J-07-118
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – MARCHE PUBLIC – DECOUVERT BANCAIRE – DOMICILIATION IRREVOCABLE – RETRACTATION DE L’ORDONNANCE – EXCEPTION D’INCOMPETENCE DU TRIBUNAL – ARTICLE 9 AUPSRVE – COMPETENCE DU TGI (OUI).
RECEVABILITE (OUI) – OPPOSITION MAL FONDEE – ANNULATION DE L’ORDONNANCE (NON) – DEMANDE DE DELAIS DE PAIEMENT – ARTICLE 399 CODE DE PROCEDURE CIVILE – ABSENCE D’UN ECHEANCIER DE REGLEMENT – DELAI DE GRACE (NON) – DOMMAGES-INTERETS DU CREANCIER (NON) – FRAIS D’AVOCAT EXPOSES – CHARGE DU DEBITEUR (NON).
Le débiteur d’un découvert bancaire est mal fondé pour s’opposer à son obligation de remboursement au banquier qui le lui a accordé en prétextant le défaut de paiement par le maître d’ouvrage. En outre, la domiciliation irrévocable qu’il a consentie n’a pas pour effet de le décharger du paiement de sa dette. Elle est une garantie qui a pour effet d’augmenter les chances de recouvrement du créancier.
Article 9 AUPSRVE
Article 15 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 394 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 399 ALINEA 2 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 96/2005 du 02 août 2005, DIAPA Salifou c/ Bank Of Africa (BOA).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties.
Vu les articles 9 de l’Acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, 15, 394 et 399 alinéa 2 du code de procédure civile.
Attendu que la tentative de conciliation a échoué dans la procédure relative aux faits, prétentions et moyens ci-dessous.
I FAITS PROCEDURE PRETENTIONS MOYENS
Par acte d’huissier en date du 24 décembre 2004, DIAPA Salifou a formé opposition contre l’ordonnance n 521/2004 du 18/11/2004 par laquelle il lui a été enjoint de payer la somme de 15.932.609 à la Bank Of Africa.
L’opposition ainsi formée tend à obtenir la rétractation de l’ordonnance qui lui a été signifiée le 09 décembre 2004, et à défaut, l’octroi d’un délai de grâce. Au succès de ses prétentions, DIAPA Salifou expose qu’il a été attributaire d’un marché public conclu avec la Gendarmerie nationale; Que pour l’exécution de marché, il a sollicité de la BOA un découvert d’un montant de 15.000°000 F CFA; Que pour bénéficier de ce découvert, il a consenti au profit de la BOA une domiciliation irrévocable signée par le maître d’ouvrage et stipulant que tout paiement fait entre d’autres mains que celle de la BOA est inopposable à ladite banque; Qu’après le démarrage des travaux, de multiples péripéties régulièrement portées à la connaissance de la BOA ont jalonné l’exécution du marché; Que celle-ci a néanmoins été achevé, la réception des travaux faite et la facture déposée à la Gendarmerie nationale pour règlement; Qu’en dépit de cela, la BOA a intentionnellement solliciter l’ordonnance n 524/2004 afin d’avoir paiement de sa créance; Que cependant la domiciliation irrévocable signée fait que la Banque ne saurait lui réclamer cette créance dès lors que le contrat n’a pas été résilié; Que cela dénote de la part de la BOA une intention de le ruiner.
En réplique, la BOA soutient que la rétractation d’une décision relève de la compétence de la juridiction qui l’a rendue; Que si l’ordonnance pouvait donner lieu a rétractation, elle serait de la compétence du président du Tribunal de grande instance. Elle estime relativement au délai de grâce que l’opposant ne peut que contester la validité de la créance ou son quantum ou tout au plus soulever des questions de procédure; Que ce n’est que dans le cadre d’une procédure d’exécution forcée que le juge fait accorder des délais de paiement; Que du reste, l’absence d’un échéancier de règlement, prouve qu’il s’agit d’un moyen dilatoire et peu sérieux.
Elle conclut que l’opposition de DIAPA Salifou n’est pas fondée et demande donc sa condamnation à lui payer la somme de 15.932.609 F CFA qu’elle estime être le montant de sa créance. Jugeant d’ailleurs que l’opposition du sus-nommé procède d’une résistance abusive, la BOA réclame à ce titre des dommages intérêts d’un montant de 1.500°000 F. Elle sollicite enfin, qu’en sus des dépens, les frais d’avocat d’un montant de 3.283.071 F qu’elle a exposés, soient mis à la charge de DIAPA Salifou, et ce, sur la base de l’article 6 de la loi 10-93 ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso modifiée par la loi 44-94 ADP du 24 novembre 1994.
II DISCUSSION
II 1 De la compétence du Tribunal
Attendu que suivant l’article 9 de l’Acte uniforme OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, la juridiction compétente pour connaître de l’opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer est celle dont le président a rendu l’ordonnance d’injonction de payer.
Attendu que dans le cas d’espèce, l’ordonnance a été rendue par le président du Tribunal de grande instance; Que l’opposition formée vise fondamentalement à priver l’ordonnance de tout effet; Que le terme « rétracter » employé et qui prête à confusion doit donc s’assimiler à l’annulation; Que vu sous cet angle et par application de l’article ci-dessus visé, la compétence du Tribunal de grande instance ne saurait être valablement contestée.
II 2 De la recevabilité de l’opposition
Attendu que l’opposition a été formée dans les formes et délais prévus par la loi; Qu’il y a lieu de la déclarer recevable.
II 3 Du bien fondé de l’opposition
Attendu que l’opposant s’appuie sur ce qu’il n’a reçu aucun paiement de la part de la Gendarmerie nationale, et qu’en tout état de cause, en raison de la signature de la domiciliation irrévocable de ses avoirs, la BOA ne peut lui réclamer le paiement de la créance.
Attendu cependant que le défaut de paiement par la Gendarmerie nationale ne saurait être valablement opposé à la BOA; Qu’il revient en effet à DIAPA Salifou d’actionner la Gendarmerie nationale par toutes voies de droit pour obtenir paiement, ce qui permettrait à la BOA d’être désintéressée.
Attendu que pour ce qui est de la domiciliation irrévocable consentie celle-ci n’a pas pour effet de décharger DIAPA Salifou du paiement de sa dette; Qu’elle s’analyse en une espèce de garantie qui a pour effet d’augmenter les chances de recouvrement de la BOA.
Attendu qu’au regard de tout ce qui précède, DIAPA Salifou n’est pas fondé à s’opposer au paiement de la dette; Qu’il y a donc lieu de le condamner au paiement de la somme de 15.932.609 F CFA résultat du contrat par lui signé avec la BOA.
Attendu que DIAPA Salifou a subsidiairement demandé l’octroi d’un délai de grâce; Que suivant l’article 399 alinéa 2 du code de procédure civile, le délai de grâce peut être accordé par le Tribunal lorsqu’il prononce son jugement; Que la BOA n’est donc pas fondée à soutenir qu’un délai de grâce ne peut être obtenu dans le cadre d’une opposition formée contre une ordonnance d’injonction de payer.
Attendu cependant que le défaut de proposition d’un échéancier de règlement autorise à douter du sérieux de la demande; Que par suite, il y a lieu de la rejeter.
II 4 Des dommages intérêts demandés par la BOA
Attendu que l’article 15 du code de procédure civile qui sanctionne l’abus du droit d’ester en justice suppose, pour les hypothèses qu’il vise, une intention malveillante de la part de l’acteur de l’action; Qu’une telle intention n’ayant pas été établie dans le cas d’espèce, il y a lieu de rejeter la demande de dommages - intérêts formée par la BOA.
II 5 Des frais d’avocat exposés par la BOA
Attendu que l’article 6 de la loi du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso incluait les honoraires d’avocat dans les dépens à supporter par la partie perdante; Qu’il y a lieu cependant de noter que depuis l’adoption du code de procédure civile en 1999, il en est autrement disposé; Qu’en effet, l’article 394 dudit code qui emmène les composantes des dépens ne cite plus les honoraires d’avocat; Qu’il en résulte qu’il les a exclus et que la BOA n’est pas fondée à demander que ceux par elle exposés, soient mis à la charge de DIAPA Salifou; Qu’il y a donc lieu de la débouter à cette prétention.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
En la forme, déclare l’opposition formée par DIAPA Salifou recevable.
Au fond, la déclare mal fondée.
Le condamne par conséquent à payer à la Bank Of Africa (BOA) la somme de 15.932.609 F CFA outre les intérêts de droit à compter de la présente décision.
Déboute la Bank Of Africa de ses autres chefs de demande comme étant mal fondés.
Condamne DIAPA Salifou aux dépens.
Observations
Le juge, en fondant sa décision de rejet de la demande des frais d’avocat exposés par le créancier, a méconnu la modification apportée par la loi n 028-2004/AN du 08 septembre 2004 à l’article 6 de la loi n 10/93 du 17 mai 1993.
Aux termes des alinéas 3 à 6 de l’article 06 nouveau de la loi n 028-2004/AN du 08 septembre 2004 modifiant la loi n 10/93 du 17 mai 1993, « …Dans toutes les instances, le juge, sur demande expresse et motivée, condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le juge n’est pas lié par la convention entre le justiciable et son avocat.
Il tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, pour des raisons tirées des mêmes circonstances, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Dans tous les cas, il doit motiver sa décision. ».
Sur ce sujet d’ailleurs, la jurisprudence BURKINABE n’est pas unanime. Parfois, le juge a fait droit à la demande de remboursement des frais exposés (cf. TGI de OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 415/2005 du 29 septembre 2005, KORGO Issaka c/ Banque Internationale du Burkina (BIB)), parfois elle a tout simplement refuser au motif qu’aucune motivation n’a été fournie par le demandeur (cf. TGI de OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 105/06 du 22 février 2006, YAMEOGO/NAPON Adams c/ TRAORE Aliou; Jugement n 86/06 du 05 février 2006, KAMBOU/DIARRA Aïssa c/ NARE Noëlie).