J-07-80
VOIES D’EXECUTION – COMMANDEMENT AVANT SAISIE – DEFAUT DES MENTIONS DE L’ARTICLE 92 AUPSRVE – NULIITE DU COMMANDEMENT ET DES ACTES SUBSEQUENTS.
Aux termes de l’article 92 AUPSRVE, « la saisie est précédée d’un commandement de payer signifié au moins huit jours avant la saisie au débiteur qui contient à peine de nullité°: 1) mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts; 2) commandement d’avoir à payer la dette dans un délai de huit jours, faute de quoi il pourra y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles. ».
Le commandement querellé en faisant état de ce que le débiteur, faute de paiement dans les délais y sera contraint par tous les voies et moyens de droit, terme vague qui ne renvoie pas à la lettre et à l’esprit de l’article 92 évoquant la vente forcée des biens meubles, il s’induit que le demandeur a violé les dispositions de l’article 92 alinéa 2 précitées; ‘au regard de ce qui précède il échet de déclarer nul et de nul effet l’exploit de commandement querellé ainsi que de tous les actes subséquents à savoir le procès-verbal de saisie-vente sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués.
Tribunal de Première Instance de Douala-Ndokoti, Ordonnance n 63/05-06 du 09 février 2006, Affaire M.TCHOUMBOU Jean c/ Mme TCHOUMBOU née NITCHEU Berthe, observations Jean GATSI.
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu qu’en vertu de l’ordonnance présidentielle n 13 rendue le 06 octobre 2005; et suivant exploit en date du 07 octobre 2005 non encore enregistré mais qui le sera en temps utile, sieur TCHOUMBOU Jean a fait donner assignation à Dame TCHOUMBOU née NITCHEU Berthe d’avoir à se trouver et comparaître par-devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Ndokoti statuant en matière de contentieux de l’exécution pour est-il dit dans cet exploit; Constater que le commandement servi à sieur TCHOUMBOU en date du 08 juillet 2005 viole les dispositions de l’article 92 de l’acte uniforme OHADA portant voies d’exécution en ce qu’il n’a pas précisé les intérêts échus de même que les taux d’intérêts et la contrainte par la vente forcée des biens meubles du débiteur; Constater que ces mentions sont prévues à peine de nullité de commandement; Constater que le procès-verbal de saisie a été dressé en présence de sieur TCIIOUMBOU; Constater que l’article 100 de l’acte uniforme suscité dispose en son alinéa 5 que si le débiteur est présent il doit faire sur le champ la déclaration au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens; Constater que sieur TCHOUMBOU bien que présent n’a fait aucune déclaration comme indiqué plus haut; Constater que le défaut de cette déclaration rend nul le procès-verbal de saisie vente querellé; En conséquence bien vouloir annuler tant le commandement servi à sieur TCHOUMBA le 08 juillet 2005 à la requête de dame TCHOUMBOU née NITCHEU Berthe que le procès-verbal de saisie-vente dressé le 22 septembre 2005 avec toutes les conséquences de droit.
Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur par l’organe de son conseil expose°: Que suite à une procédure de divorce par lui introduite par-devant le Tribunal de Grande Instance du Wouri à Douala, le juge conciliateur a en date du 23 juin 2005 et par ordonnance n 503/PTGI/W/Douala constaté la non conciliation des époux TCHOUMBOU et a autorisé celui-ci à suivre sur sa demande en divorce; Que ladite ordonnance prescrivant au requérant de payer à la femme les sommes de 1.000°000 Fcfa au titre de frais de première installation, 500°000F au titre de provision ad litem et 50°000 F par mois au titre de pension alimentaire; Qu’en date du 08 juillet 2005, signification-commandement de l’ordonnance ci-dessus visée était faite à sieur TCHOUMBOU par le ministère de Me EMBOLO Huissier de justice à Douala et en date du 22 septembre 2005 un procès-verbal de saisie-vente était dressé par ce dernier à la requête de Dame TCHOUMBOU née NITCHEU Berthe; Que tant le commandement susvisé que le procès-verbal de saisie-vente susdit sont nuls et de nul effet; Qu’en effet l’article 92 de l’acte uniforme OHADA susvisé dispose que « la saisie est précédée d’un commandement de payer signifié au moins huit jours avant la saisie au débiteur qui contient à peine de nullité°: 1 )mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux d’intérêt; 2) commandement d’avoir à payer la dette dans un délai de huit jours, faute de quoi il pourra y être contraint par la vente forcée des biens meubles »; Que curieusement, c’est en vain que dans l’exploit de commandement du 08 juillet 2005 l’on retrouvera l’indication des intérêts échus ainsi que du taux des intérêts de même que l’indication de ce que le débiteur pourra y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles; Que de tels manquements sont sanctionnés par la nullité du commandement; Que s’agissant du procès-verbal de saisie-vente l’article 100 du même acte uniforme susvisé dispose que « l’agent d’exécution dresse un inventaire des biens. L’acte de saisie contient à peine de nullité.. Si le débiteur est présent la déclaration de celui-ci au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens.. »; Que le débiteur était présent au moment de la saisie puisque le procès-verbal a été remis à sa propre personne mais nulle part il n’a fait aucune déclaration relativement à une précédente saisie des mêmes biens; Que le procès-verbal de l’Huissier instrumentaire est muet à ce sujet; Qu’un procès-verbal de saisie dressé dans de telles conditions mérite d’être annulé.
Attendu que pour étayer ses prétentions le demandeur fait verser aux débats l’exploit de signification-commandement et le procès verbal de saisie-vente querellé.
Attendu que réagissant à ces prétentions, la défenderesse sous la plume de son conseil conclut au débouté de l’action du demandeur et sollicite que soit ordonnée la continuation des opérations de saisie, arguant de ce que non seulement l’esprit et la lettre de l’article 92 al 2 de l’acte uniforme ont été respectés mais bien plus les dispositions de l’article 100 al. 5 de l’acte uniforme suscité n’ont pas été violées.
Attendu, sur la nullité du commandement tirée de la violation des dispositions de l’article 92 alinéa 2 de l’acte uniforme OHADA n 6 qu’aux termes de l’article 92 de l’acte uniforme OHADA n 6 » la saisie est précédée d’un commandement de payer signifié au moins huit jours avant la saisie au débiteur qui contient à peine de nullité°: 1) mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts; 2) commandement d’avoir à payer la dette dans un délai de huit jours, faute de quoi il pourra y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles. ».
Mais attendu que l’exploit de commandement querellé en faisant état de ce que le requérant sieur TCHOUMBOU faute de paiement dans les délais y sera contraint par tous les voies et moyens de droit, terme vague qui ne renvoie pas à la lettre et à l’esprit de l’article 92 évoquant la vente forcée des biens meubles, il s’induit que le demandeur a violé les dispositions de l’article 92 alinéa 2 suscitées; Qu’au regard de ce qui précède il échet de déclarer nul et de nul effet l’exploit de commandement querellé ainsi que de tous les actes subséquents à savoir le procès-verbal de saisie-vente dressé en date du 22 septembre 2005 sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués.
Attendu que la défenderesse ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de contentieux de l’exécution conformément à l’article 49 de l’acte uniforme OHADA portant voies d’exécution et en premier ressort.
Recevons le demandeur en son action.
Constatons que le commandement querellé viole les dispositions de l’article 92 alinéa 2 de l’acte uniforme OHADA n 6.
En conséquence déclarons nul et de nul effet tant le commandement querellé que les actes subséquents en l’occurrence le procès-verbal de saisie-vente dressé le 22 septembre 2005 par Me EMBOLO René Huissier de justice à Douala.
Disons notre ordonnance exécutoire sur minute, par provision et avant enregistrement.
Condamnons la défenderesse aux dépens.
Ainsi fait jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus.
Et signent sur la minute le Juge et le Greffier.
Observations
Encore une décision qui pourrait entraîner la mise en jeu de la responsabilité de certains professionnels, dont la légèreté laisse les nécessiteux au carrefour de la misère.
Les fais de l’espèce sont relativement simples°: suite à une procédure de divorce introduite devant le Tribunal de Grande Instance du Wouri à Douala, le juge conciliateur a en date du 23 juin 2005 et, par ordonnance, constaté la non conciliation des époux TCHOUMBOU et a autorisé le mari à suivre sur sa demande en divorce. L’ordonnance du juge, régulièrement signifié au mari en date du 08 juillet 2005, lui prescrivait de payer à la femme les sommes de 1.000°000 Fcfa au titre de frais de première installation, 500°000F au titre de provision ad litem et 50°000 F par mois au titre de pension alimentaire. L’inertie, ou sa volonté du mari de ne rien payer à celle qu’il veut s’en débarrasser a conduit l’huissier de justice, à la suite de la signification-commandement de l’ordonnance, à dresser le 22 septembre 2005, à la requête de l’épouse, un procès verbal de saisie-vente.
Jusque là, tout semble normal,et l’on se dit même que l’épouse, déjà abandonnée, peut enfin s’installer régulièrement ailleurs et vivre comme tout le monde. Cet optimisme ne sera que de courte durée car le mari, par l’intermédiaire de ses conseils, a trouvé, la faille, une grosse faille. En effet, le commandement de payer servi au mari en date du 8 juillet 2005 comporte des irrégularités de fond, en ce qu’il ne respecte pas la lettre de l’article 92 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Que dit exactement ce texte? Il dispose que « la saisie est précédée d’un commandement de payer signifié au moins huit jours avant la saisie au débiteur qui contient à peine de nullité°: 1) mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts; 2) commandement d’avoir à payer la dette dans un délai de huit jours, faute de quoi il pourra y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles. ». Voilà ce qui est clair.
L’exploit de commandement querellé du 08 juillet 2005, au lieu d’être aussi explicite comme l’exige le législateur communautaire, s’est contenté de quelques mentions. Et c’est en vain que l’on y retrouve l’indication des intérêts échus ainsi que du taux des intérêts de même que l’indication de ce que le débiteur pourra y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles.
Cet oubli, volontaire ou non du rédacteur, mais extrêmement grave de conséquences, ne pouvait pas résister à la censure du juge, bien formé à dire le nouveau droit des voies d’exécution. Par une formule lapidaire, le magistrat va ainsi sanctionner la violation de l’Acte uniforme. Ainsi, l’exploit de commandement querellé en faisant état de ce que le requérant sieur TCHOUMBOU faute de paiement dans les délais y sera contraint par tous les voies et moyens de droit, terme vague qui ne renvoie pas à la lettre et à l’esprit de l’article 92 évoquant la vente forcée des biens meubles, il s’induit que le demandeur a violé les dispositions de l’article 92 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Dès lors, il y a lieu de déclarer nul et de nul effet l’exploit de commandement querellé ainsi que de tous les actes subséquents à savoir le procès-verbal de saisie-vente dressé en date du 22 septembre 2005 sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués.
Cette décision mérite d’être approuvée. En l’espèce, dans un raisonnement limpide et sans complaisance, le juge applique à la lettre la réglementation communautaire sur le contentieux de l’exécution, ce qui contribue au socle du nouveau droit des affaires applicable dans les Etats parties au Traité de Port Louis.
Cette décision pose en même temps la question de l’éventuelle responsabilité du rédacteur du commandement, dont la légèreté n’a pas permis à une femme abandonnée, et donc nécessiteuse, de bénéficier, à temps, du montant des condamnations à elle allouées par le juge. Il y a d’ailleurs lieu de se demander, si le rédacteur a véritablement lu et compris le sens l’article 92 de l’Acte uniforme, qui dans son alinéa 1er dispose que « la saisie est précédée d’un commandement de payer … qui contient à peine de nullité ». Au regard des conséquences qui sont attachées de la nullité d’un acte, il paraît évident qu’un bon rédacteur aurait dû être prudent.
Il est vrai qu’une nouvelle procédure pourra être engagée contre la mari rebelle, mais cela prendra du temps. Et la pauvre, déjà condamnée aux dépens, devra supporter les frais de cette nouvelle procédure. En l’absence de système de responsabilité des rédacteurs d’actes, il y des chances que des fautes aussi grossières que celle relevée en l’espèce se multiplient, au grand dam de la population et des couches vulnérables, qui vivent déjà dans une misère indescriptible. Affaire à suivre?.
Jean GATSI.