J-07-135
DROIT COMMERCIAL GENERAL – TRANSPORT – CONTRAT DE TRANSPORT INTERNATIONAL – TRANSPORT DE TANKS DE STOCKAGE – DEGATS, DOMMAGES ET AVARIES – ASSIGNATION EN PAIEMENT –.
JURIDICTIONS BURKINABE – ASSIGNATION – LIEU DE LIVRAISON – ARTICLE 46 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – COMPETENCE INTERNATIONALE (OUI) –.
DROIT APPLICABLE – ARTICLE 1003 CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE – LOI DU LIEU D’EXECUTION DU CONTRAT – LOI BURKINABE.
ACTION CONTRE LE VOITURIER – CONDITIONS – DELAI – ARTICLE 105 CODE DE COMMERCE – FORCLUSION (OUI).
La réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou pertes partielles si dans les trois jours non compris les jours fériés qui suivent cette réception, le destinataire n’a pas notifié au voiturier par acte extra judiciaire ou par lettre recommandée sa protestation motivée (article 105 du code de commerce).
Article 988 CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE BURKINABE
Article 1003 CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE BURKINABE
Article 46 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 105 CODE DE COMMERCE BURKINABE
Article 2244 CODE CIVIL BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n 153/2006 du 05 avril 2006, Brasseries du Burkina (BRAKINA) c/ La société LOCAMAT SARL et CARRON Charles Christian).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces de dossier.
Ouï les parties à l’audience du 23/02/2005, date à laquelle l’affaire était renvoyée à la mise en état puis reprogrammée au 08/02/2006; Advenue cette date l’affaire était mise en délibéré pour jugement être rendu le 22/03/2003; A cette date le délibéré était prorogé au 05/04/2006 à laquelle le tribunal statuait en ces termes.
Faits Procédure Prétentions et moyens des parties
Attendu que par exploit d’huissier de justice en date du 11 janvier 2005, la BRAKINA donnait assignation à monsieur CARRON Charles Christian en son nom personnel ainsi qu’en sa qualité de représentant de la société de transport la LOCAMAT, à comparaître par devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou siégeant en matière civile aux fins de voir ce dernier condamner à lui payer la somme de quatre vingt quinze millions deux cent quarante milles (95.240°000) francs CFA.
Attendu qu’à l’appui de cette assignation, elle exposait qu’elle a passé contrat de transport avec la société LOCAMAT et/ou monsieur CARRON Charles Christian pour l’acheminement de tanks de stockage de bière de Lomé à Ouagadougou; Qu’à la réception des marchandises, elle constatait des dégâts, dommages et avaries sur les cuves, vraisemblablement provoqués par le moyen utilisé par la LOCAMAT et/ou monsieur CARRON Charles Christian pour les transporter; Qu’elle a alors avisé le transporteur qui n’a pas daigné assumer sa responsabilité; Qu’il le citait alors devant le juge des référés pour obtenir désignation d’un expert en vue d’évaluer le préjudice subi; Qu’à dire d’expert, les frais de réparation des tanks endommagés étaient évalués à la somme de quatre vingt quinze millions deux cent quarante milles (95.240°000) francs CFA; Qu’en vertu de l’article 103 du code de commerce qui rend le voiturier garant des objets transportés ainsi que des avaries autres que ceux qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeur, elle sollicite la condamnation solidaire de la LOACAMAT ainsi que monsieur CARRON Charles Christian au paiement de cette somme, outre les intérêts de droit à compter de la demande, et sans préjudice des frais d’expertise et autres honoraires résultant de la procédure; Qu’elle sollicite également que l’exécution provisoire soit prononcée; Qu’enfin la LOCAMAT solidairement avec monsieur CARRON Charles Christian soient condamnés aux dépens dont distraction au profit de maître Issouf BAADHIO avocat aux offres de droit.
Attendu qu’en réplique monsieur CARRON Charles Christian et la LOCAMAT invoquent au principal la forclusion à l’encontre de la BRAKINA; Qu’ils soutiennent qu’en vertu de l’article 105 du code de commerce, la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou pertes partielles si dans les trois jours non compris les jours fériés qui suivent cette réception, le destinataire n’a pas notifié au voiturier par acte extra judiciaire ou par lettre recommandée sa protestation motivée; Qu’en l’espèce la BRAKINA produit au soutien de son assignation deux « semblants » de lettres de protestations portant respectivement les dates du 22 septembre 2003 et du 14 octobre 2003 qu’elle aurait adressé à « transporteur CARRON à Ouagadougou » sans indication d’adresse alors surtout qu’elle sait que les transporteurs CARRON ne se trouvent pas à Ouagadougou mais à Lomé en République du Togo; Que c’est pourquoi ces lettres ne lui sont jamais parvenues; Que du reste à la date du 22 septembre 2003, plus de trois (03) jours se sont écoulés depuis une réception intervenue depuis le 10 septembre 2003; Qu’il en est de même de celle du 14 octobre 2003, intervenue après les réceptions des 6 et 11 août 2003 soit plus d’un (01) mois après; Qu’en tout état de cause aucune de ces lettres n’ayant obéit aux formes requises par la loi, elles ne sauraient relever la BRAKINA de la forclusion de l’article 105 du code de commerce; Que subsidiairement ils opposent à la BRAKINA la prescription d’un an tirée de l’article 108 du code de commerce; Qu’ainsi la BRAKINA a initié son action le 11 janvier 2005 alors que sa dernière réception date du 11 octobre 2003 soit plus d’une année; Que son action est alors prescrite.
Attendu qu’en réponse à tous ces moyens, la BRAKINA conclut à la recevabilité ainsi qu’au bien fondé de son action; Que relativement à la forclusion elle soutient que c’est le transporteur qui a délibérément refusé de recevoir ses lettres de protestations qui reviendront de la poste avec la mention « retour à l’envoyeur »; Que c’est alors que pour vaincre cette mauvaise foi elle sollicitait une expertise judiciaire de son dommage; Que bien que cette assignation ait été faite à personne, les défendeurs n’ont daigné comparaître à l’audience de référé; Qu’au sens des dispositions de l’article 105 du code de commerce, seule la réception des marchandises et le paiement du prix du transport déclenchent le court du délai de forclusion; Qu’elle s’est gardée de payer le prix du transport; Que le transporteur non plus n’a réclamé le prix à ce jour; Que cette abstention constitue bien un aveu de sa responsabilité; Que relativement à la prescription invoquée par le défendeur, la BRAKINA oppose l’effet interruptif de l’assignation en référé conformément à l’article 2244 du code civil; Que le rapport d’expertise n’est intervenu que le 19 août 2004; Qu’elle a donc pu introduire valablement son action le 11 janvier 2005.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que le contrat à l’origine du litige porté devant le tribunal de céans a pour objet le transport de tanks de stockage de bière de Lomé en République Togolaise à Ouagadougou au Burkina Faso; Qu’il est incontestable qu’il s’agit alors d’un contrat de transport international; Que ce caractère du contrat commande que la compétence des juridictions BURKINABE à connaître de l’affaire soit vérifiée.
1 De la compétence internationale des juridictions BURKINABE
Attendu qu’il résulte de la combinaison des articles 988 du code des personnes et de la famille et 46 du code de procédure civile qu’en matière commerciale, le demandeur peut saisir à son choix, outre les juridictions de l’Etat dans lequel réside le défendeur, celles de l’Etat dans lequel la marchandise a été livrée ou dans lequel le paiement devait être exécuté.
Attendu qu’en l’espèce les marchandises devaient être et ont été livrées à Ouagadougou au Burkina Faso; Que dès lors les juridictions BURKINABE ont toute compétence pour connaître de tout litige qui surviendrait dans le cadre de cette relation contractuelle.
2 Du droit applicable à la cause
Attendu que les parties n’ont désigné ni implicitement ni explicitement le droit qu’ils voudraient voir appliquer à leur relations contractuelle; Qu’il appartient donc au tribunal de céans de combler cette carence en déterminant le droit à l’égard duquel le présent rapport juridique présente le lien le plus étroit conformément aux dispositions de l’article 1003 du code des personnes et de la famille.
Attendu que les tanks objets du contrat de transport devaient être livrés par la LOCAMAT à la BRAKINA à Ouagadougou; Que le prix du transport devait également être payé à ce lieu dès réception de la marchandise; Que par suite la loi BURKINABE, loi du lieu d’exécution du contrat apparaît appropriée pour régir la présente cause.
3 De la forclusion invoquée à l’encontre de la BRAKINA
Attendu que les défendeurs soutiennent qu’en vertu de l’article 105 du code de commerce, la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou pertes partielles si dans les trois jours non compris les jours fériés qui suivent cette réception, le destinataire n’a pas notifié au voiturier par acte extra judiciaire ou par lettre recommandée sa protestation motivée; Qu’en l’espèce la BRAKINA produit au soutien de son assignation deux « semblants » de lettres de protestations portant respectivement les dates du 22 septembre 2003 et du 14 octobre 2003 qu’elle aurait adressé à « transporteur CARRON à Ouagadougou » sans indication d’adresse alors surtout qu’elle sait que les transporteurs CARRON ne se trouvent pas à Ouagadougou mais à Lomé en République du Togo; Que c’est pourquoi ces lettres ne lui sont jamais parvenues; Que du reste à la date du 22 septembre 2003, plus de trois (03) jours se sont écoulés depuis une réception intervenue depuis le 10 septembre 2003; Qu’il en est de même de celle du 14 octobre 2003, intervenue après les réceptions des 6 et 11 août 2003 soit plus d’un (01) mois après; Qu’en tout état de cause aucune de ces lettres n’ayant obéit aux formes requises par la loi, elles ne sauraient relever la BRAKINA de la forclusion de l’article 105 du code de commerce.
Attendu que la BRAKINA pour résister à la forclusion à elle opposée soutient n’avoir pas réceptionné les marchandises raison pour laquelle elle n’en a pas payé le prix; Que du reste elle a fait connaître sa protestation relativement à de nombreuses avaries constatées sur les marchandises transportées dans les délais requis; Qu’elle conteste également la forclusion invoquée par le transporteur, arguant avoir introduit une instance de référé interruptive de prescription conformément à l’article 2244 du code civil.
Attendu que cependant, il ressort des pièces du dossier que la dernière livraison des marchandises a été faite à la BRAKINA le 10 octobre 2003; Que sans que l’on puisse lui reprocher de n’avoir pas protesté successivement à chaque livraison, elle devait à tout le moins faire connaître ses réserves sur toutes les marchandises livrées au plus tard le 16 octobre 2003; Que mais du cachet apposé sur la correspondance envoyée à l’attention de monsieur CARRON, il résulte que celle-ci a été déposée à la poste le 22 octobre 2003; Que par conséquent hors le délai de protestation à lui accordé par l’article 105 du code de commerce; Que c’est donc à bon droit que la forclusion lui est opposée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière civile, et en 1er ressort.
Déclare l’action de la BRAKINA contre la LOCAMAT et CARRON Charles Christian irrecevable pour cause de forclusion.
Condamne la BRAKINA aux dépens.
Observations
Selon les termes de l’article 105 alinéa 1 du code de commerce BURKINABE°: « La réception des objets transportés et le paiement du prix de la voiture éteignent toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle, si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de cette réception et de paiement, le destinataire n’a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire, ou par lettre recommandée, sa protestation motivée. ».
En déclarant irrecevable l’action du demandeur pour cause de forclusion sur le fondement du 1er alinéa de l’article 105 du code de commerce, le juge a méconnu la double conditionnalité qui fait courir le délai de 3 jours à partir duquel toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle est éteinte.
Il ressort en effet de l’article 105 précité qu’il y a deux conditions qui déclenche le délai°: la réception des objets transportés et le paiement du prix de la voiture. Autrement dit, la réception seule ne fait pas courir le délai. Il faut en outre qu’il y ait eu paiement. En l’espèce, et sans vouloir entrer dans les détails, on peut noter qu’il y a eu réception des objets transportés, mais qu’il n’y a jamais eu paiement du prix de la voiture (le transporteur ne l’a d’ailleurs jamais réclamé).
Le juge aurait pu fonder sa décision sur le 1er alinéa de l’article 108 du code de commerce en vertu duquel « Les actions pour avaries, pertes ou retard, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d’un an, sans préjudice des cas de fraude ou d’infidélité. ».