J-07-151
1) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – AUDIENCE EVENTUELLE – NOTIFICATION – DELAI.
2) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – DIRES ET OBSERVATIONS – DELAI – FORME (ACTE D’AVOCAT) – NON RESPECT – IRRECEVABILITE.
3) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – CONTESTATION – DELAI – CONTESTATIONS ET DEMANDES FORMEES APRES L’AUDIENCE EVENTUELLE – REJET.
4) ARBITRAGE – RECOURS EN ANNULATION CONTRE LA SENTENCE.
ARBITRALE – EFFET SUSPENSIF DU RECOURS SUR LA SENTENCE.
ARBITRALE RENDUE.
Article 272 AUPSRVE
Article 298 AUPSRVE
Article 299 AUPSRVE
Article 21 AUA
Article 25 AUA
Article 28 AUA
1) Si certaines demandes peuvent être présentées seulement après l’audience éventuelle, et ce, jusqu’au huitième jour avant l’adjudication, ce délai concerne la saisine du tribunal et non la notification de l’audience éventuelle à l’autre partie.
Doivent être déclarés irrecevables les « dires et observations » présentés après l’audience éventuelle et par un acte qui n’est pas un acte d’avocat.
3) Les contestations ou demandes relatives à une procédure de saisie immobilière devant être soulevées avant l’audience éventuelle, doivent être rejetées celles présentées après cette audience lorsqu’elles ne font pas partie de celles qui peuvent être présentées après l’audience éventuelle comme le prévoit l’article 299 AUPSRVE.
(Tribunal DE GRANDE INSTANCE DU MOUNGO, JUGEMENT CIVIL N°55/CIV du 06 juillet 2006, AFFAIRE La société camerounaise de commercialisation et d’exportation de produits (CACEP SA) Contre Le Pool Bancaire°: SGBC-BICEC).
LE TRIBUNAL.
Vu les lois et règlements applicables.
Vu les dossiers de procédure.
Attendu que par « Dires de nullités obligatoires » reçu au Greffe du Tribunal de Grande Instance de céans le six juin 2006, la Société camerounaise de commercialisation et d’exportation des produits, en abrégé CACEP SA dont le siège social est à Douala BP 4037, immatriculé au registre du commerce et du Crédit mobilier sous N°720 de la même ville, ayant pour conseil Maître J.J Claude SIEWE, avocat au Barreau du Cameroun, en l’étude duquel elle a élu domicile aux fins des présentes poursuites et suites, a saisi le Tribunal de Grande Instance du Moungo statuant en matière civile et commerciale (incidents de saisie immobilière), à l’effet de voir annuler la procédure de saisie immobilière diligentée contre elle par le Pool Bancaire SGBC-BICEC, ayant pour conseil Maître PENKA Michel, par devant Maître DJIFACK Joseph notaire à Nkongsamba, en recouvrement d’une créance totale évaluée à la somme de 1938.049.242 francs CFA.
Attendu qu’au soutien de son action, la CACEP SA expose que par actes authentiques des 23 et 27 février 2002, les sociétés SGBC et BICEC, constituées en pool bancaire d’une part, et elle même la CACEP SA d’autre part, ont convenu d’une ouverture de compte avec affectation hypothécaire et nantissement de fonds de commerce étendu au matériel.
Qu’une clause compromissoire desdites conventions permet de recourir à la procédure d’arbitrage prévue par les articles 21 et suivants du traité OHADA pour tous différends pouvant intervenir entre les parties.
Que par acte du 04-10-04, le Pool Bancaire susvisé formulait la demande d’arbitrage par devant le tribunal arbitral du GICAM à Douala, portant sur le recouvrement de leurs prétendues créances.
Que statuant dessus, l’arbitre unique a rendu une sentence en date du 4 novembre 2005, faisant droit aux demandes du pool bancaire, et l’autorisant à réaliser les sûretés consenties.
Que cette sentence a été notifiée à la CACEP SA par exploit du 12 janvier 2006.
Que fort des dispositions de l’article 25 de l’acte uniforme sur le droit d’Arbitrage selon lesquelles la sentence arbitrale peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge compétent de l’Etat partie qui en l’espèce est la Cour d’Appel, conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi N°2003/009 du 10 juillet 2003, désignant les juridictions compétentes en matière d’Arbitrage, elle (la CACEP SA), a saisi la cour d’Appel du Littoral d’un recours en annulation de ladite sentence.
Que cette affaire, appelée par la chambre civile de ladite cour à l’audience du 06 mars 2006, a été successivement renvoyée au 3 avril, puis au 5 juin, et sera de nouveau appelé à l’audience du 07/08/2006.
Que suivant les dispositions de l’article 28 du même acte uniforme, l’exercice d’un recours en annulation suspend l’exécution de la sentence arbitrale jusqu’à ce que le juge compétent ait statué.
Qu’ainsi, le Pool Bancaire ne peut prétendre poursuivre la procédure de saisie immobilière par elle initiée sur la base de la sentence attaquée, alors que la cour n’y a pas encore statué.
Qu’en outre, par assignation en date du 24/02/06 les sieurs SAMBALIS Dimitri et SAMBALIS Alexandre ont saisi la chambre civile du Tribunal de Grande Instance de céans, pour voir annuler l’acte authentique du 27/02/02 portant affectation hypothécaire et nantissement de fonds de commerce étendu au matériel, intervenu entre le Pool Bancaire SGBC et BICEC d’une part, et la société CACEP SA d’autre part, acte authentique dont le Pool poursuit également l’exécution.
Que cette affaire sera quant à elle de nouveau appelée à l’audience du 8 juin 2006.
Que cette action porte sur la propriété du matériel nanti dont se réclame exclusivement la CACEP SA.
Qu’elle (la CACEP SA), peut à tout moment opposer une contestation tenant au droit de saisir, à la créance, et aux moyens de fond.
Que les moyens qui touchent au fond du droit de saisir, c’est-à-dire les contestations mettant l’existence ou l’exigibilité de la créance, la régularité du titre peuvent être soulevées en tout état de cause, puisque c’est le bien fondé de la mesure d’exécution elle-même qui est discuté.
Que dans les demandes qu’elle a formulées à la cour, les contestations portent sur le caractère certain de la créance pour le recouvrement de laquelle est engagée la procédure de saisie immobilière critiquée.
Qu’il s’agit bien d’une contestation au fond, tout comme celle portant sur la validité de l’acte authentique, donc du titre même du poursuivant sus évoqué.
Mais que très curieusement, le poursuivant feint d’ignorer toutes ces contestations, et les procédures en cours, et entend procéder à la vente le 16 juin 2006 par devant Maître DJIFACK Joseph, Notaire à Nkongsamba.
Qu’il y a lieu de constater que la validité du titre est attaquée, et l’action pendante devant la juridiction compétente, et prononcer en conséquence la nullité de la procédure de saisie immobilière dont s’agit, initiée sur la base du titre ainsi contesté.
Attendu que réagissant contre cette action, Maître PENKA Michel, conseil des défendeurs a plaidé in limine litis l’irrecevabilité pour violation des articles 298 et 299 de l’acte uniforme portant procédures de recouvrement et les voies d’exécution, notamment pour défaut d’acte d’Avocat à Avocat, non respect des délais, et absence d’éléments nouveaux soumis à l’appréciation du tribunal.
Qu’il convient d’examiner la pertinence de ces moyens d’irrecevabilité, en même temps que les réponses y apportées par la demanderesse.
Attendu que toutes les parties ont conclu et plaidé.
Qu’il échet de statuer par jugement contradictoire et de dire.
I– Sur la déchéance excipée tirée de la violation de l’article 299 paragraphe 2 de l’acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution
Attendu que le Pool bancaire BICEC-SGBC estime que la société CACEP SA a violé l’article 299 alinéa 2 de l’acte uniforme sus visé pour lui avoir notifié son « Dire de Nullités Obligatoires » le 13 juin 2006, soit trois jours seulement avant la date d’adjudication alors fixée au 16 juin 2006.
Mais attendu qu’en énonçant que certaines demandes limitativement énumérées dans cette disposition légale peuvent « être présentées après l’audience éventuelle, mais seulement à peine de déchéance jusqu’au huitième jour avant l’adjudication », le législateur communautaire a entendu y relever le délai de saisine du tribunal devant lequel ces demandes sont soumises ou présentées.
Que les demandes ne pouvant être présentées aux parties, le délai de huit jours sus évoqué ne saurait concerner la notification qui doit leur être faite de la date d’audience, étant du reste entendu que selon l’article 298 alinéa 2 du même acte « les affaires sont instruites d’urgence ».
Que pareille analyse commande de rejeter ce moyen comme non fondé.
II– Sur l’exception préalable d’irrecevabilité tirée de la violation de l’article 298 AUVE
Attendu que les défendeurs soutiennent que l’action en nullité des poursuites initiée par la CACEP SA, est manifestement irrecevable pour irrespect des formalités prescrites par le texte sus visé.
Qu’en effet, ce texte dispose°: « Toute contestation ou demande incidente, relative à une poursuite de saisie immobilière formulée postérieurement à la signification du commandement, est formée par simple acte d’Avocat à Avocat contenant les moyens et conclusions. Elle est formée, contre toute partie n’ayant pas constitué Avocat par requête avec assignation. Les affaires sont instruites et jugées d’urgence ».
Que dans le cas d’espèce où il y a un avocat poursuivant la saisie, c’est donc par acte d’avocat contenant moyens et conclusions que l’action des demandeurs aurait dû être formulée.
Attendu que la CACEP SA rétorque qu’elle a agi dans le strict respect de ce texte, aucun formalisme particulier n’étant exigé pour la confection d’un tel acte.
Mais attendu qu’en fait d’acte d’Avocat Maître J.J Claude SIEWE, conseil de la CACEP SA s’est rendu au greffe du Tribunal de Grande Instance de céans et a fait une déclaration que madame le greffier en chef a reçu sur procès-verbal signé d’elle-même et du déclarant. Toute chose qui diffère d’un acte d’avocat que la doctrine définit comme « Un acte de procédure rédigé par un Avocat, et qui est signifié à son confrère au Palais par un huissier audiencier » (lexique des termes juridiques DALLOZ éditions 1981 BD Page N°4).
Attendu que de cette définition, il suit qu’un acte d’Avocat est un acte conçu, rédigé daté et signé par lui, et signifié à un confrère opposé à lui dans une cause, contenant les moyens et les conclusions.
Attendu qu’en l’espèce l’on a plutôt un procès-verbal rédigé par le greffier en Chef, signé par lui, et contresigné par l’avocat.
Que ce procès-verbal ne pouvant valoir Acte d’Avocat contenant moyens et conclusions, il échet de le déclarer irrecevable.
Attendu au demeurant que suivant les articles 272 et suivants de l’AUVE sus visé, le dire d’incident en nullité ou la demande en résolution qui doivent être annexés au cahier des charges, ont trait à la procédure qui précède l’audience éventuelle.
Qu’il est établi que la CACEP SA n’a pas déposé des dires et observations dans la présente cause avant l’audience éventuelle qui, selon le cahier des charges déposé au Greffe le 29 mars 2006, était fixée au 04 Mai 2006.
Que pourtant les articles 298 et 299 de l’acte uniforme sus cité n’ont prévu que deux modes de saisine, excluant à cet effet la saisine par l’annexion des dires au cahier des charges, qui ne vaut que pour des cas expressément visés par la loi.
Qu’en passant outre ces modes de saisine, et en annexant un nouveau dire dit « de Nullités Obligatoires », après l’audience éventuelle, par un acte qui n’est pas un acte d’Avocat, alors qu’il avait tout le temps de faire valoir les arguments qu’il développe dans ces dires et observations déposés en bonne et due forme à l’audience éventuelle, la CACEP SA a rendu sa demande irrecevable selon les dispositions légales sur rappelées.
Qu’il échet de la déclarer telle.
III– Sur l’exception d’irrecevabilité pour non respect des conditions fixées par l’article 299 paragraphe 2 de l’acte uniforme OHADA N°6
Attendu que l’article 299 dudit acte dispose que les contestations ou demandes doivent à peine de déchéance être soulevées avant l’audience éventuelle. Toutefois, les demandes fondées sur un fait ou acte survenu ou révélé postérieurement à cette audience, et celles tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, la nullité de tout ou partie de la procédure suivie avant l’audience éventuelle, ou la radiation de la saisie, peuvent encore être présentées après l’audience éventuelle, mais seulement à peine de déchéance jusqu’au huitième jour avant l’adjudication.
Attendu que l’examen de ce texte fait ressortir les hypothèses suivantes, limitativement énumérées comme celles dans lesquelles l’on peut encore saisir le tribunal après l’audience éventuelle°:
1) Lorsqu’il y a un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement à cette audience éventuelle.
2) Le cas des demandes tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis.
3) Les cas des demandes nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle.
4) Le cas des demandes de radiation de la saisie.
Attendu en outre que de telles demandes doivent être soumises à l’appréciation du tribunal ayant compétence exclusive en matière d’incidents de saisie immobilière.
Attendu que les contestations élevées en l’espèce ne concernent ni la radiation de la saisie, ni la distraction des biens saisis, et encore moins la nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l’audience éventuelle, étant entendue sur ce dernier point que cette audience n’a pas eu lieu.
Qui s’ensuit que seul le premier cas sus énuméré peut être retenu en l’espèce.
Attendu que les faits et actes cités sont deux assignations°: la première en nullité de la sentence arbitrale du 08/02/2006, et la seconde, en nullité d’acte notarié en date du 27 février 2002.
Attendu que l’audience éventuelle était fixée au 04 mai 2006.
Qu’il appert à l’analyse que tous ces faits et actes étaient connus de la demanderesse bien avant l’audience éventuelle.
Qu’il ne s’agit donc pas de fait ou d’acte nouveau au sens de l’article 299 alinéa 2 de l’AUVE (acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution).
Que pour cette raison, le « Dire de Nullités Obligatoire » présenté doit être déclaré irrecevable.
Attendu qu’en définitive, l’action de la CACEP SA est irrecevable; qu’il échet de la déclarer telle, d’ordonner la continuation des poursuites en fixant une nouvelle date d’adjudication par devant Maître DJIFACK Joseph et de dire qu’il sera procédé à une nouvelle publicité avant ladite vente, sans qu’il y ait lieu à nouvelle dénonciation.
Attendu que la partie qui succombe au procès supporte les dépens.
Attendu qu’en cette matière le tribunal statue en premier et dernier ressort.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale en premier et dernier ressort, en matière d’incident de saisie immobilière.
Déclare irrecevable le « Dire de Nullités Obligatoires » présenté par la CACEP SA.
Ordonne la continuation des poursuites.
Fixe au 28 juillet 2006, la nouvelle date d’adjudication par devant Maître DJIFACK, Notaire à Nkongsamba.
Dit qu’il sera procédé à une nouvelle publicité en vue de cette vente sans qu’il n’y ait lieu à nouvelle dénonciation.
Condamne la CACEP SA aux dépens.