J-06-173
PROCEDURES COLLECTIVES – JUGE COMMISSAIRE – ORDONNANCE – DELAI POUR STATUER – COMPUTATION DU DELAI A COMPTER DE LA SAISINE ET NON DE LA DATE DU RAPPORT D’EXPERTISE SOUMIS AU JUGE COMMISSAIRE.
SOCIETE COMMERCIALE – ELEMENTS CONSTITUTIFS – RELATIONS D’AFFAIRES ENTRE DEUX PERSONNES – CREANCES DE L’UNE ENVERS L’AUTRE – APPORTS EN ESPECES (NON) – APPORTS EN NATURE PRETENDUS – ABSENCE DE PRODUCTION DE L4EVALUATION DES PRETENDUS APPORTS EN NATURE – ABSENCE DE CONTRAT DE SOCIETE.
Le délai de huit jours fixé par l’article 40 AUPCAP au juge commissaire pour statuer par ordonnance se compute à partir de sa saisine et non de la date du rapport d’expertise qui lui est soumis pour examen. Il ne peut y avoir nullité d’une ordonnance rendue le huitième jour après la saisine du juge commissaire d’autant plus que l’article 40 AUPCAP ne prévoit aucune sanction en cas d’inobservation de ce délai.
Les apports en nature prétendument faits pour constituer une société entre deux personnes en relation d’affaires doivent être prouvés et faire l’objet d’une évaluation, à défaut de quoi, ils ne sauraient être retenus comme éléments constitutifs d’un contrat de société. De même, les créances d’une de ces personnes envers l’autre ne sauraient être qualifiées d’apports en numéraires surtout si elles sont inscrites dans la comptabilité de leur débiteur sous la rubrique du compte « créditeurs et débiteurs divers », pas plus que de remises dans un compte courant d’associé qui suppose toujours une convention entre l’associé et la société, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Article 39 AUPCAP
Article 40 AUPCAP
Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n°139 du 8 avril 2005, Sur requête aux fins d’opposition à l’ordonnance nO206/2005 du 17.02.2005 du Juge Commissaire de la LB du GIE KATIA formulée par Me Youssoupha CAMARA pour le compte de Monsieur Abdel Aziz MOUZAIA.
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 08 AVRIL 2005
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, statuant en matière de procédures collectives a, en son audience publique ordinaire tenue le vingt huit avril de l’an deux mille cinq à laquelle siégeaient Mme Aminata CISSE FALL, Juge au siège, Président de chambre, Messieurs Mouhamadou Lamine BA et Alioune Niokhor DIOUF, Juges au siège, membres, en présence de Monsieur lbrahima BAKHOUM, Substitut de Monsieur le Procureur de la République et avec l’assistance de Maître Cheikhou Oumar SALL, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
LE TRIBUNAL
Attendu que par acte reçu au Greffe du Tribunal de céans le 17.02.2005, le sieur Abdel Aziz MOUZAIA a, par l’entremise de son conseil, formé opposition à l’ordonnance no206/2005 rendue le 17.02.2005 par Monsieur le Juge Commissaire de la liquidation des biens du GIE « KATIA » qui a estimé que le restaurant» KATIA »; sis au n° 06 route de Ngor fait partie de l’actif du GIE» KATIA»;
EN LA FORME
Attendu que l’opposition a été foffi1ée le 17.02.2005, date de l’ordonnance querellée; qu’en application de l’article 40 de l’Acte Uniforme sur les Procédures Collectives (AUPC), il échet de la déclarer recevable;
AU FOND
SUR LA NULLITE DE L’ORDONNANCE
Attendu que le sieur MOUZAIA a exposé dans ses écritures en date du 24.02.2005 que c’est à la suite des conclusions du syndic selon lesquelles « le patrimoine du restaurant « KATIA» est financé par Youcef AOUADENE et il n’est prouvé aucun remboursement. Par conséquent, les patrimoines du GIE « KATIA» et du restaurant KATIA sont indissociables » que le Juge Commissaire avait convoqué les parties le 25.11.2004 pour recueillir leurs observations alors qu’il était tenu en vertu des articles 39 et 40 de l’AUPC de répondre à la demande du syndic dans le délai de huit jours et à défaut faire rapport à la juridiction de céans après avoir tout au plus recueilli les observations et moyens des parties; qu’en passant outre, il a violé les textes sus visés et son ordonnance doit en conséquence être annulée;
Attendu qu’en réponse, Youcef AOU ADENE a fait valoir que le rapport déposé par le syndic le 19.07.2004 n’était que provisoire puisque à sa suite et après observations des parties, le rapport final n’a été soumis au Juge Commissaire que le 22.12.2004 avant que celui ci n’ordonne la clôture des débats après qu’il ait déclaré n’entendre répliquer aux écritures de MOUZAIA du 07.02 reçues par lui le 08.02;
Que c’est donc huit jours après la clôture des débats imposée par MOUZAIA que le Juge Commissaire a rendu l’ordonnance querellée; qu’en conséquence l’exception doit être rejetée comme mal fondée;
Attendu qu’aux termes de l’article 40 de l’AUPC, « le Juge Commissaire statue sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence dans le délai de huit jours à partir de sa saisine; Passé ce délai, s’il n’a pas statué, il est réputé avoir rendu une décision de rejet de la demande. »;
Qu’il s’infère de cette disposition que le point de départ du délai de huit jours est constitué par la saisine effective par la partie qui conteste du Juge Commissaire et non pas par le dépôt du rapport ou d’un pré-rapport du syndic;
Qu’il n’est par ailleurs pas contesté qu’à la suite du pré-rapport du 19.07, un rapport définitif a été déposé par le syndic le 20.12.2004 avant que les parties ne fassent valoir leurs (arguments) sur, entre autres, le « patrimoine » du GIE « KATIA »; que le délai de l’article 40 ne saurait manifestement pas courir à compter du 19.07.2004;
Qu’il s’y ajoute que le texte ne prévoit aucune sanction au cas où le Juge Commissaire viendrait à passer outre les délais prévus; qu’il échet de rejeter la demande en annulation comme mal fondée;
SUR LA PROPRIETE DU RESTAURANT « KATIA »
Attendu que pour solliciter la rétractation de l’ordonnance du 17.02.2005, le demandeur à l’opposition a fait observer que le Juge Commissaire a simplement repris la thèse de AOUADENE selon laquelle « désirant investir au Sénégal, il a commencé, avec son aide à écouler sur le marché local des appareils électroménagers à charge pour celui ci de les .vendre et de lui reverser le prix après déduction de sa commission et des charges » alors qu’aucune preuve de ces faits n’a été rapportée;
Qu’en fait les seules relations existant entre AOUADENE et lui sont celles de vendeur à acheteur puisqu’il a eu à acquérir de celui là du matériel électroménager ainsi qu’en attestent les factures des 09.1.2001, 03 :01.2002 et une sans date;
Qu’en outre, contrairement à ce qui est dit dans l’ordonnance, il n’existe aucune proximité de date entre la création de GIE « KATIA » le 1 er.01.2003 et celle du restaurant en 2001;
Que de la même manière, le premier juge s’est fondé sur la balance générale et le grand livre journal établi le 31.12.2002 pour dire que la somme de 42.211.100 francs dont il est débiteur envers AOUADENE constitue en fait des apports en numéraires et en nature; or, il résulte de ces documents établis en vue de sa déclaration d’impôt du 08.04.2003 que le sieur AOUADENE est créancier de MOUZAIA d’un certain montant; qu’il ne saurait ainsi être inféré de cela une quelconque preuve d’un apport en numéraire et en nature encore moins un titre de participation au restaurant;
Qu’enfin, le Juge Commissaire, fait-il valoir, a estimé que le restaurant « KATIA» faisait partie du GIE parce que les deux entités ont la même dénomination, le même objet et le même siège social alors que l’examen des deux registres de commerce montre que l’objet social n’est pas le même; qu’il en est de même de la dénomination sociale puisque le restaurant, contrairement au GIE n’est ni une personne physique, ni une personne morale mais plutôt une simple enseigne sous laquelle il exploite son activité d’industrie alimentaire;
Que la seule constante reste le siège des deux structures et cela parce qu’il a accepté que le GIE dans lequel il est membre soit domicilié au n° 06 de la route de Ngor qu’il a pris en location es-nom;
Que de tout cela, conclut-il, il ne peut être déduit, ni en fait, ni en droit une volonté des parties de formaliser des rapports commerciaux dans le cadre d’un GIE en fondant un restaurant dans le patrimoine de celui-ci;
Qu’en l’absence donc d’un acte positif, d’une volonté résolue tendue vers ce but et du fait que le bail, l’abonnement téléphonique, la déclaration d’enregistrement etc. ne sont au nom du GIE « KATIA », il sollicite l’annulation de l’ordonnance du 17-02-2005;
Attendu qu’en réponse le sieur AOUADENE qui a déclaré s’en référer à ses observations du 08 décembre 2004 a soutenu dans celles- ci qu’il envoyait bien du matériel électroménager à MOUZAIA à charge pour ce dernier de les revendre et de lui reverser le prix après déduction de sa commission et de ses charges et cela entre amis jusqu’au jour où il lui a proposé la création du restaurant;
Qu’en ce qui concerne les documents administratifs, ils sont délivrés sur demande après avoir fourni les pièces exigées; que MOUZAIA qui s’en prévaut pour justifier sa propriété leur dénie cependant toute valeur lorsqu’il les présente pour faire sa déclaration fiscale dans laquelle figurent toutes les références des documents servant à identifier « KATIA» ainsi que les éléments du compte courant associé de Youssef AOUADENE qui ne se limite pas seulement au matériel d’exploitation que MOUZAIA soutient avoir payé mais aux fonds ayant servi à la location du local abritant le restaurant;
Que quant aux reproches faits à l’expert, ils ne sont pas fondés quand on sait que l’homme de l’art s’est appuyé sur des documents fournis pas MOUZAIA pour rendre son rapport notamment les virements d’argent entre les parties et la déclaration fiscale du demandeur à l’opposition lesquels prouvent à suffisance que les virements dépassent largement le montant pour lequel MOUZAIA prétend avoir acheté le matériel et qu’ils ont été effectués en 2001; qu’il ne peut donc demander à l’expert de considérer les éléments qui sont favorables à sa « propriété » et rejeter les autres alors qu’ils se trouvait tous dans le même document;
Qu’il sollicite au vu de tout cela la confirmation de ordonnance;
SUR QUOI
Attendu qu’il ne peut être contesté comme relevé du reste par le juge commissaire dans l’ordonnance querellée que les parties étaient en relation d’affaires ainsi qu’en attestent les différents virements par WESTERN UNION, les déclarations préalables d’importation faites par l’une ou l’autre voire même les contrats de bail à usage commercial portant sur le lot n° 3 datés des 28 novembre 2001 et 1er septembre 2002;
Que manifestement, ce sont ces relations qui ont débouché à la création le 1er janvier 2003 d’un GIE dit « KATIA » domicilié au n° 6 route de Ngor Dakar et ayant pour objet « l’industrie hôtelière - Pâtisserie - Glacier- Pizzeria - Fast-Food »;
Attendu qu’il est tout aussi constant que, antérieurement à cette date du 1er janvier 2003, le sieur Abdel Aziz MOUZAIA a, le 27-03- 2002, suscrit une déclaration d’inscription au registre du commerce avec pour objet. « Industrie alimentaire» exploitée sous l’enseigne « KATIA»;
Attendu cela étant, il ressort des motifs de l’ordonnance querellée que : la mention au « grand livre» et à la balance générale» d’un compte» Youcef» créditeur de la somme de 42 221 100 francs» démontre qu’il s’agit là d’apports en numéraires et en nature fait au restaurant par le sieur AOUADENE au moment de la constitution du restaurant « pour en tirer la conséquence que le restaurant fait » partie de l’actif du GIE» KATIA»;
Qu’il importe de retenir qu’aucune évaluation des apports en nature n’est produite aux débats; que les apports en numéraires ne ressortent pas non plus des écritures du restaurant exploité sous la forme d’une entreprise individuelle, propriété du sieur MOUZAIA, ainsi que cela ressort de la déclaration d’établissement et autre avis d’immatriculation;
Que plus décisivement, le compte « Youcef » dont il est question est inscrit au compte « 47» intitulé en comptabilité « créditeur et débiteur divers » qui est donc le compte ordinaire des créanciers et débiteurs de la société;
Qu’ainsi l’inscription au crédit de ce compte de la somme de 42.221.100 francs conforte d’avantage la situation de créancier du sieur AOUADENE; qu’il ne peut non plus s’agir comme soutenu par le conseil de ce dernier d’un compte courant d’associé qui aurait dû être inscrit au compte « 46 » voire à un compte transitoire et suppose surtout une convention de compte courant entre la société et l’associé préteur; qu’en l’absence ainsi d’actes concrets des écrits notamment (la vidéo cassette versée aux débats ne pouvant suppléer cet écrit parce que valant tout au plus comme présomption du fait de l’homme) rattachant le restaurant « KATIA» au GIE du même nom, cette « appartenance ne saurait être déduite de l’identité du nom» et du siège social qui est le même (ce qui pour se concevoir puisque l’un des associé y exploite déjà une activité); qu’il échet en conséquence d’annuler l’ordonnance n° 206/2005 du 17-02-2005 en ce qu’elle a admis que le restaurant KATIA fait partie de l’actif du GIE « KATIA »;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort
Reçoit Abdel Aziz MOUZAIA en son opposition.
AU FOND
Annule l’ordonnance n° 206/2005 du 17-02-2005;
Met les dépens à la charge de la liquidation du GIE.