J-07-91
SAISIE CONSERVATOIRE – OBLIGATION DU CREANCIER D’OBTENIR UN TITRE EXECUTOIRE DANS LE DELAI D’UN MOIS – OBLIGATION NON RESPECTEE – MAILEVEE DE LA SAISIE CONSERVATOIRE.
Aux termes de l’article 61 AUPSRVE, « si ce n’est dans le cas où la saisie conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit dans le mois qui suit ladite saisie, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire ». Il ne résulte ni des débats, ni des pièces versées au dossier qu’une action ait été entreprise en vue de l’obtention d’un titre exécutoire. Au regard de ce qu précède, il échet de constater la caducité de notre ordonnance de saisie conservatoire et d’ordonner, par voie de conséquence, sa rétractation et de donner mainlevée des saisies conservatoires querellées sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués.
Tribunal de première instance de Douala-Ndokoti, ORD. N 191/05-06 DU 03 AOUT 2006, AFFAIRE°: UNION CAMEROUNAISE DES BRASSERIES (U C B) C/ SNEC, Me YOSSA, BICEC, CLC, SGBC, CBC, STANDARD CHATERED BANK, AMITY BANK, AFRILAND FIRST BANK.
Nous, Président, Juge du contentieux de l’exécution.
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu qu’en vertu de l’ordonnance présidentielle n 287 rendue 12 avril 2006 et suivant exploit en date des 13 et 17 avril 2006 non encore enregistré mais qui le sera en temps utile de Me NGANKO Didier, Huissier de justice à Douala, la société Union Camerounaise des Brasseries en abrégé (UCB) SA dont le siège social est à Bassa agissant poursuites et diligences de son représentant légal ayant pour conseil Me KADJI, Avocat au Barreau du Cameroun a fait donner assignation à.
La Société Nationale Des Eaux du Cameroun en abrégé (SNEC) SA. ayant pour conseil Me TCHAMO, Avocat au Barreau du Cameroun; Me YOSSA née DJOMAKOUA Evelyne, Huissier instrumentaire; La Banque Internationale du Cameroun pour l’Epargne et le Crédit (BICEC); Le Crédit Lyonnais Cameroun S.A.; La Société Générale des Banques au Cameroun (SGBC); La commercial Bank of Cameroun (SGBC) SA.; La Standard Chatered Bank Cameroon SA.; Amity Bank SA.; Afriland First Bank SA.; Eco Bank SA.
d’avoir à se trouver et comparaître par-devant Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Ndokoti statuant en matière de contentieux de l’ exécution pour est-il dit dans cet exploit.
Constater qu’en exécution de l’ordonnance n 283 du 23 mars 2006, Me YOSSA agissant à la requête de la SNEC SA a fait pratiquer respectivement les 28, 29 mars 2006 et 06 avril 2006 saisie conservatoire des créances entre les mains des établissements bancaires de la place et une saisie des meubles (véhicules) le tout au préjudice de la société UCB SA., pour sûreté et avoir paiement de ses supposés factures de consommation d’eau restées impayées au 28 février 1987.
Constater que pour la même prétendue créance la SNEC avait en date du 07 avril 1989 obtenu du Président du tribunal de première instance de Yaoundé l’ordonnance n 509 l’autorisant à faire pratiquer une saisie conservatoire avec enlèvement des objets mobiliers meubles et matériel roulant appartenant à la société UCB SA.
Constater qu’une instance en validité de ladite saisie sera introduite par la SNEC SA.
Constater de même que saisi de l’action en rétractation de l’ordonnance n 509 ci-dessus et en mainlevée de saisie, le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé par ordonnance n 307 du 12 mai 1999 fera droit aux demandes de la société UCB après, avoir constaté le caractère incertain de la créance poursuivie par la SNEC.
Constater que cette ordonnance est devenue définitive et a acquis autorité de la chose jugée en ce qui concerne le caractère de la créance actuellement poursuivie.
Dire et juger incertaine la créance poursuivie par la SNEC.
Constater au demeurant que toujours dans le cadre du recouvrement de sa prétendue créance, la SNEC a sur la base de l’ordonnance n 558 du 25 janvier 2005 procédé à une Saisie conservatoire au préjudice de la société UCB en date du 20 février 2006.
Constater qu’alors que l’instance en mainlevée de cette saisie est encore en cours la SNEC a cru devoir procéder à une nouvelle saisie conservatoire pour la même créance.
Voir retenir que saisie sur saisie ne vaut.
Voir constater dès lors que la religion du juge des requêtes a été trompée par la SNEC.
Ordonner partant la rétractation de l’ordonnance n 263 du 23 mars 2006 et de suite donner mainlevée des saisies conservatoires (créances et meubles) pratiquées les 28, 29 mars 2006 et 06 avril 2006.
Voir retenir que la société SNEC n’établit pas le péril qui pèserait sur le recouvrement de sa créance supposée.
Voir retenir que depuis 1975 la société UCB qui a investi des milliards en matériaux et équipement est toujours en activité et n’a aucune intention de fermer ses portes.
Dire et juger, en l’absence de preuve de menace de recouvrement, non réunies les conditions de l’article 54 susvisée.
Ce faisant, ordonner la mainlevée des saisies conservatoires de créances et des meubles des 28, 29 mars 2006 pour la première et 06 avril 2006 pour la seconde avec toutes les conséquences de droit.
Voir retenir que cette saisie vexatoire a causé un préjudice incommensurable à la société UCB SA.
En conséquence condamner solidairement la SNEC et Me Yossa à payer à la requérante la somme de 45.000°000 FCFA à titre de dommages intérêts.
Condamner les défendeurs aux entiers dépens distraits au profit de Me KAOH, Avocat aux offres de Droit.
Attendu qu’au crédit de son action, la demanderesse par l’entremise de son conseil Me KADJI expose.
Qu’agissant en vertu de l’ordonnance n 203 rendue le 23 mars 2006 par Monsieur le Président du Tribunal de Première Instance de Douala- Ndokoti, Me YOSSA DJOMAKOUA a pratiqué à son préjudice deux saisies conservatoires la première les 28, 29 mars 2006 sur ses comptes auprès de divers établissements bancaires de la République et la seconde te 06 avril 2006 sur les biens meubles corporels et véhicules comme en font foi les procès-verbaux visés en pièces.
Que ces saisies pratiquées sur la base d’une seule ordonnance et dans le but de recouvrement la somme principale de 20.524.120 FCF A sont abusives et méritent d’être levées.
Que pour obtenir l’ordonnance n 203 du 23 mars 2006 au cœur des saisies sus évoquées, la SNEC SA a soutenu que sa créance serait née de la consommation d’eau faite par la requérante et restée impayée à la date du 28 février 1987.
Qu’en 1989, prétendant recouvrer la même créance la SNEC avait obtenu de Monsieur le Président du tribunal de première instance de Yaoundé l’ordonnance n 509 du 07 avril 1989 lui permettant de pratiquer une saisie conservatoire avec enlèvement des objets matériels mobiliers, meubles et roulants appartenant à la requérante.
Que le 27 avril 1989, cette saisie fut exécutée et une instance au fond engagée en vue de la validation de ladite saisie et l’obtention du titre exécutoire.
Qu’ayant effectué une première saisie conservatoire pour la même créance, il est pour le moins curieux que la SNEC s’en prenne encore à la requérante.
Qu’elle a caché au juge des requêtes de céans cet état de choses.
Que, de même, cette supposée créancière a caché au juge des requêtes le fait qu’en date du 20 février 2006 elle a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les créances de la représentante auprès de divers établissements de la place en exécution de l’ordonnance n 558 du 25 janvier 2006.
Qu’en vertu du principe qui veut que saisie sur saisie ne vaut, la SNEC n’aurait pas dû pratiquer une nouvelle saisie conservatoire pour la même créance sans au préalable donner mainlevée de la première et informer la requérante de cette levée.
Que cette nouvelle saisie mérite d’être levée.
Que mieux, saisie de l’action en rétractation et en mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée en 1989 introduite par la requérante, le juge des référés par ordonnance n 307 rendue le 12 mai 1989 fit droit à la demande de la requérante motif et de ce que la créance de la SNEC n’étant ni certaine, ni liquide, ni exigible.
Que cette ordonnance fut signifiée à la SNEC le 15 mai 1999 et n’a à ce jour fait l’objet d’aucune voie de recours.
Qu’il y a donc eu autorité de la chose jugée sur le principe même de la créance dont elle entend de nouveau poursuivre le recouvrement en ce moment, toutes choses qui ont échappé à la connaissance du juge des requêtes de céans.
Qu’ il y a lieu de rétracter l’ordonnance n 263 du 23 mars 2006 du Président du Tribunal de Première Instance de céans et par voie de conséquence ordonner la mainlevée des saisies conservatoires des 28, 29 mars et 05 avril 2006.
Qu’à supposer même, par extraordinaire, que la SNEC détiendrait un principe de créance sur la requérante, ce qui n’est pas le cas, elle devrait pour pratiquer ses saisies conservatoires justifier la menace qui pèse sur le recouvrement d’une telle créance.
Qu’en l’espèce, la preuve n’a pas été fournie de la menace de recouvrement.
Que les sommations de payer invoquées par la SNEC et datées des années 2002 et 2005 ne sont nullement des preuves de l’existence des circonstances qui menaceraient le recouvrement de sa créance.
Que la requérante ne pouvait honorer telles sommations dès lors qu’elle se trouve encore en procédure avec la SNEC sur le principe même de la créance poursuivie par cette dernière.
Que la société UCB n’a pas mis la clé sous le paillasson et ne peut disparaître alors qu’elle a investi des milliards de Fcfa en équipements et immobiliers.
Qu’il se dégage au regard de ce qui précède qu’il y a violation de l’article 54 susvisé, aucun péril au recouvrement la prétendue créance de la SNEC n’étant démontré.
Qu’il y a lieu de rétracter l’ordonnance n 263 rendue le 23 mars 2006 laquelle a autorisé à la fois la saisie conservatoire des créances, des meubles corporels et véhicules et/ou ordonner la mainlevée des dites saisies pratiquées les 28, 29 mars 2006 et 06 avril 2006 avec toutes les conséquences de droit et d’accorder des dommages intérêts à la requérante au vu du caractère vexatoire des saisies actuelles.
Attendu que pour étayer ses prétentions, la demanderesse fait verser aux débats une.kyrielle de pièces dont le procès-verbal de saisie conservatoire de créances des 28 et 29 mars 2006, l’exploit de dénonciation de saisie conservatoire, le procès-verbal de saisie conservatoire du 06 avril 2006, le procès-verbal de saisie conservatoire en date du 27 avril 1989, l’exploit de notification de l’ordonnance de saisie avec assignation en validité, le procès-verbal de saisie conservatoire de créance du 20 février 2006, l’ordonnance n 307 du 12 mai 1989, l’exploit de signification de ladite ordonnance à la SNEC.
Attendu que pour faire échec à ces prétentions, la défenderesse sous la plume de son conseil Me TCHAMO conclut au débouté de la demanderesse en motif pris de ce que la règle « saisie sur saisie ne vaut » en l’espèce s’incline d’une part et d’autre part de ce que la « résistance illégitime à paiement est constitutive de menace au recouvrement ».
Qu’elle sollicite par ailleurs reconventionnellement des dommage intérêts.
Attendu que pour conforter sa défense, la SNEC fait produire au dossier nombre de pièces dont différentes factures de consommations, le procès-verbal de mainlevée amiable de la saisie pratiquée, la lettre de reconnaissance et proposition de règlement de la créance de la SNEC S.A à hauteur de 1.000°000 Fcfa tous les mois, les reçus des différentes banques.
Attendu que le Crédit Lyonnais Cameroun (CLC) tiers saisi par, le biais de son conseil Me NGASSAM NJIKE conclut au débouté de la demande de U.C.B; condamnation du C.L.C formulée par U.C.B.
Attendu que Afriland First Bank, tiers saisi par le canal de son conseil Me KOUAM sollicite qu’elle soit mise hors de cause pour ne pas entretenir des relations d’affaires avec la partie saisie.
Attendu que pour conforter sa défense, la SNEC fait produire au dossier nombre de pièces dont les factures de consommations, le procès-verbal de mainlevée amiable de la saisie, la proposition de règlement de la créance et les réponses des banques.
Attendu qu’aux termes de l’article 61 de l’acte uniforme OHADA n 6 « si ce n’est dans le cas où la saisie conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit dans le mois qui suit ladite saisie, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
Attendu qu’il ne résulte ni des débats, ni des pièces versées au dossier qu’une action ait été entreprise en vue de l’obtention d’un titre exécutoire.
Qu’au regard de ce qu précède, il échet de constater la caducité de notre ordonnance n 663 du 23 mars 2006, d’ordonner par voie de conséquence sa rétractation et de donner mainlevée des saisies conservatoires querellées sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués.
Attendu sur la demande dommage reconventionnelle en intérêts formulée par la SNEC, que l’ordonnance querellée étant devenue caduque, il y a lieu de la rejeter comme non fondée.
Attendu sur la demande en réparation formulée par la U.C.B que l’action de la SNEC ne revêtant aucun caractère vexatoire, il y a lieu de la rejeter comme non fondée.
Attendu que la défenderesse ayant succombé, il échet de la condamner au dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de contentieux de l’exécution conformément à l’at1icle 49 de l’acte uniforme OHADA n 6 et en premier ressort.
Recevons la demanderesse en son action.
Recevons la SNEC en sa demande reconventionnelle.
Recevons le Crédit Lyonnais Camerounais et Afriland First Bank en leur intervention.
Rejetons comme non fondées la demande en réparation de la société U.C.B et la demande reconventionnelle de la SNEC.
Constatons ]a caducité de notre ordonnance n 263 du 23 mars 2006 pour application des dispositions de l’article 61 de l’acte uniforme OHADA n 6.
En conséquence ordonnons sa rétractation et donnons mainlevée des saisies conservatoires querellées.
Disons notre ordonnance exécutoire sur minute, par provision et avant enregistrement.
Condamnons la défenderesse aux dépens distraits au profit de Me KADJI, Avocat aux offres de droit.
Ainsi fait jugé et prononcé en audience publique les mêmes jour, mois et an que dessus.
Et signent sur la minute le Juge et le Greffier.