J-07-157
1) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE CONSERVATOIRE DE CREANCES – TITRE EXECUTOIRE (NON) – DEMANDE DE TITRE EXECUTOIRE – DELAI – NON RESPECT – CADUCITE.
2) VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE CONSERVATOIRE DE CREANCES – MAINLEVEE – JURIDICTION COMPETENTE – JURIDICTION AYANT ORDONNE LA SAISIE.
3 VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE CONSERVATOIRE DE CREANCES – PROCES VERBAL DE SAISIE – MENTIONS – NON RESPECT – PREJUDICE (NON) – REJET.
1) Lorsqu’une saisie conservatoire de créance a été obtenue sur autorisation du juge, le créancier dispose d’un délai d’un mois conformément à l’article 61 de l’AUPSRVE pour introduire une demande aux fins d’obtenir un titre exécutoire. Faute de présenter une demande d’obtention de titre exécutoire dans ce délai, la saisie exécutoire doit être déclarée caduque.
2) La demande de mainlevée d’une saisie conservatoire de créance doit être présentée devant le juge qui a autorisé la saisie. Tout autre juge saisi à cet effet doit dès lors se déclarer incompétent.
3) Un procès verbal de saisie conservatoire de créance qui ne contient pas toutes les mentions exigées par la loi ne peut cependant pas être annulé si le demandeur ne prouve pas que l’absence de ces mentions ne lui cause pas un préjudice.
(Tribunal de Première Instance de Mbanga, Ordonnance de référé n°20/Ref du 31 mai 2007, Affaire la société Tradoma SARL C/ dame Djokam Thérèse et Me Côme Takongmo J.).
NOUS, JUGE PRES LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE MBANGA, JUGE DU CONTENTIEUX DE L’EXECUTION.
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Après avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que suivant exploit en date du 08 mai 2007, non encore enregistré mais qui le sera en temps utile du ministère de Maître Jean Bedel MAMOUN, huissier de justice à Mbanga, la Société Tradoma SARL dont le siège social est à Douala, B.P. 12 775, représentée par son directeur général, ayant pour conseil Maître Narcisse BETCHEM, avocat au barreau de Cameroun, a fait donner assignation dame Djokam Thérèse, ménagère domicilié à Njombé et ayant pour conseil Maître Ngouana Notsa O., avocat à Mbanga pour, est-il dit dans cet exploit.
Au principal,
Renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles s’aviseront.
Mais dès à présent, vu l’urgence et le péril en la demeure.
Constater qu’il y a eu baisse de l’activité de production après trois mois seulement de partenariat entre la société Tradoma et dame Djokam Thérèse.
Voir constater que malgré cette baisse de production, la requérante a respecté tous ses engagements, vis-à-vis de la requise.
Voir constater que la requérante lui a versé la somme de 4 870°000 francs CFA conformément aux termes de leurs accords.
Constater en outre que le procès-verbal de saisie conservatoire des créances en date du 16 avril 2007 dressé par Maître Côme Takongmo J., huissier de justice à Mbanga viole les dispositions légales notamment celles des articles 77 et 156 de l’acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Déclarer par conséquent nul et de nul effet le procès-verbal de saisie conservatoire des créances du 16 avril 2007 par Maître Côme Takongmo J., huissier de justice à Mbanga.
Donner mainlevée de la saisie conservatoire de créances pratiquée au préjudice de la Société Tradoma SARL B.P. 12 775 Douala.
Ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement de l’Ordonnance à intervenir.
Condamner Dame Djokam Thérèse avait gagné un marché de transport des bananes appartenant au groupe SPNP-PHP-SBM devenu PHP (Plantations Haut Penja) basé à Njombé.
Que ne disposant pas de véhicules pouvant lui permettre de réaliser ce marché, elle a passé avec elle par le biais de son directeur général, un contrat aux termes duquel elle mettait à sa disposition le camion d marque Mercedes n°LTTR 3197, moyennant une commission d’un montant de 500°000 francs CFA par mois et à concurrent de 66 voyages.
Que le payement de ladite commission était conditionné au règlement préalable par la société PHP des factures de la Tradoma SARL.
Que malheureusement après trois mois de partenariat, la société Tradoma parvenait à peine d’effectuer 20 voyages au lieu des 66 par mois.
Que devant cette baisse drastique de production, qu’un avenant au contrat fut signé le 27 juillet 2004 revoyant à la baisse le montant de la commission due à Dame DJokam Thérèse à 200°000 francs CFA par mois, qu’en septembre 2004, la société PHP a mis fin au contrat qui la liait à la société Tradoma SARL.
Que pour montrer sa bonne foi, la Société TRADOMA SARL a signé un protocole d’accord avec un autre transporteur à la personne du Sieur Tchouamou Cyrille frère de Dame Djokam Thérèse lequel était lié à la société PHP.
Qu’en 2005, le contrat liant Sieur Tchouamou Cyrille à la Société PHP prit fin.
Que malgré les difficultés de trésorerie dues à la baisse de production, Tradoma SARL respectait toujours ses engagements vis-à-vis de Dame Djokam Thérèse qui a déjà perçu des mains de TRADOMA SARL la somme de 4 870°000 francs.
Que par conséquent la créance objet de la saisie conservatoire des créances du 16 avril 2007 par maître Côme Takongmo J. huissier de justice à Mbanga est dès lors illégale, car non fondée et injustifiée.
Qu’en outre ladite saisie a été instrumentée au mépris des formes prévues par la loi; en ce qui concerne le procès verbal matérialisant ladite saisie est contraire aux exigences de l’acte uniforme n 6 OHADA, portant organisation des procédures simplifiées et des voies d’exécution.
Qu’en effet l’article 77 de l’acte uniforme n°6 prescrit des mentions que l’acte de saisie doit contenir à peine de nullité.
Que l’alinéa 6 de l’article 77 dudit texte prescrit à peine de nullité la reproduction des dispositions de 2eme alinéa de l’article 36 du texte précité, dans l’acte de saisie.
Qu’il n’apparaît nulle part dans le procès-verbal de saisie du 16 avril 2007 l’énumération des dispositions du 2eme alinéa de l’article 36 de l’acte uniforme précité.
Que par conséquent, l’acte de saisie daté du 16 avril 2007 est nul.
Attendu qu’en outre que dans ses conclusions datées du 24 mai 2007, la Société TRADOMA SARL a aussi dénoncé que l’acte uniforme a impartit au créancier saisissant, dans son article 61 le délai d’un mois à compter de la saisie à peine de caducité, pour introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire, que cette disposition légale stipule que « si ce n’est dans le cas où la saisie conservatoire a été faite en vertu d’un titre exécutoire, le créancier doit dans le mois qui suit ladite saisie, à peine de caducité introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire;si la saisie est pratiquée entre les mains d’un tiers, les copies des pièces justifiant de ces diligences doivent être adressées aux tiers dans un délai de 8 jours à compter de leur date.
Que dans le cas d’espèce, aucune procédure ni formalité allant dans ce sens n’a été observée à ce jour.
Qu’il y a lieu de constater que la saisie conservatoire de créances pratiquée le 16 avril 2007 est caduque.
Attendu que pour faire échec aux prétentions de la Société TRADOMA SARL, Dame Djokam Thérèse par la plume de son conseil Maître Ngouana Notse O., fait valoir qu’il ressort clairement tant de la requête sus-énoncée que de l’exploit de saisine sus-visé que le juge de céans est saisi aux fins de s’entendre ordonner main levée d’une saisie conservatoire de créances pratiquée au préjudice de la Société TRADOMA SARL, laquelle saisie causerait à la susdite société un préjudice fort énorme.
Que la société demanderesse, contrairement à ce qui est prévu par le droit communautaire OHADA, a dirigé a dirigé sa demande vers un juge dont le ressort territorial est manifestement incompétent à apprécier la mesure sollicitée.
Qu’il y a lieu en effet de noter qu’en matière de la saisie conservatoire de créance comme c’est le cas en l’espèce, trois acteurs entrent en scène à savoir, le créancier, le débiteur et le tiers saisi.
Que la Société TRADOMA SARL est débitrice et sollicite la main levée d’une saisie déjà pratiquée sur ses avoirs entre les mains du tiers saisi (PHP) par la créancière ici concluante.
Que l’article 63 de l’acte uniforme n°6 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution que la demande de main levée est portée devant la juridiction compétente qui a autorisé la mesure.
Qu’en l’espèce, cette juridiction s’avère être celle de Douala-Bonanjo devant laquelle une action en min levée de cette saisie contestée vainement peut être débattue; qu’il échet de constater l’incompétence ratione loci et se déclarer incompétent à statuer, de renvoyer la Société TRADOMA SARL à mieux se pourvoir conformément à la loi et de condamner la demanderesse aux dépens dont distraction au profit de Me Ngouana Notse O. Bertin, avocat aux offres de droit.
Attendu que la Société TRADOMA SARL a saisi le juge de céans par la plume de son conseil pour s’entendre.
1°/ donner main levée à la saisie conservatoire pratiquée sur ses avoirs entre la société PHP de Njombé, en date du 16 avril 2007 par dame Djokam Thérèse.
Mais attendu que l’article 63 de l’acte uniforme n°6 dispose que la demande de amin levée est portée devant la juridiction compétente qui a autorisé la mesure.
Que dans le cas d’espèce, cette saisie a été pratiquée sur autorisation préalable du président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo, suivant ordonnance sur requête n°767 rendue en date du 10 avril 2007.
Qu’il échet conformément aux textes de la disposition légale sus-visée, de dire la demande non fondée en ce chef de demande et de se déclarer incompétent ratione loci à statuer sur ce chef.
Attendu qu’en outre, la Société TRADOMA SARL a sollicité du juge du contentieux de l’exécution de céans l’annulation pour vice de forme textuel, le procès-verbal de saisie conservatoire daté du 16 avril 2007 qu’il a de ce fait évoqué l’article les dispositions des articles 77 (6) et 156 de l’acte uniforme n°6 comme texte violé.
Attendu que les dispositions de l’article 156 ont été reprises dans le procès-verbal sus-évoqué, que seules les dispositions de l’article 77 (6) prescrivant à peine de nullité la reproduction du 2eme alinéa de l’article 36 de l’acte uniforme n°6 ont été omises par l’huissier instrumentaire.
Mais attendu que les nullités pour vice de forme même lorsqu’elles sont textuelles sont soumises à la justification d’un grief, qu’il serait fort simple de relever l’omission d’une formalité fusse-t-elle substantielle pour prononcer la nullité sans justifier d’un grief; que la Société TRADOMA SARL a tout simplement soutenu que ladite saisie lui a causé un énorme préjudice sans en rapporter la preuve et la relation de cause à effet avec l’inobservation de la sus-dite formalité.
Qu’il échet par conséquent de l’y dire également non fondé en cet autre chef de demande comme non justifié.
Attendu enfin que la Société TRADOMA SARL a demandé qu’il soit constaté la caducité de la saisie conservatoire pratiquée à son préjudice le 16 avril 2007; qu’elle a fait valoir au soutien de cette demande la violation des dispositions de l’article 61 de l’acte uniforme OHADA n°6 qui stipule que si ce n’est dans le cas où la saisie conservatoire est pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit ladite saisie à peine de caducité introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
Attendu que dans le cas d’espèce, la saisie pratiquée l’avait été sur autorisation du Juge et non avec un titre exécutoire; que ladite saisie a été pratiquée en date du 16 avril 2007; que depuis cette date jusqu’au 24 mai 2007, date de la demande de la Société TRADOMA SARL, il s’est écoulé plus d’un mois depuis la saisie conservatoire dont s’agit.
Que les délais indiqués dans l’acte uniforme portant voie d’exécution sont des délais de procédure; qu’à ce titre, ceux-ci ne sont susceptibles ni de suspension, ni d’interruption.
Que dame Djokam Thérèse n’ayant pas engagé la procédure en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai d’un mois imparti par l’article 61 sus-visé, que la saisie conservatoire pratiquée sur les avoirs de la Société TRADOMA SARL le 16 avril 2007 est caduque.
Qu’il n’y a pas lieu de dire la demanderesse fondée sur ce chef et de constater la caducité de cette saisie.
Attendu que Notre Ordonnance sera exécutoire sur minute avant enregistrement.
Attendu enfin que la partie qui succombe supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties en matière de contentieux de l’exécution en premier ressort.
Recevons la Société TRADOMA SARL représentée par son directeur général et ayant pour conseil Maître Narcisse BETCHEM, avocat au barreau de Cameroun en ses demandes.
L’y disons fondé en partie.
Rejetons les chefs de demande de mainlevée de la saisie conservatoire et de nullité du procès-verbal de saisie conservatoire comme mal fondé et non justifié et pour incompétence ratione loci.
Constatons la caducité de la saisie conservatoire pratiquée le 16 avril 2007 sur ses avoirs à la PHP.
Ordonnons par conséquent la remise à la demanderesse des fonds saisis.