J-06-184
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – CREANCE NON FONDEE – ABSENCE DE PERIL POUR LE RECOUVREMENT DE LA CREANCE – RETRACTATION DE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER PAR LE PREMIER JUGE DU FOND – CONFIRMATION DE LA RETRACTATION PAR LA COUR D’APPEL.
Doit être rétractée l’ordonnance de saisie conservatoire pour garantir le recouvrement d’une créance si, d’une part, la créance alléguée pour la justifier n’est pas établie par une expertise pratiquée sans respecter les règles du code de procédure civile et si, d’autre part, il n’y a pas péril menaçant le recouvrement de la créance, le débiteur, bien que domicilié en France disposant au Cameroun de structures de gestion fiables.
Article 49 AUPSRVE
Article 54 AUPSRVE
Cour d’appel du Littoral, arrêt n 91/REF du 09 juin 2004.
Affaire : – Société Le Printemps du Centre SARL contre Société F.A.I.E. SARL.
Les faits : La société Le Printemps du Centre a interjeté appel contre l’ordonnance du 14 janvier 2003 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, ordonnant la rétractation de l’ordonnance du 11octobre 2002 et par conséquent, mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée au préjudice de la société F.A.I.E. Au soutien de son appel, la société Le Printemps du Centre déclarait avoir passé une commande de pneus à la société F.AI.E. Elle n’avait pas reçu une livraison conforme à la commande et avait obtenu de la F.A.IE. une reconnaissance de cette mauvaise livraison. Elle disposait de ce fait à l’encontre de celle-ci, d’une créance fondée en son principe. Par ailleurs, étant donné que la société F.AI.E. avait son siège social en France, il y avait péril au recouvrement. Ces deux éléments avaient permis à la société Le Printemps du Centre d’obtenir une ordonnance lui permettant de pratiquer une saisie conservatoire des créances, conformément à l’article 54 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution. La société F.A.IE. avait contesté cette mesure conservatoire en se basant sur le fait que la créance saisie pratiquée à son préjudice était abusive, la créance alléguée s’avérant inexistante. Elle demandait donc que soit confirmée l’ordonnance de mainlevée du 14 janvier 2003 querellée par la société Le Printemps du Centre.
Solution des juges : Les juges d’appel ont considéré qu’il n’y avait aucun péril dans le recouvrement, la société F.A.IE. disposant au Cameroun, de structures de gestion fiables. Par ailleurs, ils ont établi la mauvaise foi de la société Le Printemps du Centre. En effet, ils ont réussi à prouver, grâce à un avis d’inspection de la société SGS France, que la société Le Printemps du Centre a obtenu livraison des marchandises conformes à leur commande et que les avaries alléguées étaient imaginaires. En outre, que le rapport d’expert produit pour justifier leur prétendue créance devrait être écarté, car ayant été fait en violation des articles 116 et 120 du code de procédure civile et commerciale. Ils ont conclu que la créance de la société Le Printemps du Centre n’était pas fondée en son principe, tel que l’exige l’article 54 de l’Acte uniforme OHADA n 6.
République du Cameroun.
Paix. Travail. Patrie.
2003-2004.
Audience du 09 juin 2004.
La Cour d’Appel du Littoral à Douala, siégeant en matière civile et commerciale en son audience publique tenue au Palais de Justice de ladite ville, le neuf juin deux mille quatre à huit heures trente du matin, et en laquelle siégeaient :
– Madame NGWE EOCK Rebecca, Vice Président de la Cour d’Appel du Littoral à Douala, Président.
– Messieurs MOUCHIGAM Alassah, Vice Président de la Cour d’Appel du Littoral à Douala, Membre.
– AWOUNG Jules Edouard, Vice Président de la Cour d’Appel du Littoral à Douala, Membre.
Avec l’assistance de Madame MEFANTE Marguerite, Greffier.
A rendu l’arrêt suivant dans la cause.
ENTRE :
– La Société LE PRINTEMPS DU CENTRE, Sarl, dont le siège est situé à Yaoundé, BP 1372, représentée par Monsieur CHEDJOU Gabriel, laquelle fait élection de domicile au cabinet de Maître Théodore KAMKUI, Avocat au Barreau du Cameroun.
Appelante, comparant et plaidant par ledit Conseil.
d’une part.
ET.
– La Société F.A.I.E. Sarl, laquelle fait élection de domicile en l’Étude de Maître NYEMB, Avocat au Barreau du Cameroun.
Intimée, comparant et plaidant par ledit Conseil.
d’autre part.
POINT DE FAIT :
Le 14 janvier 2003, intervenait dans la cause pendante entre les parties, une ordonnance n 264, rendue par le Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de contentieux de l’exécution, en matière de l’urgence, et agissant en vertu de l’article 49 de l’Acte uniforme OHADA portant voies d’exécution.
– Constatons que les conditions de l’article 54 ne sont pas réunies.
– Ordonnons la rétractation de l’ordonnance n 62 du 11octobre 2002.
– Donnons par conséquent, mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée.
– Disons notre ordonnance exécutoire sur minute et avant enregistrement.
– Condamnons la Société Le Printemps du Centre Sarl aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du contentieux d’exécution, les mêmes jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi, la présente décision a été signée par le Juge qui l’a rendue et le Greffier.
Par requête en date du 23 janvier 2003 adressée à Monsieur le Président de la Cour d’Appel du Littoral à Douala, et enregistrée au Greffe de ladite Cour, le 24 janvier 2004, la Société Le Printemps du Centre Sarl, dont le siège social est situé à Yaoundé, BP 13724, représentée par Monsieur CHEDJOU Gabriel, ayant pour Conseil Maître Théodore KAMKUI, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 15353 Douala.
A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER.
– Qu’elle interjette appel contre l’ordonnance du Juge du Contentieux de l’exécution rendue le 14 janvier 2003 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, statuant en matière de contentieux de l’exécution, dans la cause qui l’oppose à la Société F.A.I.E. Sarl.
C’EST POURQUOI L’EXPOSANTE SOLLICITE, QU’IL VOUS PLAISE, MONSIEUR LE PRESIDENT.
Vu les dispositions des articles 189, 190 et 191du Code de Procédure Civile et Commerciale et les textes subséquents.
– Lui donner acte du dépôt de la présente requête.
– Fixer la date de production des défenses, et celle où l’affaire sera appelée à l’audience.
– Dire que du tout, il sera donné avis aux parties par Monsieur le Greffier en Chef.
Advenue laquelle audience, l’exposante conclura.
qu’il vous plaise, Monsieur le Président.
SUR LA FORME
– Déclarer l’appel recevable, pour avoir été fait dans les forme et délai de la loi.
SUR LE FOND
– Infirmer l’ordonnance querellée, parce qu’elle a été rendue sur les moyens de fait et de droit inopérants, ainsi qu’il sera démontré ci-dessous.
I) FAITS ET PROCEDURE
Que suivant facture n 01/018 du 22 juin 2001, la requérante a acheté à la Société France Africaine Import Export (FAIE) Sarl, 374 pneus, à savoir :
– 300 pneus occasion 1200 x 200.
– 4 pneus occasion 900 x 20.
– 16 pneus neufs 1200 x 20.
– 18 pneus rechapés 1200 x 20.
au prix global de 319 080 FF, soit 31.904 080 FCFA.
Que suivant connaissement n NDAL 423 L EHDLA 207, deux containers SCZU 710686/4 et GSTU 663376/3 contenant au total 374 pneus, lui ont été expédiés.
Que le 13 septembre 2001, la SOCAMARalivré à la requérante, les deux containers ci-dessus, suivant bordereau de route n 0018707/A et 0018708/A.
Mais qu’au dépotage, la requérante a eu la malheureuse surprise de constater que les pneus expédiés n’étaient non seulement pas conformes à la facture, mais en plus, ils étaient avariés et impropres à la consommation.
Que la Société FAIE Sarl a reconnu cet état des choses à travers le fax qu’elle a envoyé à la requérante, le 12 avril 2002, et dans lequel elle promettait de réparer intégralement le préjudice subi.
Mais qu’après moult démarches entreprises en vue de trouver une solution amiable, la FAIE Sarl s’est illustrée par sa mauvaise foi et son refus catégorique de voir cette affaire réglée.
Que c’est ainsi que la requérante a saisi le Tribunal de Grande Instance, pour voir le préjudice par elle subi, intégralement réparé.
Que pour garantir le recouvrement de sa créance, elle a sollicité et obtenu une ordonnance de saisie conservatoire de créance n 62 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, en date du 11octobre 2002.
C’est la décision querellée.
II) DISCUSSION JURIDIQUE
Attendu que l’ordonnance querellée a été rendue sur la base des arguments de fait et de droit inopérants et sans fondement juridique.
Qu’en effet, la requérante entend démontrer ci-après, que le premier Juge s’est fourvoyé en faisant une très mauvaise interprétation de l’article 54 de l’Acte uniforme OHADA portant voies d’exécution.
Attendu que pour rétracter l’ordonnance n 62 du 11octobre 2002, le premier Juge a prétendu que les conditions de l’article 54 de l’Acte uniforme OHADA portant voies d’exécution n’étaient pas réunies.
Mais attendu qu’il s’est trompé, la créance dont recouvrement est poursuivi remplissant indiscutablement les conditions requises par l’article 54, ainsi qu’il sera démontré de suite.
Attendu en effet, que l’article 54 dont s’agit, dispose que : » toute personne dont la créance paraît fondée en son principe, peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie des circonstances de nature à menacer le recouvrement.
Qu’ainsi, l’article 54 pose deux conditions : Le principe de la créance (A) et les circonstances de nature à en menacer le recouvrement (B).
A DU PRINCIPE ET DU FONDEMENT DE LA CREANCE DE LA REQUERANTE
Attendu qu’il est constant que la requérante a commandé et payé des marchandises à la F.A.I.E. qui lui a livré des objets différents de la commande.
Que la requérante, ayant constaté la défectuosité des marchandises, a informé son fournisseur, qui reconnaîtra cet état des choses et promettra de remédier à la situation (voir fax du 12 avril 2002).
Que la F.A.I.E. en promettant de réparer le préjudice à travers les futures transactions, consacrait ainsi une dette qu’elle avait désormais vis-à-vis de la requérante, laquelle était d’environ 31 000 000 FCFA.
Que le principe de la créance de la requérante est amplement établi en l’espèce, conformément à l’article 54 précité.
B SUR LES CIRCONSTANCES DE NATUREaEN MENACER LE RECOUVREMENT
Attendu sur ce point, que la FAIE prétend qu’elle est solvable et que la créance dont recouvrement est poursuivi n’est pas menacée.
Mais attendu que cet argument ne peut prospérer.
Qu’en effet, la requérante rappelle que la F.A.I.E. Sarl est une société étrangère dont le siège social est situé à 167, avenue Gambetta. 93170 BAGNOLET / FRANCE, qui n’a pas de biens meubles ou immeubles au Cameroun, en dehors de ses avoirs éventuels dans les différents établissements banCAIREs de la place.
Que compte tenu de ces circonstances, il serait risqué d’ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée, qui est la seule garantie de recouvrement que la requérante possède, une fois qu’elle serait nantie d’un titre exécutoire.
Attendu qu’à travers tous ces développements, il est évident de constater que le premier Juge a fait une très mauvaise appréciation, aussi bien des faits que du droit de la cause, exposant ainsi l’ordonnance déférée, à une infirmation quasi-certaine.
PAR CES MOTIFS
– Adjuger à la requérante, l’entier bénéfice de ses présentes écritures.
– Dire qu’il a été mal ordonné et bien appelé.
EVOQUANT ET STATUANTaNOUVEAU.
– Débouter la FAIE Sarl de sa demande, comme non fondée.
– Condamner l’intimée aux dépens distraits au profit de Maître Théodore KAMKUI, Avocat aux offres de droit.
Sous toutes réserves.
Par ordonnance de fixation de date N 311/RG/2002-2003 en date du 1er juillet 2003, le Président de la juridiction saisie donnait acte à la Société Le Printemps du Centre, de la présentation de sa requête d’appel; disait qu’avis desdites requête et ordonnance sera donné aux parties par le Greffier en Chef de la Cour; fixait au 02 juillet 2003, la date limite de production des défenses, par l’intimée, et au 09 juillet 2003, celle de l’audience à laquelle la cause sera appelée.
La cause, sur cette notification régulièrement inscrite au rôle de la Chambre Civile, sous le n 750/RG/02-03, fut appelée à l’audience fixée, et après renvois utiles.
Madame le Président a fait le rapport.
Le Conseil de l’appelante a sollicité de la Cour, l’adjudication de ses conclusions, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Et tous autres à déduire, ou suppléer, même d’office.
– Adjuger à la concluante, le bénéfice de ses présentes et précédentes écritures.
– Constater que la créance de la Société Le Printemps du Centre Sarl paraît fondée en son principe, tel que l’a fait le premier Juge, d’ailleurs.
– Constater que les seuls biens que la Société FAIE possède au Cameroun, sont le contenu de ses comptes banCAIREs.
– Constater qu’encas de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée, le recouvrement de la créance de la concluante sera gravement menacé, la Société FAIE ne possédant aucune autre base au Cameroun.
EN CONSEQUENCE :
– Infirmer en toutes ses dispositions, l’ordonnance n 264 en date du 14 janvier 2003 de Monsieur le Juge du Contentieux de l’exécution du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo.
Sous toutes réserves.
Le Conseil de l’intimée a également sollicité de la Cour, l’adjudication de ses conclusions, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
– Voir constater que la Société Le Printemps du Centre Sarl n’invoque aux termes de sa requête d’appel, aucun argument de nature à justifier l’infirmation de l’ordonnance de mainlevée attaquée à tort par ladite société.
– Voir constater que le premier Juge a incontestablement fait une saine appréciation des faits de la cause et une exacte application de la loi, particulièrement l’article 54 de l’Acte uniforme n 6 de l’OHADA.
– Voir constater, dès lors, que la requête de la Société Le Printemps du Centre Sarl est manifestement dilatoire et tend à l’évidence, à nuire à la Société FAIE Sarl.
– Voir constater que cela est d’autant plus vrai que la créance alléguée par la Société Le Printemps du Centre Sarl s’avère inexistante.
– Confirmer, partant, l’ordonnance n 264 du 14 janvier 2003 en toutes ses dispositions.
– Condamner Le Printemps du Centre aux dépens, dont distraction au profit de Maître Jacques NYEMB, Avocat aux offres de droit.
Sous toutes réserves.
Sur quoi, les débats ont été déclarés clos, et l’affaire mise en délibéré, pour arrêt être rendu le 09 juin 2004.
Au cours du délibéré, le Conseil de l’appelante faisait parvenir au Tribunal, une note en délibéré, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
Et tous autres à déduire, ou suppléer, même d’office.
– Adjuger à la concluante, le bénéfice de ses présentes et précédentes écritures.
– Constater que la FAIE ne justifie pas de l’existence du jugement dont elle cite le dispositif.
– Constater que même si l’existence d’un tel jugement était prouvé, la FAIE ne rapporte pas la preuve de ce que ledit jugement serait devenu définitif.
– Constater que les seuls biens que la Société FAIE possèd6e au Cameroun, sont le contenu de ses comptes banCAIREs.
EN CONSEQUENCE :
– Infirmer en toutes ses dispositions, l’ordonnance n 264 en date du 14 janvier 2003 de Monsieur le Juge du Contentieux du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo.
SOUS SOUTES RESERVES.
Le Conseil de l’intimée faisait également parvenir à la Cour, une note en délibéré, dont le dispositif est ainsi conçu :
PAR CES MOTIFS
– Voir constater que suivant jugement en date du 05 mars 2004, le Tribunal de Grande Instance de Douala a explicitement constaté l’inexistence de la créance invoquée par Le Printemps du Centre, en déboutant ladite société, de sa demande de paiement, comme non fondée.
– Voir constater ce faisant, que la saisie conservatoire de créances pratiquée au préjudice de la Société FAIE, est manifestement abusive, comme entreprise sur le fondement d’une créance inexistante.
– Confirmer, partant, l’ordonnance de mainlevée n 264 du 1l janvier 2003, en toutes ses dispositions.
– Adjuger à la concluante, l’entier bénéfice de ses précédentes et présentes écritures.
Sous toutes réserves.
Advenue ladite audience, la Cour, vidant son délibéré a rendu à haute voix, par l’organe de son Président, l’arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Vu l’ordonnance n 264 rendue le 14 janvier 2003 par le Président du Tribunal de Première Instance de Doua1a Bonanjo, en son audience du contentieux de l’exécution.
Vu l’appel interjeté par requête datant du 23 janvier 2003, enregistrée au Greffe de la Cour, le 24 janvier 2003, sous le numéro 402, par la Société Le Printemps du Centre Sarl, dont le siège est situé à Yaoundé BP 13724, représentée par sieur CHEDJOU Gabrie1, ayant pour Conseil, Maître Théodore KAMKUI, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 15353 Douala.
Ouï Monsieur le Président en la lecture de son rapport.
Ouï les parties en leurs prétentions.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que l’appel interjeté est régulier, comme ayant été fait dans les forme et délai prévus par la loi, il y a lieu de le recevoir et d’examiner ses mérites.
Considérant que toutes les parties ont conclu, il convient de statuer par décision contradictoire à leur égard.
Au fond
Considérant que la Société Le Printemps du Centre Sarl déclare avoir fait appel, aux motifs que l’ordonnance attaquée a été rendue sur des moyens de fait et de droit inopérants.
SUR LES FAITS
Considérant que l’appelante déclare qu’elle a acheté à la Société France Africaine Import Export (FAIE) Sarl, 374 pneus, soit :
– 300 pneus occasion 1200 x 200.
– 4 pneus occasion 900 x 20.
– 16 pneus neufs 1200 x 20.
– 18 pneus rechapés 1200 x 20.
au prix global de 319 080 FF, soit 31.904 080 FCFA.
Que suivant connaissement n NDAL 423L EHDLA207, deux containers SCZU 710686/4 et GSTU 663376/3, contenant au total 374 pneus, lui ont été expédiés.
Que le 13 septembre 2001, la SOCAMARalivré à la requérante, les deux containers ci-dessus, suivant bordereaux numéros 0018707A et 0018708A.
Mais que curieusement, au dépotage, la requérante a été surprise de constater que les pneus expédiés n’étaient non seulement pas conformes à la facture, mais en plus, étaient avariés et impropres à la consommation.
Que la Société FAIE Sarl a reconnu cet état de chose, à travers le fax qu’elle a envoyé à la requérante, le 12 avril 2002, et dans lequel elle promettait de réparer intégralement le préjudice subi.
Qu’après plusieurs démarches entreprises en vue de trouver une solution amiable, la FAIE s’est illustrée par sa mauvaise foi et son refus de voir cette affaire réglée.
Que c’est à la suite de ce refus, que la requérante a saisi le Tribunal de Grande Instance, pour faire réparer le préjudice subi.
Considérant que l’appelante, pour garantir le recouvrement de sa créance, a sollicité et obtenu une ordonnance de saisie conservatoire de créance n 62 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala Bonanjo, en date du 11octobre 2002.
SUR LE PLAN DU DROIT
Considérant que le Conseil de la requérante soutient que le premier Juge s’est trompé en ordonnant mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée, parce que la créance dont le recouvrement est poursuivi, remplit les conditions requises par l’article 54 de l’Acte uniforme OHADA sur le recouvrement simplifié et voies d’exécution, notamment le fondement de la créance de la requérante, et les circonstances de nature à en menacer le recouvrement.
Considérant que la requérante soutient qu’elle a payé les marchandises à la FAIE, qui lui a livré des marchandises différentes de la commande.
Qu’elle a aussitôt constaté la défectuosité des marchandises et en a informé le fournisseur, qui a reconnu cet état et a promis d’y remédier.
Considérant par ailleurs, sur la deuxième condition, que la requérante soutient que la FAIE Sarl est une société étrangère basée en France, qui n’a pas de biens meubles ou immeubles au Cameroun, en-dehors de ses avoirs éventuels dans les établissements banCAIREs de la place.
Qu’il serait donc risqué d’ordonner mainlevée de la saisie pratiquée, qui est la seule garantie de recouvrement pour la requérante.
Qu’il convient, compte tenu de tout ce développement, d’infirmer l’ordonnance entreprise.
Considérant que le Conseil de la Société FAIE Sarl soutient que le premier Juge a fait une saine appréciation des faits de la cause, et une exacte application de la loi, notamment l’article 54 de l’Acte uniforme n 6 de l’OHADA,car la Société Le Printemps du Centre Sarl ne vise aux ternes de sa requête d’appel, la moindre circonstance de nature à menacer le recouvrement de sa prétendue créance, si ce n’est que ladite société se borne à affirmer de manière laconique, que « la FAIE SARL est une société étrangère dont le siège social est situé en France, qui n’a pas de biens meubles ou immeubles au Cameroun ».
Que pourtant, à la saisie conservatoire de créances abusivement pratiquée sur les comptes de la concluante, la CBCa fait, conform6ment à la loi, une déclaration affirmative aux termes de laquelle, elle a procédé à un cautionnement de près de 25 000 000 FCFA.
Considérant que Le Printemps du Centre Sarl a effectué le dernier règlement au profit de la Société FAIE, d’un montant de 9.518 000 FCFA, le 27 septembre 2002, c’est-à-dire moins de deux semaines avant la saisie conservatoire de créances dont mainlevée a été ordonnée, à juste titre, par le premier Juge de l’exécution.
Considérant que le paiement susvisé illustre à suffire que la Société FAIE dispose au Cameroun, de structures de gestion fiables, de sorte que le recouvrement éventuel de la prétendue créance de la Société Le Printemps du Centre ne saurait être menacé.
Considérant en tout état de cause et conformément à une jurisprudence constante, que « le créancier a la charge d’établir que la mesure conservatoire est rendue nécessaire par l’insolvabilité du débiteur » (cf.cassation 2ème Civ. 26 novembre 1998 : juris Data N 1998--004653).
Que tel n’est pas le cas en l’espèce, la Société FAIE étant parfaitement solvable, surtout qu’elle continue d’enregistrer dans ses comptes banCAIREs ouverts à Douala, d’importants règlements effectués par ses divers clients, ainsi qu’il ressort des copies des chèques correspondants produits aux débats (cf. bordereau des pièces).
Considérant que Maître NYEMB Jacques, Conseil de l’intimée soutient que la Société Le Printemps du Centre Sarl prétend que la facture des marchandises ne serait pas conforme à la commande, encore moins à la marchandise effectivement livrée, 1aquelle se serait avariée.
Mais attendu que la Société Le Printemps du Centre Sarl est manifestement de mauvaise foi, car pour s’en convaincre, la concluante verse aux débats, le rapport de contrôle SGS-France, en date du 22 juin 2001, duquel il ressort que les marchandises expédiées à la société appelante, correspondent exactement à la facture, et qu’il n’existe « aucune divergence ».
Qu’il s’ensuit que l’expédition dont s’agit, était parfaitement conforme à la facture adressée à la Société Le Printemps du Centre Sarl.
Considérant que l’avis de l’inspection de la Société SGS-France, dont la crédibilité n’est plus à démontrer, ne saurait être remis en cause par de simples affirmations gratuites de la Société Le Printemps du Centre Sarl.
Qu’il est curieux que la société appelante ne produise pas aux débats, l’avis d’inspection SGS-Cameroun, établissant une quelconque divergence entre la marchandise arrivée à destination au Port de Douala, et la facture présentée par Le Printemps du Centre Sarl.
Que de même, comment la Société Le Printemps du Centre Sarl, peut-elle faire état de prétendues avaries, alors que l’expédition y afférente a été reçue sans aucune réserve, par l’entreprise de manutention, en l’occurrence, la Société SOCOMAR, ce qui suppose une présomption de livraison conforme.
Considérant que la société appelante a obtenu livraison des marchandises et n’a émis aucune réserve à la réception des mains du manutentionnaire, ainsi qu’il résulte des bordereaux de livraison du 11 septembre 2001, contenus dans le bordereau des pièces qu’elle a produites.
Que les avaries alléguées sont d’autant plus imaginaires, que la Société Le Printemps du Centre Sarl avait, par la suite, adressé à l’intimée, un nouveau bon de commande daté du 12 février 2002, c’est-à-dire plus de six mois après la précédente livraison, sans invoquer le moindre défaut de conformité de ladite livraison ou une quelconque avarie.
Considérant que la Société le Printemps du Centre Sarl, pour justifier sa prétendue créance, produit aux débats, un pseudo rapport d’expertise du cabinet NJELE, établi sur une page et demie, et dont les conclusions sont ahurissantes; l’Expert, unilatéralement sollicité par la société appelante, a réalisé sa mission en trois phrases conçues ainsi qu’il suit :
« Outre la non conformité de la commande, les pneus sont creusés à tel point qu’on ne peut pas les utiliser.
Les pneus 365 x 80 x 20 se vendent difficilement sur le marché des pneus d’occasion.
Compte tenu de ce qui précède, nous déclarons cette commande non conforme ».
Considérant que ce rapport d’expertise doit être écarté des débats, parce que fait en violation de l’article 116 du Code de Procédure Civile et Commerciale, aux termes duquel : » pour être opposable aux parties et au Juge, l’expertise doit avoir été ordonnée soit par le Tribunal, soit encas d’urgence, par le Juge des référés ».
Considérant que ce rapport d’expertise viole aussi l’article 120 du même code, qui dispose :
« Les Experts indiqueront aux parties, les lieu, jour et heure de leurs opérations; il leur sera remis le jugement qui a ordonné l’expertise, et les pièces nécessaires ».
Considérant que la société appelante s’accroche sur la correspondance du 12 avril 2002 comme une reconnaissance de responsabilité, alors que celle-ci ne constitue qu’une offre commerciale avantageuse destinée à améliorer les rapports entre ladite société et la concluante.
Mais considérant qu’il ressort de l’argumentaire de l’appelante, des incongruités qui établissent à la fois, sa mauvaise foi et sa volonté de s’enrichir illicitement.
Que pour s’en convaincre, il n’y a qu’à relever que :
1.-L’appelante, au moment de la livraison de la marchandise, n’a pas émis de réserves.
2. L’appelante a attendu plusieurs mois pour parler de livraison non conforme à la commande.
3. L’appelante n’a pas dit ce qu’elle a fait du stock de marchandises non conformes (vendues, détruites ou retournées à l’expéditeur).
4. L’expert désigné par l’appelant a travaillé en violation des articles 116 et 160 du Code de Procédure Civile et Commerciale.
Considérant que la créance de la Société Le Printemps du Centre Sarl n’est pas fondée en son principe, tel que l’exige l’article 54 de l’Acte uniforme OHADA n 6.
Qu’il y a lieu de relever que les arguments de l’intéressée sont pertinents, que le premier Juge a fait une saine appréciation des faits de la cause et une exacte application de la loi.
Qu’il convient donc de faire siens les motifs du premier juge, en confirmant la décision entreprise.
Considérant qu’il y a lieu de condamner l’appelante aux dépens distraits au profit de Maître NYEMB, Avocat aux offres de droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort, en formation collégiale.
EN LA FORME
– Reçoit l’appel.
Au fond
– Confirme la décision entreprise.
– Condamne l’appelante aux dépens distraits au profit de Maître NYEMB, Avocat aux offres de droit.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus.
En foi de quoi le présent arrêta été signé par le Président, les membres de la collégialité et le Greffier approuvant.