J-06-168
PROCEDURES COLLECTIVES – NON PRODUCTION D’ETATS FINANCIERS – ABSENCE DE PROPOSITIONS CONCORDATAIRES – ETAT DE CESSATION DES PAIEMENTS AVERE – PRONONCE DE LA LIQUIDATION DES BIENS.
Le débiteur qui ne produit pas d’états financiers, ne fait aucune proposition concordataire et est convaincu de ne pas payer ses dettes certaines, liquides et exigibles, doit être déclaré en cessation des paiements et en liquidation des biens.
Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 88 du 23 avril 2004, SOSEPRIM (Mes SARR et Associés) c/ Sté SERVICE FRUITS IMPORTEXPORT (Mes KANJO et KOITA)
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 23 AVRIL 2004
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, statuant en matière de procédures collectives a, en son audience publique ordinaire tenue le vingt trois avril de l’an deux mille quatre à laquelle siégeaient Monsieur Birane NIANG, Président de chambre, Madame Aminata F ALL CISSE et Monsieur Mouhamadou Lamine BA, Juges au siège, membres, en présence de Monsieur Ibrahima BAKHOUM, Substitut de Monsieur le Procureur de la République et avec l’assistance de Maître Cheikhou Oumar SALL, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE
La Société Sénégalaise des Primeurs dite SOSEPRIM SARL, dont le siège social est à Dakar, Route de Rufisque, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, élisant domicile en l’Etude François SARR et Associés, SCP d’Avocats, 33 Avenue L.S. SENGHOR à Dakar;
DEMANDERESSE
Comparant et concluant à l’audience par l’organe desdits conseils;, d’une part,
ET
1°) La Société Service Fruits Import Export dont le siège social est en Belgique, mais élisant domicile en l’Etude de Mes KANJO et KOITA, Avocats à la Cour, boulevard de la République, Immeuble Seydou Nourou TALL à Dakar;
2°) Mme Madeleine FAYE Wilson syndic, étant en ses bureaux sis au 92, Avenue Georges POMPIDOU à Dakar;
DEFENDEURS
Comparant et concluant à l’audience le 10 par Mes KANJO et KOITA, Avocats à la Cour à Dakar; d’autre part
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
LE TRIBUNAL
Attendu que suivant exploit daté du 17.03.20Q3 de Maître Malick Seye FALL Huissier de justice à Dakar, la Société Sénégalaise des Primeurs dite SOSEPRlM SARL a formé opposition au jugement rendu le 29.05.2002 par le Tribunal de ce siège et dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la demanderesse et par défaut à l’égard de la défenderesse, en matière commerciale et en premier ressort;
En la forme; Déclare l’action recevable
Au fond : Constate l’état de cessation des paiements de SOSEPRIM SARL;
Ordonne la liquidation des biens de ladite société;
Fixe la date de cessation des paiements au 1er septembre2001;
Nomme Monsieur Chérif Sidou CISSE, juge au siège, juge commissaire de la liquidation et Madame Madeleine F A YB syndic;
Condamne la SOSEPRIM aux dépens. »
EN LA FORME
Attendu que la présente opposition a été faite dans les forme et délai de la loi; qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND
SUR L’EXCEPTION DE COMMUNICATION DES PIECES
Attendu que la SOSEPRIM demande qu’il soit écarté des débats tout document autre que les états financiers communiqués par la demanderesse avec ses conclusions du 09.10.2003;
Que cette exception doit être déclarée sans objet puisque aucune autre pièce n’a été versée au dossier hormis les conclusions en « seconde réplique» communiquées par la demanderesse ainsi qu’en atteste la lettre du 21.10.2003;
SUR L’ETAT DE CESSATION DES PAIEMENTS DE SOSEPRlM SARL
Attendu que pour solliciter la rétractation du jugement querellé, SOSEPRIM fait observer dans ses écritures que le rapport d’expertise sur la base duquel cette décision s’est fondée n’ a pas en fait examiné sa situation économique puisque l’expert s’est contenté d’affirmer qu’elle ne disposerait pas d’états financiers alors que celui-ci ne lui a jamais demandé de produire ses états financiers mais s’est plutôt adressé à la Société Service Fruits Import-Export, ce qui justifie sa réponse selon laquelle elle ne pouvait fournir des documents qui ne la concerneraient pas;
Que par ailleurs l’expert n’a jamais fait état dans son rapport de cessation des paiements alors que celle-ci conditionne la mise en liquidation d’une société commerciale;
Qu’il ne peut ainsi être contesté poursuit-elle que la décision dont est opposition viole les dispositions de l’article 25 de l’Acte Uniforme sur les procédures Collectives (AUPC) puisque non seulement elle dispose d’états financiers mais en outre elle n’a nullement fermé ses portes et poursuit ses activités, cela pouvant être constaté par toute personne intéressée; que sa mise en liquidation est donc injustifiée d’autant que la religion du tribunal a été surprise par la défenderesse à l’opposition qui a fait en sorte d’empêcher sa comparution;
Attendu que la défenderesse à l’opposition fait observer que la demanderesse ne dispose d’aucun élément sérieux à l’appui de sa demande aux Ems de rétractation du jugement du 29.05.2002; que malgré les différentes réunions contradictoires elle n’a jamais pu fournir les états financiers de la période de 1993 à 1998 puisqu’elle n’en disposait pas ainsi qu’il est dit dans le rapport : « nous n’avons de la société SOSEPRIM que les bilans intermédiaires manuscrits de 1994/95 et 1995/96 non certifiées et donc pas fiables »;
Qu’en outre fait-elle relever, la demanderesse elle même reconnaît être en cessation des paiements puisqu’elle indique dans ses différentes correspondances ne pas pouvoir payer les producteurs;
Qu’il s’y ajoute que sa créance d’un montant de 84 000 000 francs n’a jamais été contestée et est dûment confortée par divers relevés de compte; que la SOSEPRlM, mise en demeure de payer ladite somme ne s’est pas exécutée; que le défaut de paiement d’une créance certaine liquide et exigible permet de prouver la cessation des paiements sans compter le fait pour une société commerciale de fonctionner sans états financiers et sans aucun document comptable et qui, de surcroît, ne peut procéder au paiement d’une créance incontestée;
Qu’enfin, fait-elle remarquer, les documents fournis par la SOSEPRIM et relatifs aux exercices 1993 àl998 ont été sollicités par celle-ci en vertu d’une convention d’assistance comptable du 26.02.2003 conclue avec les experts qui ont établi lesdits documents, qui néanmoins ne peuvent régulariser aucune situation mais permettent au contraire de prouver le bien fondé de la demande de mise en liquidation formulée par elle;
Attendu que par conclusions dites en « seconde réplique» datées du 1.1..03.2004, SOSEPRIM a fait valoir que la défenderesse à la présente espèce n’a fait qu’exposer des convictions qui lui sont propres et ne sauraient donc engager le Tribunal de céans puisqu’elle ne produit aucun élément sérieux de nature à corroborer l’affirmation selon laquelle elle est en état de cessation des paiements alors que la défenderesse a refusé de produire les pièces réclamées par l’expert;
Qu’en outre, soutient elle le non paiement d’une créance n’est pas révélateur d’un état de cessation des paiements sans compter d’une part, qu’elle n’est redevable en fait d’aucune créance à l’égard de la Société Service Fruits Import Export dont le dirigeant, un associé étranger de SOSEPRIM, cherche par la présente procédure à régler des comptes aux associés sénégalais de cette dernière et d’autre part, que les éléments sur lesquels la société défenderesse prétend fonder sa créance ont été confectionnés par celle- ci;
Attendu qu’il importe de relever en l’encontre de la SOSEPRIM qu’elle ne peut se réfugier derrière le fait que l’expert ne lui ai jamais réclamée ses états financiers peut remettre en cause les conclusions auxquelles celui-ci est parvenu alors que ses représentants ont assisté aux différentes réunions sans apporter les « documents »réclamés par l’homme de l’art;
Qu’en outre, le fait que l’expert n’ait pas fait état dans son rapport de cessation des paiements n’empêche pas à la juridiction qui a ordonné la mesure d’en tirer les conséquences au regard des constatations de celui-ci;
Qu’il est important de relever que l’inexistence de pièces comptables voire des états financiers n’entraîne pas nécessairement la mise en liquidation des biens d’une société même si elle est sanctionnée par l’article 111 de l’Acte Uniforme sur 1e Droit Comptable;
Attendu par contre que c’est l’état de cessation des paiements qui emporte comme conséquence l’ouverture d’une procédure collective de règlement judiciaire en liquidation des biens;
Que sur ce point l’article 25 de l’AUPCAP dispose qu’est en cessation de paiements « le débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible »;
Que le passif de 84 700 000 francs contesté du reste par SOSEPRIM pour la première fois dans ses écritures du Il.03.2004 ressort bien des différents ordres de virement en sa faveur par» Services Fruits »à sa Banque le Crédit Général, de la lettre de change payée à la Rochette pour différents virements à l’étranger ainsi que des connaissements relatifs à l’imputation de marchandises au profit de SOSEPRIM;
Que par ailleurs suivant lettre du 20.01.1999, celle ci a été mise en demeure de payer la somme de 84 700 000 francs, que la créance de « Service Fruits Import Export » certaine et liquide est devenue exigible depuis cette date;
Attendu que s’agissant de l’actif disponible de SOSEPRIM, hom1is son dernier bilan de 1998 qui fait état d’un actif net de 155.691.600 francs sur un passif ( dette à court terme) de 141.674.680 francs, celle ci n’établit pas l’existence d’une trésorerie ou de créances à recouvrer pouvant laisser croire à une gène passagère ou à des difficultés de trésorerie; qu’il échet de dire qu’elle est bien en état de cessation des paiements et de fixer la date de celle-ci au 1er.02.2003;
SUR LA LIQUIDATION DES BIENS
Attendu qu’aux termes de l’article 33 de l’AUPCAP, « la juridiction compétente prononce le redressement judiciaire s’il lui apparaît que le débiteur a proposé un mandat sérieux, d ans le cas contraire, elle prononce la liquidation des biens »;
Que non seulement SOSEPRIM n’a fait d’offre concordataire mais elle ne produit aucun document ou justificatif pouvant laisser supposer des possibilités de redressement alors que le procès verbal de visite de la SOSEPIM dressé par l’expert fait état d’un local quasiment vide avec un mobilier de bureau insignifiant, ce qui du reste confirme les conclusions de l’homme de l’art sur le fait que la société serait en cessation totale d’activité depuis environ trois (03) ans; qu’il échet en conséquence q’ordonner sa liquidation; de désigner Monsieur Chérif Sidou CISSE en qualité de juge commissaire et Madame Madeleine FAYE syndic et de dire que les dépens seront à la charge de SOSEPRIM;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par décision contradictoire en matière commerciale et en premier ressort;
EN LA FORME
Reçoit SOSEPRIM en son action
AU FOND
Rétracte le jugement du 29..05.2002
Statuant à nouveau;
Dit que l’exception de non communication de pièces soulevée par SQSEPRIM est sans objet;
Déclare ce1le-ci en état de cessation des paiements;
Fixe la date de celle-ci au 1er. Janvier 2003
Ordonne la liquidation des biens;
Désigne Monsieur Chérif Sidou CISSE en qualité de juge commissaire et madame Madeleine FAYE comme syndic;
Met les dépens à la charge de SOSEPRIM
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.