J-07-122
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI) – COMMERCIALISATION DE PRODUITS – CONTESTATION DE L’EXISTENCE DE RELATIONS COMMERCIALES – PREUVE.
CONTRARIETE DANS LES DECLARATIONS – EXISTENCE DE RELATIONS COMMERCIALES (OUI) – CONTESTATION DE L’EXISTENCE DE LA CREANCE – PREUVES.
DROIT COMMERCIAL GENERAL – OBLIGATIONS COMPTABLES DU COMMERCANT – ARTICLES 13 ET 15 AUDCG – TENUE DES LIVRES – MOYENS DE PREUVE – NON PRESENTATION DES LIVRES PAR LE DEBITEUR – BIEN FONDE DE LA CREANCE (OUI).
OPPOSITION MAL FONDEE – MAUVAISE FOI DU DEBITEUR – EXECUTION PROVISOIRE (OUI).
La preuve en matière commerciale se fait par tous les moyens, et notamment par les livres comptables qui peuvent servir de moyens de preuve entre commerçants pour faits de commerce. Le débiteur qui ne peut pas présenter ses livres comptables, ne saurait valablement denier les allégations de son contradicteur.
Article 1 AUPSRVE
Article 13 AUDCG
Article 14 AUDCG
Article 15 AUDCG
Article 19 AUDCG
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 134/2005 du 04 mai 2005, FADEL EL Sahili c/ SITRAPAL S.A.).
LE TRIBUNAL,
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A la suite d’une requête à elle présentée, la présidente du Tribunal de grande instance de Ouagadougou a rendu l’ordonnance n 280/2004 autorisant la Société Industrielle de Transformation de Produits Agricoles et Laitiers (SITIRAPAL) ayant pour conseil le Cabinet d’avocats Barterlé Mathieu SOME, avocat à la Cour, à faire signifier à FADEL EL Sahili; commerçant exerçant sous l’enseigne Etablissement Sénégalo-BURKINABE de Commerce (SEBUCO) ayant pour conseils maître Abdoul OUEDRAOGO et maître Pascaline SOBGO, tous avocats à la Cour, une injonction d’avoir à lui payer la somme de 133.862.701 francs.
A l’appui de sa cause, la SITRAPAL a exposé qu’elle est créancière de FADEL El Sahili, commerçant exerçant sous l’enseigne SEBUCO de la somme de 133.857°701 francs représentant le fruit de la vente de produits à lui confiés; qu’en effet, elle désire étendre ses activités au Burkina Faso; qu’à cet effet, elle s’était attachée les services de FADEL EL Sahili à qui elle avait confié la distribution et la commercialisation de ses produits en attendant de créer une usine sur le territoire. Que FADEL EL Sahili a procédé à beaucoup de ventes, encaissé les prix et se refuse à les lui reverser; qu’au regard de la mauvaise foi du débiteur, il use de la procédure d’injonction de payer pour rentrer dans ses fonds.
L’ordonnance a été signifiée au débiteur le 8 juin 2004 par acte extra judiciaire. Le 10 juin 2004, FADEL EL Sahili, également par acte extra judiciaire, a formé opposition qui a été signifiée à la fois au poursuivant et au greffe.
Dans son acte d’opposition, FADEL EL Sahili expose qu’il conteste formellement la créance et ne pourrait être débiteur de la SITRAPAL; qu’il n’a jamais été informé auparavant de ce qu’il devait une quelconque somme; qu’il y a donc violation de l’article 1er de l’Acte uniforme OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; qu’il sollicite par conséquent l’annulation de l’ordonnance querellée.
Enrôlé à l’audience du 30 juin 2004, le dossier a fait l’objet, conformément à la loi, d’une tentative de conciliation qui s’est soldée par un échec.
Dans ses conclusions d’instance FADEL EL Sahili argue que l’ordonnance d’injonction de payer dont s’agit a été rendue sur la base des seules factures produites par la SITRAPAL, lesquelles factures n’ayant du reste pas été réceptionnées par lui; que par ailleurs, le relevé des livres comptables de la SITRAPAL n’est pas suffisant à prouver l’existence d’une créance; qu’aucune preuve des relations commerciales avec SEBUCO n’a été apportée ni aucune preuve de la livraison des marchandises dont le fruit de la vente est réclamé. Que la créance n’est donc ni certaine, ni liquide, ni exigible; que sur la certitude de la créance, aucun document de sortie de magasin ou de douane n’a été produit; qu’aucune mise en demeure ne lui a été faite conformément à la loi, aux us et aux coutumes commerciaux; qu’il s’en suit que l’ordonnance n 250 du 3 juin 2004 mérite annulation.
A l’audience du 27 octobre 2004, la SITRAPAL a fait comparaître YAMEOGO Yves ex informaticien de la SEBUCO, lequel a présenté un CD disant contenir les données de la comptabilité de son ex employeur, ledit disque a été reproduit sur papier par le ministère de maître SOME Bernard, huissier de justice et a fait ressortir un solde débiteur de 133.857°701 francs dû à la SITRAPAL.
Contre ce document FADEL EL Sahili a marqué son opposition et a invoqué l’animosité qui existe entre lui et son ex-employé, et a par ailleurs fait constater que le CD dont s’agit ne saurait être reproduit dans un appareil ne comportant pas le programme; que le document produit est donc un faux; qu’il avisera quant aux poursuites pénales éventuelles.
Le dossier a été mis en délibéré au 29 décembre 2004, date à laquelle le délibéré a été prorogé pour production du livre comptable de la SEBUCO.
A l’audience du 9 février 2005, FADEL EL Sahili a présenté quelques feuilles manuscrites disant tenir lieu de ses livres comptables. La cause a encore été mise en délibéré au 23 mars 2005, date à laquelle, vidant sa saisine, le tribunal a statué en ces termes.
DISCUSSION
Attendu qu’au sens de l’article 1er de l’Acte uniforme OHADA précité, la procédure d’injonction de payer peut être initiée lorsque la créance est certaine, liquide et exigible; que l’ordonnance d’injonction de payer est alors rendue sur la base des seuls éléments produits par le créancier.
Attendu que conscient du caractère unilatéral de cette ordonnance, et pour faire échec au créancier de mauvaise foi, le législateur OHADA a, dans la même loi, prévu une voie de recours contre ladite ordonnance°: l’opposition.
Attendu que l’opposition a pour objet de permettre au débiteur de présenter ses moyens de défense de manière contradictoire; qu’en l’espèce, la SITRAPAL ayant obtenu l’ordonnance n 250 du 3 juin 2004 qu’elle a signifiée le 8 juin, FADEL EL Sahili étant donc fondé à former opposition; que cette opposition, étant intervenue dans les formes et délais prescrits par la loi, il convient de la recevoir et d’en analyser le mérite.
Sur l’existence de relations commerciales
Attendu que FADEL EL Sahili demande l’annulation de l’ordonnance querellée au motif que la créance dont s’agit n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible; qu’il remet d’abord en cause, par les écritures de maître Abdoul OUEDRAOGO son conseil, les relations commerciales qui ont pu exister entre lui et la SITRAPAL; qu’il explique que le créancier n’apporte aucune preuve de cette relation.
Mais attendu que d’autre part, dans ses écritures produites par son deuxième conseil maître Pascaline SOBGO, FADEL EL Sahili explique que l’existence de relations contractuelles n’entraîne pas nécessairement l’existence d’une créance; que cette contrariété dans les déclarations est révélatrice de relations d’affaires entre les parties.
Sur le bien fondé de la créance
Attendu qu’il est indéniable que FADEL EL Sahili était en relation commerciale avec la SITRAPAL; que ces relations consistaient en la commercialisation des produits laitiers; qu’il s’en suit que des opérations financières devaient se produire; qu’il échet dans la présente cause de déterminer laquelle des parties est redevable à l’autre.
Attendu que FADEL EL Sahili expose que la SITRAPAL n’apporte nullement la preuve de la livraison des marchandises qui aurait due se faire soit par la production de bordereaux de livraison, soit par les documents de douane.
Mais attendu que la matière commerciale est le domaine par excellence de la confiance; que c’est ce qui a amené d’ailleurs le législateur à dire que la preuve en matière commerciale se fait par tous les moyens; qu’en l’espèce, il est ressorti des débats que FADEL EL Sahili s’approvisionnait personnellement auprès de la SITRAPAL à Lomé au Togo; que c’est lui qui avait en charge les déclarations en douane et gardait par devers lui les différents documents y afférents; qu’il s’en suit que la SITRAPAL ne peut être tenue à la production desdites pièces.
Attendu que le Tribunal constate que le principe même des relations contractuelles est remis en cause par l’opposant; qu’il est évident que celui-ci ne présentera jamais les documents dont le défaut est invoqué.
Attendu par ailleurs qu’au sens de la loi, le tribunal tire les conséquences de la bonne ou mauvaise foi des parties et statue en son intime conviction; que pour ce faire, il a recours aussi bien aux textes en vigueur qu’aux usages en la matière.
Attendu qu’au sens des articles 13 et suivants, 19 et suivants de l’Acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général, les deux obligations principales du commerçant sont.
la tenue de livres comptables.
et l’inscription au registre du commerce et du crédit mobilier.
Que s’agissant des livres comptables, l’article 14 de la loi précitée énonce qu’ils sont côtés et paraphés par le président de la juridiction compétente et qu’ils doivent être tenus sans blanc ni altération d’aucune sorte; que dans le cours d’une contestation, la représentation des livres comptables peut être ordonnée par le juge.
Attendu qu’en l’espèce, les factures produites par la SITRAPAL sont appuyées de l’extrait de ses livres comptables; que par contre FADEL EL Sahili, sommé de présenter les siens, n’a produit que quelques feuilles volantes manuscrites, ne répondant à aucune forme légale.
Attendu pourtant que les livres comptables servent de moyens de preuve entre commerçants pour faits de commerce; que n’ayant pu présenter les siens, FADEL EL Sahili ne saurait valablement denier les allégations de son contradicteur.
Attendu que de tout ce qui précède, il échet de déclarer FADEL EL Sahili redevable de la SITRAPAL de la somme de 133.862.701 francs et de le condamner au paiement dudit montant.
Attendu que la SITRAPAL demande l’exécution provisoire du présent jugement; qu’au regard de la mauvaise foi de l’opposant, il y a fort à craindre que par le jeu des voies de recours, il n’organise son insolvabilité.
Attendu enfin que la SITRAPPAL est une société régulièrement constituée, présentant les garanties d’une éventuelle répétition; qu’il convient alors d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
En la forme.
Déclare recevable l’opposition formée contre l’ordonnance d’injonction de payer n 250 du 03 juin 2004.
Au fond.
La déclare mal fondée. Condamne par conséquent FADEL EL Sahili à payer à la SITRAPAL la somme de cent trente trois millions huit cent soixante deux mille sept cent un (133.862.701) francs CFA.
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours.
Condamne FADEL El Sahili aux dépens.