J-07-123
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI) – CONTESTATION DE LA CREANCE – LETTRE DE CHANGE AVALISEE – DEPOT – ARTICLE DU COMPTE COURANT – ENCAISSEMENT FORCE ET ABUSIF – MANDAT POUR ENCAISSER ET DISPOSER DE LA SOMME (NON) – RESTITUTION (OUI) – CARACTERE EXIGIBLE DE LA CREANCE – ARTICLE 1 AUPSRVE – CRITERES REUNIS – OPPOSITION MAL FONDEE – EXECUTION PROVISOIRE (NON).
Lorsqu’un client manifeste quelques réticences à s’acquitter de ses factures, il est du seul devoir de la banque, dépositaire d’une lettre de change avalisée, d’en tenir le fournisseur dûment informé et de laisser à celui-ci libre soin de poursuivre le recouvrement de sa créance par les voies de droit appropriés. Elle n’est nullement fondée ni à encaisser, ni à disposer de la somme litigieuse. Il y a lieu donc d’ordonner la restitution de la somme abusivement encaissée par la banque qui doit être considérée comme n’étant jamais sortie du patrimoine de son client.
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 108 du 16 mars 2005, ECOBANK-BURKINA c/ JHON WOFA-KYEY AMOUR).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces de dossier.
Ouï les parties à l’audience du 26/02/2005 date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 16/02/2005 pour cause d’échec de la tentative de conciliation.
A cette date l’affaire a été prorogée au 9 puis au 16 mars 2005 pour jugement être rendu; Advenue cette date le tribunal a statué en ces termes.
Attendu que par requête en date du 21/12/2004, JHON WOFA-KYEY AMOUR, représentant les établissements INCO a sollicité l’autorisation de faire signifier à La Société ECOBANK-BURKINA une injonction de payer la somme de 64.600°000 FCFA; Qu’il expose que cette somme représente le montant nominal d’une traite avalisée à son bénéfice qu’il a remis en dépôt à ECOBANK; Que ce dernier prétextant honorer à sa place ses engagements commerciaux l’a abusivement encaissé et employé malgré son opposition; Que cette somme restant sa propriété et face au refus de ECOBANK de la lui payer, il sollicite du président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou une ordonnance aux fin d’injonction de payer.
Attendu que le 27/12/2004 JHON WOFA-KYEY AMOUR a obtenu du président du Tribunal l’ordonnance d’injonction de payer n 555/2004 qu’il a par acte d’huissier, fait signifier à La Société ECOBANK-BURKINA.
Attendu que contre cette ordonnance La Société ECOBANK-BURKINA a par acte d’huissier en date du 12/01/2005, formé opposition; Que par le même acte, il a donné assignation à JHON WOFA-KYEY AMOUR et au greffier en chef du Tribunal de grande instance de Ouagadougou d’avoir à comparaître le 12/01/2005 devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour voir déclarer l’ordonnance d’injonction de payer n 555/2005 à lui notifiée, nulle.
Qu’au soutien de sa demande, elle expose qu’elle conteste devoir la somme de 64.600°000 F CFA à JHON WOFA-KYEY AMOUR; Que s’il est vrai que le compte n 0100100830401018/89 ouvert au nom des établissements INCO dans ses livres avait été crédité le 18/05/2004 d’un montant de 60.600°000 F CFA, il reste que cette somme n’a transité entre ses mains qu’en tant qu’article du compte courant ignoré par l’exigibilité; Qu’il est de principe en droit bancaire général que tant qu’un compte courant fonctionne, il n’y a ni débiteur ni créancier; Que ce n’est qu’à la clôture du compte courant que son solde au jour de la clôture est exigible; Qu’en l’espèce, JHON WOFA-KYEY AMOUR a reçu à la clôture de son compte courant et pour solde de tout compte la somme de 968.676 F CFA; Qu’il a acquiescé la régularité de toutes les opérations en ce qu’il n’a pas contesté le montant à lui remis; Qu’il est donc mal fondé à demander la restitution d’un quelconque montant.
MOTIFS DE LA DECISION
En la forme
Attendu que l’ordonnance d’injonction de payer à été rendue le 27/12/2004 et signifiée à la société ECOBANK-BURKINA le 29/10/2004; Que contre cette ordonnance la société ECOBANK-BURKINA a formé opposition par acte d’huissier le 12/01/2005.
Attendu que les conditions de forme des articles 10 et 11 de l’acte OHADA sur le recouvrement simplifié des créances ont été respectées; Qu’il convient donc recevoir l’opposition de la société ECOBANK-BURKINA en la forme.
Au fond
Attendu que s’il est vrai comme le soutient ECOBANK, que toute somme qui transite en compte courant ne peut avant la clôture dudit compte être considérée comme une créance, la question fondamentale se pose de savoir si la somme litigieuse a pu constituer un article du compte courant ouvert par Jhon Kyey-Wofa Amour dans les livres de ECOBANK.
Attendu que pour obtenir paiement de la lettre de change dont le montant fait l’objet de la présente, ECOBANK a sollicité une autorisation judiciaire par ordonnance rendue sur requête par la présidente du Tribunal de grande instance de Ouagadougou; que ECOBANK allait utiliser cette somme pour payer la COJUBEL, entreprise belge fournisseur des établissement INCO dirigé par Jhon Kyey-Wofa, et honorer ses propres factures et commissions; Que ECOBANK soutient qu’elle s’est vue obligée d’agir ainsi du fait que son client refusait d’endosser la lettre de change en sa faveur pour permettre d’honorer les factures de la COJUBEL, conformément à ses engagements, et lui permettre de prélever ses commissions d’intermédiaire agréé dans l’opération.
Attendu que pourtant il ne ressort nulle part des pièces du dossier que ECOBANK était de quelque manière obligée de payer la COJUBEL, fournisseur des établissements INCO; que l’engagement de la banque se limitait à recevoir au nom de la COJUBEL, la garantie représentée par la lettre de change avalisée par la SGBB, contre remise des documents permettant la prise de livraison des marchandises par les établissements INCO; que ECOBANK rappelait les termes de son engagement par une lettre du 07 janvier 2004 à la COJUBEL qui lui réclamait paiement; Que donc en aucun cas ECOBANK ne s’est engagé à payer le fournisseur à la place du client; Que ce dernier manifestait quelques réticences à s’acquitter de ses factures; Qu’il était du seul devoir de ECOBANK d’en tenir le fournisseur dûment informé et de laisser à celui-ci libre soin de poursuivre le recouvrement de sa créance par les voies de droit appropriés.
Attendu que c’est à tord qu’elle s’est fait responsable du paiement alors qu’elle avait déjà rempli les termes de son engagement; Qu’à supposé même que ECOBANK soit engagée au paiement, cette obligation ne peut avoir que deux (02) sources; Que soit elle est faite en vertu du compte courant qui le lie à Jhon Kyey-Wofa; Qu’en ce moment le compte courant suppose des remises réciproques, chaque remise constituant un article du compte dont le solde n’est dû qu’à la clôture; que la remise pour être valable suppose qu’elle soit volontaire; Qu’en procédant à l’encaissement forcé, il n’y a pas eu de remise susceptible de faire rentrer la somme litigieuse dans le compte courant existant entre ECOBANK et Jhon Kyey-Wofa; qu’il aurait suffit dans ce cas payer et clôturer le compte de sorte à rendre le solde exigible, puis de le recouvrer suivant les moyens de droit habilités; que soit l’engagement prenait sa source dans les relations contractuelles d’intermédiaire agréé qu’elle excipe envers la COJUBEL auquel cas le compte courant ne peut être affecté par cette relation contractuelle dont le client est tiers; Qu’en définitive dans un sens ou dans l’autre ECOBANK n’était nullement fondé ni à encaisser, ni à disposer de la somme litigieuse; que ladite somme n’a pu valablement entrer dans le compte courant dont les règles sont par conséquent inopérantes pour faire échec aux prétentions des établissements INCO représentés par Jhon Kyey-Wofa.
Attendu que ECOBANK n’ayant reçu aucun mandat pour encaisser et disposer de la somme, celle-ci n’a pu sortir de ses livres au compte des établissements INCO; qu’il y a lieu donc d’ordonner la restitution de la somme abusivement encaissée par ECOBANK qui doit être considéré comme n’étant jamais sortie du patrimoine des établissements INCO.
Attendu que par conséquent tous les critères de l’article 1er de l’Acte uniforme sont réunis et l’action des établissements INCO fondés.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort.
En la forme, reçoit ECOBANK en son opposition.
Au fond l’en déboute comme étant mal fondée.
La condamne à payer à Jhon Wofa Kyey-Amour la somme de soixante quatre millions six cent mille (64.600°000) francs CFA.
Dis n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Condamne ECOBANK aux dépens.