J-07-125
SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETE DE FAIT – ASSIGNATION A BREF DELAI EN RECONNAISSANCE DE SOCIETE DE FAIT – CREATION D’UN ETABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT – ARTICLE 864 AUSCGIE – COMPORTEMENT DES PARTIES – CONTRIBUTION AU CAPITAL – PARTAGE EQUITABLE DE BENEFICE – INITIATIVES DE FORMALISATION – PARTAGE DES RISQUES – VOLONTE DE S’ASSOCIER ET AFFECTIO SOCIETATIS – EXISTENCE D’UNE SOCIETE DE FAIT (OUI) – DEMANDE RECONVENTIONNELLE – DISSOLUTION ANTICIPEE – REJET (OUI).
Il y a bel et bien société de fait dès lors que deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles une des sociétés reconnues par la loi (article 864 AUSCGIE).
Article 864 AUSCGIE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 314/2005 du 22 juin 2005, NAKOULMA Désiré, YANOGO B. Michael et Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine c/ ADOKO S. Bernard).
LE TRIBUNAL,
Par acte d’huissier de justice en date du 09 Mai 2005, NAKOULMA Désiré, expert financier, YANOGO B. Michael, directeur de CEAS-BF, Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine agent de banque tous domiciliés à Ouagadougou ayant pour conseil maître Antoinette OUEDRAOGO, avocat à la Cour, dûment autorisés par l’ordonnance au pied d’une requête datée du 06 mai 2005, ont donné assignation à comparaître à Monsieur ADOKO S. Bernard, gérant du Cabinet FIDECI, domicilié à Ouagadougou, par-devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, à l’audience du mercredi 11 mai 2005 à l’effet de.
s’entendre le Tribunal reconnaître l’existence de la société de fait « ESCO-IGES » entre les personnes ci-dessus nommées.
s’entendre ADOKO S. Bernard condamner aux dépens.
A l’appui de leur demande, NAKOULMA Désiré, YANOGO B. Michael, Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine exposent que courant année 1999, ils ont convenu avec ADOKO S. Bernard de la création d’un établissement d’enseignement supérieur, dénommé Ecole Supérieure de Commerce, d’Informatique, de Gestion, en abrégé (ESCO-IGES) qu’ils ont décidé de transformer en société au capital de dix millions de francs (10°000°000) CFA. Pour constituer le capital social chacun des associés devait libérer la somme de deux millions cinq cent mille francs (2.500°000) CFA, après quoi ils ont introduit la demande d’autorisation provisoire d’ouverture au nom de ADOKO S. Bernard. Les statuts de la société devaient être élaborés par la suite, mais avant cela, NAKOULMA Désiré et ADOKO S. Bernard ont été désignés gérants. Des initiatives ont été prises pour la formalisation de la société, mais elles se sont soldées par un échec par la faute de ADOKO S. Bernard.
Le 29 avril 2005 il délivra aux autres fondateurs une sommation interpellative aux fins de se voir déclarer seul fondateur de l’établissement. Après s’être fait délivrer en son seul nom l’autorisation définitive d’ouverture, ADOKO S. Bernard entreprit le 04 mai 2005 de changer le personnel de direction de l’établissement.
Toutes les tentatives de règlement amiable ayant échoué, ils ont recours à la justice afin qu’il soit établi qu’une société de fait a existé entre les quatre (04) personnes.
Pour résister à la demande de NAKOULMA Désiré, YANOGO B. Michael, Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine, ADOKO S. Bernard déclare qu’il a d’abord eu seul l’idée de création de l’établissement et a sollicité l’aide des trois autres personnes ci-dessus nommées. Ainsi chacun de ses partenaires lui a versé la somme de 2.500°000 F CFA contre reconnaissance et chacun a été tenu régulièrement informé de l’évolution du dossier jusqu’à son aboutissement. Par abus de langage et par amitié, il a bien voulu considérer les trois (03) autres comme des cofondateurs et a même décidé de leur rembourser les sommes à lui remises au delà de ce que chacun avait payé. Tout s’est bien passé jusqu’au moment où ses partenaires ont voulu une modification des statuts pour faire porter le nom « ESCO-IGES » sur l’autorisation définitive d’ouverture.
Tout en reconnaissant donc qu’il y a eu partenariat, il ne peut soutenir avec les demandeurs qu’il s’est agi d’une société, du reste l’affectio societatis fait défaut. Il s’agit d’une entreprise individuelle crée et gérée par ADOKO S. Bernard et qui à ce titre a toujours assumé seul les risques inhérents à ce type d’activité.
En tout état de cause, si par extraordinaire, le Tribunal devait reconnaître l’existence d’une société de fait, le défendeur formule une demande reconventionnelle de dissolution anticipée de cette société. En effet à supposer que la volonté de s’associer ait existé, aujourd’hui elle n’existe plus, le différend entre les associés étant réel.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que les demandeurs en l’espèce sollicitent que le Tribunal reconnaisse l’existence d’une société de fait qui a pu exister entre eux et le défendeur.
Attendu que l’article 864 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique définit la société de fait comme étant le fait pour deux ou plusieurs personnes physiques ou morales de se comporter comme des associés sans avoir constitué entre elles des sociétés reconnues par le présent Acte uniforme.
Attendu qu’il n’est pas contesté que chacune des quatre (04) personnes, à savoir ADOKO S. Bernard, NAKOULMA Désiré, YANOGO B. Michael, et Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine a versé la somme de 2.500°000 F CFA représentant sa part contributive au capital de la société; Que même si ADOKO S. Bernard prétend avoir emprunté ces sommes avec les trois (03) autres, il n’apporte aucune preuve.
Qu’en 2004, il y a eu un partage équitable de bénéfice même si ADOKO S. Bernard pense avoir fait des libéralités ou plutôt des remboursements largement au dessus de ce qui était normalement dû aux trois (03) autres.
Attendu qu’il est établi également qu’il y a eu des initiatives tendant à formaliser l’existence de la société (cf. l’attestation délivrée par le notaire), mais qui ont échoué du fait de ADOKO S. Bernard qui n’a pu produire ou qui a refusé de verser au dossier son bulletin n 3 du judiciaire.
Attendu qu’il est vérifiable que toutes les correspondances à l’intention de l’établissement sont adressées aux fondateurs, et que Monsieur ADOKO S. Bernard lui même a signé tout le courrier départ de l’établissement comme cofondateur.
Attendu que la société a été immatriculée aux impôts seulement le 31 mars 2004, si donc des risques il y a eu, ils ont été partagés par tous les associés.
Attendu que la demande de dissolution de la société faite par ADOKO S. Bernard est difficilement compréhensible pour celui qui prétend être le seul associé alors que l’établissement compte environ six cent (600) élèves et soixante dix (70) employés.
Attendu que le critère qui a prévalu à la désignation de Monsieur ADOKO S. Bernard comme gérant de l’établissement au moment de sa création, c’est qu’il était le seul libre de tout engagement alors que les trois (03) autres étaient déjà des salariés au moment de la création de l’établissement.
Attendu que de tout ce qui précède, il est quasi impossible d’admettre comme le soutient ADOKO S. Bernard qu’il n’a jamais existé d’affectio societatis c’est-à-dire l’intention ou la volonté de s’associer entre les quatre (04) personnes.
Qu’il en résulte que la demande de NAKOULMA Désiré, YANOGO B. Michael, Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine est recevable. Qu’en revanche celle formulée par ADOKO S. Bernard à titre reconventionnel mérite d’être rejetée car mal fondée.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare NAKOULMA Désiré, YANOGO B. Michael, Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine recevables en la forme en leur action.
Au fond déclare qu’il a existé entre NAKOULMA Désiré, YANOGO B. Michael, Madame SONGNABA/COMPAORE Claudine et ADOKO S. Bernard une société de fait dénommée Groupe Scolaire Ecole Supérieure de Commerce, d’informatique et de Gestion en abrégé (ESCO-IGES).
Déboute ADOKO S. Bernard de sa demande de dissolution anticipée de la dite société.
Condamne ADOKO S. Bernard aux dépens.