J-06-163
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITIONaL’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER FONDEE SUR L’EXISTENCE D’UNE PROCEDURE COLLECTIVE D’APUREMENT DU PASSIF.
SUSPENSION DES POURSUITES INDIVIDUELLES – ABSENCE DUcaRACTERE EXIGIBLE DE LA CREANCE.
CONFIRMATION DE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER PAR JUGEMENT – CONFIRMATION DU JUGEMENT PAR LA COUR D’APPEL.
Faits : La société SOPARCAa interjeté appel du jugement rendu le 17 mai 2000 par le Tribunal de Première Instance de Douala, jugement qui rejetait l’opposition qu’elle avait formulée contre une ordonnance du 12 février 1999 qui lui ordonnait de payer la somme de 2.860 000 Fcfa qu’elle devait à la Centrale de Sécurité et de Prestation (C.S.P).
La SOPARCA évoque au soutien de son appel, le concordat qu’elle avait passé avec tous ses créanciers, dont la C.S.P. et qui avait été homologué par le Tribunal de Grande Instance du Wouri. Étant donné que l’homologation du concordat le rend obligatoire à l’égard de tous les créanciers, la C.S.P. ne saurait se soustraire à cette obligation, s’agissant d’une créance née avant l’homologation du concordat, ce d’autant plus que les articles 8 et 9 de l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif interdisent toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à la décision d’homologation du concordat.
Ces dispositions sont confortées par l’article 11du même texte. Par ailleurs, la SOPARCA allègue que la créance de la C.S.P. étant devenue une créance concordataire, elle ne remplit plus les conditions posées par l’article 1de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution, notamment la certitude et l’exigibilité, et ne saurait par conséquent plus faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer. C’est fort de ces arguments que la SOPARCA demande l’infirmation du jugement ayant rejeté son opposition à l’ordonnance d’injonction de payer comme non fondée.
La C.S.P. répond quant à elle, que les dispositions de l’Acte uniforme sur les procédures collectives ne sont pas applicables en l’espèce, notamment celles relatives à la suspension des poursuites relativement à sa créance. Que ladite créance est exigible et, sur la base de leur contrat, liquide.
Solution des juges : Les juges d’appel ont estimé que l’examen des pièces produites au dossier ne laisse apparaître aucun élément nouveau de nature à justifier la réformation de la décision querellée. Ils ont tout simplement considéré que les motifs avancés par le premier juge étaient pertinents, et ont confirmé son jugement .
Cour d’appel du Littoral à Douala, arrêt n 115/CC du 25 avril 2003, Société SOPARCA contre Centrale de Sécurité et de Prestations.
République du Cameroun.
Paix. Travail. Patrie.
2002 2003.
Audience du 25 avril 2003.
La Cour d’Appel du Littoral à Douala, siégeant en matière civile et commerciale en son audience publique tenue au Palais de Justice de ladite ville, le vingt-cinq avril deux mille trois à huit heures trente, et en laquelle siégeait Monsieur MOUCHIGAM Alassah, Vice Président de la Cour d’Appel du Littoral à Douala, Président.
Assisté de MBELLA Edouard Henri, Greffier tenant la plume.
A rendu l’arrêt suivant dans la cause.
ENTRE :
– Société SOPARCA SA, laquelle fait élection de domicile au cabinet de Maître EYONDI, Avocat à Douala.
Appelante, comparant et concluant par ledit Avocat, son Conseil.
d’une part.
ET.
– Centrale de Sécurité et de Prestations, laquelle fait élection de domicile au cabinet de Maître MAKOLLE, Avocat à Douala.
Intimée, comparant et concluant par ledit Avocat, son Conseil.
d’autre part.
POINT DE FAIT :
Le 17 mai 2000, intervenait dans la cause pendante entre les parties, un jugement civil et commercial n 88 rendu par le Tribunal de Première Instance de Douala, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière commerciale et en premier ressort.
– Reçoit Jean-Pierre KOLOTTO en son opposition.
– L’y dit cependant non fondé, et l’en déboute.
– Ordonne l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance querellée.
– Condamne l’opposant aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les mêmes jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le Président qui l’a rendu, et le Greffier.
Par requête d’appel en date du 12 juin 2000, la Société SOPARCA SA, ayant pour Conseil Maître EYONDI, Avocat au Barreau du Cameroun.
A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER :
Qu’en date du 17 mai 2000, le Président du Tribunal de Première Instance de Douala, statuant en matière civile et commerciale (Chambre de Conseil),a rendu, dans la cause l’opposant à la Centrale de Sécurité et de Prestations (CSP), société de gardiennage, un jugement dont la teneur suit :
« Le Tribunal, statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties.
– Reçoit Jean-Pierre KOLOTTO en son opposition.
– L’y dit non fondé, et l’en déboute.
– Ordonne l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance querellée.
– Condamne l’opposant aux dépens.
Que par la présente, la liquidation SOPARCA SA relève appel de cette décision; ».
C’est pourquoi, l’opposante sollicite qu’il vous plaise, monsieur le président.
Vu les articles 188, 189, 190 et 192 du Code de Procédure Civile et Commerciale.
– Bien vouloir lui donner acte de la présentation de sa requête.
– Fixer la date à laquelle la cause sera appelée à l’audience.
– Faire donner avis aux parties, par le Greffier en Chef.
Advenue laquelle audience, l’exposante conclura qu’il plaise à la Cour :
EN LA FORME
Attendu que l’appela été fait dans les forme et délai légaux.
Au fond
Attendu que l’appel est fondé; qu’en effet, la décision du premier Juge participe d’une mauvaise appréciation des faits de la cause et partant, d’une mauvaise application de la loi.
I SUR LES FAITS
Attendu que la SOPARCA SA, jadis prospère, a connu d’énormes difficultés financières, qui ont conduit à la cessation de la plupart de ses engagements, ce qui a entraîné sa mise en liquidation judiciaire en date du 05 août 1993, par jugement n 860 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Douala.
Qu’afin de sécuriser le matériel et les installations restés sur les lieux, les sieurs KUIY A LAJOIE et NDJOCK BAKOT, co-liquidateurs judiciaires, ont conclu avec la société de gardiennage C.S.P. un contrat à durée indéterminée.
Que face aux multiples difficultés qui se présentaient au fil des jours, la liquidation n’a pu continuer à honorer ses engagements vis-à-vis de la C.S.P. ce qui est à l’origine des arriérés d’une somme de FCFA 2 060 000, représentant les frais de gardiennage de la période allant du 1er novembre 1995 au 30 novembre 1996.
Attendu que pendant que la liquidation se poursuivait, l’ancienne Direction Générale a présenté une offre de concordat à tous les créanciers de la société suscitée.
Que le Tribunal de Grande Instance du Wouri, saisi en date du 14 janvier 1997, aux fins d’homologation de l’offre de concordat acceptée par les créanciers, accédera à cette demande par jugement n 333 en date du 06 février 1997.
Qu’en date du 03 février 1999, la C.S.P. saisira le Président du Tribunal de Première Instance de Douala, d’une requête aux fins d’injonction de payer la somme suscitée, en plus de divers autres frais, au bas de laquelle l’ordonnance n 982 du 12 février sera rendue par le Président de céans.
Qu’en date du 16 mars 1999, dans les délais légaux et conformément aux dispositions de l’Acte uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le requérant fera opposition avec assignation.
Qu’il sera malheureusement, débouté de son action, comme mal fondée, par jugement du 17 mai 2000.
Mais que cette décision sera nécessairement réformée, comme il sera démontré ci-après.
II) SUR LE DROIT
A Sur les effets du concordat
Attendu que la créance objet d’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer résulte d’un contrat de gardiennage conclu entre la C.S.P. et la Liquidation SOPARCA.
Attendu que par décision du Tribunal de Grande Instance du Wouri, qui a homologué l’offre de concordat acceptée par les créanciers, à lui soumise par la SOPARCA, la Liquidation SOPARCAa fait place au Concordat SOPARCA.
Que tous les créanciers de la Liquidation SOPARCA, parmi lesquels la C.S.P. qui avaient été invités à faire connaître s’ils acceptent les propositions concordataires (abandonner 70% du montant de leur créance ou accorder des délais et des remises de ceux proposés), sont tous devenus, après homologation du concordat, des créanciers concordataires.
Qu’il est clair que l’homologation du concordat le rend obligatoire pour tous les créanciers, sans aucune exception ni réserve.
Que la C.S.P. ne peut en aucun cas, se soustraire de cette obligation, s’agissant d’une créance née avant l’homologation du concordat.
Qu’en effet, l’Acte uniforme OHADA relatif à l’organisation des procédures collectives d’apurement du passif, suivant les dispositions de ses articles 8 et 9, suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur, et nées antérieurement à la décision d’homologation du concordat.
Que mieux encore, son article II conforte les arguments de l’appelant, lorsqu’il dispose que : » sauf sur autorisation motivée du Président de la juridiction compétente, la décision de règlement préventif interdit au débiteur, sous peine d’inopposabilité de droit : de payer, en tout ou partie, les créances nées antérieurement à la décision de suspension des poursuites individuelles ».
Qu’il échet, par conséquent, d’infirmer cette décision du premier Juge, car contraire aux dispositions contenues dans le concordat.
B Sur les contestations relatives à la créance
Attendu que l’article 1de l’Acte uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, pose les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité pour une créance devant faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer.
Qu’il est clair, dans le cas d’espèce, que la créance de la C.S.P. était devenue une créance concordataire, d’où sa certitude et son exigibilité posent un problème.
Que cette créance ne peut pas faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer, aux termes de la loi.
Qu’il échet par conséquent, de rétracter purement et simplement, l’ordonnance querellée.
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
– Constater que la présente requête intervient dans les forme et délai légaux.
– La décision, par conséquence, recevable.
Au fond
A Sur les effets du concordat
– Constater que par jugement civil n 333 du 06 février 1997, le Président du Tribunal de Grande Instance du Wouri a homologué le concordat passé par la SOPARCA et la majorité de ses créanciers.
– Constater que _ suspendent toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision.
– Dire et juger que la créance de la C.S.P. est devenue une créance concordataire et doit être soumise aux dispositions contenues dans cette décision.
Qu’il convient par conséquent, d’infirmer la décision querellée.
B Sur les contestations relatives à la créance
– Constater que l’Acte uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, en son article 1, pose les conditions de certitude, d’exigibilité et de liquidité de la créance pouvant faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer.
– Constater qu’une créance concordataire ne peut en aucun cas remplir ces trois conditions.
– Voir par conséquent, ordonner la rétractation de l’ordonnance n 982 rendue le 12 février 1999 par le Tribunal de Première Instance de Douala.
EVOQUANT ET STATUANTaNOUVEAU.
– Infirmer purement et simplement la décision querellée.
Sous toutes réserves.
La CENTRALE DE SECURITE ET DE PRESTATIONSa déposé des conclusions dont le dispositif suit :
PAR CES MOTIFS
– Dire inapplicables, en l’espèce, les dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives.
– Déclarer que les conditions de la suspension des poursuites ne sont pas remplies relativement à la créance de C.S.P.
– Dire par conséquent, ladite créance exigible.
– Déclarer que même sur le fondement des déclarations de SOPARCA, que sur la base de la durée du contrat, la créance est liquide.
– Condamner la Liquidation SOPARCA aux dépens distraits au profit de Maître MAKOLLE, Avocat aux offres de droit.
Sous toutes réserves.
Sur quoi, les débats ont été déclarés clos, et l’affaire mise en délibéré, pour arrêt être rendu le 25 avril 2003.
Advenue ladite audience, la Cour, vidant son délibéré, par l’organe de son Président, et à haute voix, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Vu le jugement n 15/RG/99-2000 rendu le 05 octobre 1999 par le Tribunal de Première Instance de Douala.
Vu l’appel de la SOPARCA SA, suivant requête d’appel datée du 12 juin 2000 reçue au Greffe de la Cour le 15 juin sous le n 910.
Ouï Monsieur le Président en son rapport.
Vu les conclusions des parties et les pièces du dossier de procédure.
Après en avoir délibéré, conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que l’appel, tel que ci-dessus spécifié, est régulier, pour avoir été fait suivant les forme et délai prescrits par la loi.
Au fond
Considérant que l’appelante fait grief au jugement querellé, d’avoir mal apprécié les faits de la cause, et partant, une mauvaise application de la loi, pour la débouter de l’opposition formée contre l’ordonnance d’injonction de payer n 982 rendue le 12 février 1999 par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala.
Qu’elle soutient que les liquidateurs judiciaires ont, afin de sécuriser le matériel et les installations de la société, conclu avec la Centrale de Sécurité et de Prestations (CSP), société de gardiennage, un contrat à durée indéterminée.
Que l’exécution de ce contrat a généré une dette de 2.860 000 francs à l’égard de la SOPARCA, et couvrant la période allant du 1er novembre 1995 au 30 novembre 1996.
Qu’alors que la liquidation se poursuivait l’ancienne Direction Générale a présenté une offre de concordat à tous les créanciers, laquelle a été homologuée par jugement n 333 en date du 06 février 1997 du Tribunal de Grande Instance du Wouri.
Que cette décision du Tribunal de Grande Instance du Wouri, rendait tous les créanciers de la Liquidation, créanciers concordataires.
Que l’homologation du Concordat le rend obligatoire à l’égard de tous les créanciers, sans aucune réserve, ni exception, et suspend toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à la décision d’homologation, conformément aux articles 8 et 9 de l’Acte uniforme OHADA relatif à l’organisation des procédures collectives d’apurement du passif.
Que les arguments sus-évoqués sont davantage confortés, à la lecture de l’article 1de l’Acte uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, elle ne peut faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer.
Qu’il convient, par conséquent, d’infirmer la décision querellée.
Considérant qu’en réplique, l’intimé fait valoir que les dispositions de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives, sont inapplicables en l’espèce.
Que les conditions de la suspension des poursuites ne sont pas remplies relativement à sa créance.
Qu’elle est, dès lors, exigible.
Que même sur le fondement des déclarations de SOPARCA et sur la base de la durée du contrat mentionnée, la créance est liquide.
Considérant que l’examen attentif des pièces produites au dossier ne laisse apparaître aucun élément nouveau de nature à justifier la réformation de la décision querellée.
Qu’il apparaît que la motivation du jugement entrepris a répondu aux griefs d’appel autant sur l’appréciation des faits que sur l’application de la loi.
Qu’il convient de confirmer le jugement querellé par adoption de ses motifs pertinents et condamner l’appelante aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort.
EN LA FORME
– Reçoit l’appel de la SOPARCA comme fait dans les forme et délai prescrits.
Au fond
– L’y dit fondé.
– Confirme le jugement entrepris.
– Condamne l’appelante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi la présente minute du présent arrêta été signée par le Président et le Greffier en approuvant.