J-07-150
1) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – AUDIENCE EVENTUELLE – MOYENS DE NULLITE – MOYENS SOULEVES POSTERIEUREMENT A LA DATE FIXEE PAR LA LOI – REJET DES MOYENS.
2) SOCIETES COMMERCIALES – FUSION – DISSOLUTION DES SOCIETES ANTERIEURES (OUI) – TRANSMISSION UNIVERSELLE DU PATRIMOINE (OUI) – TRANSMISSION DES ACTIONS EN JUSTICE (OUI).
3) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – COMMANDEMENT – INDICATION DU TITRE EXECUTOIRE (OUI).
4) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – SOCIETE COMMERCIALE – REPRESENTATION – POUVOIR LEGAL (NON) – POUVOIR SPECIAL (NON).
1) Il résulte de la combinaison des articles 269, 270, et 311 de l’AUPSRVE que les moyens de nullité tant en la forme qu’au fond, à l’exception de ceux visés à l’article 299 alinéa 2 du même acte, contre la procédure qui précède l’audience éventuelle doivent être soulevés à peine de déchéance, par des dires et observations annexés au cahier des charges cinq jours, au plus tard, avant la date fixée pour cette audience. Par conséquent, les moyens soulevés postérieurement à la date arrêtée pour l’audience éventuelle ne peuvent être reçus par le tribunal.
2) Il ressort de l’article 191 al 1 AUSCGIE que « la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires ». Par conséquent, une nouvelle société née de la fusion de deux anciennes sociétés hérite de l’ensemble du patrimoine des sociétés qui ont fusionnées y compris toutes les actions en justice et par conséquent peut engager une procédure contre un débiteur de la société.
3) Une ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire vaut titre exécutoire. Par conséquent, il ne peut y avoir violation de l’article 254 AUPSRVE qui exige que le commandement contienne copie du titre exécutoire.
4) A défaut d’avoir la qualité de directeur général d’une société conformément aux dispositions des articles 414 et suivants de l’AUSCGIE et faute de justifier d’un pouvoir spécial pour agir au nom de cette société comme le prévoit l’article 254 de l’AUPSRVE, une personne ne peut délivrer un pouvoir aux fins de saisie immobilière au nom d’une société commerciale.
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU MOUNGO, JUGEMENT N°36/CIV DU 20 AVRIL 2006, AFFAIRE TCHAMDA Frida contre La Société CICAM-SOLICAM (cotonnière industrielle du Cameroun) et la Société Générale des Banques au Cameroun (SGBC).
LE TRIBUNAL.
Vu les lois et règlements en vigueur.
Vu les pièces du dossier de procédure.
Vu les réquisitions du Ministère Public.
Attendu qu’en vertu de la grosse de l’ordonnance d’injonction de payer n°28/94-95 rendue le 03 mai 1995 par le Président du Tribunal de Grande Instance du Moungo, et en vertu du certificat de propriété N 239/Y30/MINUH/P041 délivré le 07 septembre 2001 par le chef Service Provincial des Domaines du Littoral à Nkongsamba, la société CICAM-SOLICAM SA a, suivant exploit du 21 novembre 2002 du Ministère de Maître PENDA Jean, Huissier de justice à NKONGSAMBA fait commandement à la boutique CICAM-SOLICAM de NKONGSAMBA prise en la personne de dame TCHAMDA Frida d’avoir à lui payer dans un délai de 20 jours à compter de la signification de cet exploit les sommes suivantes.
17°785.110 francs en principal.
538.753 de droit de recette de l’Huissier instrumentaire.
100.716 de taxe sur la valeur ajoutée sur droit de recette de l’Huissier.
30.999 représentants le coût de l’acte.
Soit au total 18.395.608 francs, sous peine de saisie et vente de l’immeuble objet du titre foncier numéro 1279 du département du Moungo sis à Nkongsamba et appartenant à dame TCHAMDA Frida.
Que cette dernière ne s’étant pas exécutée dans le délai à elle imparti, le saisissant a déposé le 29 janvier 2003 au Greffe du tribunal de Céans, un cahier de charge relatif à l’adjudication dudit immeuble.
Que le 13 février 2003, dame TCHAMDA a inséré dans ce cahier des dires et observations tendant à la nullité dudit commandement ainsi que des poursuites subséquentes, et à la mainlevée de la saisie immobilière pratiquée contre elle.
Qu’au soutien de son action elle expose qu’elle n’est point partie à l’ordonnance d’injonction de payer N°28/94-95 du 03 mai 1995 sus évoquée et qu’en vertu du principe de la relativité de l’autorité de la chose jugée attachée à chaque jugement qui n’est opposable qu’aux seules parties, cette décision ne peut être exécutée contre elle.
Qu’il ressort de ladite ordonnance que seuls deux sujets de droit y sont concernés°: les deux sociétés CICAM-SOLICAM et CICAM-SOLICAM Nkongsamba.
Que dès lors, la saisie de l’immeuble litigieux appartenant à un tiers à cette décision n’a aucun fondement et encourt nullité.
Que par ailleurs l’ordonnance précitée ayant fait l’objet d’un contredit, il est étonnant que dans le commandement aux fins de saisie immobilière du 21 novembre 2002 il n’en ait point fait allusion et que les décisions rendues à la suite de cette voie de recours n’aient pas été reproduites.
Qu’en outre l’article 14 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures de recouvrement et les voies d’exécution ayant énoncé que « la décision de la juridiction saisie sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer », l’ordonnance visée en tête du commandement non appuyée par le jugement rendu sur opposition ne constitue pas un titre exécutoire et ne saurait à elle seule servir de support à une saisie immobilière.
Qu’elle poursuit aussi qu’il ressort du pouvoir spécial aux fins de saisie immobilière du 21 juillet 2001, que la présente procédure a été intentée à l’initiative de Jacques ESSOMBE KUOH, Directeur financier de la société CICAM.
Que ce responsable ne justifie pas son pouvoir de représentant de la CICAM comme l’exige l’article 3 de la loi N°90/059 du 19 décembre 1990 organisant la profession d’avocat.
Que les poursuites ainsi initiées sont donc irrecevables pour défaut de qualité du mandant.
Qu’enfin la société CICAM SA mentionnée sur le pouvoir spécial du 27 juillet 2001 ne rapporte pas la preuve qu’elle constitue une seule et même entité que la CICAM-SOLICAM, partie poursuivante.
Attendu que la société Générale des Banques au Cameroun, par des dires et observations déposés aux greffes du tribunal de céans le 14 mars 2003, a fait valoir que créancière de dame TCHAMDA Frida de la somme de 1.958.408 francs avec hypothèque de 1er rang sur l’immeuble saisi, elle sollicite qu’il en soit tenu compte au moment de la distribution en faisant à son profit application des dispositions des articles 148 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés et 325 de celui portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution.
Attendu que la société CICAM-SOLICAM rétorque que non seulement il résulte des différents actes relatifs à la procédure d’injonction de payer que dame TCHAMDA y a toujours été partie, mais elle a agi en son nom personnel.
Que dès lors toutes les décisions rendues dans ce cadre lui sont opposables.
Que par ailleurs le seul titre exécutoire reste l’ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire, et partant le seul support de la saisie.
Qu’elle poursuit que la société CICAM SOLICAM SA constitue une même entité juridique et que Jacques ESSOMBE KUOH a qualité pour agir.
Qu’elle sollicite par conséquent que la saisie immobilière pratiquée au préjudice de dame TCHAMBA soit déclarée bonne et valable, étant entendu qu’elle ne s’oppose pas aux droits de la SGBC.
Attendu que réagissant à cet argumentaire, dame TCHAMBA argue que des pièces produites par la saisissante, il ressort que jusqu’au 21 mars 1996, date de la fusion absorption de la SOLICAM par la CICAM, ces deux sociétés constituaient deux personnes morales distinctes.
Qu’il est mentionné à la page 3 de l’acte de fusion que la société SOLICAM est dissoute le même jour.
Que selon elle, cette société ayant été dissoute elle n’existe pas et ne peut ester en justice, et qui plus est, engager une procédure de saisie immobilière.
Qu’elle ajoute que pour justifier la qualité du sieur ESSOMBE KUOH Jacques, la saisissante a versé au débat une procuration à lui donné par A. FROISSARD, Directeur Général de cette société en vue de représenter le groupe CICAM en justice, le 14 avril 2003.
Que ce document postérieur à l’enclenchement des poursuites dirigées contre elle ne couvre point la carence constatée sur sa qualité.
Qu’au surplus il ressort tant du procès verbal de dépôt du cahier des charges que de la sommation d’en prendre connaissance que la date de vente fixée le 15 mai 2003 a été arrêtée au-delà du délai maximum de 90 jours, ceci en violation de l’article 268 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées d recouvrement et des voies d’exécution.
Qu’en outre les règles relatives à la publicité et énoncées aux articles 276, 277 et 278 du même acte ont été violées.
Que précisément la saisissante n’a rapporté aucune preuve de la publication des extraits du cahier des charges dans un journal d’annonces légales, ni aucun exemplaire des placards signé de l’huissier.
Que pareillement elle n’a pu justifié le visa du commandement aux fins de saisie par le conservateur foncier.
Qu’elle souligne enfin que la SGBC n’a pas précisé l’origine de sa créance ni prouvé sa certitude et pour ces motifs, elle sollicite que cette banque soit déboutée de sa demande comme injustifiée.
Attendu que toutes les parties ayant conclu, il échet de statuer contradictoirement à leur endroit et de dire.
Sur le moyen pris de la violation des articles 268, 276, 277, 278 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution; fixation de la date d’adjudication au delà de 90 jours; publicité insuffisante
Attendu qu’il résulte de la combinaison des articles 269, 270, et 311 de l’acte uniforme OHADA sus visé que les moyens de nullité tant en la forme qu’au fond, à l’exception de ceux visés à l’article 299 alinéa 2 du même acte, contre la procédure qui précède l’audience éventuelle doivent être soulevés à peine de déchéance, par des dires et observations annexés au cahier des charges cinq jours, au plus tard, avant la date fixée pour cette audience.
Attendu qu’il est constant que les moyens sus évoqués font partie de ceux énoncés par les dispositions légales susmentionnées, et partant soumis au régime procédural sus décrit.
Attendu qu’ils ont été soulevés par conclusions postérieures à la date arrêtée pour l’audience éventuelle.
Qu’il s’en dégage par conséquent qu’ils ne méritent pas d’être discutés et qu’aucune suite ne saurait leur être donnée.
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 1351 du Code Civil non respect du principe de la relativité de la chose jugée
(…).
Sur le moyen tiré de l’inexistence de la partie poursuivante
Attendu que la société saisissante a versé aux débats non seulement l’extrait du traité de fusion SOLICAM-CICAM passé par devant Maître Joseph DOUALA DJECKA, Notaire à Douala, mais également, la preuve de la publication de l’avis y relatif dans le journal dénommé « Cameroun Tribune ».
Attendu que l’examen desdites pièces démontre qu’il s’agit en l’espèce d’une fusion-absorption par la société CICAM de la société SOLICAM au sens de l’article 189 alinéa 1er de l’acte uniforme du traité OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
Que l’alinéa 3 dudit article précise que « la fusion entraîne la transmission à titre universel du patrimoine de la ou des sociétés qui disparaissent du fait de la fusion, à la société absorbante ou à la société nouvelle ».
Que l’article 191 alinéa 1er du même acte ajoute que « la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires ».
Attendu qu’il résulte de toutes ces énonciations légales que la nouvelle société née de la fusion hérite de l’ensemble du patrimoine des sociétés qui ont fusionnées, y compris toutes les actions en justice.
Attendu qu’il est constant que c’est la nouvelle société ainsi née qui a engagé les poursuites contre dame TCHAMDA et non celle dissoute.
Qu’il échet de rejeter ce moyen comme infondé.
Sur le moyen pris de la violation de l’article 254 de l’acte uniforme du traité OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, défaut de reproduction et de mention sur le commandement attaqué des décisions rendues sur opposition d’injonction de payer
Attendu que l’ordonnance d’injonction de payer sus évoqué et le jugement sur opposition ont été rendus sous l’empire de la loi n 89/021 du 29 décembre 1989 fixant une procédure simplifiée de recouvrement des créances civiles ou commerciales telle que modifiée.
Attendu que ledit jugement confirmé du reste dans toutes ses dispositions par arrêt n°132/CC du 03 avril 2000 avait ordonné l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance dont contredit.
Que cette dernière diligence ayant été faite, c’est la grosse de l’ordonnance d’injonction de payer qui vaut titre exécutoire.
Qu’il en découle par conséquent que même ce moyen n’est pas pertinent et encourt rejet.
Sur le moyen tiré de la nullité du commandement pour défaut de qualité du signataire de la procuration spéciale donnée à l’huissier instrumentaire
Attendu que pour justifier la qualité du sieur ESSOMBE KUOH Jacques, la saisissante verse au dossier de procédure, une correspondance en date du 14 avril 2003 du directeur général de la société CICAM attestant que le sus nommé est directeur administratif et financier du groupe CICAM SA et membre du comité exécutif et que pour cette raison, il a qualité de représenter le groupe CICAM en justice.
Mais attendu qu’il est constant que sieur ESSOMBE KUOH Jacques n’étant pas directeur général de cette société, il n’a pas de pouvoir pour l’engager sur la base des articles 414 et suivants de l’acte uniforme du traité OHADA relatif au doit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
Qu’il s’ensuit qu’il ne peut agir en son nom que sur la base d’un mandat intervenu conformément aux articles 1987 et 1988 du code civil.
Que précisément s’agissant d’une procédure de saisie immobilière, pour laquelle l’article 254 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution exige qu’un pouvoir spécial de saisir soit donnée à l’Huissier, un tel mandat doit lui-même être spécial.
Attendu que l’article 1987 du code civil définit le mandat spécial comme celui donné pour une seule affaire ou certaines affaires seulement.
Attendu que non seulement le document qui justifie la qualité de sieur ESSOMBE KUOH Jacques est postérieur au pouvoir de saisie immobilière par lui signé, mais concerne toutes les affaires en justice.
Qu’en effet selon la jurisprudence constante en la matière, pareil mandat qui ne précise pas les affaires concernées a plutôt un caractère général; (Cour Suprême, arrêt n°25/S du 16 novembre 1978).
Qu’il en découle que sieur ESSOMBE KUOH, n’avait aucune qualité pour délivrer le pouvoir aux fins de saisir immobilièrement.
Qu’en conséquence, le pouvoir ainsi signé est irrégulier et équivaut à un défaut de pouvoir spécial.
Attendu qu’il est constant qu’en engageant les poursuites contre dame TCHAMDA sur la base d’un tel acte, la saisissante lui a causé inéluctablement un énorme préjudice caractérisé par l’exposition de nombreux frais pour assurer sa défense outre le ressentiment qu’une telle action peut engendrer.
Que pour cette raison il convient, à travers une application combinée des dispositions des articles 254 et 297 alinéa 2 de l’acte uniforme du traité OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, de dire ce moyen fondé, et déclarer nul et de nul effet le commandement querellé; puis, sur la base de la nullité ainsi prononcée, de déclarer également nulles les poursuites subséquentes.
Sur l’action de la SGBC
Attendu que la saisie immobilière sur laquelle la SGBC a cru devoir intervenir n’ayant pas prospéré, aucune suite ne peut non plus être réservée à son action.
Attendu que la partie qui succombe au procès en supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière civile et commerciale, en premier et dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Reçois la demanderesse en son action et l’y dit fondée.
Annule le commandement aux fins de saisie immobilière, en date du 21 Novembre 2002 du ministère de Maître PENDA Jean, huissier de justice à Nkongsamba.
Donne mainlevée de la saisie immobilière pratiquée au préjudice de la demanderesse.
Condamne la défenderesse aux dépens.