J-06-172
PROCEDURES COLLECTIVES – ORDONNANCE DE REPARTITION DES DENIERS APRES REALISATION DE L’ACTIF – ORDONNANCE HOMOLOGUANT LA REPARTION EFFECTUEE PAR LE SYNDIC.
CREANCIERS NON INFORMES DES SOMMES A REPARTIR NI DES QUOTITES DE REPARTITION – NON RESPECT DE L’ORDRE DE DISTRIBUTION ETABLI PAR L’ARTICLE 166 AUPCAP.
FRAIS DE JUSTICE ET HONORAIRES DU SYNDIC – ABSENCE DE JUSTIFICATIFS – NON RESPECT DE LA REGLE DU PRELEVEMENT PROPORTIONNEL A LA VALEUR DE CHAQUE ELEMENT D’ACTIF.
RETRACTATION DE L’ORDONNANCE DE REPARTITION.
Doit être rétractée l’ordonnance du juge commissaire homologuant la répartition faite entre les créanciers, par le syndic, des deniers provenant de la réalisation de l’actif d’une procédure collective si : les créanciers ne sont pas avisés des sommes à répartir ni des quotités de répartition; les frais et honoraires du syndic ne sont pas justifiés et sont prélevés sans respecter la règle du prélèvement proportionnel à la valeur de chaque élément d’actif; l’ordre de distribution de l’article 166 AUPCAP n’est pas respecté.
Article 164 AUPCAP
Article 165 AUPCAP
Article 166 AUPCAP
Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 136 du 11 mars 2005, SNR c/ SONADIS.
Sur requête aux fins d’opposition à l’ordonnance de répartition n° 369/04 du 11-03- 04 du juge commissaire de la LB de la SONADIS formulée par Maîtres WANE et LEYE pour le compte SNR.
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL)
AUDIENCE PUBLIOUE ORDINAIRE DU Il MARS 2005
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, statuant en matière de procédures collectives a, en son audience publique ordinaire tenue le vingt-cinq mars de l’an deux mille cinq à laquelle siégeaient Monsieur Birane NIANG, Président de chambre, Madame Aminata F ALL CISSE et Mouhamadou Lamine BA, Juges au siège, membres, en présence de Monsieur Ibrahima BAKHOUM, Substitut de Monsieur le Procureur de la République et avec l’assistance de Maître Cheikhou Oumar SALL, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
LE TRIBUNAL
Attendu que par acte reçu au Greffe du Tribunal de céans le 15 juin 2005, la Société Nationale de Recouvrement dite SNR, venant aux droits et obligations de l’ex-BNDS, a formé opposition contre l’ordonnance de répartition no369/2004 du Il mars 2004 par le Juge Matar NDIAYE, Juge Commissaire de la liquidation des biens de la SONADIS;
Que par conclusions du 22 juillet 2004, les sociétés SAGA SENEGAL, COLGATE PALMOLIVE, MABI SA et TOTAL SENEGAL sont intervenues volontairement dans la procédure;
EN LA FORME
Attendu que tant l’opposition que les interventions volontaires ont été faites dans les forme et délai légaux, qu’il échet de les déclarer recevables;
AU FOND
Attendu que par conclusions en date du 22 juillet 2004, la SNR a sollicité la rétractation de l’ordonnance no369/2004 portant homologation du plan de répartition de partage pour violation des dispositions des articles 164 et suivants de l’Acte Uniforme sur les Procédures Collectives d’apurement du passif;
Qu’au soutien de cette demande, la SNR a fait observer qu’elle était créancière de la SONADIS de la somme de 56.265.433 francs CFA et que lorsque le syndic de la liquidation de la SONADIS a été autorisé, suivant ordonnance no760 du 31 mai 2002, à procéder à la vente de gré à gré de l’actif de la société notamment sur les titres fonciers nO3747! DG et 1355/DG, elle a perçu la somme de 50 000 000 francs CF A à titre d’acompte sur sa créance et le reliquat était de 6.265.433 francs CFA;
Qu’elle précise que par ordonnance no 1494 le syndic a été autorisé à céder de gré à gré le TF no12123/DG de la SONADIS et l’immeuble a ainsi été vendu à 35 000 000 francs et que suite à cela le syndic de la liquidation de la SONADIS a dressé un plan de répartition qui a été homologué par le Juge Commissaire;
Que selon la SNR, le syndic a fixé au titre de ses honoraires, charges et frais la somme de 8 500 000 francs dont 7 500 000 francs et 1 000 000 francs à titre de frais et charges;
Qu’elle expose qu’aux termes de l’article 164 de l’Acte Uniforme sur les Procédures collectives d’apurement du passif, c’est le Juge qui ordonne la répartition des deniers entre les créanciers en fixe la quotité et veille à ce que les créanciers en soient avertis;
Que tel n’a pas été le cas précise-t-elle, puisqu’elle n’a été informée de la fixation de la quotité à partager, et que le syndic n’a pas signifié le plan de répartition aux créanciers inscrits
Qu’elle ajoute que le syndic a prélevé des honoraires de 7 500 000 francs sans en fournir la base de taxation et que pour ce qui est des frais et charges de 1 000 000 francs, ladite somme doit être justifiée par des éléments probants et communiquée aux créanciers inscrits;
Attendu que par conclusions du l0 septembre 2004, le sieur Djibril W AR, syndic de la liquidation de la SONADIS, a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité le débouté de la SNR ainsi que des intervenantes qui, du fait de leur rang, ne peuvent venir au partage;
Qu’il estime en outre que la SNR qui avait fait une surenchère de 40 000 000 francs sur le TF 12123/DG, ne peut lui reprocher de n’avoir pas été informée de la fixation de la quotité de la masse à partager; qu’en effet selon lui c’est suite au désistement de1a SNR que le TF a été adjugé à Awa ÇISSE pour 35 000 000 francs CFA;
Qu’au surplus le syndic fait remarquer que la SNR a reçu conformément à l’article 164 de l’AUPC notification du plan de répartition par l’intermédiaire de ses conseils et que c’est par courrier ou réponse qu’elle lui a fait savoir qu’elle entendait faire opposition conformément à l’article 165 in fine de l’AUPC
Qu’en ce qui concerne les intervenantes volontaires : le syndic précise qu’ils ne peuvent venir à la répartition parce qu’ils sont créanciers de second rang et que, conformément à l’article 166 AUPC, ce sont les créanciers de premier rang qui sont désintéressés en premier et comme la quotité à répartir était insuffisante, même pour désintéresser les créanciers de premier rang, les autres ne peuvent ainsi venir au partage,
Attendu que dans leurs différentes écritures les intervenantes volontaires : les sociétés SAGA Sénégal, Colgate, Palmolive, Total Sénégal et MABI- SA sollicitent l’annulation de l’ordonnance n° 369/2004 du 1l mars 2004 et la reprise de la répartition de manière contradictoire devant 1e juge Commissaire,
Qu’elles exposent qu’aux tenues de l’article 165 de l’AUPC les frais et dépens de la liquidation sont prélevés sur l’actif en proportion de la valeur de chaque élément d’actif par rapport à l’ensemble;
Qu’elles en déduisent ainsi qu’il faut tenir compte des honoraires perçus parle syndic lors de la première répartition et lors de celle-ci le syndic a reçu près de 50 000 000 francs; qu’ainsi, selon elles "le syndic ne peut s’adjuger 8 500 000 francs à titre d’honoraires et frais sans qu’il soit tenu compte des sommes qu’il a déjà perçues lors de la première répartition;
Qu’en outre les intervenantes font valoir que les montants prélevés par le syndic ne sont nullement justifiés;;’;
Que s’agissant de leur vocation à venir à la répartition, elles précisent que l’article 166 de l’AUPC indique dans l’ordre, les créanciers susceptibles de participer à la répartition des deniers provenant de la réalisation en cas de liquidation des biens; qu’elles mêmes sont susceptibles de participer a la répartition alors surtout qu’elles bénéficient d’une hypothèque inscrite sur l’immeuble;
Qu’elles indiquent que la répartition est en fonction du pourcentage que représente chaque créance par rapport a l’ensemble appliqué au produit de la vente;
Attendu que par conclusions en réplique du 24 février 2005 le syndic de la liquidation de la SONADIS a fait observer qu’après la vente du TF 12123/DG il a adressé un plan de répartition du produit de la vente qui a été homologué parle juge commissaire;
Qu’il soutient que toutes les notifications prescrites par la loi ont été effectuées;
Que pour ce qui est de la répartition, le syndic précise que si l’Acte uniforme des procédures collectives ne lui interdit pas de recourir à une répartition consensuelle, il ne lui fait pas obligation d’y recourir; que, si lors de la dernière répartition, un consensus a été obtenu c’est parce que les créanciers de premier rang avaient accepté un abandon de créance mais aussi la somme à distribuer était plus importante; qu’il estime que pour cette répartition, non seulement la somme à distraire n’est pas importante mais les créanciers de premier rang n’avaient fait aucune concession, ce qui l’a obligé à effectuer la répartition conformément à la loi;
Que pour ce qui est des créanciers devant venir à la répartition le syndic expose que l’article 166 prévoit l’ordre de distribution et il ressort de ce texte que ce sont les créanciers de premier rang qui sont. Désintéressés en premiers; qu’il fait valoir que la somme à distribuer étant insuffisante, les intervenantes volontaires, qui ne contestent pas qu’elles sont créanciers de second rang et même chirographaires pour d’autres, ne peuvent venir à la répartition;
Que pour ce qui est de ses honoraires le syndic estime que l’examen de l’ordonnance de taxation d’honoraires produit montre que tout a été fait dans les formes requises; et. que selon lui la proportionnalité invoquée outre la somme perçue lors de la première répartition et celle-ci ne peut prospérer, puisque précise-t-il dans, la première répartition il y a eu abandon de créance alors que dans la seconde répartition la loi a été appliquée dans toute sa rigueur avec une distribution au marc le franc;
SUR CE
Attendu qu’aux termes de l’article 164 de l’AUPC « le juge commissaire ordonne, s’il y a 1ieu, une répartition des deniers entre les créanciers, en fixe la quotité et veille a ce que tous les créanciers en soient avertis »;
Qu’en l’espèce s’agissant de deniers provenant de la réalisation des biens immeubles, c’est l’ordre prévu par 1 ‘article 166 du même acte uniforme qui doit recevoir application;
Que l’examen de l’ordonnance n° 369/2004 du 11 mars 2004 du juge commissaire de la liquidation de la SONADIS montre que ce dernier a homologué la répartition dressée par le syndic de cette liquidation; ce qui n’est pas conforme à la loi;
Que s’agissant de l’avertissement qui doit être fait à tous les créanciers sur
les sommes à répartir et la quotité de répartition il ne résulte pas des pièces du dossier que les créanciers ont été avisés;
Que l’ argument du syndic selon lequel la SNR étant au courant de la somme à répartir puisqu’elle avait même renchéri, ne saurait prospérer; qu’en effet il. ne s’ agit pas uniquement d’informer les créanciers sur les péripéties de la procédure de vente de l’immeuble mais bien de 1es informer sur la répartition des deniers ainsi que de la quotité qui a été fixée par le juge;
Que pour ce qui est de la répartition elle-même, il y a lieu de relever que si tous les créanciers sont susceptibles de venir concourir, il n’en demeure pas moins que l’ordre fixé par l’article 166 de l’AUPC doit être respecté;
Que si le respect de cet ordre ne se pose pas, il résulte de la répartition faite par le syndic et homologuée par le juge commissaire que le produit à répartir était de 35 000 000 francs;
Que ce sont les frais de justice qui doivent être prélevés en premier; mais qu’au sens de l’article 165 in fine de l’ AUPC « les frais et dépens de la liquidation des biens, dont les honoraires du syndic sont prélevés sur l’actif en proportion de la valeur de chaque élément d’actif par rapport à l’ensemble »
Que le montant total de ces frais et honoraires a été fixé parle syndic à 8 500 000 franc; dont. 7 500 000 francs à titre d’honoraires et 1 000 000 à titre de frais;
Que s’il est vrai que ce montant à fait l’objet d’une taxation par ordonnance du juge commissaire n° 1572/2003 du2 décembre 2003; il n’en demeure pas moins qu’il est excessif et que, surtout, l’article 165 in fine de l’ AUPC a été violé;
Qu’en effet, le syndic ne conteste pas qu’il y a eu une première répartition qui est intervenue; que même si elle était effectuée de manière amiable il résulte clairement du texte précité que toute nouvelle taxation des honoraires et frais du syndic doit être faite en proportion de la valeur de chaque élément d’actif par rapport à l’ensemble;
Que le montant des honoraires est excessif puisque aucun justificatif n’a été rapporté par rapport aux diligences effectuées et que le montant de la TVA de 3 000 000 francs l’est d’autant plus que le pourcentage de 18% légalement prévu a été excédé;
Qu’au surplus, les frais d’un montant de 1 000 000 francs ne sont pas dus puisque les pièces justificatives produites par le syndic représentent des frais pour un montant de 234.820 francs;
Qu’ainsi lorsque le montant des honoraires sera revu à la baisse, la quotité des créanciers sera plus importante et même d’autres créanciers pourront venir à la répartition;
Qu’au regard de tous ces éléments, il y a lieu de rétracter l’ordonnance de répartition n° 369/2004 du 1l mars 2004 du juge commissaire de la liquidation de la SONADIS ainsi que celle n° 1572/2993 du 2 décembre 2003 qui a été prise en compte dans l’ordonnance de répartition;
Qu’il échet également de renvoyer devant le juge commissaire pour une nouvelle répartition conformément aux articles 164 et 165 et 166 de l’Acte Uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif;
Attendu qu’il y a urgence que l’ exécution provisoire soit ordonnée en raison de la nature commerciale "du litige et surtout du caractère urgent attaché aux procédures collectives; qu’il échet d’ordonner l’exécution provisoire;
Attendu que s’agissant d’une procédure de liquidation, il y a lieu de mettre les dépens aux frais privilégiés;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort,
EN LA FORME
Déclare tant l’action principale que les interventions volontaires recevables :
AU FOND
Rétracte l’ordonnance de répartition n° 369/2004 du Il mars 2004 du juge commissaire de la liquidation des biais de la SONADIS ainsi que celle n° 1572/2003 du 2 décembre 2003 portant taxation des honoraires du syndic;
Renvoie devant le juge commissaire pour une nouvelle répartition;
Ordonne l’exécution provisoire;
Met les dépens en frais privilégiés