J-07-70
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE EN VERTU D’UNE GROSSE HYPOTHECAIRE – SAISINE DU TRIBUNAL ETTATIQUE POUR LA REALISATION DE L’HYPOTHEQUE – CONVENTION D’ARBITRAGE – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL ETATIQUE (OUI) – MAINLEVEE DE LA SAISIE.
Lorsque les parties à une convention ont convenu que tout différend né de cette convention sera de la compétence du tribunal arbitral, la juridiction étatique saisie par l’une des parties doit, dans ce cas et en application de l’article 13 AUA, se déclarer incompétente.
(Tribunal de Grande Instance de la Mifi, jugement n°79/ civ. du 1er août 2006, affaire Commercial Bank of Cameroon (CBC) C/ Kenmogne Nzudie Ebénezer, dame Kenmogne née Djuissi Emilienne).
LE TRIBUNAL.
Vu l’ordonnance N 72/4 du 26 Août 1972 portant organisation judiciaire.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Le ministère public en ses réquisitions.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu qu’à la requête de la Commercial Bank of Cameroun ci-après dénommée « CBC Bank SA » dont le siège social est Douala BP 4004, immatriculée au Registre du commerce et du Crédit Immobilier de Douala sous le numéro 018.409, agissant poursuites et diligence de ses représentants légaux et ayant pour conseils la SCP NOUGWA et KOUONGUENG, avocats au Barreau du Cameroun.
Et en vertu.
1) De la grosse d’une convention de compte courant avec caution hypothécaire, convention N 1100 du 26 Septembre 2001 du répertoire de maître GUEGUANG, Notaire à Bafoussam, passée entre la CBC SA et la société Building and Trading Company Limited (BUTRACO) Sarl.
2) Du certificat d’inscription hypothécaire N 70 délivré le 10 Octobre 2001 par le Conservateur de la Propriété foncière de l’Ouest à Bafoussam.
Maître CHUEMAGA NGOUDJO Léontine a fait commandement à.
1) KENMOGNE NZUDIE Ebénézer, commerçant demeurant à Bafoussam BP 324.
2) Dame KENMOGNE NZUDIE née DJUISSI Emilienne, ménagère demeurant à Bafoussam d’avoir dans les 20 jours de la signification du commandement à payer à la CBC la somme de FCFA 22.697.688 en principal augmentée des accessoires d’un montant de 6.737.185 FCFA soit au Total 29.434.873 FCFA, les avertissant que faute de paiement dans le délai sus visé, ils seront poursuivit en expropriation devant le Tribunal de Grande Instance de la MIFI à Bafoussam ou par devant Notaire, et spécialement sur.
Un immeuble urbain non bâti, situé à Bafoussam au lieu dit « Bamougoum », d’une contenance superficielle de 500 M2, objet du titre foncier numéro 762 du département de la Mifi.
Un immeuble urbain non bâti, situé à Bafoussam au lieu dit « Kouogouo Bamougoum », d’une contenance superficielle de 199 m2, faisant l’objet du titre foncier numéro 6331 du Département de la Mifi.
Que ces derniers ne s’étant pas exécutés la partie poursuivante (CBC) déposait un cahier des charges au Greffe le 12 Septembre 2005, fixant l’audience éventuelle au 18 Octobre 2005 et la date l’adjudication au 6 Décembre 2005 par devant maître GUEGUANG, Notaire à Bafoussam, après accomplissement des formalités légales.
Attendu que le 10 Octobre 2005, maître MONGKOU Lawrence, avocat agissant au nom et pour le compte de KENMOGNE NZUDIE et de Dame KEMOGNE déposait au Greffe des dires et observations et saisissant concurremment le Président du Tribunal de Grande Instance par requête aux fins de solliciter la nullité des poursuites ainsi enclenchées sur le fondement de cinq moyens, notamment.
La violation de l’article 269 de l’Acte Uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et des Voies d’Exécution.
La violation des articles 250 et 249 de l’acte Uniforme sus visé.
La violation de l’article 254 de l’Acte Uniforme sus visé.
La nullité du pouvoir spécial aux fins de saisie immobilière.
La violation des dispositions de l’article 1108, 1109, 1110, 1119, 1131, 1133et 1142 du Code Civil.
Attendu qu’en réaction de ces dires la CBC par la plume de son conseil a soutenu.
Que la convention de crédit passée le 26 Septembre 2001 portait sur un découvert de 15 millions de francs.
Que plus tard à la demande de BUTRACO en date du 24 Septembre 2002, la CBC lui a accordé divers concours supplémentaires dont.
Un découvert de 25 millions à échéance au 31/04/2003.
Une ligne d’avance sur facture de 10 millions à échéance du 31/04/03.
Une garantie bancaire ou avals d’effets de 10 millions à échéance du 31/03/03.
Que tous ces concours ont été régulièrement consommés par BUTRACO qui n’a pas pu honorer ses engagements si bien qu’au 10 Février 2004 l’encours s’élevait à 26.210.310 F.
Qu’après les négociations entre les deux parties, ils ont arrêté le solde à 19 millions de francs et ont signé le 24 Mars un protocole d’accord pour le paiement dudit solde en 30 mensualités.
Que l’article 7 dudit protocole disposait que l’inexécution d’un seul des engagements, notamment le paiement d’une seule échéance entraînerait de plein droit et sans préavis l’exigibilité de la totalité de la créance; et particulièrement la réalisation de garanties conférées par l’acte n 1001 du répertoire de maître GUEGUANG.
Que c’est la violation de cet article par BUTRACO qui a été à l’origine du commandement qui a déclenché la présente procédure.
Que toutes les irrégularités soulevées par BUTRACO sont sans fondement, et qu’il y a lieu d’ordonner la continuation des poursuites.
Attendu qu’en réaction à ces écritures les saisies ont soulevé l’exception d’incompétence du Tribunal de céans, en faisant valoir.
Que le protocole d’accord signé à Douala le 24 Mars entre les parties stipulait en son article 8 que tout différend pouvant naître de l’exécution ou de l’interprétation serait résolu à l’amiable, et le cas échéant la juridiction du Centre d’arbitrage du GICAM serait compétente.
Que l’article 13 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit d’arbitrage dispose que lorsqu’un litige dont un tribunal arbitral est saisi en vertu d’une convention arbitrale est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit si une partie en fait le demande, se déclarer incompétente; si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente.
Qu’au principal, ils soulèvent l’incompétence du tribunal, et subsidiairement tous les griefs présentés dans leurs dires et observations.
Attendu que les saisies ont soulevé aussi des causes de nullité que l’exception d’incompétence.
Attendu que la compétence est préalable à tout débat sur le fond.
Que les causes de nullité soulevées ne peuvent être débattues que si le tribunal se reconnaît compétent.
Qu’il y a lieu de statuer au préalable sur cette exception.
Sur l’exception d’incompétence
Attendu qu’il est produit aux débats le protocole d’accord conclu le 24 Mars 2004 entre les parties.
Attendu que l’article 8 dudit protocole attribue compétence au Centre d’arbitrage du GICAM pour tout différend né de son exécution ou de son interprétation.
Attendu que l’article 13 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage fait obligation à toute juridiction de se déclarer incompétente lorsqu’elle est saisie en vertu d’une convention arbitrale, si une partie en fait la demande.
Attendu que dans le cas d’espèce les parties ont convenu de recourir à l’arbitrage en cas de différend.
Que c’est à juste titre que les saisies ont soulevé l’incompétence du Tribunal de céans.
Qu’il y a lieu de se déclarer incompétent.
Attendu que les dépens sont supportés par la partie qui succombe.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et commerciale, en premier et dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit le COMMERCIAL BANK OF CAMEROUN en son action.
Reçoit KENMOGNE NZUDIE Ebénezer et dame KEMOGNE NZUDIE née DJUISSI Emilienne en leurs Dires et observations.
AU FOND
Se déclare incompétent.
Renvoie la COMMERCIAL BANK OF CAMEROUN à mieux se pouvoir.
En conséquence donne main - levée de la saisie.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH
Cette décision peut surprendre. S’il est de jurisprudence constante qu’en présence d’une convention d’arbitrage, le juge étatique doit se déclarer incompétent, ce n’est que si les parties sont opposées sur le fond d’un litige qui doit être tranché pour déterminer qui doit quoi et à qui et permettre au créancier d’obtenir un titre exécutoire.
Il n’en est pas de même si le créancier s’apprête à exécuter un titre exécutoire comme c’est le cas en l’espèce. Dans ce cas, seul l’appareil judiciaire est compétent pour permettre l’exécution forcée.