice subi.
Cour d’appel du Centre à Yaoundé, arrêt n 289/CIV du 23 avril 2003, Société SOCARET SARL contre Dame FOUDAcatherine.
République du Cameroun.
Paix. Travail. Patrie.
Cpte n 625P/2002-2003.
Audience civile du 23 avril 2003.
La Société SOCARET SARL.
(Me MEKIAGE).
contre.
Dame FOUDAcatherine.
(Me DAOUDA).
La Cour d’Appel du Centre, siégeant en matière civile et commerciale, en la salle ordinaire de ses audiences, sise au Palais de Justice de Yaoundé, laquelle se tenait le mercredi vingt-trois avril deux mil trois, par :
– Madame TCHOUATCHA Yvette, Vice Président de la Cour d’Appel du Centre, Président.
– Monsieur MENGANG Salomon, Conseiller à la Cour d’Appel du Centre, Membre.
– Monsieur ANABA MBO Alexandre, Conseiller à la Cour d’Appel du Centre, Membre.
Assistés de Maître DOUMBE Jeanne Noëlle, Greffier tenant la plume.
A rendu l’arrêt suivant :
Entre :
– La Société SOCARET SARL, ayant élu domicile en l’Étude de Maîtres BALEMAKE et MEKIAGE, Avocats à Yaoundé, appelante, comparant et plaidant par lesdits Conseils.
d’une part.
Et.
– Dame NSENG FOUDAcatherine, domiciliée à Yaoundé, ayant pour Conseil Maître DAOUDA, Avocat au Barreau du Cameroun, intimée, comparant et plaidant par ledit Conseil.
d’autre part.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts des parties en cause, mais sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
POINT DE FAIT.
Le 04 novembre 1999, intervenait entre les parties en cause, un jugement civil n 136, rendu par le Tribuna1de Première Instance de Yaoundé, dont le dispositif suit :
PAR CES MOTIFS
– Reçoit la SOCARET en son opposition.
– L’y dit mal fondée.
– L’en déboute.
– La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus.
Et signent sur la minute de la présente décision, le Président et le Greffier, approuvant _ lignes et _ mots rayés nuls, ainsi que _ renvois en marge bons.
Suivent les signatures, ensuite se trouve la mention d’enregistrement.
Signé illisible.
Par requête en date du 23 novembre 2000, enregistrée au Greffe le 27 novembre 2000 sous le numéro 429, la Société SOCARET SARL déclarait ce qui suit :
Qu’elle interjette appel du jugement civil n 136 rendu le 04 novembre 1999 par le Tribunal de Première Instance de Yaoundé statuant sur opposition à jugement de défaut, dans la cause qui oppose la requérante à Dame FOUDA.
C’EST POURQUOI, ELLE SOLLICITE QU’IL VOUS PLAISE, MONSIEUR LE PRESIDENT.
– Lui donner acte du dépôt de sa présente requête.
– Fixer la date à laquelle l’intimée produira ses défenses, et celle à laquelle la cause sera appelée à l’audience.
– Dire que du tout, il sera donné avis aux parties, par Monsieur le Greffier en Chef.
Advenue laquelle audience, la requérante conclura qu’il plaise à la Cour :
EN LA FORME
Attendu que le présent appel est régulier, comme fait dans les forme et délai de la loi.
Au fond
1.-/ Le jugement attaqué sera nécessairement infirmé, pour mauvaise appréciation des faits de la cause.
En effet, comme la Cour de céans le constatera, à l’examen du dossier d’instance, le Tribunal a été saisi pour prononcer la nullité de la procédure d’injonction de payer menée par la SOCARET au préjudice de Dame FOUDA.
Attendu que le Tribunal de Première Instance statuant sur opposition à jugement de défaut, a fait droit à cette demande déclarant la requérante fondée en son opposition et en l’en déboutant par jugement n 136 du 04 novembre 1999.
Or, il est définitivement établi en droit, que la seule voie de recours contre une ordonnance d’injonction de payer est l’opposition, pour les procédures engagées après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme OHADA, sur les procédures engagées avant, comme c’est le cas en l’espèce.
Qu’ainsi, aux termes de la loi n 89/021du 29 décembre 1989 modifiée par la loi n 96/10 du 05 août 1996, la procédure d’injonction de payer est une procédure spéciale qui impose aux plaideurs, le respect d’un formalisme spécial pour assurer la mise en valeur et la défense de leurs droits.
Cette loi n’a prévu nulle part que, contre l’ordonnance d’injonction de payer, le débiteur assignera le créancier en nullité.
En saine science juridique, le Tribunal de Première Instance de Yaoundé se devait de constater l’irrecevabilité de la demande de Dame FOUDA.
2.-/ Le jugement attaqué a également statué ultra petita, en prononçant des condamnations contre la requérante, ainsi que la restitution des biens saisis, sous astreinte de 20 000 FCFA par jour de retard, alors qu’il résulte clairement de l’exploit introductif d’instance, que le Tribunal avait été saisi pour prononcer uniquement la nullité de la procédure d’injonction de payer (cf. dispositif de l’assignation, qui seule, lie le Juge).
3.-/ Il échet donc, au regard de ce qui précède, d’infirmer le jugement n 136 du 04 novembre 1999 attaqué.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
– Recevoir la requérante en son appel, comme fait dans les forme et délai de la loi.
Au fond
– Constater que le premier Juge a statué ultra petita en prononçant des condamnations contre la requérante, ainsi que la restitution des biens saisis, sous astreinte de 20 000 FCFA par jour de retard, alors qu’il avait été saisi pour prononcer la nullité de la procédure d’injonction de payer.
– Voir, en conséquence, annuler le jugement entrepris.
EVOQUANT ET STATUANTaNOUVEAU :
Vu l’ordonnance d’injonction de payer n 1894 rendue le 12 août 1992 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé, dûment en forme exécutoire.
Vu les dispositions de la loi 89/021du 29 décembre 1989 modifiée par la loi n 96/10 du 05 août 1996.
– Voir dire et juger que l’apposition de la formule exécutoire sur une ordonnance d’injonction de payer rend impossible tout recours contre ladite ordonnance.
– Voir au surplus, constater que la loi prévoit comme recours contre une ordonnance d’injonction de payer, l’opposition, pour les procédures engagées après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, et le contredit, pour les procédures engagées avant, comme c’est le cas en l’espèce.
– Constater que l’action en nullité de Dame FOUDA n’est pas le contredit prévu par la loi contre l’ordonnance d’injonction de payer n 1894 du 12 août 1992.
– Voir donc déclarer Dame FOUDA NSENGcatherine irrecevable en son action tendant à voir annuler la procédure d’injonction de payer entreprise par la SOCARET Sarl, en son encontre.
– Voir la condamner aux dépens distraits au profit de Maître MEKIAGE, Avocat aux offres de droit.
Sous toutes réserves.
PROFONDS RESPECTS.
Signé illisible.
Par ordonnance en date du 29 août 2001, le Président de la Cour donnait acte de dépôt de sa requête à la Société SOCARET Sarl, ordonnant la communication par Monsieur le Greffier en Chef :
1 / à l’intimée, de ladite requête, ainsi que la présente ordonnance.
2 / à l’appelante, de la présente ordonnance.
– Fixait au 19 septembre 2001, 1a date de l’audience à laquelle la cause sera appelée devant la Cour.
La cause, ainsi notifiée, a été appelée en ordre utile à l’audience fixée ci-dessus, et après des renvois utiles, elle a été retenue à celle du 24 juillet 2002.
Le Président a fait le rapport de l’affaire.
Auparavant, à l’audience du 20 mars 2002, Me Daouda NKOUONJOM, Conseil de l’intimée, a produit des conclusions dont le dispositif suit :
PAR CES MOTIFS
PLAISEaLA COUR.
– Recevoir la Société SOCARET en son appel.
– L’y dire non fondée.
– Dire et juger que le premier Juge a fait une saine application de la loi.
– Confirmer purement et simplement le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
– Condamner la Société SOCARET aux dépens dont distraction au profit de Maître Daouda NKOUONJOM, Avocat aux offres de droit.
Et ce sera justice.
Sous toutes réserves.
Signé illisible.
Sur quoi, l’affaire, mise en délibéré à l’audience susvisée pour le 25 septembre 2002, le délibéré a été rabattu à cette audience, et l’affaire a subi des renvois, pour production d’une expédition du jugement, frappé d’opposition.
L’affaire, de nouveau mise en délibéré pour le 26 mars 2003, puis prorogée au 23 avri12003, la Cour, vidant son délibéré à cette dernière audience, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Vu le jugement n 12/Civ. rendu le 10 octobre 1996 par le Tribunal de Première Instance de Yaoundé.
Vu l’opposition formée par la Société SOCARET suivant exploit du 22 avril 1997.
Vu le jugement sur opposition n 136/Civ. rendu le 04 novembre 1999 par le même Tribunal.
Vu la requête d’appel en date du 23 novembre 2000 de la Société SOCARET.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs conclusions respectives.
Ouï Madame le Président du siège en la lecture de son rapport.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que toutes les parties ont régulièrement été représentées par leurs Conseils respectifs, qui ont conclu qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard.
Considérant que par requête en date du 23 novembre 2000, reçue au Greffe le 27 suivant et enregistrée sous le numéro 429, la Société SOCARET Sarl, agissant poursuites et diligence de ses représentants légaux, et ayant pour Conseil Maître Michel MEKIAGE, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 13412 Yaoundé, s’est pourvue en réformation du jugement n 136/Civ. rendu 1e 04 novembre 1999 par le Tribunal de Première Instance de Yaoundé, lequel, statuant dans la cause qui l’oppose à Dame NSENG FOUDA, l’a débouté de son opposition formée contre le jugement n 12/Civ. du 10 octobre 1996 du même Tribunal, ayant donné mainlevée de la saisie pratiquée.
– Ordonné la restitution du véhicule 1itigieux, sous astreinte de 20 000 francs par jour de retard.
– Condamné la SOCARET Sarl à payer la somme de 2 000 000 de francs à Dame NSENG FOUDA, à titre de dommages intérêts.
– Dit n’y avoir 1ieu à exécution provisoire.
Considérant que cet appel est régulier, pour être intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi; qu’il convient de le recevoir.
Au fond
Considérant que la SOCARET reproche au premier Juge d’avoir statué ultra petita, en prononçant des condamnations à son encontre, ainsi que la restitution, sous astreinte, des biens saisis en exécution de l’ordonnance d’injonction de payer n 1894 rendue le 12 août 1992 et revêtue de la formule exécutoire, qui rend impossible tout recours contre ladite ordonnance.
Qu’en outre, la loi n 89/021du 29 décembre 1989 modifiée par celle n 96/10 du 05 août 1996 portant sur le recouvrement simplifié des créances, ne prévoit qu’une seule voie de recours contre une ordonnance d’injonction de payer, qu’est le contredit.
Que pour avoir demandé la nullité de la procédure d’injonction de payer, le premier Juge aurait dû déclarer cette demande irrecevable; qu’en statuant comme il l’a fait, il a plutôt statué sur ce qui ne lui a pas été demandé.
Considérant que pour faire échec aux moyens articulés par la SOCARET, NSENG FOUDA, sous la plume de son Conseil Maître Daouda NKOUONJOM, relève qu’elle n’a jamais été signifiée d’aucun acte de procédure d’injonction de payer.
Qu’usant de fraude, la SOCARETaextorqué l’apposition de la formule exécutoire, raison pour laquelle elle a saisi le premier Juge en nullité de l’ordonnance d’injonction de payer litigieuse.
Qu’en plus de cette nullité, elle a sollicité du même Juge, la mainlevée de la saisie opérée, et la restitution subséquente du véhicule saisi.
Que le Juge, ayant répondu favorablement aux demandes formulées, il n’a pas statué ultra petita, mais bien au contraire, a constaté que les frais de réparation dus à la SOCARET ont été entièrement payés à concurrence de la somme reconnue, à savoir 346 000 francs.
Qu’en conséquence, la créance consacrée dans l’ordonnance d’injonction de payer étant éteinte, aucune exécution forcée ne pouvait être légalement entreprise.
Considérant qu’en déboutant la SOCARET de son opposition, le premier Juge a restitué au premier jugement, toute sa portée.
Que pourtant, une lecture attentive de celui-ci met à l’évidence une contrariété entre les motifs et le dispositif, quant au montant de l’indemnisation allouée à Dame NSENG FOUDA; qu’il convient d’infirmer le jugement entrepris et de statuer à nouveau.
Considérant que la contrariété ci-dessus caractérisée par la violation des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n 72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire de l’Etat; qu’il y a lieu d’annuler le jugement n 12 rendu le 10 octobre 1996 par le Tribunal de Première Instance de Yaoundé, d’évoquer la cause et de statuer à nouveau.
Considérant que la SOCARET n’a pas contesté le paiement par Dame NSENG FOUDA, de sa dette en recouvrement, de laquelle la saisie querellée a été pratiquée.
Que cette dette étant ainsi éteinte, ladite saisie ne se justifie plus; qu’il convient d’en ordonner la mainlevée, ainsi que la restitution du véhicule saisi.
Considérant que NSENG FOUDAasubi un préjudice moral certain, du fait de cette saisie; que la Cour dispose d’éléments d’appréciation suffisants pour évaluer à 200 000 francs, la juste indemnité réparatrice dudit préjudice, et condamner la SOCARET à lui payer ladite somme.
Considérant que Maître BIYIK, Huissier de Justice ayant diligenté la saisie querellée n’a commis aucune faute.
Qu’il y a lieu de le mettre hors de cause.
Considérant que la partie qui succombe supporte les dépens.
Qu’il convient de les laisser à la charge de la SOCARET, distraits au profit de Maître Daouda NKOUONJOM, Avocat aux offres de droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l’égard des parties, en matière civile et commerciale et en dernier ressort.
EN LA FORME
– Reçoit l’appel interjeté.
Au fond
– Infirme le jugement rendu sur opposition.
Statuant à nouveau :
– Constate la contrariété des motifs et du dispositif quant au montant des dommages intérêts alloués à Dame FOUDA.
– Annule en conséquence, le jugement n 12 rendu le 10 octobre 1996.
Évoquant et statuant à nouveau :
– Ordonne la mainlevée de la saisie exécution pratiquée au préjudice de Dame MSENG FOUDA.
– Ordonne en conséquence la restitution du véhicule saisi.
– Condamne la SOCARET à payer à Dame NSENG FOUDA, la somme de 200 000 francs en réparation du préjudice moral subi.
– Met hors de cause Maître BIYIK et la Société SOCOP.
– Laisse les dépens à la charge de la SOCARET distraits au profit de Me DAOUDA, Avocat à Yaoundé.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus.
Et signent sur la minute, le Président, les membres et le Greffier approuvant lignes et mots rayés nuls, ainsi que renvois en marge bons.
Le Président Le 1er Membre.
Le 2e Membre Le Greffier.