J-07-171
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE CONSERVATOIRE DE CREANCE – CONVERSION EN SAISIE ATTRIBUTION – ACTE DE SIGNIFICATION AU TIERS SAISI – MENTIONS (DEMANDE DE PAIEMENT) – RESPECT ( OUI).
Lorsqu’il apparaît que l’acte de conversion d’une procédure de saisie conservatoire de créance en saisie attribution contient une demande de paiement des sommes à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur comme le prévoit l’article 82 al 5 AUPSRVE, cet acte doit être déclaré valable.
Article 82 AUPSRVE
(Cour d’Appel du Littoral, Arrêt N°07/REF du 11 octobre 2006, Affaire SOCIETE CAMEROUNAISE DE BANANERAIE DE PENJA C/ SOCIETE GENERALE DES BANQUES DU CAMEROUN, BANQUES DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE).
LA COUR,.
Vu l’ordonnance n°390 rendue le 29 Septembre 2005 par le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo statuant en matière de contentieux d’exécution dans la cause opposant la société camerounaise de bananeraies de Penja en abrégé S.C.B.P. à la société générale des banques du Cameroun en abrégé SGBC.
Vu l’appel principal et celui incident interjetés contre ladite ordonnance respectivement par la SCBP et la SGBC.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï monsieur le Président en son rapport.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que par requête reçue au greffe de la Cour d’Appel de céans le 11 octobre 2005 sous le n°34, la SCBP a interjeté appel contre l’ordonnance n°390 ci-dessus référencé dont le dispositif est repris dans les qualités du présent arrêt.
Considérant que par conclusion la SGBC a également interjeté appel contre ladite ordonnance.
Considérant que ces appels sont intervenus dans les formes et délais prescrits par la loi; qu’il y a lieu de les recevoir parce qu’ils sont réguliers.
AU FOND
Considérant qu’au soutien de son appel, sous la plume de son conseil Maître Zacharie WOUAPPI, avocat au barreau du Cameroun, la SCBP expose que par arrêt n°16/C rendu le 20 octobre 2000, la Cour d’Appel de céans avait condamné la SGBC à lui restituer la somme de 60°000°000 francs représentant l’acompte du prix d’achat de la plantation objet du différend qui les oppose avec les intérêts de droit à compter de la date de remise et avait également condamné solidairement cette institution bancaire et la P.H.P, nouvel acquéreur de cette plantation à lui payer la somme de 296°718°618 francs CFA représentant la plus value majorée des intérêts de droit à compter de la saisine du tribunal ainsi que celle de 10°000°000 francs à titre de dommages et intérêts.
Qu’en exécution de cet arrêt, elle a pratiqué deux saisies-attribution au préjudice de la SGBC entre les mains de la BEAC respectivement les 15 février 2001 et 14 novembre 2001 dont l’huissier instrumentaire a donné main levée suivant procès verbal le 31 juillet 2002, ce qui a mis fin à la contestation que la SGBC avait élevée devant les tribunaux contre lesdites saisies.
Que le 1er août 2002, elle procéda à une nouvelle saisie suivant procès verbal dressé à cette date par Maître YOSSA, huissier instrumentaire.
Que curieusement, tirant argument d’un motif fallacieux relatif à la violation de l’article 82 alinéa 5 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution, le juge de l’exécution saisi par la SGBC a donné main levée de ladite saisie.
Qu’elle invite la Cour à constater qu’elle a bien indiqué dans l’acte de conversion de la saisie conservatoire de créances en saisie-attribution du 15 juillet 2005, la demande de paiement conformément à l’article 82 alinéa 5 prétendument violé, que le premier juge n’a pas statué sur sa demande de désignation d’un séquestre, que le titre exécuté est aujourd’hui définitif suivant l’arrêt de la Cour Suprême n°209/CC du 21 avril 2005 déclarant la SGBC déchue de son pourvoi et que c’est à tort que le premier juge qui a violé l’article 5 de l’ordonnance n°72/4 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire en ne répondant pas à sa demande de désignation de séquestre a donné main levée sur la prétendue violation de l’article 82 alinéa 5 susvisé.
Qu’elle conclut en l’infirmation de l’ordonnance entreprise et sollicite de la Cour que statuant à nouveau, compte tenu de la connivence existant entre la SGBC (débitrice saisie) et la BEAC (tiers saisi), qu’elle désigne le greffier en chef du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo séquestre des causes de la saisie jusqu’à l’issue de la procédure en contestation et qu’elle déboute la SGBC de sa demande en main levée comme non fondée avant de la condamner aux dépens distraits au profit de Maître WOUAPPI Zacharie, Avocat aux offres de droit.
Considérant que sous la plume de ses conseil s Maîtres PENKA et NGOUE, la SGBC soutient que l’arrêt n°16/C fondement de la saisie querellée n’est pas encore définitif malgré l’arrêt de déchéance de la Cour Suprême puisqu’elle a déposé une requête aux fins de rabat d’un arrêt.
Qu’elle précise qu’au terme de l’article 82 alinéa 5 de l’AUVE, l’acte de conversion doit contenir à peine de nullité « une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur ».
Qu’à son entendement, l’acte de conversion ne peut être signifié au tiers qu’après que celui-ci est fait sa déclaration affirmative dans laquelle il se reconnaît débiteur du saisi.
Que dans l’ordre chronologique, l’acte de reconversion est toujours précédé de la déclaration affirmative.
Qu’or en l’espèce, c’est le 18 juillet 2003 que la BEAC a fait sa déclaration affirmative suite à la saisie conservatoire du 14 juillet 2003 alors que l’acte de conversion lui a été signifié le 15 juillet 2003, c’est-à-dire trois jours plus tôt.
Qu’il s’ensuit que la BEAC n’a pas été déclarée débitrice de la SGBC avant la conversion du 15 juillet 2003 et que c’est à bon droit que le premier juge a constaté la violation de cette disposition.
Considérant que la SGBC plaide par ailleurs que la SCBP était au courant de ce que la BEAC avait refusé de libérer les sommes objet des saisies des 15 février et 14 novembre 2001 malgré sa main levée, mais s’est quand même permis de saisir une troisième fois, pratiquant de ce fait saisie sur saisie qui ne vaut.
Considérant qu’elle relève s’agissant de la violation de l’article 5 de l’ordonnance n°72/4 du 26 Août 1972 que la SCBP n’a jamais présenté au premier juge une demande de désignation de séquestre et que celle-ci constitue une nouvelle demande à la Cour dont l’appelant cherche tout simplement à contourner son irrecevabilité conformément à l’article 207 alinéa 1 du code de Procédure Civile et Commerciale.
Qu’au-delà de cette irrecevabilité cette demande n’est pas justifiée en l’espèce, la BEAC ne présentant aucun signe d’insolvabilité.
Considérant qu’au soutien de son appel incident la SGBC estime que c’est à tort que le premier juge n’a pas donné une suite favorable à sa demande de dommages et intérêts, la renvoyant devant le Tribunal de Grande Instance déjà saisi.
Qu’elle précise que la demande présentée devant le Tribunal introduite en octobre 2002 bien longtemps avant la saisie conservatoire du 14 juillet 2003, ne pouvait réparer le même préjudice.
Qu’elle invite la Cour à infirmer la décision entreprise sur ce point et y statuant à nouveau, à condamner la SCBP à lui payer la somme globale de 231°135.112 francs CFA soit 105.103.188 francs CFA au titre des intérêts qu’auraient due payer la BEAC et 236.031.944 francs CFA au titre de manque à gagner commercial avant de confirmer le surplus du jugement et condamner la SCBP aux dépens distraits au profit de Maître André Marie NGWE avocat aux offres de droit.
Considérant que par des écritures datées du 13 Juin 2006, la SGBC sous la plume de Maître PENKA, avocat au barreau du Cameroun, tout en reprenant les mêmes arguments que dessus, fait valoir qu’une fraude entache le jugement n°113 en ce que les formalités d’enregistrement portées sur le corps dudit jugement rendu le 20 novembre 1997 sont fausses et que le magistrat instructeur saisi de la plainte par elle déposé a rendu une ordonnance de renvoi devant le juge criminel le 3 septembre 2003.
Que cette fraude entachant par conséquent l’arrêt n°16/C ayant servi de base légale aux saisies pratiquées à son préjudice, elle sollicite que la cause soit communiquée au ministère public pour ses réquisitions.
SUR LA COMMUNICATION DE LA CAUSE AU MINISTERE PUBLIC
(…).
SUR LA DEMANDE DE SEQESTRE FORMULEE PAR LA SCBP
(…).
SUR LA VIOLATION DE L’ARTICLE 82 ALINEA 5 DE L’AUVE
Considérant que l’article sus visé dispose que muni d’un titre exécutoire constatant l’existence de sa créance, le créancier signifie au tiers saisi un acte de conversion qui contient à peine de nullité une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.
Considérant qu’à la lecture de l’acte de conversion versé au débat il apparaît clairement que la SCBP y avait demandé le paiement de la somme de 685.143.525 francs CFA; que sur ce point cet article n’a pas été violé.
Considérant que l’article 82 alinéa 5 stipule que les sommes demandées doivent indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur, force est de constater que ce texte ne prévoit pas l’ordre chronologique dans l’intervention de la conversion.
Qu’il est expédiant de relever au demeurant de la lettre du 18 juillet 2003 par laquelle la BEAC informait le saisissant qu’elle avait cantonné la somme de 685.143.535 francs CFA représentant le montant de la créance n’était qu’une confirmation de celle du 16 février 2001 par laquelle elle s’était reconnue débitrice de la SGBC et avait alors cantonné la somme de 562.606.893 francs CFA représentant la même créance réclamée par la SCBP, le différend entre les deux sommes était constitué des intérêts, du droit de recettes et autres TVA sur lesdits droits et le coût de l’acte.
Qu’il est dès lors constant que la BEAC s’est reconnu débitrice de la SGBC et que l’article 82 alinéa 5 n’a nullement été violé contrairement aux prétentions de la SGBC.
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le premier juge n’a pas sainement apprécié les faits de la cause et n’a pas fait une bonne application de la loi sur certains des chefs de demande à lui soumis; qu’il y a lieu d’infirmer partiellement le jugement entrepris et de statuer à nouveau sur ces chefs de demande et de confirmer le surplus de la décision par adoption de ses motifs pertinents et suffisants.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale en appel et en dernier ressort.
EN LA FORME
Reçoit les appels.
AU FOND
Infirme partiellement l’ordonnance entreprise.
Statuant à nouveau, dit et juge la SGBC non fondée en son action et la déboute.
Confirme le surplus de la décision.