J-07-114
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI) – EXCEPTION D’INCOMPETENCE DU TRIBUNAL – CONTRAT DE CONSTRUCTION – CLAUSE D’ARBITRAGE – VALIDITE DU CONTRAT – ARTICLE 13 ALINEAS 1 ET 2 AUA – DEMANDE DE RENVOI A L’ARBITRAGE – NULLITE DE LA CLAUSE (NON) – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL (OUI) – ANNULATION DE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER (OUI).
Conformément à l’article 13 AUA, tout tribunal national saisi d’un litige que les parties étaient convenues de soumettre à l’arbitrage doit se déclarer incompétent si l’une des parties le demande, même s’il s’agit d’une procédure d’injonction de payer. Dans le cas où le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, le tribunal national doit également se déclarer incompétent à moins que la clause d’arbitrage ne soit manifestement nulle.
Article 30 CONTRAT DE CONSTRUCTION
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 416/2005 du 28 septembre 2005, La société Sahel Compagnie (SOSACO) c/ Madame KABORE Henriette).
LE TRIBUNAL,
Par requête en date du 22 juin 2004, Madame KABORE Henriette, entrepreneur BURKINABE sollicitait du président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou une ordonnance portant injonction de payer la somme de cinq cent trois millions neuf cent dix neuf mille cent quinze francs contre la Société Sahel Compagnie (SOSACO).
Elle expose que cette créance représente le montant total des décomptes arrêtés avec le maître d’œuvre pour des travaux exécutés et non payés sur les chantiers centre commercial et les deux villas à Ouaga 2000; que la créance a une origine contractuelle qu’elle est certaine liquide et exigible; que toutes les démarches entreprises en vue de recourir le paiement de cette créance sont restées vaines.
Le 30 juin 2004 KABORE Henriette a par acte d’huissier de justice fait notifier à la SOSACO l’ordonnance d’injonction de payer n 315/2004 délivrée le 24 juin 2004 par le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou au pied de sa requête.
Contre cette ordonnance, la SOSACO a par acte d’huissier de justice en date du quinze juillet 2004, formé opposition.
Par le même acte, il a donné assignation à KABORE Henriette et au greffier en chef du Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour voir déclarer l’ordonnance d’injonction de payer n 315 à lui notifiée nulle.
Au soutien de sa demande elle expose d’abord en la forme et in limine litis que.
Le tribunal de grande instance est incompétente du fait de l’existence d’une clause d’arbitrage; que dans les deux contrats la liant à la société BTM, il est prévu à l’article 30 intitulé litige et arbitrage que par priorité tout litige relatif au contrat sera réglé à l’amiable et par voie de négociations directes entre le maître d’ouvrage et l’entreprise et en cas d’échec par voie d’arbitrage; qu’à défaut de la mise en œuvre de cette clause d’arbitrage, BTM ne peut être admise à saisir directement les tribunaux en vue du règlement du litige; que l’article 13 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage prévoit que tout tribunal national saisi d’un litige que les parties étaient convenues de soumettre à l’arbitrage doit se déclarer incompétent si l’une des parties le demande et renverra le cas échéant à la procédure d’arbitrage prévue au présent traité; que c’est ce que SOSACO demande et qu’il y a donc lieu de se déclarer incompétent et renvoyer les parties à l’arbitrage.
SOSACO expose ensuite que l’ordonnance attaquée mérite annulation pour défaut de qualité de Dame KABORE Henriette; que Dame KABORE Henriette a introduit la requête et obtenu l’ordonnance en son nom personnel alors que la SOSACO a conclu deux contrats de construction avec la société à Responsabilité limité « Bâtiment - Travaux Publics - Maintenance (BTM) »; que les deux entités ne peuvent se confondre du fait que BTM est une société dûment immatriculée au RCCM au numéro 15268/A et que Dame KABORE Henriette est différente de cette personne morale; que de ce fait, chacun a ses créances et ses dettes et qu’aucun des deux ne peut réclamer à l’autre; qu’il convient d’annuler l’ordonnance rendue.
Au fond elle conclut que si le Tribunal se déclarait compétent de constater que la créance de BTM n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible du fait de l’inexécution du contrat par BTM qui a purement et simplement abandonné le chantier.
Reconventionnellement elle demande que BTM soit condamnée à lui payer les sommes suivantes au titre de préjudices subis.
Loyers moyens des deux villas°: 500°000 F/mois x 12 mois x 3 ans x 2- 36.000°000 F.
Loyer du centre commercial°: 10°000°000 F/mois x 2 ans- 240°000°000 F.
Manque à gagner sur l’activité commerciale°: 1.000°000°000 F.
Frais exposés (art 6 nouveau du code de procédure civile)°: 224.000°000 F.
En réplique BTM expose.
Sur la compétence du Tribunal de grande instance.
Que si le contrat de construction des deux villas à Ouaga 2000 a été conclu à 614.362.767 F en toutes taxes comprises, il n’en est pas le cas pour le contrat de construction du centre commercial à Ouaga 2000 qui a été conclu en hors taxes hors douane à 954.646.319 F.
Que ce dernier marché n’a pu s’exécuter par faute de SOSACO qui n’a pu obtenir l’exonération fiscale auprès des autorités compétentes; que ce contrat n’a donc pu lier les deux parties; qu’il a pu être exécuté sur un devis estimatif approuvé par le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre portant sur la somme de 1.266.008.084 F.
Que la clause arbitrale n’est pas une disposition à usage obligatoire en ce sens que l’article 30 sur les litiges et arbitrages dit clairement que « tout litige relatif au contrat doit être prioritairement réglé à l’amiable et par voie de négociations directes entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur; en cas d’échec des négociations, ces litiges pourront être réglés par voie d’arbitrage. »; que la clause n’impose pas un recours préalable obligatoire à la voie d’arbitrage pour le règlement de leur litige mais une simple faculté; que le dernier alinéa de cet article dit qu’ « à défaut d’un règlement par voie d’arbitrage, les litiges seront tranchés en dernier recours par les juridictions compétentes de Ouagadougou »; qu’il donne compétence au tribunal de grande instance au cas où les parties n’auraient pas usé de l’adoption du règlement des litiges par voie d’arbitrage; que le Tribunal de grande instance est donc compétent.
Sur l’exception de nullité de l’ordonnance d’injonction de payer pour défaut de qualité.
Dame KABORE expose que c’est elle et non une société à responsabilité limitée dénommée BTM qui a conclu le contrat avec SOSACO; que le numéro du registre de commerce est le 15268/A, la lettre A étant attribuée aux commerçants personnes physiques.
Que c’est dame KABORE Henriette exerçant sous l’enseigne BTM qui est inscrite au registre du commerce et que c’est elle qui est la cocontractante de SOSACO qu’elle a donc qualité pour agir.
Au fond elle expose que SOSACO lui reste redevable de la somme de 506.968.707 F.
Sur la demande reconventionnelle de SOSACO, BTM soutient que la réparation de tout dommage demande qu’il soit prouvé une faute origine du fait dommageable d’un préjudice subi du fait de la faute et d’un lien de causalité outre la faute et le dommage; qu’aucune faute ne peut lui être reprochée et que la SOSACO doit être déboutée de sa demande.
Additionnellement.
Dame KABORE ajoute que des travaux supplémentaires de modification escalier de la villa n 1 ont été demandés par SOSACO, ce qui donne un montant supplémentaire de 3.049.592 F; qu’il demande que SOSACO soit condamnée à lui payer ce montant.
Elle conclut en demandant que SOSACO soit condamnée à lui payer la somme de 185.366.922 F au titre des frais exposés pour la poursuite du recouvrement de sa créance.
SUR CE
Attendu que l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue le 24 juin 2004 et signifiée à la SOSACO le 30 juin 2004.
Que contre cette ordonnance, SOSACO a formé opposition le 15 juillet 2004 par acte d’huissier.
Attendu que les conditions de forme des articles 10 et 11 de l’acte OHADA sur le recouvrement simplifié des créances ont été respectées; qu’il convient de recevoir l’opposition de SOSACO en la forme.
Sur la compétence du Tribunal de grande instance.
Attendu que SOSACO soulève l’exception d’incompétence du Tribunal de grande instance au motif qu’une clause d’arbitrage a été prévue dans le cadre de leur contrat.
Attendu que Dame KABORE soutient que le contrat les liant n’a pu être exécuté et donc n’a pas pu les lier du fait que SOSACO n’a pu avoir une exonération fiscale auprès des autorités compétentes; que le marché a pu s’exécuter sur un devis estimatif approuvé par le maître d’ouvrage.
Attendu que cette argumentation ne saurait tenir; que le devis estimatif sur la base duquel le contrat a pu s’exécuter a pu seulement modifier les conditions d’exécution des travaux (prix du contrat); que mieux le contrat ayant été signé par les deux parties était déjà exécutoire et BTM pour s’en défaire devrait présenter une décision de résiliation ou d’annulation du contrat; qu’en plus il a construit toute la procédure sur la base du même contrat, qu’il convient de constater que le contrat a bien lié les deux parties.
Attendu que BTM soutient que la clause d’arbitrage n’était que facultative.
Mais attendu que l’article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage prévoit à son alinéa 1 et 2 que « lorsqu’un litige, dont un tribunal arbitral, est saisi en vertu d’une convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si une partie en fait la demande, se déclarer incompétente.
Si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle ».
Que dans le cas d’espèce le Tribunal arbitral n’est pas saisi mais une des parties qui est la SOSACO demande que la cause soit tranchée par l’arbitrage conformément à la clause insérée dans leur contrat.
Qu’aucune cause de nullité n’entache la clause en question.
Qu’il y a donc lieu et conformément à l’article 13 ci-dessus visé de se déclarer incompétent et par conséquent annuler l’ordonnance d’injonction de payer attaquée.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
Constate l’incompétence du Tribunal de grande instance de Ouagadougou.
Par conséquent annule l’ordonnance n 315 du 24 juin 2004.
Condamne KABORE Henriette aux dépens.