J-07-64
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – RESILIATION – CONDITIONS – MISE EN DEMEURE – NON RESPECT – IRRECEVABILITE.
En l’absence de mise en demeure préalable, la demande d’expulsion et de résiliation du bail du locataire commerçant formée par le bailleur doit être déclarée irrecevable.
Article 101 AUDCG
Article 102 AUDCG
(Tribunal de Première Instance de Bafoussam, JUGEMENT civil n 63 du 02 septembre 2005, AFFAIRE Me GEUGANG C/ DJOBDIE AMADAMA).
LE TRIBUNAL.
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Vu les lois et règlements en vigueur.
Ouï les parties en leurs demandes, moyens de défense et conclusions.
Après avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que par exploit du 20 Avril 2004 de Me TCHOUA Yves, huissier de justice à Bafoussam, enregistré le 24 Mai 2004, volume 02 folio 46 case et bordereau 2064, aux droits de 4000 francs, Maître GUEGUANG, notaire à Bafoussam ayant pour conseil Maîtres NGANHOU et NZEGAH, avocats associés à Bafoussam, a assigné le sieur DJOBDIE Amadama, commerçant à Bafoussam et ayant pour conseil le cabinet KKADJITT, avocats associés à Bafoussam, d’avoir à se trouver et comparaître devant le Tribunal de Première Instance de céans, statuant en matière civile, pour est- il dit dans cet exploit.
Recevoir le requérant en son action et l’y dire fondé.
Condamner le sieur DJOBDJE Amadama à payer au requérant les arriérés de loyers chiffrés pour l’instant à 1 980°000 francs couvrant la période de Novembre 2002 à Avril 2004.
Le condamner à lui payer la somme de 900°000 francs à titre de dommages-intérêts.
Ordonner son expulsion de l’immeuble objet du titre foncier n 3915/ Mifi appartenant à la requérante, ainsi que de tous les occupants de son chef sous astreinte de 20°000 francs par jour de retard.
Bien vouloir enfin ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes les voies de recours.
Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur expose qu’il est propriétaire d’un immeuble urbain bâti sis à Bafoussam au quartier Djeleng II objet du titre foncier n 3915/Mifi suivant acte de vente n 740/REP reçu le 23 Décembre 1998 par Maître TCHINDA Joseph, notaire à Bafoussam.
Que le défendeur occupe ledit immeuble en qualité de locataire moyennant un loyer mensuel de 110°000 francs ainsi que l’atteste la déclaration de location verbale du 25 Novembre 2002.
Qu’il a toujours éprouvé de nombreuses difficultés pour percevoir les loyers convenus.
Qu’en ce moment, il lui est redevable de la somme de 1 980°000 francs représentant les loyers couvrant la période de Novembre 2002 à Avril 2004.
Que plus grave encore, sieur DJOBJE a mis l’immeuble dont il s’agit e délabrement indescriptible au point où il n’est pas exagéré d’affirmer que cet immeuble menace ruine et qu’il est urgent d’y entreprendre des travaux de réfection et d’entretien.
Qu’il est dès lors opportun de condamner le susnommé d’une part à lui payer les arriérés de loyers tels que sus chiffrés et d’autre part à libérer son immeuble.
Attendu que pour faire échec à cette action le défendeur par le biais de ses conseils susnommés conclut d’une part à la nullité de l’exploit de sommation de payer et de libérer du 02 Mars 2003 pour violation des dispositions prescrites d’ordre public et d’autre part à son débouté.
Que sur le premier moyen, il fait valoir qu’aux termes de l’article 20 alinéa 4 du Décret n 79/448 du 05 Novembre 1979 portant règlementation des fonctions fixant le statut des huissiers de justice ensemble des texte modificatifs subséquents, le législateur a bien voulu préciser que « … sauf ordonnance du Magistrat compétent, l’huissier ne peut instrumenter les Dimanches et jours fériés, les jours ouvrables avant 6 heures et après 18 heures ».
Qu’en l’espèce, il appert que l’exploit du 02 Mars 2003 libellé « sommation de payer et de libérer » dont se prévaut le défendeur pour soutenir qu’il a respecté les dispositions d’ordre public de l’article 101 de l’Acte uniforme portant droit commercial a été diligenté le Dimanche 03 et sans autorisation du magistrat compétent.
Qu’ainsi les actes posés en violation du texte susvisé sont illicites et ne sauraient produire le moindre effet et c’est dans ce sens qu’il a été jugé par la Cour Suprême du Cameroun que les constats dressés en dehors des heures légales ne peuvent servir de base à une condamnation et doivent être écartés des débats (C.S. Arrêt n 64/P du 15 Décembre 1970).
Qu’ils concluent donc leurs propos au regard de ce qui précède en soutenant que la nullité de cet exploit ne souffre d’aucune contestation et mérite dès lors d’être purement et simplement écarté des débats.
Que sur le second moyen, ces conseils allèguent que l’expulsion d’un locataire commerçant obéit à un formalisme notamment la mise en demeure préalable adressée au locataire par acte extra judiciaire d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail ainsi que l’exige l’article 101 de l’acte uniforme OHADA sur le droit commercial.
Que l’article 102 du même acte dispose que cette exigence est du reste d’ordre public.
Que cependant, en l’espèce, le demandeur ne rapporte nullement la preuve d’une quelconque mise en demeure préalable.
Qu’il convient donc au tribunal de céans d’après eux de le débouter de son action comme non fondée.
Que revenant à la charge, le demandeur rétorque que bien que la sommation de payer ait été servie un Dimanche, cela n’a causé aucun grief au défendeur et à ce titre, la nullité excipée par lui est facultative pour le juge qui peut toujours l’accueillir ou la rejeter conformément à l’article 602 du code de procédure civile et commerciale.
Attendu qu’à l’analyse, il transparaît des pièces du dossier notamment la sommation de payer et de libérer du 02 Mars 2003 dont se prévaut le demandeur que cet acte a été servi un Dimanche, jour férié sans autorisation du Magistrat compétent et ce, en violation de l’article 20 alinéa 4 du décret du 05 Novembre 1979 modifié portant règlementation des fonctions d’huissiers qui dispose en substance « sauf ordonnance du Magistrat compétent, l’huissier ne peut instrumenter les Dimanches et jours fériés, les jours ouvrables avant 6 heures et après 18 heures ».
Qu’ainsi, il est de doctrine et de jurisprudence constantes que les actes posés en violation de ce texte sont illicites et ne sauraient produire le moindre effet.
Qu’il s’agit dès lors des actes entachés de nullité substantielle pour lesquels l’exigence d’un préjudice n’est pas requise contrairement à l’argumentation du demandeur qui prétend qu’on est en présence d’une nullité relative laissée à l’appréciation du juge.
Qu’au demeurant, la jurisprudence est constante sur le fait que les actes entachés d’une nullité radicale du fait de leur caractère illicite ne sauraient produire aucun effet et doivent être écartés des débats (CS. CO Arrêt n 171 du 27 Août 1968, Bull. n 19 P. 2269).
Que compte tenu de tout ce qui précède, il convient dès lors de déclarer nulle et de nullité absolue la sommation de payer et de libérer servie le Dimanche 02 Mars 2003 au défendeur par l’huissier instrumentaire Me TCHOUA Yves.
Attendu qu’en raison de la nullité de l’exploit susvisé, tout se passe comme s’il n’y a jamais eu de mise en demeure préalable telle qu’exigée par l’article 101 de l’acte uniforme susvisé.
Qu’il est par conséquent de bon ton et de bon droit de dire l’action de Maître GUEGUANG irrecevable en l’état; attendu que la partie qui succombe supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort.
Constate que la sommation de payer et de libérer servie le 02 Mars 2003 par l’huissier instrumentaire Maître TCHOUA Yves et dont se prévaut le demandeur a été faite un Dimanche, jour non ouvrable sans ordonnance du Magistrat compétent.
Dit qu’un tel acte est nul et de nullité absolue et partant ne peut produire d’effet juridique.
Déclare par conséquent l’action de Maître GUEGUANG irrecevable en l’état pour violation de l’article 101 de l’acte uniforme OHADA portant Droit Commercial Général tirée de l’absence de mise en demeure adressée préalablement au défendeur d’avoir à respecter les clauses et conditions de bail.