J-07-72
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCES – DENONCIATION – DESIGNATION DE LA JURIDICTION COMPETENTE POUR CONNAITRE DES CONTESTATIONS (NON) – NULLITE.
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – IMMUNITE D’EXECUTION – BENEFICIAIRES – PERSONNES MORALES DE DROIT PUBLIC – DISPOSITION D’ORDRE PUBLIC MAINLEVEE DE SAISIE.
La dénonciation d’une saisie attribution de créance doit contenir, sous peine de nullité, la désignation de la juridiction compétente devant laquelle seront portées les contestations. Cette exigence n’est pas remplie lorsque le saisissant a indiqué plusieurs juridictions à la fois.
L’article 30 AUPSRVE qui prévoit l’immunité d’exécution en faveur des personnes morales de droit public est une disposition d’ordre public. Par conséquent, elle peut être soulevée d’office par le juge saisi d’une procédure de saisie engagée contre une société d’Etat pour ordonner la mainlevée de ladite saisie.
Article 30 AUPSRVE
Article 49 AUPSRVE
Article 160 AUPSRVE
(Cour d’Appel du Littoral, Arrêt n°120/ REF du 18 septembre 2000, Cameroon Development. Corporation (CDC) C/ Société Fresh Food Cameroon).
La Cour,
Vu l’ordonnance de référé n 424 rendue le 22 Février 2000 par le Tribunal de Première Instance de Douala, statuant en la cause.
Vu l’appel relevé contre ladite ordonnance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï monsieur le Président en son rapport.
Ouï les parties qui ont conclu.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que par requête reçue au Greffe de la Cour d’Appel de céans le 02 Mars 2000 et enregistrée sous le numéro 482, la Cameroon Development Corporation (CDC) représentée par Me NDOBEDI, Avocat à Yaoundé, a déclaré interjeter appel contre l’ordonnance n 424 rendue le 22 Février 2000 par le juge de référés du Tribunal de Première Instance de Douala statuant d’heure à heure, dans une cause l’opposant à la Société FRESH FOODS Cameroon et dont le dispositif est reproduit dans les qualités du présent arrêt.
Considérant que cet appel relevé dans les formes et délai de la loi est régulier; qu’il échet de le recevoir.
Considérant que les parties ont conclu et ont été représentées par leurs conseils respectifs; que le présent arrêt sera contradictoire.
AU FOND
Considérant qu’il est fait grief au juge des référés d’avoir mal apprécié les faits de la cause pour parvenir à débouter la C.D.C de sa demande comme non fondée.
Considérant en fait que la société Fresh Foods Cemeroon (FREFOCAM) a fait opérer une saisie - attribution le 25 Janvier 2000 sur les comptes de la C.D.C dans diverses banques de la ville de Douala pour obtenir le paiement d’une somme de 57.314.185 francs.
Que ladite saisie a été dénoncée le 26 Janvier 2000 mais qu’elle est viciée en la forme; qu’alors que l’article 160 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution prescrit en son alinéa 2 que l’acte de dénonciation contient à peine de nullité la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées, la société Fresh Foods Cameroon n’a pas désigné la juridiction compétente dans l’acte de dénonciation; qu’elle s’est contentée de laisser à la C.D.C, le saisi, le choix entre le juge des référés, le Tribunal de Première Instance de Douala et le Tribunal de Grande Instance de Douala; que l’obligation posée par l’article 160 est substantielle.
Que, de plus, la C.D.C ayant saisi le tribunal de Grande Instance d’une assignation en opposition de saisie attribution de la créance susévoquée le 02 Mars 2000, ladite juridiction s’est déclarée incompétente; que l’article 160 de l’Acte OHADA suscité parle de désigner « la juridiction et non les juridictions; qu’elle conclut que la Fresh Foods n’a pas désigné la juridiction compétente et de déclarer nulle la dénonciation et aucune n’ayant été faite dans le délai de 8 jours il y a lieu de dire la saisie - attribution pratiquée caduque; que par conséquent la Cour se doit d’ordonner main - levée de la saisie - attribution pratiquée le 25 Janvier 2000.
Considérant qu’en réplique de cette requête d’appel, Me ENONCHONG, conseil de la Fresh Foods Cameroon a soulevé l’irrecevabilité dudit appel relevé en violation de l’article 190 CPC; qu’il fait observer qu’une expédition du jugement frappé d’appel n’a pas été annexée à la requête d’appel; qu’un simple extrait de plumitif y a été joint; qu’il fait également valoir qu’en énonçant que les contestations à élever devront l’être soit devant le juge de céans, soit le Tribunal de Première Instance de céans, soit le Tribunal de Grande Instance de céans, l’intimée n’a pas violé les dispositions de l’article 160 de l’Acte Uniforme OHADA en la matière; qu’il soutient qu’en cette matière le texte visé donne compétence aux trois juridictions; que la nullité évoquée est mal fondée; que l’acte de dénonciation du 26 Janvier 2000 n’est nullement vicié; que la saisie- attribution pratiquée n’est pas aussi caduque.
Considérant que par conclusion en date du 14 Avril 2000, Me NDOBEDI a réitéré qu’en désignant dans l’acte de dénonciation trois juridictions plutôt que l’une d’elles seulement, la Fresh Foods a violé les dispositions de l’article 160 de l’Acte Uniforme OHADA, et a voulu l’induire en erreur.
Considérant que Me ENONCHONG par ses écritures du 12 Juin 2000 reproche à la C.D.C de vouloir se prévaloir de sa propre turpitude qu’il relève que nul n’étant censé ignorer la loi, la C.D.C a saisi le Tribunal de Grande Instance du Wouri en main - levée de la saisie- attribution de créances effectuée le 25 Janvier 2000 au lieu de demander l’annulation de ladite saisie pour laquelle le Tribunal de Grande Instance est compétent.
Considérant qu’en réplique à cet argumentaire, Maître NDOBEDI soutient que contrairement aux prétentions de la Fresh Foods le Tribunal de Grande Instance du Wouri s’est déclaré incompétent en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA et non parce qu’elle l’a saisi en main- levée de ladite saisie; que la main - levée de saisie- attribution comme l’annulation de celle - ci sont des demandes relatives à une mesure d’exécution forcée dont la compétence revient selon la loi, au juge de l’exécution donc le juge des référés.
Considérant que la requête d’appel de la C.D.C était accompagnée d’un extrait de plumitif; qu’aux audiences qui ont suivi ladite société a donné une expédition régulière de la décision querellée.
Considérant qu’il est de jurisprudence constante que jusqu’à l’issue de la procédure les parties peuvent régulariser le dossier en produisant l’expédition de la décision entreprise avant le prononcé du verdict; qu’il n’y a donc pas violation de l’article 190 CPC (…); qu’il convient déclarer l’appel relevé par la C.D.C régulier.
Considérant que le fait pour la Fresh Foods d’énumérer dans l’acte de dénonciation toutes les juridictions de Douala en instance ne constitue pas la désignation de la juridiction voulue par l’article 160 de l’Acte Uniforme; que cet amalgame procède d’un désir d’embrouiller l’adversaire et l’induire en erreur; que cela procède d’un désir de frauder; que la seule juridiction apte à connaître des contestations en matière de saisie- attribution est le juge des référés conformément à l’article 49 de l’acte susvisé.
Considérant que la C.D.C est une société d’Etat; qu’aux termes de l’article 30 du même Acte Uniforme elle bénéficie d’une immunité d’exécution; que cette disposition étant d’ordre public, le juge peut l’évoquer d’office même pour la première fois en appel; qu’il s’en suit donc que c’est à tort que le juge des référés a ordonné la saisie- attribution sur les comptes de la C.D.C; qu’il convient d’annuler ladite décision, de donner main- levée de ladite saisie en conséquence.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit l’appel.
AU FOND
Dit que la C.D.C bénéficie d’une immunité d’exécution au sens de l’article 30 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Annule en conséquence la saisie- attribution pratiquée le 25 Janvier 2000 sur les comptes de la C.D.C dans différentes banques de la place.
Ordonne la main - levée de ladite saisie.