J-07-134
SURETES MOBILIERES – NANTISSEMENT – CONVENTION DE NANTISSEMENT D’UN MARCHE PUBLIC – ASSIGNATION EN INTERPRETATION DE CONVENTION – RECEVABILITE (OUI) –.
EXCEPTION DE LITISPENDANCE – RECEVABILITE (OUI) – ARTICLE 464 CODE DE PROCEDURE CIVILE – REJET DE L’EXCEPTION –.
DEMANDE D’INTERPRETATION – INDICATION DES CLAUSES AMBIGUËS (NON) – DEMANDE MAL FONDEE.
DEMANDE RECONVENTIONNELLE – CONVENTION – ANNULATION – RECEVABILITE (OUI) – NANTISSEMENTS SANS DEPOSSESSION – OBJET – ARTICLE 63 AUS – VIOLATION – ANNULATION DU NANTISSEMENT DE MARCHE PUBLIC (OUI).
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (article 1134 alinéa 1 code civil).
Selon les dispositions de l’article 63 AUS, « peuvent être nantis, sans dépossession du débiteur.
les droits d’associés et valeurs mobilières.
le fonds de commerce.
les véhicules automobiles.
les stocks de matières premières et de marchandises ».
En l’espèce, la convention des parties faisant état de nantissement de marché public, il ressort qu’a contrario de l’article précité, que le marché public ne peut faire l’objet de nantissement.
Article 122 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 464 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 109 ALINEAS 1 ET 2 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 1134 ALINEA 1 CODE CIVIL BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 130/06 du 22 mars 2006, La Financière du Burkina (FIB) c/ OUEDRAOGO Fatimata et le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO)).
LE TRIBUNAL,
I EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE
Par acte de maître OUATTARA Billy Mohamed, huissier de justice en date du 07 novembre 2005, la Financière du Burkina (FIB), a assigné madame OUEDRAOGO Fatimata, et le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) devant le Tribunal de céans en interprétation de convention.
A l’appui de sa requête elle expose que suivant contrat de financement en date du 08 février 2005, elle a accordé un prêt d’un montant de vingt millions huit cent vingt six mille (20.826.000) francs CFA à madame OUEDRAOGO Fatimata; que celle-ci s’était engagée à rembourser ledit prêt en un mois; que pour garantir la bonne exécution de ce contrat, madame OUEDRAOGO Fatimata lui a consenti pour sûreté, sa créance sur le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) d’un montant total de trente cinq millions neuf cent cinquante cinq mille cent quatre vingt dix (35.955.190) francs CFA résultant d’un marché public dont elle est attributaire; que l’acte constatant cette sûreté a été malencontreusement intitulé « nantissement de marché public »; que cependant cet acte est clair dans son objet car il est stipulé que « toutes sommes qui à un titre quelconque sont ou pourront être dues par l’agent comptable du Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) [à OUEDRAOGO Fatimata] pour livraison de fournitures de bureau, de produits d’entretien et de consommables informatiques au profit du Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO), travaux financés par le budget du Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) dont le montant s’élève à 35.955.190 FCFA TTC lesquelles sommes dues en raison des contrats de la lettre de commande n 000001/MS/SG/CHU-YO sur appel d’offre n 1360/MS/SG/CHU-YO/DG du 24/11/2004 et du marché n 000004/MS/SG/CHU-YO/DG du 24/11/2004 nantis, l’agent comptable du Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) se libérera en faisant porter le montant au compte n 01013780007 de la Financière du Burkina à la BOA Ouagadougou ou en émettant un chèque obligatoirement à l’ordre de la FIB »; que cette sûreté a été signifiée à l’agent comptable du Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) conformément à l’article 50 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés; que suivant procès-verbal du 15 septembre 2005, ce dernier procédait à la réception partielle des consommables informatiques et produits d’entretien pour un montant respectif de deux millions neuf cent quatre vingt cinq mille quatre cent (2.985.400) francs CFA et treize millions cent quatre vingt dix sept mille deux (13.197.002) francs CFA; qu’à ce jour, le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) n’a toujours pas procédé au règlement entre ses mains des sommes qu’elle doit à madame OUEDRAOGO Fatimata conformément à la sûreté dont elle jouit; que celui-ci hésite à procéder au paiement des sommes susmentionnées au motif que l’intitulé de l’acte (nantissement de marché public) l’amènerait à douter du gage de la créance de madame OUEDRAOGO Fatimata; qu’il ressort de l’article 1156 du code civil que dans les conventions, on doit rechercher la commune intention des parties et non le sens littéral des termes; que dans l’acte conclu entre madame OUEDRAOGO Fatimata et le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO), les parties ont expressément constitué la créance de OUEDRAOGO Fatimata sur le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) en sûreté du prêt accordé; qu’au sens de l’article 50 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés, une telle garantie est un gage; que par ailleurs, les conditions exigées par les articles 49 et 50 de l’Acte uniforme susvisé ont été remplies à savoir l’écrit, la remise du titre et la signification du gage au débiteur transféré; qu’au mépris de cette sûreté madame OUEDRAOGO Fatimata a acquiescé une saisie attribution pratiquée par un tiers sur sa créance sur le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) qu’elle sait déjà gagée et alors qu’elle a au préalable tenté sans succès d’obtenir l’annulation de la sûreté; que la seule garantie prévue par l’Acte uniforme en matière de créance est le gage; qu’il y a donc lieu de dire et juger en application de l’article 1156 du code civil que la sûreté consentie par madame OUEDRAOGO Fatimata à la FIB et intitulé « nantissement de marché public » est un gage de créance constitué conformément aux articles 49 et 50 de l’Acte uniforme susvisé; qu’en exécution de cette sûreté, le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) est tenu de lui payer en priorité toutes les sommes dont il est tenu envers madame OUEDRAOGO Fatimata.
Par réplique en date du 19 décembre 2005, madame OUEDRAOGO Fatimata soulève l’irrecevabilité de la demande en interprétation car d’une part, le contrat de financement du 08 juillet 2005 est caduc; qu’en effet, la Financière du Burkina (FIB) n’a pas exécuté les termes dudit contrat; qu’elle n’apporte pas la preuve que la somme de vingt millions huit cent vingt six mille (20.826.000) francs CFA lui a été effectivement allouée à titre de prêt; que d’autre part, la condition essentielle pour procéder à l’interprétation d’un contrat est l’existence de clauses ambiguës; que cependant, en l’espèce la Financière du Burkina (FIB) n’a pas pu indiquer dans le contrat de nantissement de marché public du 15 février 2005 les clauses ambiguës à interpréter; que la lecture des premières lignes de l’acte de nantissement de marché public montre que les parties ont entendu se soumettre aux dispositions du code civil, du code de commerce en la matière et du code des marchés administratifs; qu’il ne ressort pas dudit contrat que les parties ont entendu se mettre sous le régime du code des sûretés; que par ailleurs, un contentieux est en cours entre les parties à propos de la validité du nantissement du marché administratif; qu’en présence des lois citées par les parties dans l’acte de nantissement et du contentieux déjà existant et surtout en l’absence de toute clause ambiguë, il y a lieu de déclarer la Financière du Burkina (FIB) irrecevable en son action; qu’enfin, au fond, il y a lieu d’annuler le nantissement; qu’en effet d’une part, celui-ci est dit être fait conformément aux dispositions du code civil, du code de commerce en la matière et du code des marchés administratifs; qu’alors qu’aucun des textes cités ne prévoient le nantissement de marché administratif, d’où le défaut de base légale du nantissement intervenu; que d’autre part, même si le nantissement était régulier, la Financière du Burkina (FIB) n’ayant pas exécuté les termes du contrat de financement du 08 février 2005, l’obligation principale devient inexistante; qu’il s’en suit qu’il y a lieu d’annuler le nantissement intervenu ou de le déclarer caduc.
En réponse à cela, la Financière du Burkina (FIB) soulève une exception de litispendance relative à la demande d’annulation du nantissement de madame OUEDRAOGO Fatimata; que celle-ci l’a assignée en référé le 15 juin 2005 à l’effet de « s’entendre prononcer l’annulation de l’acte de nantissement de marché administratif du 15 février 2005 »; que contre la décision du juge des référés, elle a relevé appel; que le dossier est actuellement pendant devant le premier président de la Cour d’appel de Ouagadougou; que dès lors, elle est fondée à soulever l’exception de litispendance relativement à cette demande en vertu des articles 129 et 130 du code de procédure civile; que l’argument selon lequel le contrat de financement du 8 février 2005 serait caduc ne saurait prospérer; que s’agissant de l’inexécution d’un contrat, la sanction devrait être la résolution prévue à l’article 1184 du code civil et non la caducité; qu’en l’espèce, ledit contrat n’a pas été résolu en justice; que ni la validité, ni l’efficacité du contrat n’est remise en cause et ne saurait être discutée dans la présente procédure d’interprétation de la convention de nantissement du 15 février 2005; que s’agissant de l’argument selon lequel, il n’existe aucune ambiguïté dans le contrat, l’existence ou la non existence d’ambiguïté n’est pas une condition de recevabilité d’une demande d’interprétation; que la Financière du Burkina (FIB) ayant qualité et intérêt pour agir, il y a lieu de la déclarer recevable en son action; qu’au fond, il y a lieu d’interpréter la convention du 15 février 2005 car il y a ambiguïté, les deux parties ne s’accordant pas sur les termes de ladite convention; que par ailleurs, l’article 2072 du code civil énonce que « le nantissement d’une chose mobilière s’appelle gage »; qu’en outre, les parties à un contrat interne étant d’office soumises aux lois et règlements en vigueur, madame OUEDRAOGO Fatimata est mal fondée à dire que les parties n’ont pas entendu se mettre sous le régime du code des sûretés; elle conclut en la recevabilité de l’exception de litispendance et le rejet des demandes d’irrecevabilité de la défenderesse; au fond, elle demande que le tribunal interprète la sûreté que lui a consentie madame OUEDRAOGO Fatimata et intitulé « nantissement de marché public » en gage de créance et condamner le Centre Hospitalier Universitaire Yalgado OUEDRAOGO (CHU-YO) à lui payer en priorité toutes les sommes dont il est tenu envers OUEDRAOGO Fatimata jusqu’à concurrence de la créance garantie, outre la condamnation de OUEDRAOGO Fatimata aux dépens.
Madame OUEDRAOGO Fatimata conclut au rejet de l’exception de litispendance au motif d’une part que l’ordonnance de référé ne préjudiciant pas au fond, la saisine du juge des référés pour question donnée ne fait pas obstacle à la saisine du juge du fond pour la même question; que d’autre part, l’exception de litispendance doit être soulevée avant toute défense au fond; que le contrat de nantissement est devenu caduc parce que non exécuté et ne peut donc être interprété.
SUR CE
II DISCUSSION
1 Sur l’exception de litispendance
a) En la forme
Attendu que la Financière du Burkina (FIB) soulève une exception de litispendance.
Qu’elle sollicite que la demande reconventionnelle de madame OUEDRAOGO Fatimata tendant à l’annulation du nantissement de marché public soit déclarée irrecevable pour cause de litispendance.
Attendu qu’au sens de l’article 122 du code de procédure civile, « les exceptions doivent à peine d’irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond.. ».
Attendu qu’en l’espèce c’est suite à la demande reconventionnelle de madame OUEDRAOGO Fatimata tendant à l’annulation de la convention du 15 février 2005, que cette exception a été soulevée.
Que contrairement aux allégations de madame OUEDRAOGO Fatimata, cette exception ne pouvait être soulevée dans l’acte d’assignation, puisque la demande reconventionnelle n’avait pas encore été formulée.
Qu’il y a lieu de constater que l’exception a été faite conformément aux prescriptions légales.
Qu’il échet de la déclarer recevable en la forme.
b) Au fond
Attendu que la Financière du Burkina (FIB) argue du fait qu’une même demande tendant à l’annulation du nantissement de marché public serait pendante devant le premier président de la Cour d’appel.
Mais attendu que la juridiction du premier président est une juridiction de référé qui rendra une décision qui ne peut et ne doit pas préjudicier au fond.
Qu’en effet, selon l’article 464 du code de procédure civile « l’ordonnance de référé est une décision provisoire, rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal, le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires ».
Qu’il s’en suit que l’instance de référé ne préjudiciant pas au fond, il n’y a pas lieu que le tribunal de céans qui est une juridiction de fond se dessaisisse au profit du juge des référés.
Que dès lors, il y a lieu de rejeter l’exception de litispendance comme étant mal fondée.
2 Sur l’action de la Financière du Burkina (FIB)
a) En la forme
Attendu que l’assignation de la Financière du Burkina (FIB) a été faite dans les formes et conditions prescrites par la loi.
Qu’elle a qualité et intérêt pour agir.
Qu’il y a lieu de la déclarer recevable en son action.
b) Au fond
Attendu que la Financière du Burkina (FIB) sollicite l’interprétation de la convention du 15 février 2005.
Que cependant, elle n’indique pas les clauses de ladite convention qui sont ambiguës et dont l’interprétation est demandée.
Attendu qu’il appartient à la partie qui demande l’interprétation d’indiquer les clauses qui lui semblent ambiguës.
Attendu par ailleurs que selon l’alinéa 1 de l’article 1134 du code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Qu’en l’espèce, les parties ont entendu se soumettre aux dispositions du code civil, du code de commerce et du code des marchés publics dans leur convention du 15 février 2005.
Que les clauses qu’elles ont édictées ont été clairement transcrites dans leur convention.
Que si aujourd’hui une des parties demande à ce qu’une interprétation de cette convention soit donnée, il lui appartient de préciser les clauses ou parties de cette convention qui prêtent à confusion.
Que ne l’ayant pas fait, la demande de la FIB s’avère être mal fondée et doit être rejetée.
3 Sur la demande reconventionnelle de madame OUEDRAOGO Fatimata
a) En la forme
Attendu que madame OUEDRAOGO Fatimata demande reconventionnellement l’annulation de la convention du 15 février 2005 et ayant pour objet le nantissement du marché public dont elle a été adjudicataire au niveau de l’hôpital Yalgado OUEDRAOGO.
Attendu qu’au sens de l’article 109 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile « les demandes additionnelle et reconventionnelle sont formées jusqu’à la clôture des débats par conclusions ou verbalement à l’audience suivant que les parties sont représentées ou non.
Elles ne sont recevables que si elles sont de la compétence de la juridiction saisie de la demande principale et que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».
Qu’en l’espèce, la demande reconventionnelle de madame OUEDRAOGO Fatimata a été faite par conclusions avant la clôture des débats, d’une part.
Que d’autre part, elle relève de la compétence du juge du fond.
Qu’enfin, elle se rattache suffisamment aux prétentions originaires en ce sens qu’elle tend à l’annulation de la convention du 15 février 2005 tandis que la demande principale tend à son interprétation.
Qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer de madame OUEDRAOGO Fatimata recevable en sa demande incidente.
b) Au fond
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’article 63 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés que « peuvent être nantis, sans dépossession du débiteur.
les droits d’associés et valeurs mobilières.
le fonds de commerce.
les véhicules automobiles.
les stocks de matières premières et de marchandises ».
Qu’en l’espèce la convention du 15 février 2005 fait état de nantissement de marché public.
Attendu a contrario qu’il ressort de l’article précité que le marché public ne peut pas faire l’objet de nantissement.
Qu’il s’en suit que la convention du 15 février 2005 viole les dispositions de l’article 63 susvisé et qu’il échet par conséquent de l’annuler.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
Reçoit en la forme l’exception de litispendance soulevée par la Financière du Burkina (FIB).
Au fond la déclare mal fondée et la rejette.
Reçoit en la forme l’assignation de la Financière du Burkina (FIB).
Au fond, la déclare mal fondée et la rejette.
Reçoit la demande incidente de la dame OUEDRAOGO Fatimata en la forme.
Au fond, la déclare bien fondée.
Annule le nantissement de marché public du 15 février 2005 pour violation de l’article 63 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés.
Condamne la Financière du Burkina (FIB) aux dépens.